Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Bien sûr, le projet constitutionnalise une pratique en vigueur depuis Michel Mercier : la nomination des membres du parquet par le garde des sceaux ne pourra intervenir qu'après avis conforme du CSM. Mme Guigou avait instauré un usage qui a été bousculé par certains de ses successeurs, avant d'être repris par M. Mercier et suivi par Mme Taubira. Le constitutionnaliser interdira que cet avis conforme intervienne à la suite de négociations : le ministre de la justice devra mettre cartes sur table, présenter son candidat, et le CSM se prononcera en toute indépendance.

L'amendement de l'Assemblée nationale précisant que les personnalités extérieures doivent recueillir les trois cinquièmes des votes positifs de la commission des lois des deux assemblées est l'un de ceux qui méritent d'être conservés, ses avantages l'emportant sur ses inconvénients. Je ne crains pas que le plus petit dénominateur commun s'impose, puisque seules des personnalités de haut niveau réuniront les trois cinquièmes des suffrages. En outre, le risque de blocage me semble minime : l'exemple espagnol n'est pas pertinent, car là-bas, c'est le Parlement qui vote, et non les commissions. Les débats à l'Assemblée nationale seront-ils politisés ? Je n'ai, en tout cas, aucune crainte pour ceux qui se dérouleront au Sénat. J'ajoute que la nomination aux trois cinquièmes donnera aux personnalités extérieures un poids réel.

Certains constitutionnalistes remarquent que cette majorité qualifiée n'est pas requise pour les autres organismes. Sans doute faudra-t-il que nous y revenions au fur et à mesure que des textes les concernant nous seront soumis. Il en sera ainsi prochainement pour le CSA avec le projet de loi sur l'audiovisuel. En revanche, toutes les nominations ne méritent sans doute pas une telle majorité.

Cette réforme est utile et ne peut être différée. Toutes les personnes que j'ai pu entendre étaient d'accord sur le but poursuivi, à savoir l'indépendance de la justice, l'autonomie des magistrats du parquet. En revanche, leurs avis différaient sur les modalités retenues. Ainsi, les deux syndicats de magistrats s'opposent sur la composition du CSM. En revanche, les associations de procureurs et de procureurs généraux sont à peu près d'accord entre elles. Malgré quelques différences, les positions des membres du CSM restent assez proches. Nous avons également entendu les chefs de la Cour de cassation.

Je propose de maintenir le Président de la République comme garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de mieux définir le rôle de plus en plus important du CSM. Le Conseil sera paritaire, composé d'autant de magistrats que de personnalités extérieures, ce qui est un équilibre. Puisque la justice est rendue au nom du peuple français, je souhaite substituer au collège le président de la République, ceux de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont les propositions seront confirmées ou non par les commissions des lois aux trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le premier président de la Cour de cassation, qui est le premier magistrat de France et une personnalité connue à l'étranger, doit présider la formation plénière de même que la formation siège. Pourquoi nommer quelqu'un d'autre qui serait, à n'en pas douter, un professeur de droit à la retraite ? On ne peut en effet sérieusement envisager la nomination d'un avocat ou d'un conseiller d'Etat. Je suggère en outre que le procureur général près la Cour de cassation siège dans la formation plénière, ce qui n'est pas le cas, alors que, comme M. Marin l'a dit, elle peut être saisie de requêtes concernant le parquet.

Je vous soumettrai également un nouvel article qui renvoie à une loi organique les dispositions relatives aux incompatibilités entre les membres du CSM et les autres activités professionnelles. La Chancellerie y travaille. Si les magistrats élus bénéficient en général de détachements syndicaux, la situation des autres est très variable, si bien que les membres extérieurs en activité sont moins présents et prennent moins de rapports, ce qui est dommage car ils sont détachés de toute influence corporatiste comme de toute obédience.

Enfin, je propose de préciser la saisine du justiciable, étendre celle des magistrats, et mieux formuler la présence du garde des sceaux aux séances du Conseil.

Sous le bénéfice de ces amendements, je vous propose d'adopter de projet de loi constitutionnelle.

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