Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a l'ambition de conduire à son terme un mouvement engagé depuis près de vingt ans pour garantir l'indépendance de la justice et lever toute suspicion de corporatisme et de mainmise du pouvoir politique, tout en offrant aux parquetiers les conditions requises pour exercer leurs missions.

J'ai bien sûr procédé à diverses auditions : les magistrats, notamment ceux du parquet, souhaitent l'adoption de cette réforme utile. Un membre du CSM nous a d'ailleurs précisé que si ce projet venait à être repoussé, la situation serait particulièrement difficile.

Ce texte vient après la réforme de 1993 et la révision de 2008 dont l'un des objectifs était de détacher le CSM du pouvoir exécutif et l'ouvrir aux justiciables. Il n'aurait pas lieu d'être si la révision constitutionnelle de 1998 avait été menée à son terme.

D'aucuns disent que la réforme est inutile puisque le CSM fonctionne bien. Les mesures que préconisait hier M. Lamanda relèvent plus de la loi organique que des grands principes. Si nous allons plus loin, c'est que le statut du parquet pose de réels problèmes : nous sommes dans une situation unique en Europe avec un seul corps de magistrats... répartis entre parquet et siège. Or, les deux missions sont totalement différentes : les juges du siège rendent des jugements impartiaux et ils sont totalement détachés du pouvoir politique tandis que les procureurs sont hiérarchiquement soumis à l'autorité du garde des sceaux dont ils doivent appliquer la politique pénale.

Le rapport d'information de M. Zocchetto sur les procédures de traitement rapide des infractions pénales relevait toutefois que le parquet tient de plus en plus un rôle pré-juridictionnel, par le choix ou non de la comparution immédiate, le recours aux ordonnances pénales ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le parquet n'est pas qu'une partie au procès, il défend l'intérêt général et la loi. Il est aussi un acteur de la vie judiciaire ; il a un rôle de prévention et il est en rapport avec les autorités préfectorales et électives.

Lorsqu'il avait été question de réformer la procédure pénale et de supprimer le juge d'instruction, le président Hyest avait estimé opportun de créer un groupe de travail animé par Jean-René Lecerf et moi-même pour mener une réflexion approfondie sur le sujet. Nous avions conclu que cette suppression était envisageable à condition de passer par un juge lorsque la liberté des personnes est en cause, et que le parquet ne soit pas soumis pour la carrière et la discipline à l'autorité du pouvoir politique. La réforme de la procédure pénale reste à faire - j'en reparlerai à l'occasion du deuxième texte.

Les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pressent la France à revoir le statut du parquet. Après l'arrêt Moulin, nous avons été obligés de modifier profondément la procédure pénale, notamment sur la garde à vue. La réforme du statut du parquet apparaît d'autant plus nécessaire à cet égard que les attributions des procureurs s'accroissent de plus en plus.

Elu au suffrage universel, le Président de la République est le pivot de nos institutions. Il est normal que l'article 64 de la Constitution consacre son rôle. Je vous proposerai un amendement pour décrire plus correctement l'intervention du CSM à ses côtés, car le texte du Gouvernement et celui de l'Assemblée nationale ne conviennent pas.

Le projet renforce les prérogatives du CSM. Il l'érige ainsi en conseil de discipline du parquet. Il conserve la saisine des citoyens prévue par la réforme de 2008, et confie au CSM le pouvoir de se saisir d'office sur les questions déontologiques et d'indépendance, ce qui paraît très intéressant.

Le texte prévoit une composition et des modalités de désignation nouvelles pour asseoir la légitimité du Conseil. La nomination des personnalités extérieures par un collège d'autorités a été beaucoup critiquée. Celui-ci serait composé du premier président de la Cour de cassation, du procureur général, du vice président du Conseil d'Etat, du président de la Cour des comptes, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits, du président de la commission nationale consultative des droits de l'homme -qui n'est toutefois pas désigné comme tel dans la Constitution-, et d'un professeur d'université. En plus de ces personnalités extérieures, le CSM compterait un avocat désigné par le conseil national des barreaux et un conseiller d'Etat désigné par l'assemblée générale.

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