Monsieur le ministre, comme le président de la commission, j’espère que la situation en Turquie sera évoquée lors du Conseil européen. Bien que vous en ayez déjà dit quelques mots dans votre réponse à notre collègue, je souhaite revenir sur le sujet.
Vous le savez, la Turquie est secouée depuis plus de quinze jours par des manifestations antigouvernementales. Une partie importante de la population estime en effet que le Premier ministre turc fait preuve de dérive autoritaire, qu’il souhaite islamiser la société et qu’il s’introduit dans la vie privée des citoyens de cette république, laïque depuis 1937.
Le mouvement de protestation s’est heurté à l’intransigeance du gouvernement turc et à une répression policière d’une très grande violence.
Aujourd’hui, le bilan est très lourd. Selon l’Union des médecins de Turquie la répression des manifestations a fait quatre morts et plus de 7 700 blessés, et ce à travers tout le pays. Parmi les blessés, on dénombre notamment dix personnes ayant perdu la vue. L’Union des médecins de Turquie souligne notamment la dangerosité des gaz utilisés contre les manifestants. Ces gaz auraient d'ailleurs causé la mort de nombreux animaux.
Plusieurs centaines de manifestants ont été arrêtés lors de ces manifestations. Au moins une Française se trouve parmi eux. Depuis dimanche dernier, la police a procédé à des arrestations de militants politiques à leur domicile, au siège d’un journal et d’une agence de presse. Tous attendent désormais leur jugement – comme vous le savez, cela peut durer longtemps en Turquie. Aujourd'hui, 94 d’entre eux sont passés devant le procureur. Beaucoup risquent des peines de prison, quatre sont déjà écroués.
Cette répression porte gravement atteinte aux principes fondamentaux des droits de l’homme et de la démocratie. Le Parlement européen, le Conseil de l’Europe ont protesté. Même la chancelière allemande s'est émue. En revanche, monsieur le ministre, je vous avoue avoir trouvé le gouvernement français plutôt discret en la matière.
Le 6 juin dernier, cependant, en réponse à une question posée ici-même par notre collègue Esther Benbassa, vous avez tenu des propos fermes à l’égard du gouvernement turc. Vous avez également indiqué rencontrer la semaine suivante votre homologue turc.
Ne pensez-vous pas qu’un geste fort du gouvernement français pourrait consister à retirer le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Turquie ? En effet, comment peut-on soutenir une coopération policière sans prendre le risque de complicité avec un gouvernement qui ne respecte ni la démocratie ni les droits de l’homme ?