Peut-on tenir des prix de l'énergie bas en France, avec un parc nucléaire amorti mais dont il faut revoir la sûreté ? Selon le rapport de la commission de régulation de l'énergie, EDF devra relever ses tarifs pour rester rentable. Peut-on compter sur une compétitivité durable fondée sur les prix bas de l'énergie en France et en Europe ? C'est une vraie question. Les dirigeants d'EDF et de GDF-Suez ne pensent pas que l'on puisse maintenir à ce niveau les prix de l'énergie à la consommation - le prix pour les industriels est un autre débat.
Il n'y a pas de consensus sur le gaz de schiste. Les économistes américains, que je connais bien pour enseigner à Columbia, ne tablent pas sur une baisse du prix du gaz en France et en Europe : point de bonanza à l'américaine pour nous, dit l'Agence internationale de l'énergie. Difficile de fonder notre compétitivité internationale sur des prix de l'énergie bas ; il faut s'attendre à ce qu'ils doublent, surtout avec les nouveaux équipements nucléaires. Nous devrons trouver une solution pour les électro-intensifs. Heureusement que l'éolien va devenir rentable, et que nous n'aurons plus besoin de le subventionner. Inspirons-nous du Danemark ou de l'Allemagne pour ce qui est de la CSPE. Diversifions, trouvons des énergies peu chères, notamment les énergies dites fatales, mais en même temps, soyons plus économes et plus efficaces pour dépendre moins des aléas des prix internationaux.
Le découplage entre croissance économique et consommation énergétique est l'obsession du gouvernement chinois, que je conseille. C'est un problème international. Nous pouvons trouver des ressorts de croissance dans l'efficacité de l'économie en matière énergétique.
Nous avons beaucoup parlé de climatisation, les solutions se mettent en place. Personne ne prône aujourd'hui des soviets, mais tout le monde voit le futur énergétique de la France avec plus d'électricité, et moins de carburants liquides. L'espace d'innovation technologique sur le stockage est immense, nous devons investir pour être dans la course : celui qui trouvera la solution gagnera le jackpot.
J'insiste sur la notion de compromis, plus rassurant que le consensus, les déclarations d'intention. Se mettre d'accord pour valoriser le potentiel du nucléaire n'allait pas de soi. Même si l'objectif est de réduire la part du nucléaire, nous devons maximiser cette ressource, car notre avantage est fragile : notre système énergétique s'est dégradé et nous importons de plus en plus. Un changement s'impose, et le principe de la transition énergétique est désormais accepté, me semble-t-il. Personne ne veut payer, c'est normal, il faudra cependant expliquer que la transition est nécessaire et peut être une chance pour la France.
Le suivi et l'évaluation des politiques seront la garantie de la crédibilité, l'épreuve de vérité. Le conseil national a effectué un travail considérable, les positions ont évolué. Le Medef, qui était initialement contre la transition, ne prônant que le gaz de schiste, participe désormais activement à la discussion. J'espère un compromis : souhaitez-moi bonne chance !