Intervention de Elisabeth Ayrault

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Elisabeth Ayrault candidate proposée à la présidence du directoire de la compagnie nationale du rhône

Elisabeth Ayrault :

D'abord un bref rappel de mon parcours professionnel. J'ai complété mon diplôme d'architecte par un DEA de géographie urbaine, une année à l'Institut agronomique méditerranéen et un DESS de l'Institut d'administration des entreprises. J'ai débuté ma vie professionnelle dans les Pyrénées-Orientales, où j'ai créé un cabinet d'architecture et d'urbanisme. J'ai travaillé pendant sept ans aux côtés des élus sur les grands schémas d'urbanisme, les plans d'occupation des sols ou les zones d'aménagement concerté (ZAC), dont la première ZAC sans expropriation de France, apprenant ainsi le débat public et la recherche du consensus entre intérêts publics et intérêts privés.

J'ai poursuivi ma carrière à la SAE, où je travaillais au montage d'opérations immobilières, puis j'ai pris la direction de Dumez Immobilier Promotion, où j'ai piloté des projets importants dans le sud de la France, dans le contexte de crise immobilière des années quatre-vingt dix. En 1998, j'ai intégré Elyo, société spécialisée en efficacité énergétique ; à la tête d'Elyo Île-de-France, je dirigeais 4 200 personnes. Je me suis intéressée aux réseaux de chaleur urbains, au facilities management, à l'ouverture du marché de l'électricité, qui modifiait nos métiers.

En 2009, j'ai intégré le monde des déchets. À la tête de Sita Île-de-France, j'ai piloté un ensemble de 3 200 personnes, de 33 nationalités différentes, une population d'ouvriers. Depuis 2011, je suis directeur général délégué de Sita France, société de 20 000 personnes. Les enjeux actuels sont la mutation du mode de traitement des déchets en France et la rupture de business model qui en découle. Pour résumer, j'ai fait différents métiers, guidée par l'envie de développer des entreprises et de diriger des équipes, dans des marchés en mutation.

Un mot sur la Compagnie nationale du Rhône aujourd'hui. Créée en 1933, la CNR a la concession du Rhône, depuis le lac Léman jusqu'à la Méditerranée, avec trois missions solidaires, financées grâce aux revenus générés par la production d'hydroélectricité : améliorer la navigation sur le fleuve, accroître l'irrigation de la vallée et promouvoir les autres usages agricoles. Dans ce cadre, la CNR a réalisé des centrales, des barrages, des écluses, des ports, etc. En 1946, elle demeure indépendante et publique, l'exploitation des ouvrages étant assurée par EDF pour le compte de la CNR. Le capital et la gouvernance évoluent dans les années 2000 : avec la libération du marché européen de l'énergie en 2001, la CNR devient producteur et gestionnaire autonome d'électricité de plein exercice. À compter de 2006, elle exploite seule ses ouvrages hydrauliques, et intègre 307 agents d'EDF, innovation organisationnelle réussie qui a permis une mutation complète de la compagnie.

L'entreprise, à capital majoritairement public, repose sur trois grands types d'actionnaires : le groupe GDF-Suez, la Caisse des dépôts et consignations, et les collectivités locales. Elle est en France le premier producteur français d'électricité renouvelable, et le deuxième producteur d'électricité : au total, 15,7 térawatts-heure en 2012, dont 93 % d'hydraulique, 7 % d'éolien et 0,3 % de photovoltaïque. La CNR a acquis un grand savoir-faire en gestion des énergies intermittentes, avec une organisation et des outils lui permettant d'anticiper les conditions hydrométéorologiques, d'adapter sa production aux besoins du marché, de piloter son parc en temps réel en limitant le coût des écarts entre prévisions et production réelle. Ainsi, par cette démarche intégrée, la CNR optimise la valeur de sa production et développe de nouveaux actifs avec une vision globale, allant de la prospection à la valorisation.

Chargée de développer la navigation du fleuve Rhône, la CNR est le promoteur de la voie navigable à grand gabarit sur 330 kilomètres, de Lyon à la Méditerranée. Son centre de gestion de la navigation est opérationnel depuis mars 1992 ; les quatorze écluses à grand gabarit en aval de Lyon sont commandées à distance, en toute sécurité. Le transport fluvial, sûr, peu polluant et économique, a augmenté de 60 % depuis 2001 : en 2012, le Rhône a transporté plus de 5 millions de tonnes de marchandises et 165 000 passagers. La CNR a en outre déployé un réseau de dix-huit plateformes industrielles, dont la tête de pont est le port Lyon Edouard-Herriot, pour développer des activités industrielles le long de la vallée.

Une particularité de la CNR réside dans son ingénierie fluviale et hydroélectrique, reconnue dans le monde entier. Le bureau d'études intégré travaille pour le compte de tiers, en France et à l'étranger, à hauteur d'un tiers de son activité. En 2013, CNR Ingénierie a reçu le Grand prix national ingénierie pour son travail sur le projet de doublement des écluses du canal de Panama.

Qu'est-ce que le modèle CNR ? En 2003, la CNR a adjoint à ses trois missions historiques des plans de mission d'intérêt général (MIG) en faveur de la communauté rhodanienne. C'est une novation majeure dans la relation entre la CNR et ses partenaires, les collectivités locales, les usagers du fleuve, les riverains. Ces MIG sont formalisées dans des programmes à cinq ans, qui s'enchaîneront jusqu'à l'échéance de 2023, date de fin de la concession. Ces engagements sont le fruit de réflexion menée avec l'État ; les premier et deuxième plans MIG s'achèvent. Le troisième sera soumis au conseil de surveillance le 5 juillet prochain. Son fil conducteur est le développement durable : nouveaux services aux usagers, production hydroélectrique, valorisation énergétique des débits réservés, environnement, ancrage local. Ces MIG sont intégrées au plan Rhône.

Ce modèle économique est singulier : inscrit dans une perspective à long terme, il allie efficacité économique, équité sociale, intérêt collectif et respect de l'environnement. Il fait de la CNR un concessionnaire exemplaire, leader du développement durable, qui redistribue une grande partie de la valeur créée : la compagnie a ainsi versé 185 millions d'euros à l'État en 2012 au titre de la redevance hydroélectrique, et 1,5 milliard sur dix ans. En tout, elle aura versé 374 millions d'euros à l'État en impôts et taxes en 2012, sans oublier les 160 millions du 2e plan quinquennal des MIG.

La CNR crée de la valeur en gérant, en développant et en acquérant de nouveaux actifs de production ; elle répond aux objectifs de la politique énergétique de la France, tout en redistribuant la valeur créée à l'État, aux actionnaires, aux collectivités et aux salariés. C'est ça, le modèle CNR.

Je veux rendre hommage aux précédents présidents du directoire, Michel Margne, toujours président du conseil de surveillance, et Yves de Gaulle. Ils ont mis en place les MIG, travaillé à développer le modèle CNR et permis cette création de richesse.

Mes ambitions pour la CNR s'inscrivent dans la continuité de ce qui a été fait. Le plan stratégique d'entreprise 2012-2017 s'appuie sur d'excellents objectifs. La CNR tire sa richesse de l'eau, du vent, du soleil ; elle a acquis une expertise précieuse, que je souhaite conforter. Nous renforcerons notre position en développant l'hydroélectricité, le photovoltaïque et l'éolien. La CNR se positionnera sur de nouvelles concessions, elle rachètera des parcs existants et développera de nouveaux projets. Mes objectifs sont très ambitieux : augmenter d'ici 2018 de 1 000 à 1 500 mégawatts-heure la capacité hydroélectrique installée qui est aujourd'hui de 3 000, doubler la capacité dans l'éolien, la porter de 15 à 100 mégawatts-crête dans le photovoltaïque. Cela suppose que le marché européen de l'énergie l'autorise, que la réglementation française se stabilise, et que nos partenaires actionnaires approuvent ce développement en France et à l'étranger.

Des potentiels de développement demeurent dans le transport fluvial et la valorisation des patrimoines fonciers de la CNR. La stratégie s'appuiera sur trois piliers. D'abord, le maintien du modèle CNR. Ensuite, l'innovation, avec par exemple le concept Move in Pure, système de recharge intelligente de véhicules, ou des expertises complémentaires à nos coeurs de métier, notamment sur les courants marins et l'énergie hydrolienne, ou encore le pilotage et la maintenance de nos installations. Troisième pilier, l'excellence industrielle, encore plus indispensable quand l'on est concessionnaire et que l'on doit assurer la sûreté et la sécurité des ouvrages que l'on exploite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion