Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 19 juin 2013 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 27 et 28 juin 2013

Thierry Repentin, ministre délégué :

Cette ligne rouge s’accompagne de deux autres conditions, qui ont été posées aux négociations de l’accord de libre-échange et qui ont peut-être échappé à un certain nombre d’observateurs. Il s’agit de la préservation de nos choix collectifs, notamment en matière de sécurité alimentaire – je pense aux organismes génétiquement modifiés, les OGM, aux hormones de croissance, à la décontamination chimique des viandes ou aux poulets chlorés –, et de l’exclusion des marchés publics de la défense. Aussi le Conseil européen a-t-il fixé une feuille de route claire et explicite à la Commission. Il ne pourra pas y avoir d’accord sans respect strict de ce mandat !

Pour que l’Europe soit à l’image d’une telle action, nous devons nous assurer que nos priorités sont en phase avec les objectifs débattus lors de ce Conseil européen. C’est pourquoi, j’aimerais aborder devant vous les trois engagements principaux que la France souhaite porter lors de ce Conseil : renouer avec la croissance et l’emploi, donner la priorité à l’emploi des jeunes et mettre au pas la finance.

Le premier objectif est de renouer avec la croissance et l’emploi.

Si le sérieux budgétaire est un cap non négociable, il doit néanmoins aller de pair avec une politique vigoureuse de croissance. C’est là l’équilibre que nous avons réussi à bâtir, en opposition à une Europe qui aurait l’austérité pour seul horizon et qui ferait finalement le lit du populisme !

La réorientation de l’Europe que nous avons engagée doit se poursuivre. Les conclusions du Conseil européen doivent refléter cet équilibre entre les efforts de consolidation budgétaire et les mesures ciblées en faveur de la croissance. Ces avancées que nous avons obtenues doivent également être endossées dans le cadre des recommandations par pays.

Par ailleurs, l’augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement, la BEI, de 10 milliards d’euros a été menée à terme, les fonds étant maintenant disponibles et opérationnels. Son effet sur l’économie française sera déterminant : 7 milliards d’euros par an pendant trois ans seront injectés dans l’économie, ce qui représente 2, 5 milliards d’euros de plus que les consommations constatées ces dernières années. Ces fonds sont destinés à soutenir la création d’emplois au cœur des territoires. Ils viendront accompagner non seulement les projets innovants des entreprises, mais aussi les projets d’investissements et d’infrastructures des collectivités territoriales. Nous serons bien entendu vigilants sur leur déblocage effectif, car l’urgence est là !

Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai participé à la signature d’une convention entre la Caisse des dépôts et de consignations et la Banque européenne d’investissement, qui permettra de rendre les financements de la BEI plus accessibles aux PME.

Nous avons demandé à la BEI d’avancer sur son plan d’investissement en faveur de la croissance et de l’emploi, en particulier celui des plus jeunes, qui sont aussi les plus touchés aujourd’hui.

Le deuxième objectif est de donner la priorité à l’emploi des jeunes.

Assurer l’avenir de notre jeunesse est, je le crois, une cause partagée par l’ensemble des États membres et des citoyens européens. La France a demandé l’inscription d’un point spécifique à l’ordre du jour du prochain Conseil européen concernant l’emploi des jeunes. Notre but est d’obtenir la mise en œuvre rapide de la « garantie jeunesse », décidée au mois de février, et de l’initiative pour l’emploi des jeunes, à laquelle 6 milliards d’euros ont été proposés dans le cadre du budget pluriannuel 2014-2020. Nous souhaitons une utilisation concentrée de ces 6 milliards d’euros sur les seules années 2014-2015, afin de donner une impulsion significative. Le Conseil européen devra aussi rappeler les efforts fournis pour promouvoir la mobilité des jeunes travailleurs et les initiatives sur l’apprentissage. Nous voulons obtenir, dans la ligne d’« Erasmus plus » ou encore du guichet unique pour la mobilité des apprentis, la création d’un statut européen de l’apprenti.

Cet objectif est au cœur de nos priorités sur le plan européen. Or l’Europe sociale semble aujourd’hui en panne. Le risque du moins-disant existe. La confiance en notre capacité d’aller, ensemble, vers le progrès social est mise en question.

C’est pourquoi la grande conférence sociale des 20 et 21 juin, c'est-à-dire de demain et après-demain, comprendra une table ronde que je présiderai sur le sujet. Nous y échangerons avec les partenaires sociaux non seulement sur la convergence vers les meilleures garanties sociales possibles, mais aussi sur la directive sur le détachement des travailleurs ou encore sur la mise en place d’un salaire minimum européen dans chaque État membre, objectif auquel nos partenaires allemands, comme vous l’avez vu, se sont ralliés. Ce fut d’ailleurs l’objet d’un échange cet après-midi entre le Président de la République, le Premier ministre, le ministre Sapin, moi-même et l’ensemble des secrétaires nationaux des centrales syndicales des salariés regroupés autour de la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats à l’Élysée.

Le troisième objectif est de mettre au pas la finance.

Bien entendu, aux côtés de ces progrès vers l’Europe de la croissance et de l’emploi, il s’agit également d’assurer les bases saines nécessaires au bon fonctionnement de l’économie.

Notre priorité absolue en vue de ce Conseil européen sera de poursuivre la construction de l’union bancaire, conformément au calendrier qui a été décidé lors du sommet de décembre dernier et qui est repris dans la contribution franco-allemande du 30 mai.

Après l’accord sur le mécanisme unique de supervision bancaire, qui devra entrer en vigueur, nous nous efforçons de parvenir d’ici au Conseil européen à un consensus sur les conditions de la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, ce dont les ministres des finances discuteront demain à l’Eurogroupe. Nous cherchons également à obtenir un accord lors du Conseil ECOFIN fin de vendredi prochain sur les directives en cours de négociation en matière de résolution bancaire et de garantie des dépôts.

Par ailleurs, nous voulons parvenir d’ici à la fin de la législature européenne, c'est-à-dire avant le milieu de l’année prochaine, à l’adoption d’un mécanisme unique de résolution bancaire sur la base des paramètres agréés avec nos partenaires allemands. Nous voulons que, lorsqu’une banque est défaillante, les contribuables ou les déposants n’aient pas à en payer le prix !

Au-delà, nous devons donner une perspective d’avenir à l’Union économique et monétaire, en définissant les conditions de son approfondissement. Tel est l’objet du rapport que M. Van Rompuy présentera au Conseil européen.

Vous le savez, nous avons obtenu que la dimension sociale de l’Union économique et monétaire figure parmi les questions abordées dans ce débat. C’est un sujet sur lequel la France sera force de proposition. Nous discuterons demain et après-demain avec les partenaires sociaux des propositions que nous pourrons, je l’espère, faire ensemble.

Nous pourrons envisager la mise en place des contrats de compétitivité et de croissance dans un deuxième temps, en lien avec celle d’un fonds budgétaire spécifique pour la zone euro. Loin d’être un vœu pieux, cette ambition pour l’Europe de la croissance et de l’emploi doit connaître une avancée cruciale avec le Conseil européen. C’est en tout cas le sens de l’engagement de la France, de notre engagement ! Je suis heureux d’avoir pu vous le faire partager ce soir.

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