Intervention de Olli Rehn

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 juin 2013 : 1ère réunion
Réunion de travail avec m. olli rehn vice-président de la commission européenne en charge des affaires économiques et monétaires

Olli Rehn, vice-président de la Commission européenne :

Je vous remercie de votre invitation, et je pense que de tels échanges réguliers ne peuvent qu'enrichir la gouvernance économique de l'Europe, qui est un concept cher à la France depuis longtemps.

Les recommandations aux vingt-sept pays de l'Union européenne (UE) adoptées par la Commission européenne le 29 mai 2013 doivent être comprises comme faisant partie de la stratégie globale de l'UE pour sortir de la crise. Elles sont fondées sur une analyse détaillée de la situation de chaque pays et donnent des orientations pour stimuler le potentiel de croissance, renforcer la compétitivité et créer des emplois. Considérées dans leur ensemble, ces recommandations sont porteuses de réformes ambitieuses pour l'UE. L'analyse de la Commission européenne montre qu'un rééquilibrage est en cours dans l'UE : la plupart des Etats membres de l'UE font des progrès dans le rétablissement des équilibres budgétaires et le renforcement de la compétitivité.

La Commission européenne salue les efforts, difficiles mais nécessaires, entrepris par la France pour assainir les comptes publics, lutter contre le chômage et enrayer la baisse de la compétitivité. Il n'y a pas de contradiction entre l'objectif d'équilibre des comptes publics et une politique de croissance ambitieuse portée par des réformes structurelles, le tout étant au service de l'emploi, qui demeure notre préoccupation majeure.

S'agissant de la consolidation budgétaire, je défends une application intelligente du Pacte de stabilité et de croissance, qui prenne en compte les efforts entrepris pour réduire le déficit structurel. Dans un contexte économique difficile, la France a fait un effort de réduction du déficit structurel et il nous a semblé raisonnable de proposer deux années supplémentaires par rapport aux recommandations du Conseil de 2009, pour permettre à la France de ramener son déficit en-deçà de 3 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2015. Un report d'une seule année aurait entraîné une prolongation de la stagnation, c'est-à-dire trois ans de croissance nulle, entre 2012 et 2014. Ce délai de deux ans est donc un appui supplémentaire à la croissance à court terme ; il doit cependant être mis à profit pour renforcer la viabilité à long terme des finances publiques et pour enrayer l'érosion constante de la compétitivité française grâce aux réformes.

Nous avons donc recommandé à la France de diminuer davantage le coût du travail par une baisse des cotisations de sécurité sociale. Les capacités d'innovation et d'exportation, notamment des petites et moyennes entreprises (PME) doivent être nettement améliorées. Il est également possible de renforcer la concurrence au sein des professions réglementées, dans le commerce de détail et le secteur des industries de réseau. Un meilleur fonctionnement du marché du travail pourrait également favoriser la croissance. Les mesures visant à réformer le système de retraite devraient être précisées avant la fin de cette année, pour un retour à l'équilibre d'ici à 2020.

Je sais que le Gouvernement partage ces objectifs, et a déjà lancé des initiatives importantes, comme par exemple le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi de novembre dernier, ou l'accord avec les partenaires sociaux pour la réforme du marché du travail. Nous encourageons le Gouvernement à poursuivre ces réformes.

S'agissant de l'avenir de l'union économique et monétaire (UEM), le concept de Gouvernement économique de la zone euro est souvent présent dans le débat français. Je veux être clair : la viabilité et la crédibilité de l'UEM dépendent en grande partie de la solidité de ses institutions. Nous avons parcouru un long chemin depuis le début de la crise pour renforcer la gouvernance de l'UEM, mais ce processus doit se poursuivre, et il ne peut se faire sans le soutien des citoyens.

En novembre 2012, la Commission européenne a présenté sa vision d'une UEM plus intégrée, et elle poursuit son travail de construction d'une union politique dotée de mécanismes renforcés de contrôle démocratique. Selon nous, pour assurer une construction effective et inclusive de l'UEM, il était essentiel de travailler sur la base de la méthode communautaire et de ne pas céder au réflexe intergouvernemental. Ce plan d'action pour une UEM approfondie définit les objectifs et les mesures nécessaires à court, moyen et long termes. Ce processus devrait être accompagné d'actions en vue d'une intégration politique susceptible de renforcer la légitimité démocratique, la responsabilité et le contrôle parlementaire.

Grâce à un travail considérable - et je tiens à le dire, grâce au soutien de la France - l'union bancaire est sur le point de devenir une réalité. Cette union bancaire reposera sur deux piliers : la supervision unique et la résolution bancaire. Nous avons franchi une étape essentielle avec l'accord sur le mécanisme unique de supervision, qui contribue à rétablir la solidité et la confiance dans les banques de la zone euro, à renforcer le marché unique et à garantir la stabilité financière, alors que nous faisons face aujourd'hui à des incertitudes et à une fragmentation du crédit. Nous présenterons prochainement, sans doute le 2 juillet prochain, le mécanisme unique sur la résolution des banques dans la zone euro, doté d'un fonds commun de résolution pré-financé par les banques et d'une autorité de résolution. La supervision unique et le mécanisme de résolution bancaire doté d'un fonds propre nous permettront, enfin, de supprimer le lien entre les difficultés des banques et la dette des Etats membres, qui a été un problème majeur dans la zone euro ces dernières années. La Commission européenne présentera également une proposition pour renforcer la dimension sociale de l'UEM, y compris le dialogue social auquel je suis très attaché.

Concernant les responsabilités démocratiques, le rôle du Parlement européen et celui des parlements nationaux sont spécifiques et complémentaires : dans le contexte d'une plus grande intégration des politiques budgétaires et économiques, de nouveaux mécanismes permettant d'accroître le niveau de coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux doivent être explorés. Il revient au Parlement européen et aux parlements nationaux de déterminer les modalités précises de cette coopération. Les parlements nationaux jouent un rôle clé pour assurer la légitimité de l'action des Etats membres au sein du Conseil et du Conseil européen : ils sont et resteront des acteurs centraux dans la conduite des politiques nationales, budgétaire et économique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion