La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.
Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis évidemment très heureux de me trouver aujourd’hui devant vous, au sein de la Haute Assemblée, pour débattre des priorités que la France va défendre lors du Conseil européen des 27 et 28 juin prochain.
Cela fera alors tout juste un an qu’a été créé le pacte européen pour la croissance et l’emploi de 120 milliards d’euros. D’ailleurs, une partie des travaux de ce prochain Conseil européen seront consacrés au rapport sur la mise en œuvre du pacte qui sera remis à cette occasion. Ce premier anniversaire est d’autant plus important que le pacte constitue la première illustration de la réorientation qui nous est apparue cruciale face au défi de la croissance au service de l’emploi.
Martin Schulz, le président du Parlement européen, a une formule très juste : « Les Européens d’aujourd’hui se défient de l’Europe parce que l’Europe a cessé de tenir sa promesse de croissance et d’emploi. »
L’objectif d’une croissance retrouvée constitue précisément le cap que nous nous sommes fixé. Rien ne pourra faire dévier l’action du Gouvernement. Sur la même ligne que l’action que nous menons sur la scène nationale, nous ne pouvons pas poursuivre une politique européenne qui aurait pour seul horizon l’austérité et l’effort budgétaire. C’est dans cette perspective d’une croissance retrouvée que, le 30 mai, la France et l’Allemagne se sont accordées pour « renforcer l’Europe de la stabilité et de la croissance ».
Cet accord est dans le prolongement des initiatives prises lors de la conférence de presse que le chef de l’État a tenue le 16 mai dernier. Il s’inscrit surtout dans un axe politique majeur de renforcement de la politique économique et monétaire de l’Union au service de l’emploi, en particulier des plus jeunes, et de la compétitivité de notre économie.
Avant de vous exposer les objectifs de la France pour le Conseil européen, je ne peux manquer de souligner la victoire que représente l’exclusion des services audiovisuels de la négociation de l’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis, grâce à la reconnaissance vendredi dernier de l’exception culturelle par les vingt-sept États membres.
La diversité de l’offre culturelle constitue l’une des garanties premières que doit apporter toute démocratie à ses citoyens. À ce titre, la culture ne peut pas être considérée comme une simple marchandise. C’est là tout le sens du combat que la France a mené et qu’elle vient de remporter, en ralliant ses partenaires européens !
Cette ligne rouge s’accompagne de deux autres conditions, qui ont été posées aux négociations de l’accord de libre-échange et qui ont peut-être échappé à un certain nombre d’observateurs. Il s’agit de la préservation de nos choix collectifs, notamment en matière de sécurité alimentaire – je pense aux organismes génétiquement modifiés, les OGM, aux hormones de croissance, à la décontamination chimique des viandes ou aux poulets chlorés –, et de l’exclusion des marchés publics de la défense. Aussi le Conseil européen a-t-il fixé une feuille de route claire et explicite à la Commission. Il ne pourra pas y avoir d’accord sans respect strict de ce mandat !
Pour que l’Europe soit à l’image d’une telle action, nous devons nous assurer que nos priorités sont en phase avec les objectifs débattus lors de ce Conseil européen. C’est pourquoi, j’aimerais aborder devant vous les trois engagements principaux que la France souhaite porter lors de ce Conseil : renouer avec la croissance et l’emploi, donner la priorité à l’emploi des jeunes et mettre au pas la finance.
Le premier objectif est de renouer avec la croissance et l’emploi.
Si le sérieux budgétaire est un cap non négociable, il doit néanmoins aller de pair avec une politique vigoureuse de croissance. C’est là l’équilibre que nous avons réussi à bâtir, en opposition à une Europe qui aurait l’austérité pour seul horizon et qui ferait finalement le lit du populisme !
La réorientation de l’Europe que nous avons engagée doit se poursuivre. Les conclusions du Conseil européen doivent refléter cet équilibre entre les efforts de consolidation budgétaire et les mesures ciblées en faveur de la croissance. Ces avancées que nous avons obtenues doivent également être endossées dans le cadre des recommandations par pays.
Par ailleurs, l’augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement, la BEI, de 10 milliards d’euros a été menée à terme, les fonds étant maintenant disponibles et opérationnels. Son effet sur l’économie française sera déterminant : 7 milliards d’euros par an pendant trois ans seront injectés dans l’économie, ce qui représente 2, 5 milliards d’euros de plus que les consommations constatées ces dernières années. Ces fonds sont destinés à soutenir la création d’emplois au cœur des territoires. Ils viendront accompagner non seulement les projets innovants des entreprises, mais aussi les projets d’investissements et d’infrastructures des collectivités territoriales. Nous serons bien entendu vigilants sur leur déblocage effectif, car l’urgence est là !
Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai participé à la signature d’une convention entre la Caisse des dépôts et de consignations et la Banque européenne d’investissement, qui permettra de rendre les financements de la BEI plus accessibles aux PME.
Nous avons demandé à la BEI d’avancer sur son plan d’investissement en faveur de la croissance et de l’emploi, en particulier celui des plus jeunes, qui sont aussi les plus touchés aujourd’hui.
Le deuxième objectif est de donner la priorité à l’emploi des jeunes.
Assurer l’avenir de notre jeunesse est, je le crois, une cause partagée par l’ensemble des États membres et des citoyens européens. La France a demandé l’inscription d’un point spécifique à l’ordre du jour du prochain Conseil européen concernant l’emploi des jeunes. Notre but est d’obtenir la mise en œuvre rapide de la « garantie jeunesse », décidée au mois de février, et de l’initiative pour l’emploi des jeunes, à laquelle 6 milliards d’euros ont été proposés dans le cadre du budget pluriannuel 2014-2020. Nous souhaitons une utilisation concentrée de ces 6 milliards d’euros sur les seules années 2014-2015, afin de donner une impulsion significative. Le Conseil européen devra aussi rappeler les efforts fournis pour promouvoir la mobilité des jeunes travailleurs et les initiatives sur l’apprentissage. Nous voulons obtenir, dans la ligne d’« Erasmus plus » ou encore du guichet unique pour la mobilité des apprentis, la création d’un statut européen de l’apprenti.
Cet objectif est au cœur de nos priorités sur le plan européen. Or l’Europe sociale semble aujourd’hui en panne. Le risque du moins-disant existe. La confiance en notre capacité d’aller, ensemble, vers le progrès social est mise en question.
C’est pourquoi la grande conférence sociale des 20 et 21 juin, c'est-à-dire de demain et après-demain, comprendra une table ronde que je présiderai sur le sujet. Nous y échangerons avec les partenaires sociaux non seulement sur la convergence vers les meilleures garanties sociales possibles, mais aussi sur la directive sur le détachement des travailleurs ou encore sur la mise en place d’un salaire minimum européen dans chaque État membre, objectif auquel nos partenaires allemands, comme vous l’avez vu, se sont ralliés. Ce fut d’ailleurs l’objet d’un échange cet après-midi entre le Président de la République, le Premier ministre, le ministre Sapin, moi-même et l’ensemble des secrétaires nationaux des centrales syndicales des salariés regroupés autour de la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats à l’Élysée.
Le troisième objectif est de mettre au pas la finance.
Bien entendu, aux côtés de ces progrès vers l’Europe de la croissance et de l’emploi, il s’agit également d’assurer les bases saines nécessaires au bon fonctionnement de l’économie.
Notre priorité absolue en vue de ce Conseil européen sera de poursuivre la construction de l’union bancaire, conformément au calendrier qui a été décidé lors du sommet de décembre dernier et qui est repris dans la contribution franco-allemande du 30 mai.
Après l’accord sur le mécanisme unique de supervision bancaire, qui devra entrer en vigueur, nous nous efforçons de parvenir d’ici au Conseil européen à un consensus sur les conditions de la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, ce dont les ministres des finances discuteront demain à l’Eurogroupe. Nous cherchons également à obtenir un accord lors du Conseil ECOFIN fin de vendredi prochain sur les directives en cours de négociation en matière de résolution bancaire et de garantie des dépôts.
Par ailleurs, nous voulons parvenir d’ici à la fin de la législature européenne, c'est-à-dire avant le milieu de l’année prochaine, à l’adoption d’un mécanisme unique de résolution bancaire sur la base des paramètres agréés avec nos partenaires allemands. Nous voulons que, lorsqu’une banque est défaillante, les contribuables ou les déposants n’aient pas à en payer le prix !
Au-delà, nous devons donner une perspective d’avenir à l’Union économique et monétaire, en définissant les conditions de son approfondissement. Tel est l’objet du rapport que M. Van Rompuy présentera au Conseil européen.
Vous le savez, nous avons obtenu que la dimension sociale de l’Union économique et monétaire figure parmi les questions abordées dans ce débat. C’est un sujet sur lequel la France sera force de proposition. Nous discuterons demain et après-demain avec les partenaires sociaux des propositions que nous pourrons, je l’espère, faire ensemble.
Nous pourrons envisager la mise en place des contrats de compétitivité et de croissance dans un deuxième temps, en lien avec celle d’un fonds budgétaire spécifique pour la zone euro. Loin d’être un vœu pieux, cette ambition pour l’Europe de la croissance et de l’emploi doit connaître une avancée cruciale avec le Conseil européen. C’est en tout cas le sens de l’engagement de la France, de notre engagement ! Je suis heureux d’avoir pu vous le faire partager ce soir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais me féliciter à mon tour de l’accord intervenu vendredi au sujet du mandat de négociations sur le marché transatlantique. En effet, je suis le rapporteur d’une proposition de résolution européenne adoptée à l’unanimité par la Haute Assemblée sur le sujet.
Avant d’aborder plus avant le Conseil européen de la semaine prochaine, je tiens à souligner que nous sommes nombreux à ne pas avoir apprécié les déclarations de M. Barroso, notamment lorsqu’il s’est permis de qualifier de « réactionnaire » notre position à propos de l’exception culturelle. Je considère qu’il est sorti de son rôle et qu’il devrait être plus respectueux des positions nationales et des différents parlements.
La réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin sera une étape importante dans le processus du « semestre européen », puisque le Conseil européen devra approuver les recommandations par pays présentées par la Commission européenne, qui auront été soumises au Conseil quelques jours auparavant.
Notre débat d’aujourd’hui intervient au meilleur moment pour que le Sénat soit associé à ce processus. Dans le même temps, c’est l’occasion de faire le point des évolutions depuis un an.
La nouvelle majorité présidentielle n’a jamais nié la nécessité d’un assainissement de nos finances publiques. Cependant, elle a toujours soutenu qu’une cure d’austérité brutale, intervenant simultanément dans un grand nombre de pays membres, serait contre-productive, car elle provoquerait une spirale récessionniste dans l’Union. La Grèce nous en donne aujourd’hui le triste exemple. Il fallait donc considérer avec pragmatisme non pas l’objectif d’assainissement, mais le rythme pour l’atteindre.
C’est bien ce qui a été obtenu pour la France, puisque la Commission a accepté un délai supplémentaire de deux ans pour parvenir à un niveau de déficit sous la barre des 3 %, sous réserve naturellement de l’accord du Conseil. Cela ne nous dispense pas, bien entendu, de l’effort nécessaire. Toutefois, cette décision permettra d’éviter que celui-ci prenne la forme de mesures déflationnistes intervenant dans un contexte déjà difficile.
Cette approche plus gradualiste est dans l’intérêt de la construction européenne, qui ne peut espérer avoir l’adhésion des peuples en empruntant les méthodes du despotisme éclairé. Les tout premiers signes de retour à la croissance sont là. Ils nous permettent d’espérer poursuivre la réduction des déficits dans des conditions progressivement plus favorables, ce qui ne veut pas dire avec moins de détermination.
La dette publique française atteindra l’année prochaine 96 % du PIB. Réduire ce fardeau, qui est un lourd héritage, sera durablement un impératif de notre politique budgétaire. Il serait vain de vouloir y échapper. Cela suppose en contrepartie – les marges de manœuvre nationales étant ce qu’elles sont – que l’Union agisse pour soutenir l’activité. C’est le sens du pacte pour la croissance et l’emploi que la France a obtenu il y a un an, d’un montant de 120 milliards d’euros, dont il faut accélérer l’application et qui sera complété par l’initiative européenne pour la jeunesse.
À terme, c’est le problème des ressources propres du budget européen qui est posé, car aussi longtemps que l’action de l’Union sera financée pour l’essentiel par un prélèvement sur les budgets nationaux, il sera difficile d’avoir un budget européen capable d’aider à combattre une crise.
La reprise de l’activité passe aussi par la réalisation complète de l’union bancaire. C’est de ce secteur que la crise est venue ; elle ne sera pleinement surmontée que par un rétablissement de la confiance, ce qui suppose une régulation commune effective. L’action de la France pour la mise en place d’une supervision bancaire européenne a obtenu des résultats décisifs, même si – comme vient de le souligner très justement le Parlement européen – les travaux du Conseil n’avancent pas assez vite sur d’autres points.
C’est dans le contexte de ces évolutions positives qu’il faut considérer les recommandations que la Commission adresse à la France. Le Conseil se prononcera très bientôt sur ces recommandations, peut-être – sans doute – seront-elles modifiées à cette occasion. Néanmoins, elles me paraissent poser un problème de fond : la coordination des politiques économiques et budgétaires doit-elle aller jusque dans le détail des politiques conduites par les États membres ?
Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur mon propos. Je suis naturellement favorable à la coordination des politiques, qui découle d’ailleurs des traités. Il est normal et même indispensable que le Conseil définisse, avec un contrôle parlementaire approprié, les objectifs à poursuivre ensemble, de manière cohérente. Et les objectifs pour la France contenus dans les recommandations doivent être approuvés, qu’il s’agisse du rétablissement de nos finances publiques ou de l’amélioration de notre compétitivité ! La Commission européenne reconnaît d’ailleurs les efforts déjà engagés dans ce sens.
Reste que si les objectifs doivent être arrêtés en commun, les moyens doivent rester de la responsabilité des États membres. Ce n’est pas aux institutions européennes de se prononcer sur les modalités de notre réforme des retraites ou de notre réforme territoriale.
Il faut rappeler que les traités font du principe de subsidiarité un principe directeur de l’Union européenne. Les interventions de l’Union doivent se limiter à ce qui est indispensable et laisser un espace aux vies démocratiques nationales. Qu’il y ait de larges discussions à l’échelon européen est naturellement acceptable et souhaitable, mais à condition qu’elles n’aboutissent pas à un brouillage des responsabilités. À cet égard, certaines interventions ont pu nous inquiéter ces derniers temps.
Je terminerai mon propos en abordant un sujet qui, du moins je l’espère, sera également évoqué par le Conseil européen : la situation en Turquie. Il s’agit d’un pays engagé dans des négociations d’adhésion, ce qui doit nous conduire à nous montrer exigeants. On ne peut accepter d’un pays candidat que la répression de manifestations y prenne des formes excessives, pas plus qu’on ne peut accepter qu’il occupe une partie du territoire d’un État membre de l’Union européenne.
La France a adopté depuis un an une attitude plus constructive dans les négociations d’adhésion avec la Turquie, et je m’en félicite. Cependant, cela ne signifie en aucun cas que l’on peut transiger sur les valeurs fondamentales de l’Union européenne.
Pour conclure sur une note plus encourageante, j’espère que le Conseil européen donnera une impulsion pour l’ouverture de négociations avec la Serbie, compte tenu non seulement de la normalisation intervenue avec le Kosovo mais aussi des efforts réalisés par ce pays, son Président et son Gouvernement. C’est le meilleur moyen de contribuer à la stabilisation d’une zone où les tensions ne sont pas éteintes.
L’Europe s’est d’abord construite avec un objectif de paix ; il est bon de montrer que cet objectif l’anime encore.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 27 et 28 juin constitue l’étape conclusive du semestre européen. C’est au cours de cette réunion que seront approuvées les recommandations par pays faisant suite à l’examen des programmes de stabilité et des programmes nationaux de réforme. Ce Conseil devrait ainsi donner une « onction » politique à la prolongation de deux ans du délai pour revenir sous les 3 % de déficit public, dans le cadre d’un report qui bénéficierait à six pays, dont la France.
La proposition de la Commission traduit une prise de conscience de l’impact récessif de mesures d’ajustement trop brutales et une inflexion majeure en faveur de la prise en compte de la croissance économique. En France, la stagnation de la conjoncture ne permettrait pas de mettre fin au déficit excessif dès 2013, sauf à prendre des mesures dont l’ampleur impliquerait une récession massive, qui nuirait au retour vers l’équilibre de nos finances publiques.
Pour autant, cette situation ne révèle en rien un quelconque laxisme de la France en matière budgétaire. La Commission le reconnaît et souligne que l’effort budgétaire consenti sur la période 2010-2013 est très proche du niveau recommandé par le Conseil de l’Union européenne.
L’actuel gouvernement a largement prouvé sa détermination à assainir nos finances publiques. Sans les mesures adoptées dès l’été 2012, le déficit public n’aurait pas pu être réduit ; de même en 2013, le déficit effectif devrait diminuer de 1, 1 point, grâce à un effort structurel considérable de 1, 9 point de PIB.
Aussi une question mérite-t-elle d’être posée : sans l’ajustement sans précédent porté par le Gouvernement, la Commission européenne aurait-elle recommandé une prolongation de deux ans du délai de correction du déficit excessif de notre pays ? Il est permis d’en douter.
Le 29 mai dernier, la Commission européenne a publié sa « recommandation de recommandation du Conseil ». Elle appelle la France à renforcer sa consolidation budgétaire et à intensifier ses réformes structurelles. En cela, l’exécutif européen est dans son rôle, qui est d’encourager l’ensemble des États de l’Union européenne à inscrire leurs efforts dans la durée.
Pour autant, la Commission reconnaît la qualité des actions engagées par la France. En particulier, elle valide le principe de la modernisation de l’action publique, la MAP, en ce qu’elle se fonde sur un « véritable réexamen des politiques publiques », alors qu’elle reproche à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, de ne pas avoir « véritablement réexamin[é] les grandes politiques économiques et sociales ».
Il faut souligner une spécificité méthodologique des analyses de la Commission : elle ne prend en compte que les mesures qui ont été « suffisamment précisées ». Il s’agit là d’un principe sain, mais cela ne peut conduire à un regard critique à l’excès.
À titre d’exemple, il est reproché au système fiscal français de n’accorder qu’une place limitée à la fiscalité écologique. Pourtant, le Gouvernement a mis en place un comité dirigé par Christian de Perthuis, dont les travaux fonderont les mesures qui seront prochainement proposées en ce domaine.
De même, la semaine dernière, la Commission pour l’avenir des retraites a rendu son rapport, en vue de la deuxième conférence sociale ; la réforme du système de retraite, qui sera ensuite engagée, devrait permettre de sécuriser notre retour à l’équilibre des finances publiques.
Si les recommandations, parfois critiques, des institutions européennes doivent être écoutées, elles ne s’imposent pas à nous et doivent être lues à l’aune de ce qui a été effectivement engagé par le Gouvernement.
La France détermine souverainement les mesures permettant de renforcer sa situation économique et de consolider ses finances publiques.
Il faut le rappeler à certains souverainistes qui critiquent les dispositifs mis en place aujourd’hui.
Mais au moment où nous appelons de nos vœux un renforcement de la gouvernance de la zone euro, nous ne pouvons pas contester le droit de regard des institutions européennes, chargées de garantir le vivre-ensemble européen.
Pour ce qui est des réformes structurelles, le Gouvernement a fait la démonstration de sa volonté sans faille de lutter contre le chômage et de restaurer la compétitivité de notre économie.
Depuis 2003, les parts de marché à l’exportation de la France n’ont cessé de se dégrader ; elles ont reculé de 11, 2 % au cours des cinq dernières années. Face à cette situation, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi devrait réduire le coût du travail pour les entreprises, ce qui renforcera leur compétitivité-coût ; de plus, il permettra d’améliorer le taux de marge des entreprises et, par conséquent, leur capacité à innover. Il devrait en résulter 300 000 créations d’emplois et un accroissement du PIB de 0, 5 % d’ici à 2017.
En janvier 2013, les partenaires sociaux ont signé un accord national interprofessionnel, qui a servi de base à la loi relative à la sécurisation de l’emploi, adoptée récemment par le Parlement. La Commission a reconnu le caractère équilibré de cet accord, qui, ajouté aux emplois d’avenir et aux contrats de génération, participera à la restauration du marché du travail.
Le cap du Gouvernement est clair et sa méthode est précise. Les réformes nécessaires pour répondre aux difficultés économiques et financières de la France sont engagées, mais elles sont décidées après un travail de réflexion approfondi et une véritable concertation.
Le Conseil européen des 27 et 28 juin doit être l’occasion pour la France de continuer à porter son message en faveur de la croissance. Ce message a d’ores et déjà permis d’ouvrir un débat, auparavant verrouillé, sur la recherche d’un équilibre entre les efforts d’ajustement des finances publiques et la double nécessité de prendre en compte la situation sociale qui résulte parfois de ces ajustements et de préparer la croissance européenne de demain.
Alors que seront examinées les recommandations par pays, il est nécessaire de réaffirmer que la croissance économique constitue une priorité et qu’il ne faut pas confondre sérieux budgétaire et austérité. C’est d’ailleurs ce que nous dit le Fonds monétaire international, dont une mission a estimé, au début du mois que « la stabilité des finances publiques exige que l’effort de consolidation soit poursuivi à moyen terme. Après trois années d’ajustement budgétaire substantiel, il existe une marge pour modérer à l’avenir le rythme de la consolidation, à condition que l’effort soit concentré sur les dépenses et soutenu par la poursuite des réformes structurelles ». C’est dans cette perspective que la France inscrit son action.
Nous devons être à la hauteur de l’espoir que la position de la France a suscité chez nombre de nos partenaires européens. Des initiatives ont déjà été prises, à travers le pacte pour la croissance et l’emploi et les avancées en faveur de l’union bancaire.
Cette réunion du Conseil européen doit permettre de progresser également sur l’indispensable soutien à l’emploi des jeunes et le financement de l’économie européenne. Cette préoccupation d’équilibre qui anime le Gouvernement doit enfin trouver à s’appliquer dans l’examen qui sera fait de la situation budgétaire et économique de chacun des États membres de l’Union européenne.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme beaucoup ici, je suis très heureux de l’organisation de ce débat préalable au Conseil européen qui se tiendra les 27 et 28 juin prochain. Ce prochain Conseil européen est particulièrement important pour deux raisons au moins.
D’abord, il abordera les questions de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi, sujets majeurs pour l’Europe et pour la France alors que les prévisions économiques sont plutôt négatives pour 2013, la récession se profilant sur la zone euro.
Ensuite, dans ce qui paraît être la tentative du Président de la République pour renouer une relation de proximité avec l’Allemagne, la contribution que la France et l’Allemagne proposeront à leurs partenaires européens pour renforcer l’Europe de la stabilité et de la croissance mérite toute notre attention.
C’est de cette relation franco-allemande que je voudrais vous entretenir ce soir, mes chers collègues.
D’une certaine façon, nous sommes sensibles à ce qu’une partie de l’actuelle majorité soit venue à de meilleurs sentiments à l’égard de l’Allemagne. Pour autant, nous conservons une part de doute et de perplexité. C’est pourquoi le groupe UMP a déposé ces jours derniers une proposition de résolution pour préserver avec l’Allemagne une relation empreinte de dynamisme, de confiance et de compréhension réciproque. Je souhaite, à l’occasion de la présente discussion, ouvrir ce débat au sein de notre assemblée, car il me semble que la représentation nationale a à connaître de cette question.
Je ne vous cache pas que nous sommes très inquiets de certaines positions défendues par une partie de l’actuelle majorité gouvernementale, et nous aimerions une clarification définitive, monsieur le ministre. La France ne peut pas être l’otage des différentes sensibilités du parti socialiste ou des différentes composantes de la majorité gouvernementale.
Notre position est très claire : l’Allemagne est un partenaire stratégique. Le couple franco-allemand devrait rester le moteur de l’Europe, et la France a aujourd’hui une responsabilité particulière dans sa relation avec l’Allemagne, ainsi qu’en Europe.
Il serait temps de reconnaître que l’Allemagne est un partenaire économique et politique fiable, et ce pour deux raisons au moins : elle a apporté son appui à toutes les décisions de la Banque centrale européenne, ce qui implique très concrètement une mutualisation des risques ; elle a bien engagé une politique salariale, notamment pour soutenir sa demande intérieure. Nous n’avons donc pas à douter de l’Allemagne, et nous ne devons pas non plus contribuer à la faire douter de notre engagement européen.
Il ne sert à rien de chercher le rapport de force avec l’Allemagne. Ainsi, seule une action conjuguée de la France et de l’Allemagne pourra permettre d’aborder une nouvelle étape de la construction européenne. Une nouvelle étape que nous souhaitons plus intégrée et plus démocratique ; une action conjuguée, non pas pour imposer leur point de vue, mais pour créer une dynamique de propositions et de moyens susceptible d’entraîner nos partenaires.
Oui, nous croyons que le couple franco-allemand a encore un avenir ! Il est même consubstantiel à l’Europe elle-même.
La responsabilité aujourd’hui de la France tient à sa situation économique, difficile et délicate, je vous l’accorde. En effet, la divergence de plus en plus profonde entre les économies françaises et allemandes est en passe de déstabiliser non seulement le couple franco-allemand, mais aussi l’ensemble de l’Union européenne.
Le redressement économique de notre pays est donc impératif. Un échec ferait courir un risque très grand à toute la zone euro pour une raison simple : les instruments de soutien aux pays en difficulté qui représentent une solidarité concrète ne peuvent être pérennisés que si les deux principales économies de la zone euro sont assez solides. Le Gouvernement devrait en être intimement convaincu, lui qui invoque si souvent la solidarité.
Mais pour être solidaires, il faut d’abord s’en donner les moyens. C’est pourquoi nous sommes très attentifs aux remarques formulées par les instances européennes sur les perspectives pour sortir notre pays des difficultés présentes.
Nous considérons le délai supplémentaire de deux ans pour remettre nos finances publiques sur la bonne trajectoire comme une opportunité et une exigence. Une opportunité tant que les taux d’intérêt demeurent faibles et une exigence pour entreprendre les réformes nécessaires, sans délai et avec détermination.
Le débat sur l’austérité est d’ailleurs un faux débat, en tout cas dans notre pays. Une phase de sérieux budgétaire n’est pas contradictoire avec la croissance, bien au contraire, quand on sait l’impact négatif d’une dette trop élevée sur toute économie à moyen terme. C’est parce qu’on a des finances publiques solides que l’on peut envisager de soutenir la croissance.
C’est dans cette perspective que nous nous inquiétons de certaines prises de position de représentants de la gauche française. C’est aussi à ce titre que nous n’avons pas compris les réserves du Président de la République et du Premier ministre à l’égard des recommandations de la Commission européenne et du Conseil européen, en ce début de mois. Je reproche précisément au Président de la République ses postures verbales, qui le font passer à côté de l’urgence.
Il ne faut pas regretter le regard que portent sur nous les instances européennes. Ce regard nous permet souvent tout simplement d’y voir plus clair. Par exemple, la précision des suggestions des instances européennes sur la réforme des retraites ne doit pas être perçue comme une ingérence, mais comme un bon conseil prenant en compte ce qui a été réalisé et a fonctionné dans d’autres pays européens et qui pourrait être adapté chez nous.
C’est pourquoi nous souhaiterions savoir précisément, monsieur le ministre, quels seront les engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires au prochain Conseil européen en termes de redressement budgétaire et de réformes ? Par ailleurs, pouvez-vous d’ores et déjà nous indiquer la manière dont vous entendez traduire ces engagements par des politiques nationales cohérentes, sachant que les instances européennes conseillent la définition d’un cadre global au plus tard en octobre prochain ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen des 27 et 28 juin prochain est partout annoncé comme crucial, comme nombre de Conseils européens. Les deux principaux sujets dont discuteront les chefs d’État et de gouvernement sont en effet d’une grande importance et sont déterminants pour l’avenir de l’Europe. À l’évidence, son avenir se joue en grande partie à travers un type de gouvernance économique qui permette d’assurer la croissance, d’encourager la compétitivité économique, de lutter contre le chômage et de développer les emplois. Mais il dépend tout autant du mandat donné ces jours-ci à la Commission européenne pour négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis. Je reviendrai ultérieurement sur ce sujet.
Les décisions qui seront prises au cours du prochain sommet permettront-elles, enfin, de mettre un terme à l’ampleur de la crise financière et économique que traverse l’Union européenne depuis plusieurs années ? On peut malheureusement en douter. Comme l’a exprimé une récente résolution du Parlement européen, une lassitude générale naît de ces réunions à répétition qui ne sont pas suivies d’applications précises et rapides.
Surtout, sur le fond, j’estime que les solutions qui seront proposées par le Président de la République, en particulier, puisque c’est l’objet du débat de ce soir, ne sont pas les bonnes et ne correspondent pas à la gravité de la situation. Il y a pourtant urgence. Au sein même de la majorité qui soutient le Gouvernement des voix se sont élevées pour demander au Président de la République de saisir enfin l’occasion de ce prochain Conseil européen pour tenir les engagements pris devant les Français, c’est-à-dire, très clairement, pour refuser de continuer à mettre partout en œuvre des politiques d’austérité et pour faire jouer tout le poids de la France, avec l’appui d’autres pays, afin d’obtenir une véritable réorientation économique et politique de l’Union européenne.
L’idée était bonne. Je regrette, hélas ! que cette juste contestation n’ait pas réussi à se faire entendre jusqu’au bout. En fin de semaine dernière, les différents protagonistes sont rapidement rentrés dans le rang. Ils se sont aperçus qu’il paraissait peu crédible, et peu cohérent, que le chef de l’État prétende réclamer à Bruxelles une réorientation de la politique européenne alors qu’à Paris le parti socialiste se déchirait sur ce sujet. Nos collègues de l’UMP devraient donc se sentir rassurés !
Les 27 et 28 juin prochain, le Président de la République, au nom d’une vision commune de l’Europe avec la Chancelière allemande, proposera donc la constitution d’un gouvernement économique de la zone euro qui coordonnerait les politiques économiques et sociales, une union politique européenne devant parachever l’ensemble dans les deux ans à venir.
Je le répète, ce type de proposition me semble aller à l’encontre des objectifs que François Hollande prétend atteindre au nom de la France. Cela n’aboutira qu’à renforcer les politiques d’austérité partout à l’œuvre en Europe et à aggraver les crises sociales et politiques dans nos pays.
Il faudrait en outre préciser les choses afin de lever de nombreuses ambiguïtés. S’agit-il d’un simple renforcement de l’actuel Eurogroupe ? Pourtant, il réunit tous les mois les ministres des finances qui y défendent la position de leur gouvernement, et il est déjà placé sous la responsabilité du président Van Rompuy. Mais surtout quelle politique différente ce gouvernement économique mettrait-il en œuvre ?
Le Président de la République a assuré que celle-ci serait rendue possible grâce à « l’harmonisation fiscale » et à une « convergence vers le haut des politiques sociales ». Sur ces deux points, les intentions sont louables, mais peu crédibles tant que ne seront pas directement remis en cause les dogmes libéraux de l’économie de marché. De quelle harmonisation fiscale, notamment concernant les impôts sur les sociétés, s’agit-il ?
Le commissaire européen à la fiscalité vient encore de réaffirmer, devant le Parlement irlandais, qu’il n’était pas question d’empêcher une saine compétition fiscale entre les pays. Quant aux gouvernements qui y seraient favorables, ils conçoivent cette harmonisation vers le bas.
Dans de telles conditions, si le Président de la République n’affirme pas nettement une autre conception de l’harmonisation fiscale, dans les faits, il devra se plier à leurs vues. Cela aura automatiquement et concrètement pour effet de diminuer encore les rentrées d’argent public et d’augmenter les déficits. Tout le contraire de la politique de croissance que nous prétendons faire accepter à nos partenaires.
Quand allons-nous enfin intervenir avec force contre le « dumping » fiscal ?
La convergence sociale vers le haut ? C’est effectivement une condition impérative pour que la croissance et le développement économique se réalisent au bénéfice des salariés et des citoyens de nos pays. Mais, alors, comment croire à cette exigence et comment la concilier avec l’exaltation de la seule compétitivité des entreprises en faveur de laquelle le Gouvernement a récemment adapté notre législation sociale en réduisant la protection et, à terme, les rémunérations des salariés ?
Concernant l’union politique de l’Europe à réaliser dans les deux ans, de quoi est-il question ?
Il existe déjà un projet très précis d’union politique : celui de la Chancelière allemande. Elle demande plus de contrôle communautaire sur les pays membres, un transfert de souveraineté majeur et l’élection du président de la Commission européenne au suffrage universel. Il s’agit en fait d’avoir les mains libres pendant cinq ans pour mener à bien la politique européenne actuelle, celle-là même qui a conduit à une défection massive des citoyens dans toute l’Union européenne.
Est-ce dans cet engrenage que nous allons progressivement nous engager les 27 et 28 juin ? Je crains que tel ne soit le cas si des mesures fortes ne sont pas proposées pour réorienter profondément l’Europe. Il serait ainsi nécessaire de se donner des objectifs concrets de négociation avec nos partenaires. J’évoque, dans les grandes lignes, ceux qui me paraissent essentiels.
Premièrement, il faudrait créer une banque centrale dépendante des pouvoirs politiques, prêtant aux États et pratiquant une politique monétaire en faveur d’une relance économiquement, socialement et écologiquement soutenable, à l’inverse d’une BCE, indépendante des pouvoirs politiques, mais très sensible aux intérêts de la grande finance quand elle vient dernièrement contribuer, par la voix de Benoît Cœuré, son vice-président, à l’enterrement de la taxe sur les transactions financières.
Deuxièmement, il faudrait mettre en œuvre le principe de non-régression sociale, ce qui garantirait aux Européens que le droit national primera sur les directives tant que celui-ci leur sera plus avantageux.
Troisièmement, il faudrait mettre un terme à l’ouverture obligatoire des marchés à la concurrence, à commencer par l’énergie et les transports, et créer une forme de protectionnisme solidaire fondé sur des critères sociaux et écologiques.
Je vous fais part de mes interrogations, monsieur le ministre : le Président de la République a-t-il la volonté politique de convaincre nos partenaires, les Allemands en premier lieu, d’aller dans ce sens ?
À la veille de ce sommet, je ne veux pas lui faire de procès d’intention, mais je constate simplement le décalage entre les objectifs affichés et les moyens qu’il se donne pour les atteindre. Je déplore également l’ambiguïté de certaines de ses déclarations, qui hésitent entre deux options : à Leipzig, rendre hommage à la politique de Gerhard Schröder, au sérieux à l’allemande et à la rigueur budgétaire ; à Tokyo, s’en affranchir et célébrer la croissance par l’endettement.
Enfin, concernant le mandat qui a été donné par les Vingt-sept, vendredi, à la Commission européenne pour négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis, il devrait être avalisé lors du Conseil européen.
Si nous pouvons nous féliciter d’avoir obtenu, grâce à la pugnacité du Gouvernement, que je reconnais bien volontiers, l’exclusion de l’audiovisuel du mandat donné à la Commission européenne, il nous faut rester extrêmement vigilants concernant le contenu de l’accord. En effet, la profonde nocivité de cet accord de totale ouverture des frontières européennes aux importations américaines demeure. Aucun secteur ne serait épargné : les entreprises, les services publics, l’agriculture, qui est plus que jamais soumise à « l’agrobusiness », mais aussi les industries de défense, indispensables à notre autonomie stratégique. C’est pourquoi le quotidien Libération titrait aujourd’hui : « Exception culturelle, l’art qui cache la forêt. »
Souhaitons là encore que le Président de la République ait prochainement le courage politique de tenir compte des résolutions parlementaires, qui suggèrent de tenir hors du mandat de négociation les préférences collectives en matière de protection sociale ou environnementale, les industries de défense ou bien encore l’arbitrage des conflits entre États et investisseurs.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les appréciations dont je souhaitais vous faire part, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à quelques jours de la réunion du Conseil européen.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il n’y a pas convergence et gouvernance européenne, la zone euro éclate.
Les recommandations de la Commission européenne concluant le semestre européen pour notre pays rejoignent celles de l’OCDE et du FMI. Leur objectif est d’inciter, une fois de plus, la France à assainir ses finances publiques, à améliorer la compétitivité de son économie et à réformer son marché du travail.
Ces recommandations sont identiques à celles de la Cour des comptes, que vous vous entêtez à ne pas suivre ! Pourquoi ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Le temps qui s’écoule aggrave l’état de nos finances et fragilise l’Union européenne. Pierre Moscovici l’a rappelé à maintes reprises, la France n’a qu’une parole, et la continuité républicaine exige son respect. Il a raison, mais comment la France honore-t-elle ses engagements auprès de nos partenaires européens ?
Ceux-ci sont difficiles certes, mais vitaux pour notre pays et pour la cohésion européenne. Corrigez-moi si je me trompe, monsieur le ministre.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je n’y manquerai pas !
Sourires.
En votant, en octobre dernier, le TSCG, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous avons bien donné mandat à la Commission européenne de parvenir à une convergence des politiques nationales. Chaque État signataire a accepté de répondre à des critères communs pour renforcer cette union, sans laquelle l’Europe ne peut peser dans l’économie mondiale et l’euro subsister.
Nous avons accepté et voulu le contrôle européen de nos finances publiques et, de façon surprenante, le Président François Hollande clame que la France ne se fait pas dicter sa politique économique et financière par d’autres.
Est-ce parce que certains, au sein de votre majorité, refusent la social-démocratie et sont réfractaires à une Europe intégrée ?
Allez-vous soumettre la France à la proposition n° 14 de la convention nationale du PS intitulée « Notre Europe », …
… très hostile à l’Europe et au TSCG, et renier ainsi nos engagements ?
M. Aymeri de Montesquiou. L’indécision, le flottement, parfois l’incohérence semblent caractériser le pouvoir actuel. Ce gouvernement est-il un émule de Gide, qui affirmait que la promesse de la chenille n’engage pas le papillon ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Aujourd’hui, quel bilan pouvons-nous dresser de nos engagements à l’égard du TSCG ?
Les propos du Président Hollande dans l’émission Capital ne permettent de préjuger d’aucune avancée conforme aux demandes de la Commission européenne.
Où en est la convergence fiscale avec l’Allemagne et avec nos partenaires de la zone euro ? Je ne décèle aucun mouvement en ce sens.
Qu’en est-il de la convergence budgétaire et des politiques économiques ? La gouvernance européenne a-t-elle seulement été esquissée ?
Un moratoire de deux ans a été accordé à la France pour ramener son déficit sous le seuil de 3 %, en diminuant les dépenses publiques. Or celles-ci restent désespérément bloquées à 56, 6 % du PIB, soit 8 points de plus que l’Allemagne.
Vos actions visant à réduire notre dépense publique et nos déficits se résument aujourd’hui à une loi de finances rejetée par le Sénat parce qu’une réduction symbolique des dépenses heurtait votre aile gauche ; à un programme de stabilité aux données tellement optimistes qu’elles font sourire ; à la création d’un échelon administratif supplémentaire au lieu d’en fusionner plusieurs et de mieux les coordonner.
Qu’avez-vous mis en œuvre pour améliorer la compétitivité de notre économie ?
Près de 60 % de notre déficit commercial provient de nos échanges internes à l’Union européenne.
Cela souligne notre absence de compétitivité avec nos voisins et nos partenaires, qui offrent des services publics et des droits sociaux comparables aux nôtres, mais dont la dépense publique et les charges pour les entreprises sont très inférieures aux nôtres.
Aujourd'hui, votre politique fiscale est telle que l’attractivité de notre pays a considérablement régressé et que les investissements étrangers en France ont reculé de 13 % cette année.
Comment nous en étonner quand la Commission européenne épingle notre pays en raison d’un système fiscal trop lourd et d’une législation instable ?
En ayant augmenté de 30 milliards d’euros la fiscalité des entreprises, pensez-vous donner envie aux investisseurs ?
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui peut-être une astuce pour donner quelques facilités financières à certaines entreprises, est loin d’être suffisant. Il est même trompeur, car, s’il compense partiellement la charge fiscale, il aide en réalité les entreprises en mesure d’embaucher et n’a aucun effet sur la compétitivité et l’investissement. Je rappelle que seuls 5 000 contrats ont été jusqu’à présent signés.
Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, qu’il y a plus de 2 millions d’entreprises en France.
La Commission européenne recommande de développer le réseau d’aide à l’export des PME, de simplifier l’environnement commercial et d’encourager l’innovation et l’entrepreneuriat. Or la fiscalité que vous avez mise en œuvre diminue encore plus les marges de nos entreprises, qui sont de 10 points inférieures à la moyenne européenne. De plus, elle obère toute capacité d’investissement, donc de recherche et d’innovation.
La Commission européenne a souligné la nécessité d’augmenter les ressources issues de la TVA. Que n’avez-vous tranché massivement en faveur d’une véritable TVA anti-délocalisation !
Le levier sur lequel vous devez absolument agir est le coût du travail, en abaissant les charges et la fiscalité. Aujourd’hui, le coût du travail en France est supérieur de 3 points à celui de l’Allemagne, de 8 points à celui de l’Italie et de 13 points à celui du Royaume-Uni.
La France a donné son accord pour augmenter la durée de travail des fonctionnaires européens. Par volonté d’harmonisation, allez-vous amorcer, monsieur le ministre, une évolution comparable au niveau national ?
La réforme des retraites en préparation doit impérativement s’aligner sur celle des pays de l’Union européenne pour une convergence européenne. Comment peut-on avancer à contre-courant et en dépit du bon sens ? J’ai cru comprendre des propos du Président Hollande que l’âge du départ en retraite resterait fixé à soixante-deux ans. Ai-je bien compris ?
Enfin, et surtout, le chômage, en particulier celui des jeunes, très fort dans toute l’Europe – 23, 9 % en moyenne et 25, 7 % en France –, est extrêmement inquiétant. La lutte contre le chômage, avec les mesures visant à créer des emplois, est une priorité d’action du Conseil européen. Quelles seront vos propositions en la matière ? Êtes-vous prêt à écouter celles de nos partenaires ?
Notre jeunesse quitte la France comme jamais auparavant, …
… ce qui est très alarmant. Si vous n’écoutez pas les parlementaires de l’opposition, écoutez au moins les aspirations de notre jeunesse, afin que notre pays ne se vide pas de sa force vitale !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, faites que votre Europe soit la nôtre, « un engagement, une espérance et un combat » !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis un an, une nouvelle Europe se profile : l’Europe de la croissance.
C’est grâce aux efforts de la France que les Vingt-sept ont changé de cap lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, en adoptant le pacte européen pour la croissance et l’emploi. C’était il y a presque un an !
Après « l’ère de l’austérité », l’Europe a fait le choix d’une voie plus prospère. Bien sûr, cette nouvelle dynamique européenne n’est pas toujours simple à mettre en œuvre. Les relations quelque peu tumultueuses entre la France et la Commission européenne ces dernières semaines, notamment ces derniers jours, en sont une illustration. Il faut convaincre, encore et toujours, la Commission européenne et nos partenaires. Dernier épisode en date : la communication de M. Barroso.
Vendredi dernier, les vingt-sept ministres du commerce des États membres étaient au diapason lorsqu’ils ont adopté, certes après douze heures de discussions, le mandat de la Commission européenne pour les négociations de cet accord et ont choisi de suivre la position défendue par la France, en excluant la culture du champ de ces négociations. Avant-hier, une certaine cacophonie est apparue à la suite des déclarations de M. Barroso, qui a qualifié les défenseurs de l’exception culturelle de « réactionnaires ». La tension était donc à son comble en plein G8 et à quelques jours du prochain Conseil européen. Cependant, il ne faut pas laisser quelques déclarations, aussi maladroites et inappropriées soient-elles, gâcher les avancées qui sont à portée de main des États européens.
Au-delà des mots, chacun doit prendre la mesure des difficultés auxquelles notre pays est confronté, comme beaucoup d’autres, et dont la sortie de crise ne peut être que commune. Le Conseil européen des 27 et 28 juin clôturera le semestre européen, avec l’adoption des recommandations par pays de la Commission européenne.
Soyons honnêtes et lucides, mes chers collègues : que pouvons-nous réellement contester dans les grandes lignes de ce que recommande la Commission européenne pour notre pays ? Une réforme des retraites dont chacun, quelle que soit son appartenance politique, connaît l’impérieuse nécessité ? Une réforme du marché du travail, à un moment où le chômage bat des records ? Comment pourrons-nous nous en sortir si nous ne menons pas des réformes structurelles courageuses ?
Notre pays a déjà engagé un certain nombre de réformes favorables à la compétitivité et à l’emploi, des réformes que soutiennent les radicaux de gauche. Il est indispensable de poursuivre sur cette voie, en appliquant notamment les recommandations de l’excellent rapport Gallois et en augmentant le rythme, aussi bien que l’ampleur, des réformes.
Ce n’est nullement la Commission européenne qui nous impose ces réformes ; il est de notre responsabilité de les mener de front, par égard pour nos concitoyens et pour les générations futures.
Lors du prochain Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement poursuivront l’évaluation des mesures du pacte européen pour la croissance et l’emploi. François Hollande et José Manuel Barroso ont reconnu le 15 mai dernier « des difficultés de mise en œuvre » de ce pacte. Il est certain que les retombées se font attendre.
Les fonds structurels à hauteur de 1, 2 milliard d’euros qui devaient bénéficier aux régions françaises, sur les 55 milliards d’euros réalloués dans le cadre du pacte, commencent tout juste à affluer. De même, les effets de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, à hauteur de 10 milliards d’euros, peinent à se faire sentir. Pourtant, le montant des projets français soutenus par la BEI pourrait passer de 4 milliards d’euros par an pour la dernière décennie à 7 milliards d’euros les prochaines années. Ce pacte aura donc des effets bien concrets non seulement pour les entreprises, les collectivités territoriales, mais aussi les hôpitaux et les universités françaises, qui pourront désormais bénéficier du soutien de la BEI.
Lors du débat préalable au Conseil européen de mars dernier, votre prédécesseur nous avait annoncé, monsieur le ministre, que « la France bénéficiera de la mobilisation de près de 11 milliards d’euros d’argent européen au titre du plan de croissance dans les mois à venir, ce qui, par effet de levier, devrait permettre d’avoir un impact global de près de 24 milliards d’euros ». Nous nous en réjouissons.
Cependant, si les réallocations de fonds structurels et la recapitalisation de la BEI commencent à devenir des réalités, le plus grand flou règne quant au troisième volet du Pacte, c’est-à-dire les obligations de projets.
Où en sont ces 5 milliards d’euros de project bonds, dont 400 millions d’euros devaient être investis en France, dans le domaine des transports, de l’énergie ou des télécommunications ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de détails sur leur répartition ?
Si le Pacte européen pour la croissance et l’emploi constitue un tournant majeur dans l’orientation des politiques européennes, il est bien évidemment insuffisant à lui seul pour garantir les emplois et la croissance de demain. Il n’est qu’une première étape sur un chemin qui doit être poursuivi avec force et conviction. Le budget européen pour les années 2014 à 2020 doit mettre véritablement l’accent sur la croissance et l’emploi. La France plaide à juste titre pour le « déboursement accéléré » de 6 milliards d’euros sur deux ans en faveur de l’emploi des jeunes.
La lutte contre le chômage des jeunes sera d’ailleurs aussi au menu du prochain Conseil européen. Elle doit constituer une priorité absolue, non seulement en France, où le Gouvernement et sa majorité déploient tous leurs efforts en ce sens, mais aussi au niveau européen. La « garantie pour la jeunesse » proposée par l’Union européenne, aux termes de laquelle chaque jeune se voit proposer un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant sa sortie de l’enseignement ou la perte de son emploi constitue une initiative importante.
Enfin, les chefs d’État et de gouvernement aborderont de nouveau, la semaine prochaine, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, ainsi que la mise en place de l’union bancaire. S’agissant de cette dernière, lancée en octobre 2012, il faut souligner la rupture majeure que cette construction représente. La première étape de cette union, à savoir la mise en place d’une supervision bancaire européenne sous l’égide de la BCE, en coordination avec les superviseurs nationaux, est en bonne voie. Quant aux deux autres étapes, c’est-à-dire la mise en place d’un mécanisme de résolution unique des crises et la garantie européenne des dépôts, pouvez-vous nous dire où nous en sommes exactement, monsieur le ministre ?
L’Allemagne, qui, dans un premier temps, exigeait une révision des traités, laquelle aurait été longue et fastidieuse, pour passer à la deuxième étape, celle de la résolution, semble avoir entendu raison, à en croire la contribution franco-allemande signée le 30 mai dernier. Monsieur le ministre, la voie vers l’accomplissement de l’union bancaire est-elle donc véritablement dégagée ?
Rappelons que la mise en place de l’union bancaire est un préalable indispensable pour permettre la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui constitue une avancée essentielle pour briser le cercle vicieux des crises bancaires qui alimentent les crises de dette publique.
Les radicaux de gauche l’ont toujours affirmé, mais cela devient de plus en plus évident : notre avenir réside dans l’approfondissement économique et politique de l’Union européenne.
C’est en coordonnant plus étroitement nos politiques économiques, budgétaires, sociales et en étant unis et solidaires que nous sortirons par le haut de la crise et que nous pourrons garantir aux citoyens européens des emplois, des infrastructures de qualité, une garantie de leurs droits et, in fine, une vie meilleure. N’était-ce pas l’objectif initial de la construction européenne ? N’est-il pas temps de renouer avec les principes fondateurs de l’Europe ?
Comme il s’agit de la direction prise par le Président de la République, les radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe RDSE lui apportent leur soutien.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Conseil européen du 28 juin prochain doit clore le fameux « semestre européen » visant à coordonner l’élaboration des politiques économiques des États membres. Il est donc logique que nos interventions se soient largement étendues sur ces aspects un peu arides, au risque parfois d’oublier ce qui devrait constituer un des points essentiels de nos interrogations.
En effet, nous fêtons cette année un anniversaire symbolique : la notion de « citoyenneté européenne » a été consacrée voilà vingt ans dans l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union. Cependant, nous avons échoué jusque-là dans la tâche qui s’impose à nous en ces circonstances, à savoir réfléchir au sens et à la portée de cette notion.
La citoyenneté européenne, telle qu’elle est définie aujourd’hui, n’est pas sans poser problème, car on pourrait presque la qualifier d’« apolitique », à rebours de l’acception classique du terme. À l’image de l’Union elle-même, elle est surtout synonyme de droits économiques et administratifs, ou en tout cas perçus comme tels.
Certes, elle permet de participer aux élections européennes, et même aux élections locales, mais ce droit-là ne suffit pas à exprimer toute la citoyenneté, quand rien, ou presque, n’est fait pour prendre en compte les débats et les aspirations qui traversent en permanence nos sociétés.
Par ailleurs, compte tenu du fonctionnement actuel de l’Union, il faut admettre que son application reste encore très imparfaite. Le citoyen européen est un citoyen qui s’ignore et l’espace public communautaire en est toujours à un stade embryonnaire.
Il en résulte que l’émergence de projets clairement définis, articulés autour de hiérarchies de valeurs concurrentes et librement débattues – ce que l’on appelle le débat public – se révèle bien difficile à mettre en œuvre au niveau européen.
Certaines décisions récentes illustrent, à mon sens, cette difficulté.
Beaucoup, en France, se sont félicités de la déclaration des ministres du commerce extérieur, vendredi dernier, s’agissant du mandat qui a été donné à la Commission européenne pour négocier un traité de libre-échange avec les États-Unis. Celui-ci préserve en effet, pour l’instant, notre « exception culturelle », en particulier le cinéma.
De son côté, le président de la Commission européenne taxe la position française dans ce dossier de « réactionnaire », en feignant d’oublier que c’est également celle du Parlement européen, adoptée à une très large majorité. Or M. Barroso est tout de même censé écouter cette institution avec attention.
Pourtant, ce point ne méritait – passez-moi l’expression, mes chers collègues – ni cet excès d’honneur ni cette indignité. En effet, la culture ne se résume pas à l’exception culturelle ni au cinéma. Par ailleurs, elle ne constitue qu’une partie des enjeux de ces négociations, lesquelles porteront aussi sur l’accès aux marchés publics, l’usage des données privées, les règles sanitaires et environnementales, soit autant de problèmes qui sont considérables.
Dans le contexte actuel, il y a fort à parier que ce sont les États-Unis qui obtiendront le plus de concessions. L’espèce de « protection consulaire » accordée pour l’instant à l’« exception culturelle » semble ici, malgré tout, bien modeste, d’autant que, en réalité, elle servira surtout, au fur et à mesure que les négociations progresseront, à réduire les autres revendications que nous pourrions avoir sur tel ou tel sujet, y compris dans des domaines à la marge de l’exception culturelle.
Le tout se déroule en outre dans un secret presque absolu, car la Commission européenne n’est guère partageuse ! Ce même constat a déjà été fait avec les discussions engagées voilà quelques années avec le Canada sur le même sujet, qui ne sont toujours pas terminées. À l’issue de réunions censées informer les États membres sur l’avancée des travaux, il arrive que les représentants de la Commission européenne s’éclipsent pour éviter de répondre aux questions des représentants nationaux.
Quand on pense que ces discussions avec les États-Unis s’ouvrent à moins d’un an du renouvellement du Parlement européen, donc de la Commission, on se demande quelle est la légitimité de M. Barroso pour agir de la sorte et parler de cette manière.
L’avis de la société civile européenne n’a pas été sollicité dans le cadre de ces accords ; aucune procédure de concertation publique n’a été mise en place au préalable, contrairement à ce qui se fait pour la préparation des directives européennes. Il faut croire que le temps pressait vraiment !
Qu’est-ce qui a bien pu pousser nos gouvernements à autoriser aussi rapidement l’ouverture de ces négociations ?
Certes, le traité devra encore être ratifié par le Parlement européen et accepté par les États membres. Toutefois, ces derniers se prononceront à la majorité qualifiée, et non plus à l’unanimité. Il sera alors peut-être trop tard pour exprimer des regrets.
Le même genre d’inquiétude se retrouve au sujet d’autres domaines de l’action européenne.
Ainsi, le Conseil européen doit examiner les recommandations qui sont faites aux États membres pour orienter leurs politiques économiques et budgétaires.
Néanmoins, ces recommandations, si elles peuvent être justes sur certains points, oublient en très grande partie les mesures de lutte contre la pauvreté ou en faveur de la transition écologique de l’économie. Or ces dernières figurent parmi les principaux objectifs de la stratégie Horizon 2020, qui doit entrer en vigueur dans quelques mois ! En outre, la conception du semestre européen, entièrement axée sur la rigueur budgétaire, semble être à courte vue, alors que le FMI ou encore l’OCDE, peu suspects de laxisme, appellent à miser davantage sur la relance de l’économie, pour peu qu’elle se fasse réellement au niveau européen.
L’impression générale qui se dégage de ce tableau, c’est que, aujourd’hui, l’Union européenne a perdu sa capacité à faire des choix clairs et cohérents. Il manque une colonne vertébrale à ses politiques et, dans des domaines très précis, les marges de progression restent importantes en matière de citoyenneté européenne.
Prenons un dernier exemple : celui de la parité. Cette dernière est reconnue comme une valeur essentielle, notamment dans les traités.
Pourtant, certaines des institutions de l’Union, à commencer par les institutions économiques et monétaires, ne comptent que peu de femmes, sinon aucune, en leur sein. Ne dit-on pas que charité bien ordonnée commence par soi-même ? Comment la Commission ou le Conseil peuvent-ils exiger rigueur et exemplarité de la part des instances nationales, ou encore de la société, quand ils s’exonèrent eux-mêmes des principes qu’ils ont fixés, alors que leur légitimité ne découle d’aucune consultation populaire, ou alors de manière éloignée ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en prélude à ma conclusion, de citer William Faulkner : « La sagesse suprême est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue tandis qu’on les poursuit ».
S’agissant de l’idéal européen, je crains que nous n’ayons manqué de sagesse au cours des dernières années. En cours de route, nous semblons avoir égaré les grands fondamentaux de ce qu’était le projet européen, à force de vouloir le découper en de multiples orientations, politiques ou stratégies sectorielles censées le rendre plus aisément applicable.
L’ordre du jour du Conseil européen à venir, uniquement technique, tristement financier et commercial, est le reflet de cette dérive à laquelle il faut mettre fin. De même, il faut cesser de se résigner devant l’apparente inéluctabilité de certaines décisions prises sans recul, comme si elles s’imposaient d’elles-mêmes.
Alors que s’ouvre bientôt la campagne des élections européennes, nous devons en appeler publiquement, dans chacun des États membres et au niveau transnational, à un droit d’inventaire sur les dix années écoulées, à un sursaut citoyen et à l’examen approfondi du mode de fonctionnement de l’Union. Cette discussion permettra peut-être de retrouver le goût de l’Europe et de donner aux citoyens de cette dernière leur juste place.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m’est accordé, je me concentrerai sur ce qui va se passer jeudi, vendredi et au début de la semaine prochaine concernant l’Union économique et monétaire.
Auparavant, je voudrais tout de même dire un mot à nos collègues de l’aile droite et libérale. Monsieur de Montesquiou, …
M. Richard Yung. … franchement, cette longue litanie d’arguments éculés, que vous allez piocher dans je ne sais quelles feuilles, est dramatique ! Comment voulez-vous que nos partenaires nous jugent quand on voit le pessimisme dont vous faites preuve, votre vision négative de notre pays et votre manque de confiance dans les entreprises, dans la force, dans la richesse de la France ? Personne ne peut vous croire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Aymeri de Montesquiou s’exclame.
Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.
Bien sûr, nous sommes sensibles au regard des autres. C’est normal ! Nous avons de nombreuses occasions d’échanger avec nos partenaires européens.
Hier, nous avons reçu M. Olli Rehn, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, qui a rédigé, si j’ose dire, les recommandations faites à la France dans le cadre du semestre budgétaire. De ses déclarations ressortait, vous l’aurez noté comme moi, mes chers collègues, une appréciation positive portée par la Commission sur un certain nombre de points importants, tels que la baisse du coût du travail, l’accord sur la flexibilité de l’emploi, la réforme à venir des retraites et, évidemment, la baisse des déficits publics dont nous avons hérité après dix ans de gestion par l’ancienne majorité.
Certes, tout n’est pas parfait, mais il faut aussi voir dans le regard des autres la confiance qu’ils ont en nous. À mon sens, c’est ainsi que nous avancerons.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ironise.
Bien sûr qu’il fallait le dire ! Sinon, un député allemand qui assisterait à ce débat se dirait que ce pays est fini et n’a plus qu’à mettre la clef sous le paillasson !
Il faut que nous ayons confiance en nous-mêmes, si nous voulons que les autres croient en nous.
Pour ma part, je ne vais pas ressasser ces vieilles rengaines, qui circulent depuis si longtemps et que vous reprenez avec délectation, en vous félicitant que le crédit d’impôt recherche ait du mal à démarrer. Mieux vaudrait réfléchir à ce que nous pouvons faire pour l’aider à réussir !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
J’en ai fini avec mon premier point, qui a absorbé près de la moitié de mon temps de parole.
M. Richard Yung. Nous avons bien progressé dans nos relations avec l’Allemagne.
Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
Ce n’était pas évident, et j’imagine que vous vous en félicitez comme moi, monsieur Bizet.
Je ne dirai pas que la Chancelière allemande a changé de position sur tous les points, car ce serait faire preuve de cette tendance française à l’autoglorification qui est un de nos grands défauts.
Toutefois, je constate que nous construisons une position commune avec l’Allemagne dans la perspective du prochain Conseil européen, en particulier en ce qui concerne l’intégration économique de la zone euro.
Cette évolution me paraît fondamentale. Souvenez-vous : l’Allemagne avait été très réticente à aider la Grèce, et plus encore à adopter le programme d’assistance à Chypre ; dans certains cas, elle estimait qu’il fallait modifier les traités, dans d’autres, elle refusait d’y toucher, notamment en ce qui concerne la Banque centrale européenne. Nous constatons donc un progrès.
Nous progressons également sur l’union bancaire. C’est d’autant plus important que nous savons, comme l’a dit M. Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, que certaines banques européennes sont fragiles, pour ne pas dire plus. Il est donc très important qu’une supervision se mette en place. Or nous avons perdu plus d’une année, en raison d’un certain nombre de tergiversations ; je ne jetterai ici la pierre à personne.
En ce qui concerne le mécanisme de résolution bancaire, je voulais demander au Gouvernement de nous indiquer ce que lui inspire la principale proposition en discussion, à savoir une sorte de mutualisation des fonds de garantie bancaire de chaque pays. Chacun de ces fonds sera responsable en premier lieu, mais pourra emprunter aux autres quand ses capacités seront dépassées.
Un tel changement revêt une signification énorme ! Imaginons que le système bancaire d’un petit pays comme la Slovénie – je n’ai rien contre les Slovènes, rassurez-vous ! – se trouve en défaut et qu’il faille trouver trois ou quatre milliards d’euros pour recapitaliser ses banques ; admettons que ce pays dispose d’une capacité de deux milliards d’euros ; l’Allemagne, la France, l’Italie, entre autres, prêteront alors les deux milliards d’euros manquants à la Slovénie. Il s’agirait d’un formidable pas en avant, et je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce point.
Je souhaitais également interroger M. le ministre sur l’idée, maintes fois avancée mais jamais réalisée, d’accorder une capacité bancaire au mécanisme européen de stabilité, afin de lui permettre d’agir directement, sans passer par l’intermédiaire des États. En effet, aujourd’hui, le mécanisme européen de stabilité ne peut prêter qu’aux États souverains ; s’il avait la qualité d’établissement bancaire, il pourrait prêter directement aux établissements concernés.
Enfin, monsieur le ministre, nous sommes assez nombreux à être sensibles à la symbolique de la taxe sur les transactions financières, non pas en raison des recettes qu’elle rapportera, car celles-ci ne seront pas considérables, mais parce qu’elle constituera une ressource propre du budget communautaire. Nous souhaitons avancer dans cette direction, mais un certain nombre de problèmes se posent, notamment le fait que nous ne sommes que onze États volontaires, quand il faudrait être dix-sept ou vingt-sept. Je ne souhaite pas que la création de cette recette entraîne une réduction de la contribution des États, car ce serait un recul politique.
En revanche, on pourrait imaginer d’alimenter avec cette taxe une dotation à la Banque européenne d’investissement destinée à financer des projets au sein des onze pays participants.
J’ai bien noté que nous assistions à un sérieux « rétropédalage » sur cette question, peut-être en raison de difficultés techniques de mise au point, notamment en ce qui concerne le champ d’application de la taxe. En effet, elle frappe les dettes souveraines des pays fragiles et augmente, en fait, leur taux de refinancement. J’ai aussi entendu que la France souhaitait étendre cette taxe aux opérations de change. Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre ? Comme mon temps de parole est terminé, je conclurai donc mon propos sur cette question.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre de la manière la plus exhaustive aux nombreuses questions qui m’ont été posées, qui ont été le plus souvent – mais pas toujours – très pertinentes.
Au préalable, je répondrai à MM. Bizet et de Montesquiou que le Gouvernement mène une politique volontariste, comme l’a dit d'ailleurs Richard Yung, pour créer les conditions d’une croissance qui soit durable. Cette volonté s’appuie sur le sérieux budgétaire : nous en avons besoin, compte tenu de la situation que nous devons gérer. Nous ne pouvons faire abstraction du passé, même si nous aimerions bien...
Le sérieux budgétaire s’impose à nous, indépendamment même des éventuelles recommandations adressées à notre pays. Nous devons restaurer une souveraineté budgétaire, quelles que soient les recommandations de l’Union européenne.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est une obligation incontournable, compte tenu du déficit budgétaire que nous devons gérer et dont vous conviendrez, monsieur de Montesquiou, monsieur Bizet, qu’il ne date pas de l’année 2012.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
La démonstration a d’ailleurs été faite par M. le rapporteur général de la commission des finances : les recommandations adressées à la France, comme à chaque État membre, reprennent, pour l’essentiel, des thématiques qui correspondent à des chantiers d’ores et déjà engagés par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Tel est le cas, en particulier, des réformes du marché du travail ou des mesures prises en matière de compétitivité.
Notre diagnostic diffère aussi sur certains points abordés par la Commission européenne : par exemple, en ce qui concerne les moyens d’améliorer la compétitivité des entreprises.
En tout état de cause, comme l’ont justement souligné M. le président de la commission des affaires européennes et M. le rapporteur général de la commission des finances, le gouvernement français poursuit ses efforts de redressement budgétaire : il mettra en œuvre ses réformes selon sa propre méthode, après avoir élaboré sa propre analyse, en dialogue avec le Sénat, l’Assemblée nationale et les partenaires sociaux, trop souvent oubliés dans le passé.
Nous discuterons des réformes, y compris des réformes structurelles, dès demain, dans le cadre de la grande conférence sociale. Ce n’est pas le fruit du hasard si, cette année, cette conférence comporte une table ronde sur l’Europe sociale. En effet, ces réformes doivent être non pas imposées, mais partagées. Pour cela, elles doivent être préalablement dialoguées et construites en commun avec celles et ceux qui représentent aussi une partie de nos concitoyens et qui peuvent légitimement s’exprimer sur des dispositifs les concernant directement.
Monsieur de Montesquiou, nous sommes favorables au renforcement de la coordination des politiques économiques.
Nous ne l’avons jamais caché ; nous l’assumons même ! Cette coordination est prévue notamment dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Nous en débattrons d’ailleurs lors du Conseil européen, sur la base du rapport que nous attendons de M. Van Rompuy. Nous avons d’ailleurs déclaré que nous étions ouverts à la mise en place d’une coordination ex ante des politiques économiques en matière de réformes nationales, coordination prévue par le TSCG et sur laquelle la Commission européenne doit bientôt présenter des propositions.
Cependant, la coordination des politiques économiques ne signifie pas que la Commission doive décider du contenu des politiques économiques nationales en lieu et place des Parlements nationaux, le Président de la République l’a fort logiquement rappelé ; je donne cette précision en réponse à une interpellation de M. Requier.
C’est aux parlementaires, sur proposition et après analyse du Gouvernement, qu’il appartiendra d’arrêter in fine, après un débat national, les mesures qui seront traduites dans des lois et respecteront le cadrage général de la Commission européenne. La définition stricto sensu de ces mesures relève de la souveraineté nationale ; elle sera assurée par le Parlement, après consultation des partenaires sociaux, dans le strict respect de la coordination des politiques économiques.
Comme l’a aussi souligné M. Requier, nous menons une politique destinée à restaurer la compétitivité de notre pays, qui s’est, et je le regrette, fortement dégradée au cours des dix dernières années. Tel est d’ailleurs le sens du pacte de compétitivité et de croissance, qui a été mis en place et qui portera ses fruits.
Vous m’interrogez sur les réformes que nous entendons mener. Les choses ici sont claires : le programme des réformes a été transmis en avril dernier aux assemblées, avant d’être communiqué à la Commission européenne. La recommandation de la Commission salue d’ailleurs le fait que nous ayons informé préalablement le Parlement de notre programme de réformes et de stabilité. Connaissant bien cette maison, qui est parfaitement tenue, j’imagine que ces documents ont été mis à votre disposition.
Marques d’approbation.
La Commission européenne ayant salué la crédibilité retrouvée de la France, grâce à la politique de sérieux budgétaire menée par le Gouvernement, il s’agit maintenant que le Conseil en fasse autant dans les semaines à venir.
Vous m’avez aussi interrogé sur notre détermination à mettre en place un gouvernement économique de la zone euro. De quoi s’agit-il ?
Le gouvernement économique dont le Président de la République a esquissé les traits lors de sa conférence de presse du 16 mai 2013 est un gouvernement responsable devant les citoyens. Il devra articuler une autorité qui doit être identifiée – c’est-à-dire un président qui se consacre à temps plein à l’Eurogroupe et qui devra être porteur d’une ligne politique, d’une unité de parole engageant effectivement la zone euro –, des procédures de décision, une capacité de préparation d’action et de mise en œuvre. L’ensemble est à construire.
L’important est que la France propose d’avancer d’une façon volontariste, en ne restant pas sur la défensive. Nous proposons cette présidence, qui n’est pas une proposition « clef en main », à la discussion ouverte avec les vingt-six autres pays de l’Union européenne. La France joue son rôle historique quand elle avance des propositions pour que la gouvernance de l’Union européenne se modernise et évolue, car tel est le rôle dévolu à notre pays.
Sur ce point, la contribution franco-allemande du 30 mai 2013, élaborée à la suite de la conférence de presse du Président de la République française, a jeté les bases de ce gouvernement économique : elle indique, noir sur blanc, qu’il faut « un président à temps plein de l’Eurogroupe des ministres des finances disposant de moyens renforcés ».
Quant à savoir si la zone Eurogroupe doit avoir une ressource propre – je le dis à M. Billout, qui s’en inquiétait –, nous ouvrons la perspective que d’autres ministres siègent au sein de l’Eurogroupe, par exemple ceux qui sont chargés des affaires sociales ou du travail. Nous considérons, en effet, qu’il est bon que ce groupe dispose d’indicateurs, notamment sociaux, et qu’il les prenne en compte pour déterminer les politiques de l’Union économique et monétaire. La chose est totalement nouvelle !
Nous demandons également l’organisation, au sein du Parlement européen, d’une structure démocratique, pour permettre aux parlementaires européens de faire écho à leurs électeurs et d’exercer une sorte de contre-pouvoir face à ce président à temps plein de l’Eurogroupe. Et nous demandons que les partenaires sociaux soient traités, à l’échelle européenne, comme ils le sont en France depuis un an, avec respect, pour construire ensemble des politiques.
Le schéma est proposé – et non imposé – à la discussion des Vingt-Sept.
La contribution franco-allemande me paraît donc assez symbolique. Cela m’amène à évoquer le fantasme d’une « crise entre la France et l’Allemagne », l’Allemagne et la France ne partageant ni les mêmes visions ni les mêmes programmes. C’est un fait, et nous l’assumons complètement, que la France a un gouvernement social-démocrate et que tel n’est pas le cas en Allemagne. Mme Angela Merkel a été élue dans son pays sur une base différente de celle qui a permis l’élection de François Hollande. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne pouvons pas travailler ensemble !
La relation franco-allemande est unique ! Il n’y a aucun autre cas sur la planète où les ministres des deux pays travaillent ensemble chaque semaine, faisant le point sur la situation et participant ainsi à l’échange bilatéral entre les deux gouvernements. Je vous invite à aller chercher sur la planète un autre cas de ce genre !
Cette relation est équilibrée, j’ai même envie de dire rééquilibrée. Peut-être est-ce cela qui gêne certains ou qui suggère quelques tensions. Oui, nous avons rééquilibré le couple franco-allemand ! Nous avons mis un terme à une sorte de suivisme qui ne laissait pas la place au débat. Dans la situation antérieure, en effet, on commençait par prendre la décision pour demander, ensuite, aux autres de la partager !
Cette relation est sereine. Loin de nous cacher nos difficultés, nous les mettons sur la table et parlons ouvertement de nos désaccords, mais en sachant que nous devrons, de toute façon, trouver un compromis. En effet, cette relation unique, sereine et équilibrée est aussi inclusive. Si on veut une solution à vingt-sept, il faut, tout d’abord, trouver une solution à deux, autrement dit, une solution franco-allemande.
Le gouvernement français et le gouvernement allemand le savent : même si nous ne sommes pas d’accord, il sera de notre responsabilité de trouver une solution pour entraîner les autres pays. Car nos partenaires, je puis vous l’assurer, souhaitent que cela se passe ainsi.
Je vous donnerai quelques exemples pour illustrer les avancées qui ont eu lieu malgré nos divergences.
Monsieur Bizet, monsieur de Montesquiou, c’est vrai, nous n’étions pas d’accord avec l’Allemagne sur des sujets importants : je pense, par exemple, à la taxe sur les transactions financières. Nous ne partagions ni la même ambition ni la même volonté de l’instaurer. Or, en janvier 2013, sa création a été actée.
Étions-nous d’accord pour que puisse perdurer dans notre pays, et même à l’échelle de l’Union européenne, le Fonds européen d’aide alimentaire aux plus démunis ? Pour avoir lu les décisions prises par le Conseil européen, j’ai l’intime conviction qu’il y avait là une divergence. Un pays souhaitait que le Fonds perdure, tandis que l’autre souhaitait décharger l’Union de cette question, pour la renvoyer aux États membres. Or, dans quelques semaines, le Fonds européen d’aide aux plus démunis aura été sauvé à la demande de la France. Nous l’aurons sauvegardé !
L’Allemagne souhaitait-elle un mécanisme de supervision bancaire et un rôle renforcé pour la Banque centrale européenne ? Je n’en ai pas la certitude. Telle n’est pas la vision de l’Allemagne, vous le savez, vous qui suivez ces questions depuis des années. Ce mécanisme, nous allons néanmoins faire en sorte qu’il se mette en place, comme nous veillerons au renforcement du rôle de la BCE.
Était-il possible d’imaginer qu’un mécanisme européen, le MES, vienne recapitaliser directement les banques en difficulté ? C’est la France qui a emporté la décision.
Étions-nous d’accord sur les mesures de lutte contre l’évasion fiscale ? Cette directive était, passez-moi l’expression, « plantée » depuis cinq ans. Personne n’avançait au sein des Vingt-Sept, parce que deux États posaient en préalable la conclusion d’un accord préalable avec cinq pays, communément appelés « paradis fiscaux ». Comme ces deux États ne parvenaient pas à résoudre le problème avec ces cinq-là, la situation était bloquée : tant qu’on n’avançait pas avec eux, on n’avançait pas ensemble, à vingt-sept ! Or, le 22 mai dernier, triste jour pour les fraudeurs, nous avons imposé l’adoption, avant la fin de l’année, de la directive « Épargne ».
Tout cela, ce sont des faits tangibles, opposables, sur lesquels nous n’avions pas forcément la même vision. Pourtant, avec une certaine force tranquille, nous avons, peu à peu, marqué notre territoire et donné une autre vision à l’Union européenne. J’ai, pour ma part, le sentiment que nous avons fait avancer l’Europe sereinement, en dialoguant avec nos amis et partenaires allemands, pour lui faire prendre une direction nouvelle. Et d’autres pays qui, il y a un an, n’étaient pas forcément aussi ouverts à notre égard nous écoutent peu à peu.
Monsieur Gattolin, c’est l’année de la citoyenneté européenne, et vous m’avez interpellé sur ce thème. Je suis d’accord avec vous, il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Chacun doit en porter sa part. De mon côté, dans ma région, j’essaie de sensibiliser les électeurs sur ce sujet pour qu’en mai prochain, certains se sentent concernés, car ils sont porteurs, comme vous l’êtes vous-même, de cette citoyenneté européenne.
La citoyenneté européenne peut être aussi confortée par l’idée que l’Europe est à nos côtés sur nos territoires. Et c’est ce que va faire la Banque européenne d’investissement.
Plusieurs questions ont porté sur l’importance de la BEI. Oui, dans le pacte de relance, il y a une recapitalisation de la Banque européenne d’investissement qui va permettre le déblocage d’une soixantaine de milliards d’euros, pour accompagner des territoires et des entreprises. La BEI a été recapitalisée en début d’année. La semaine dernière, nous avons signé un accord avec la Caisse des dépôts et consignations. Parce qu’elle est proche des territoires, c’est la CDC qui va délivrer en région cet argent de la BEI – 7 milliards d’euros cette année, la même somme l’an prochain et autant en 2015.
Les premiers dossiers ont été actés dès le mois dernier. Ainsi, Renault va bénéficier de 400 millions d’euros pour la recherche sur les véhicules non polluants. Ainsi, le syndicat intercommunal d’assainissement de la région Île-de-France va recevoir 600 millions d’euros pour mener des travaux. Ainsi, l’extension de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry sera financée à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.
Je réponds ainsi, exemples à l’appui, à vos questions. Tout cela, ce sont des actions concrètes, pour lancer des travaux, pour participer à la relance et créer des emplois non délocalisables.
J’en viens à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis. Le mandat adopté vendredi dernier ne se contente pas de préserver nos intérêts défensifs, tels que l’exception culturelle, sur laquelle je reviendrai. Il porte également sur des intérêts offensifs, notamment l’ouverture des marchés publics des États fédérés au sein des États-Unis.
Nous chercherons aussi la suppression des barrières non tarifaires, car nous savons que les marges sont ici. Nous avons discuté de bien des questions. Or, il faut le souligner, ce dont nous n’avons pas parlé est aussi important que les intérêts défensifs que nous avons su préserver.
Toutes les semaines, nous surveillerons de près l’avancée des négociations au sein du comité de politique commerciale. Nous nous attacherons à préserver nos intérêts défensifs. Au-delà de l’exception culturelle, nous défendons des choix de société, nos préférences collectives, notamment pour tout ce qui a trait à l’agriculture. J’y ai fait référence tout à l’heure dans mon propos liminaire.
Je salue d'ailleurs le travail d’Aurélie Filippetti, qui a su mobiliser treize de ses collègues en adressant un courrier au président de la Commission. Je félicite également – je sais que vous serez sensible à mon propos – Nicole Bricq, qui a été chargée vendredi de tenir la ligne de front définie par le Gouvernement. Je n’insiste pas sur la ténacité dont elle peut faire preuve. Cette qualité, vous l’avez éprouvée ici ! §
J’en viens à la Serbie et au Kosovo. Monsieur le président de la commission, la France a une position très ouverte par rapport au Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. Nous sommes d’accord, nous l’avons dit, pour engager les négociations en vue d’avoir, à terme, une adhésion de la Serbie et un protocole d’association avec le Kosovo, sous réserve que l’accord passé entre les deux pays en avril dernier soit effectivement respecté et que des actions s’engagent. Mme Catherine Ashton recevra les deux Premiers ministres de ces pays à la fin de cette semaine pour pouvoir nous engager sur des bases sûres les 27 et 28 juin prochain.
Je n’insisterai pas sur le problème de la Turquie, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer dans cet hémicycle il y a quelques jours. Vous le savez, notre position, c’est l’ouverture, tout en exigeant le respect des règles de droit qui fondent la construction de l’Union européenne. J’ai reçu il y a quelques jours mon homologue turc et lui ai rappelé cette exigence, soulignant que le droit de manifester doit être respecté en Turquie, comme dans toutes les grandes démocraties.
Avant de vous laisser la parole pour le débat, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un mot sur la TTF, la taxe sur les transactions financières, dont le principe a été acté. Il nous reste à travailler sur ses modalités et à avancer sur le prochain texte présenté par la Commission. Les discussions actuellement en cours se focalisent sur l’assiette de la taxe et sur les produits financiers à inclure, au cas par cas, pour éviter tout effet pervers sur le financement de l’économie.
Le ministre de l’économie l’a rappelé il y a deux semaines, la France défend évidemment pour cette taxe une assiette large incluant, outre les devises, certaines transactions sur les dérivés. Il s’agit en effet d’opérations dont la finalité est purement spéculative et qui ne contribuent en rien au financement de l’économie réelle.
J’espère ne pas avoir créé trop de frustrations. Quoi qu’il en soit, vous avez en quelque sorte, un temps de rattrapage pour poser vos questions !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous disposons à présent d’un certain nombre de documents très intéressants.
Outre les rapports de la Cour des comptes et le rapport de 2013 de l’OCDE sur la France, nous avons reçu, en début d’année, le France forecast et le In-depth Review for France de la Commission européenne en début d’année. On vient de nous communiquer également les recommandations de la Commission européenne et du Conseil pour notre pays, ainsi que le rapport du FMI.
Mes chers collègues, tous ces documents convergent tant sur le diagnostic que sur les mesures à prendre. Tous leurs auteurs soulignent que, pour retrouver le chemin de la compétitivité et de la croissance, la France doit sans tarder mener des réformes structurelles.
Dès lors, ma question sera très simple, monsieur le ministre. Quels engagements prendra le gouvernement français à l’égard de ses partenaires, notamment l’Allemagne, lors du Conseil européen des 27 et 28 juin ? Pour ma part, je n’ai pas obtenu de réponse au cours de la discussion générale.
Quelle réforme amorcerez-vous concrètement, et selon quel calendrier ? Accepterez-vous de contractualiser vos engagements, comme le suggèrent dans leur rapport MM. Beffa et Cromme ?
Enfin, et c’est un point très important à mes yeux, comment comptez-vous conjuguer une coopération renforcée avec l’Allemagne avec votre hausse massive d’impôt ? Vous avez dit qu’il n’y avait pas de fantasme sur ce sujet. Cependant, la stratégie économique que vous menez depuis deux ans, notamment sur le plan fiscal, a considérablement accentué la divergence de nos deux économies. Le problème est là !
Il ne s’agit pas seulement de tomber d’accord sur tel ou tel point, il nous faut aussi, sur le plan factuel, faire converger durablement nos deux économies, ce qui est loin d’être le cas.
Franchement, madame la sénatrice, il ne doit pas y avoir de fantasme sur les relations franco-allemandes, pas plus que sur la divergence entre nos deux pays.
Je suis heureux que l’Allemagne se soit déclarée prête à travailler avec nous sur des bases nouvelles, pour prévoir des indicateurs sociaux dans les politiques de l’Union économique et monétaire, pour réfléchir à la mise en place d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union et pour élaborer une directive relative au détachement des travailleurs permettant de lutter contre le dumping social. Nous n’excluons pas d’obtenir une convergence sociale par le haut, car la concurrence est aujourd’hui trop forte entre les pays de l’Union européenne.
Je le répète, nous allons travailler sereinement avec l’Allemagne et, je l’espère, entraîner les autres pays de l’Union européenne.
Le programme national de réforme, c’est celui du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui fait suite au rapport Gallois. Il comprend 35 mesures, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour un montant de 20 milliards d’euros, un coût que nous allons bien évidemment assumer.
Il prévoit aussi une réforme des retraites, que nous avons annoncée. Toutefois, ce n’est pas à la Commission européenne d’en décider. Les solutions que nous proposerons dans ce domaine, madame la sénatrice, nous les présenterons, en quelque sorte en avant-première, à celles et ceux qui ont légitimité à s’exprimer sur cette question. Vous n’attendrez d’ailleurs pas longtemps, puisque nous en débattrons, demain et après-demain, durant quarante-huit heures.
Ce programme comporte également deux réformes qui interviendront avant la fin de l’année, chacune portée par Michel Sapin : l’une, qui a été annoncée, de la formation professionnelle, l’autre, relative au développement de l’apprentissage.
Il s’agit, enfin, de la mise en œuvre du choc de simplification, également annoncé par le Président de la République, et dont le Parlement, donc le Sénat, sera saisi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’emploi des jeunes figure parmi les principaux thèmes de la feuille de route du prochain Conseil européen. Les chiffres, que nous connaissons tous, font état d’une situation dramatique pour une majeure partie de la jeunesse européenne : plus de 23 % des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi au sein de l’Union européenne. La France dépasse cette moyenne, avec un taux de 26, 6 %. Plus grave encore, en Grèce, en Espagne ou en Croatie, plus d’un jeune sur deux est au chômage.
Depuis Berlin ce matin, aux côtés de la chancelière allemande, le président Obama a mis en garde contre l’émergence d’une « génération perdue ». L’Europe est naturellement consciente de ce fléau et en a pris toute la mesure. C’est en particulier le cas du couple franco-allemand, qui s’est récemment mobilisé, en plaidant, notamment, pour le déboursement accéléré de 6 milliards d’euros sur deux ans en faveur de l’emploi des jeunes. Toutefois, nous devons faire plus, car cet état de sous-emploi massif fragilise nos concitoyens et alimente l’euroscepticisme.
Nous avons épargné la guerre à nos jeunes générations. C’est une bonne chose. Néanmoins, sans une politique vigoureuse et audacieuse de lutte contre le chômage, un autre mal les guette, celui d’un avenir fait de désœuvrement et de détresse sociale, propice au repli sur soi et à la peur de l’autre.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je compte sur la détermination du président Hollande et sur celle du Gouvernement, donc sur la vôtre, pour étendre à l’Europe l’engagement de faire de la jeunesse une priorité.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.
Vous touchez là, monsieur le sénateur, au cœur de l’agenda du Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. En effet, s’il ne devait y avoir qu’une seule priorité, ce serait notre jeunesse. Cette priorité mobilise non seulement le Président de la République, qui la porte en personne, mais aussi l’ensemble du Gouvernement.
Sur ce sujet, j’espère que nous pourrons obtenir des résultats concrets, avec le vote par le Parlement européen, lors des prochaines semaines, du cadre financier pluriannuel et avec la création, proposée par la France en février dernier, d’une ligne de 6 milliards d’euros. Nous souhaitons que ces crédits soient mobilisés, non pas sur la période 2014-2020, ainsi que le prévoit le projet de budget, mais entièrement en 2014 et 2015, afin de créer un effet de levier maximum, un front loading, comme on dit en anglais, destiné à accompagner les mesures mises en place par les pays.
Cette mesure bénéficiera à toutes les régions d’Europe dans lesquelles le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est supérieur à 25 %, c’est-à-dire, pour la France, l’ensemble des territoires d’outre-mer et une dizaine de régions.
Il faut aussi citer la « garantie jeunesse » : l’Union européenne demande aux États de mettre en place des mesures d’offre de formation professionnelle, d’apprentissage et de stages. La France s’engagera, au travers d’un appel à projet que tous les préfets de département recevront dans quelques jours, à proposer ce dispositif à titre expérimental dans dix départements, dans un premier temps, avec l’objectif d’accompagner 100 000 jeunes.
Par ailleurs, la dotation consacrée à Erasmus passera de 8 à 13 milliards d’euros, afin de toucher davantage de jeunes en situation de formation et de mobilité, mais aussi d’ouvrir ce programme aux jeunes qui n’en bénéficient pas aujourd’hui, c’est-à-dire à ceux qui sont en formation en alternance dans les entreprises et les apprentis. Nous mettrons ainsi « sur l’établi », si je puis dire, un statut européen de l’apprenti qui fait actuellement défaut et qui permettra une reconnaissance de leur formation.
Enfin, durant ce Conseil, une demande sera faite à la Banque européenne d’investissement, la BEI, de mettre en place des crédits spécifiques pour les jeunes créateurs d’entreprise.
Monsieur le sénateur, les mesures tout à fait concrètes sont de nature à vous confirmer que la jeunesse est la priorité première, en France comme en Europe.
« Une victoire pour la France ! », s’est exclamée sur son compte Twitter la ministre de la culture, Mme Aurélie Filipetti.
En effet, notre pays, par la voix de sa ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, a remporté, après treize heures de négociation, son bras de fer européen sur l’exception culturelle : les vingt-sept ministres du commerce européens ont exclu le cinéma, la télévision, l’internet et des contenus numériques du mandat de la négociation commerciale avec les États-Unis.
Je salue, à cet égard, la détermination du Gouvernement, soutenu par nombre d’artistes, puisqu’il n’a pas hésité à brandir la menace d’un véto de la France.
Non, nous ne sommes pas les seuls en Europe, quoi qu’en dise M. Barroso, à combattre le « tout marchand » et la mondialisation à outrance. Aujourd’hui encore, ce sont quatorze pays européens, mais aussi la très large majorité des députés européens, qui se battent pour la défense de la diversité culturelle.
La France a donc tout simplement convaincu une majorité de ses partenaires. Ces derniers auraient-ils tous une vision « réactionnaire » ? Bien sûr que non ! En revanche, les propos consternants du président de la Commission, en dénigrant cet accord, témoignent, d’une part, de son profond mépris pour les pays qui lui ont confié son mandat et leur population et, d’autre part, s’il en était besoin, de son ultralibéralisme.
Le commissaire au commerce, M. Karel De Gucht, est sur la même ligne. Il s’est même vanté que l’audiovisuel pourrait être ajouté « plus tard » dans le mandat de négociation, et qu’il discuterait donc bien de cette question avec les États-Unis.
Je félicite encore le Gouvernement pour sa détermination, et je ne doute pas que la France maintiendra sa position sur cette question qui, comme le rappelait le Premier ministre, est « notre identité, notre combat ».
Toutefois, sans vouloir bouder notre plaisir, nous savons tous que ce futur accord de libre-échange peut aussi laisser craindre une harmonisation par le bas de la réglementation, notamment sociale ou environnementale. Monsieur le ministre, la France saura-t-elle et pourra-t-elle défendre avec la même détermination notre modèle européen, face à un modèle américain que nous savons, ô combien, moins protecteur ?
La France s’est toujours exprimée en faveur du principe d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe, sur la base de la réciprocité, pour autant que les gains pour l’Europe et la France soient réels. Nous attendons, globalement, des bénéfices nets de ce long processus de négociation, qui prendra sans doute deux ou trois ans.
Vendredi dernier, vous l’avez dit, la Commission est enfin parvenue à un accord portant sur le mandat de négociation.
Cet accord exclut de manière explicite les services audiovisuels. Seule cette exclusion, réclamée sans cesse par la France au cours des derniers mois, peut assurer une préservation efficace de notre exception culturelle.
Nous avons tenu bon ! Ce faisant, nous avons répondu à l’appel du Sénat, qui avait voté une résolution sur ce point, à laquelle Simon Sutour a fait référence. Je dois aussi préciser que la France a bénéficié d’un très fort soutien du Parlement européen.
Si l’on en croit les propos qui lui sont prêtés, le président de la Commission européenne aurait qualifié de « réactionnaires » les partisans d’une exclusion des services audiovisuels. Laissez-moi rire !
Préserver la richesse culturelle de notre continent dans un monde divers, ce n’est pas réactionnaire, c’est au contraire aller dans le sens du progrès et de l’ouverture. L’ultralibéralisme et la recherche d’une ouverture aveugle aboutissent au recul de la culture : voilà qui est réellement réactionnaire.
S’agissant d’autres choix de société, tels que la sécurité alimentaire, nous avons aussi remporté une victoire. Nous veillerons à empêcher des reculs dans ces domaines à l’avenir.
J’ajoute que cet accord devra être signé et ratifié par tous les États membres. Dans ces conditions, nous ne doutons pas que la Commission aura à cœur, lors de la négociation, de respecter notre demande, exprimée avec netteté et détermination.
En tout état de cause, même si la Commission est notre négociateur, avec le mandat que nous lui avons confié, nous surveillerons l’avancement des travaux au sein du Comité de politique commerciale. Nous y reviendrons in fine dans deux ou trois ans, une fois les négociations achevées, lors de la ratification – État par État, mais aussi par le Parlement européen – de cet accord.
Nous aurons donc dans l’avenir les moyens de vérifier que nos demandes seront respectées au pied de la lettre, que cela plaise ou non à certaines personnes qui se sont exprimées dans la presse.
Monsieur le ministre, comme le président de la commission, j’espère que la situation en Turquie sera évoquée lors du Conseil européen. Bien que vous en ayez déjà dit quelques mots dans votre réponse à notre collègue, je souhaite revenir sur le sujet.
Vous le savez, la Turquie est secouée depuis plus de quinze jours par des manifestations antigouvernementales. Une partie importante de la population estime en effet que le Premier ministre turc fait preuve de dérive autoritaire, qu’il souhaite islamiser la société et qu’il s’introduit dans la vie privée des citoyens de cette république, laïque depuis 1937.
Le mouvement de protestation s’est heurté à l’intransigeance du gouvernement turc et à une répression policière d’une très grande violence.
Aujourd’hui, le bilan est très lourd. Selon l’Union des médecins de Turquie la répression des manifestations a fait quatre morts et plus de 7 700 blessés, et ce à travers tout le pays. Parmi les blessés, on dénombre notamment dix personnes ayant perdu la vue. L’Union des médecins de Turquie souligne notamment la dangerosité des gaz utilisés contre les manifestants. Ces gaz auraient d'ailleurs causé la mort de nombreux animaux.
Plusieurs centaines de manifestants ont été arrêtés lors de ces manifestations. Au moins une Française se trouve parmi eux. Depuis dimanche dernier, la police a procédé à des arrestations de militants politiques à leur domicile, au siège d’un journal et d’une agence de presse. Tous attendent désormais leur jugement – comme vous le savez, cela peut durer longtemps en Turquie. Aujourd'hui, 94 d’entre eux sont passés devant le procureur. Beaucoup risquent des peines de prison, quatre sont déjà écroués.
Cette répression porte gravement atteinte aux principes fondamentaux des droits de l’homme et de la démocratie. Le Parlement européen, le Conseil de l’Europe ont protesté. Même la chancelière allemande s'est émue. En revanche, monsieur le ministre, je vous avoue avoir trouvé le gouvernement français plutôt discret en la matière.
Le 6 juin dernier, cependant, en réponse à une question posée ici-même par notre collègue Esther Benbassa, vous avez tenu des propos fermes à l’égard du gouvernement turc. Vous avez également indiqué rencontrer la semaine suivante votre homologue turc.
Ne pensez-vous pas qu’un geste fort du gouvernement français pourrait consister à retirer le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Turquie ? En effet, comment peut-on soutenir une coopération policière sans prendre le risque de complicité avec un gouvernement qui ne respecte ni la démocratie ni les droits de l’homme ?
Monsieur le sénateur, je vous confirme que Laurent Fabius et moi-même avons condamné à différentes occasions l'usage excessif de la force destinée à réprimer les manifestations sur la place Taksim.
Pour ma part, je l’ai fait de vive voix, de visu si je puis dire : j’ai reçu la semaine dernière M. Egemem Bağış et lui ai rappelé que l'adhésion à une grande démocratie qu'est l'Union européenne supposait des gages sur le respect des règles de droit et sur la citoyenneté européenne. Cela doit se traduire en actes, notamment en garantissant totalement la liberté de manifestation.
Nous avons confirmé à la Turquie que nous ne fermions néanmoins pas la porte de la discussion rouverte au mois de février dernier par le Président de la République sur un rapprochement à terme de la Turquie et de l'Union européenne.
En effet, il faut mesurer les répercussions qu’aurait une telle décision à l’aune de la situation interne du pays. Je suis convaincu que celles et ceux qui ont manifesté sur la place Taksim mettent tous leurs espoirs dans l'Europe ; c'est la raison pour laquelle nous ne devons pas, en adoptant une position trop dure, donner l’impression que nous leur tournons le dos. Cela pourrait nourrir un sentiment nationaliste et hostile à l'Europe.
Nous poursuivons donc les discussions sur l'ouverture potentielle du chapitre 22 sur la politique régionale et la coordination des instruments structurels. Pour autant, nous avons aussi clairement affirmé que cela devait se traduire, de la part des autorités turques, par un engagement dans la voie des réformes et de l'alignement sur l'acquis communautaire, par une coopération avec nous et l'Union européenne sur les questions migratoires et par une autre attitude à l'égard de la communauté chypriote et de l'État de Chypre.
Nous avons tenu les mêmes propos au président chypriote que nous avons reçu la semaine dernière. Nous tentons en quelque sorte de renouer le lien entre ces deux États. En effet, in fine, aucune avancée ne sera possible sans qu’une solution soit trouvée entre eux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aimerions croire le Gouvernement lorsqu'il annonce le redressement de la courbe du chômage à partir de l’an prochain. Nous demeurons toutefois très sceptiques, car la situation de nos entreprises est bien trop délicate, de même que celle de nos finances publiques.
Oui, il faut tout faire pour lutter contre le chômage. Oui, il faut tout faire pour que nos jeunes puissent entrer sur le marché du travail. Oui, l’initiative européenne en la matière au prochain Conseil européen mérite notre attention.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, mon interrogation sera triple.
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle de la flexisécurité et de l’ouverture, à tous, du marché du travail. Quelles mesures envisagez-vous de prendre à ce titre, au-delà de l'accord national interprofessionnel ?
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle des charges sociales qui pèsent sur les entreprises. Vous avez déjà augmenté les impôts et vous laissez entendre que le financement des retraites pourrait augmenter le coût du travail. N’est-ce pas contradictoire si l’on veut défendre l’emploi ?
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle des emplois du secteur marchand, qui sont les seuls viables pour nos finances publiques et pour la pérennité des emplois eux-mêmes. Il y a les emplois d'avenir, qui n'ont d'avenir que le nom... Comment allez-vous corriger cela ?
Monsieur le ministre, sur toutes ces questions, quels seront les engagements de la France au prochain Conseil européen ?
Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que les emplois d'avenir n’ont d'avenir que le nom !
Les emplois d'avenir, pris en charge à 75 % par l'État, imposent d’offrir une formation diplômante ou une formation qualifiante à tout jeune qui signe un tel contrat. Ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du droit du travail.
Il s’agit donc de préparer leur avenir non seulement en leur donnant une expérience professionnelle de trois ans, ce qui est un gage d'expérience professionnelle, mais en exigeant de leur employeur un accompagnement et un programme de formation qui tienne compte à la fois du niveau de base de formation du jeune et de l'emploi qu'il doit assumer. Jusqu’à présent, cela ne figurait pas dans le code du travail.
Vous posez également la question du secteur marchand. Depuis quelques jours, les emplois d'avenir y sont davantage ouverts.
Aujourd'hui, Nous constatons des retours très positifs de décollage dans le secteur marchand. Cette nouvelle peut intéresser certains élus.
Parmi les recommandations de la Commission européenne, une disposition est un peu passée inaperçue. La Commission européenne nous demande de prendre des mesures pour favoriser le maintien dans l'emploi des seniors. En effet, à l'échelle européenne, cette difficulté a été pointée par les services.
Cela tombe plutôt bien, puisque le contrat de génération dans les entreprises privées est en train de se mettre en place. J’en rappelle le mécanisme : apporter une subvention à l'entreprise dès lors qu’elle maintient dans l'emploi des seniors de plus de 55 ans – 52 ans dans certaines catégories –, et qu'elle embauche en même temps des jeunes de moins de 25 ans.
On m'a demandé tout à l'heure ce que j'allais annoncer à la Commission européenne. Je répondrai que nous allons mettre en place des contrats de génération dans le monde des entreprises privées, ce qui correspond à un engagement de la France.
Vous le voyez, il nous arrive même d'anticiper les recommandations de l'Union européenne !
Sourires.
Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord vous interroger sur la position que compte adopter le Gouvernement au regard de l’attitude de la Commission européenne, qui outrepasse ses prérogatives et sort de son rôle de plus en plus fréquemment.
Les propos de son président, qui appelle la France à baisser le coût du travail ou à procéder à la réduction de la dépense publique au travers de « tous les postes de dépenses » en témoignent, tout comme ses dernières déclarations outrancières. En atteste également la décision du commissaire européen Karel De Gucht, en charge des négociations sur le partenariat transatlantique, de discuter de l’audiovisuel avec les États-Unis.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a pour projet de contrôler plus étroitement et avec ses partenaires le travail de la Commission européenne et qu’il a adopté une vigilance extrême, concernant le respect par les commissaires européens de leur mandat dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique ?
Sur l’accord auquel les Vingt-Sept pourraient parvenir avec les États-Unis, monsieur le ministre, je vous serai reconnaissant de nous indiquer quelle stratégie le Gouvernement a arrêtée pour diminuer le risque d’aboutir à un accord déséquilibré. Il s’agit là d’un enjeu d’importance, puisqu’il permettrait de freiner le glissement des échanges commerciaux des États-Unis vers l’Asie-Pacifique, l’ensemble États-Unis-Europe représentant encore 40 % des échanges commerciaux et plus de la moitié du PIB mondial.
Il est très problématique que, contrairement aux États membres de l’Union européenne, les États fédérés soient susceptibles de se soustraire aux engagements pris par l’État fédéral américain.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite connaître votre sentiment concernant les prochains élargissements de l’Union européenne. Ne pensez-vous pas que, après avoir procédé à des élargissements en cascade dans le but tout à fait louable d’arrimer un certain nombre de pays à une communauté démocratique, il serait plutôt nécessaire, aujourd’hui, de procéder d'abord à un approfondissement et à une amélioration de la gouvernance européenne ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, pour répondre à vos questions, je vais sans doute devoir répéter mes propos sur l'accord entre l’Union européenne et les États-Unis. Il est vrai qu’il vaut mieux se répéter que se contredire !
Sourires.
Je vous confirme donc que nous avons donné un mandat clair et définitif, sans interprétation possible sur le caractère éventuellement transitoire ou temporaire du mandat, comme le laisse entendre le commissaire européen De Gucht. Il convient à la Commission européenne de le respecter, d’autant qu’elle n’a pas la capacité de changer de sa propre initiative le mandat que lui ont confié les États à partir de ce qui a été indiqué le 14 juin dernier. Le Conseil européen des 27 et 28 juin prochain sera sans doute l’occasion de réaffirmer ce principe.
Monsieur le sénateur, vous avez bien compris qu’il ne s’agissait là que du commencement d'une longue négociation, au cours de laquelle nous aurons un négociateur unique, la Commission européenne. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, nous suivrons – nous contrôlerons, pour être plus franc – l'évolution de ces négociations à travers une commission, qui nous permettra de disposer des éléments au jour le jour.
Bien évidemment, je le rappelle, les marges de négociations et d'approfondissement positif pour l'économie européenne se situent aussi dans l'analyse très précise des barrières non tarifaires. Bien évidemment, les négociations concernent également les États fédérés. En effet, il n'est pas concevable d’engager une négociation à un échelon et, une fois l’accord signé, d’entendre les États fédérés se déclarer non concernés par ce qui a été signé à l'échelle fédérale. Rassurez-vous, nous avons bien vu ces subtilités.
J'en viens à l'élargissement. La position de la France est assez constante. Pour l'Union européenne, choisir d'intégrer de nouveaux États, tout en continuant à fonctionner mieux, implique un examen rigoureux des mérites individuels de chacun des pays candidats et, surtout, de leur capacité effective à respecter les conditions d'adhésion. Au vu des difficultés économiques et institutionnelles actuelles, il est également indispensable de mieux prendre en compte la capacité d'absorption de l'Union européenne.
Chaque fois que l'Union européenne prend des décisions et qu’elle est plus intégrée, pour tous les États qui n’en sont pas encore membres, l'adhésion devient beaucoup plus difficile qu'elle ne l'a été pour leurs prédécesseurs. En effet, chemin faisant, nous devenons plus exigeants que pour les pays qui en ont été les pères fondateurs.
En tout état de cause, je me réjouis qu'un vingt-huitième pays intègre l’Union européenne le 1er juillet prochain. J'espère que la rencontre avec Mme Ashton les 27 et 28 juin prochain permettra des avancées positives pour la Serbie. C'est dans cette perspective que nous continuerons à travailler vis-à-vis d'États qui frappent à la porte de l'Union européenne.
Parfois, au sein de l'Union européenne, on se demande si cette organisation apporte des solutions positives. Pourtant, de façon significative, ceux qui n'en font pas partie veulent y entrer. C'est bien la preuve que nous avons intérêt à en être membre, parce que nous sommes plus forts ensemble !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos de tout à l'heure ne visaient pas à provoquer des convulsions chez mes collègues socialistes. J'ai simplement rappelé les analyses et les recommandations de la Commission européenne, du FMI et de l'OCDE.
Je souhaite que le Gouvernement réussisse. En effet, cela signifiera que la France gagne.
Cependant, les méthodes employées et la politique mise en œuvre me semblent produire l’effet inverse !
Je ne demande pas que l'on suive en tout point l'Allemagne, mais, à certains égards, ce pays constitue tout de même un modèle.
Dans l'énumération qu'a faite M. le ministre, je suis tout à fait favorable à la taxation des transactions financières, qui avait d’ailleurs été lancée sous la précédente majorité. De même, le Fonds européen d'aide aux plus démunis répond à une mission de générosité qui me semble aller de soi.
Monsieur le ministre, puisque nos relations sont cordiales, permettez-moi de vous parler ouvertement. J'ai été quelque peu surpris que vous ouvriez tout à l’heure votre intervention sur le poulet chloré et la qualité de la viande. Bien sûr, ce sont des dossiers importants dans notre négociation avec les États-Unis, mais, à l'échelon européen, l'essentiel reste tout de même la compétitivité. Que faites-vous pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises ?
Je commence la plupart de mes interventions en reconnaissant que vous avez hérité d'une situation difficile. Toutefois, de grâce, ne l'aggravez pas !
M. Sutour a eu raison de parler tout à l'heure de subsidiarité. Il est en effet essentiel que chaque pays puisse mener la politique qu'il souhaite. Pour autant, nous ne devons pas perdre de vue la convergence et la gouvernance européennes.
Monsieur le ministre, puisqu’il faut choisir un chemin français, je vous demande quel est celui que vous comptez emprunter pour baisser les dépenses, les impôts et les charges.
Pensez-vous que la taxation à 75 % soit véritablement stimulante et contribue à donner une bonne image de la France ? La conséquence de cette mesure n’est-elle pas la diminution de 13 % des investissements étrangers ?
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire encore pour les retraites ? Le bon sens commanderait assurément d’aligner leurs règles sur celles de nos partenaires.
Je serais heureux d'avoir, sur ces points précis, des réponses précises de votre part.
Monsieur le sénateur, si je vous ai parlé tout à l'heure du poulet chloré ou des contaminations chimiques de la viande, c'est parce que des questions très précises ont été posées pour savoir si, dans l'accord de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, nous avions préservé nos intérêts en matière agricole et agroalimentaire. Je me devais donc de vous répondre sur ce point.
S’agissant de la compétitivité, comme vous le savez, la baisse de la masse salariale s’accentuera l’an prochain, pour passer de 4 % à 6 %. Voilà une première réponse, très précise, qui sera apportée à l'échelle européenne.
Mon rôle, que je ne confonds pas avec celui de Pierre Moscovici, est de trouver, à l’échelle de l’Union européenne, des leviers économiques et des soutiens budgétaires pour relancer l'économie, en France comme en Europe.
C'est pourquoi je m’assurerai, par exemple, que la ligne « Recherche et développement » soit, à partir du mois de juillet prochain, c’est-à-dire dans quelques jours, portée de 53 milliards d'euros à 70 milliards d'euros pour les entreprises françaises, ce qui permettra à celles-ci d'investir.
Je dois aussi m'assurer que les arbitrages qui seront rendus dans quelques jours sur la ligne « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe », qui concerne toutes les infrastructures de transport, y compris en matière d’énergie, répondent à notre souhait d’une augmentation des crédits de 19 milliards d'euros.
Je souhaite également que toutes les mesures relatives à la formation permettent aux jeunes, en France et en Europe, d'avoir une meilleure « employabilité », pour répondre aux demandes des entreprises.
Je dois aussi m'assurer que le retour sur la table des négociations relatives à la politique agricole commune, sujet ô combien fondamental pour l’économie française, ne se traduise pas, au cours de la période 2014-2020, par moins d'accompagnement pour les entreprises agricoles et les agriculteurs, qui font partie intégrante de l'économie française et européenne.
Avec tous ces moyens mis bout à bout, nous serons au rendez-vous de la relance, dans différents secteurs.
J’indique aussi qu’un programme de recherche de 6 milliards d'euros sur les satellites géostationnaires a été signé la semaine dernière avec l'Agence spatiale européenne, qui devrait permettre la création de 140 000 emplois et le lancement de 69 satellites par Arianespace. Cela aussi, c’est de l'activité !
C'est donc concrètement, monsieur le sénateur, que je me bats chaque jour pour peser sur les décisions européennes et accompagner les entreprises.
Je vous ai parlé tout à l'heure de la Banque européenne d'investissement : les 7 milliards d'euros qui seront, l'été prochain, consacrés aux petites et moyennes entreprises permettront aussi de créer de l'emploi sur nos territoires respectifs. Rien ne doit être négligé !
Monsieur le ministre, le sommet des 27 et 28 juin comportera, bien entendu, une forte dimension financière et budgétaire, avec en ligne de mire l’Union économique et monétaire, ainsi que la régulation dont nous avons très largement besoin aujourd'hui dans le monde et en Europe.
J'ai apprécié, comme d'autres collègues, votre détermination à défendre la position de la France sur tous ces sujets et à mettre en avant une logique fondée sur la recherche de la croissance.
Vous avez parlé de la recherche, des jeunes et de la nécessaire régulation, monsieur le ministre : nous partageons cette position et nous sommes sûrs qu’elle sera défendue avec beaucoup de pugnacité.
À titre personnel, je voulais aussi mettre en avant une préoccupation d’ordre social.
Je viens d'une région où des questions majeures se posent aujourd'hui dans le secteur de l'agroalimentaire, puisque de nombreuses entreprises en difficulté sont aujourd'hui recensées dans les filières du poulet, du porc ou du saumon.
La question récurrente qui nous est adressée par les populations et les décideurs économiques est celle du coût du travail. Ils se demandent pourquoi, chez certains de nos voisins européens, les coûts horaires sont aujourd'hui de 4 ou 5 euros, avec une main-d’œuvre qui vient parfois des pays alentours, alors que le coût chez nous avoisine 13 ou 14 euros de l'heure ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous, sur ce terrain également, nous assurer de votre détermination ? Vous avez déjà évoqué tout à l'heure les orientations fortes que vous comptiez promouvoir sur le plan social, notamment la volonté du gouvernement français de fixer un salaire minimum à l'échelon européen.
Il nous faut convaincre nos concitoyens de l'utilité de l'Europe, et nous pourrons d'autant mieux le faire que des réponses concrètes seront apportées à ce type de questionnements.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de l’appréciation que vous avez portée sur la qualité du débat.
Compte tenu de votre expertise, vous auriez pu me questionner sur l'évolution et l'approfondissement de l'union bancaire. Je vous sais gré de ne pas l'avoir fait à cette heure tardive…
Sourires.
Oui, nous sommes résolument déterminés à lutter contre le dumping social, et cette lutte passe, pour nous, par la recherche d'une convergence sociale par le haut. Une autre solution consisterait à remettre en cause toutes les avancées sociales qui ont été capitalisées au cours des dernières décennies. Nous faisons au contraire le choix de tirer progressivement vers le haut les socles sociaux.
Nous allons pour cela mettre à profit les débats qui vont s'ouvrir, en particulier sur la directive « Détachement des travailleurs », pour éviter de subir une concurrence totalement déloyale qui risquerait de condamner certains secteurs, notamment celui des abattoirs, que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur général.
Nous allons également travailler d'arrache-pied sur la directive « Marchés publics », pour nous assurer que des pays qui, aujourd'hui, ne respectent pas un minimum de droit social ne pourront pas venir décrocher des marchés dans des pays qui, comme la France, ont une assise sociale plus élevée.
Nous souhaiterions in fine que la Commission puisse interdire à des entreprises ressortissantes de pays dont nous aurions la certitude qu'ils font du dumping social de soumissionner dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette discussion est actuellement en cours.
En ce qui concerne la directive « Détachement des travailleurs », nous avons engagé un débat avec l'ensemble de nos partenaires sociaux représentant les salariés et les entreprises de France. Nous nous retrouvons demain matin pour savoir si nous pouvons porter à l'échelle européenne une position qui soit non seulement celle du politique, mais aussi celle des partenaires sociaux, ce qui nous donnera d'autant plus de force, à l'image de ce que nous avons fait avec l’accord national interprofessionnel. Les décisions seront en effet d’autant mieux respectées qu’elles seront élaborées de concert avec celles et ceux qui font l'économie.
J’ai d’ailleurs d'ores et déjà indiqué au commissaire László Andor l’importance que nous attachions, dans les mois qui viennent, et tout particulièrement dans le dernier semestre de l'année 2013 – dernier semestre avant les élections européennes –, à ce que des mesures concrètes soient adoptées, afin que nos concitoyens aient le sentiment que l'Union répond à leurs attentes.
Nous ferons en sorte que ces mesures puissent être prises. Cela m'a d'ailleurs valu le plaisir de passer récemment une journée à Vilnius, afin de sensibiliser la présidence lituanienne sur nos priorités.
La deuxième priorité, après l'emploi des jeunes, est bien la lutte contre le dumping social. Vous pouvez en effet compter sur notre détermination, monsieur le rapporteur général.
Personne ne demande plus la parole ?...
Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin prochain.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 20 juin 2013 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 614, 2012-2013) ;
Rapport de Mmes Dominique Gillot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 659, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 660, 2012-2013) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 663, 2012-2013) ;
Rapport d’information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 655, 2012-2013).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.