La commission tient une réunion de travail avec M. Olli Rehn, vice-président de la Commission européenne, en charge des affaires économiques et monétaires.
Il s'agit d'une séance exceptionnelle puisque nous recevons le vice-président de la Commission européenne, en charge des affaires économiques et monétaires, c'est-à-dire notamment des finances publiques. Le contexte actuel est particulièrement sensible, car l'examen par la Commission européenne, non seulement du cadre macroéconomique de nos lois de finances, mais aussi du programme national de réforme et du programme de stabilité présentés par chaque Gouvernement, devient un moment clé de nos procédures budgétaires, tant sur le plan national qu'européen.
Pouvez-vous nous éclairer sur votre appréciation de la situation économique de notre pays, sur les mesures de politique économique et les réformes préconisées par la Commission européenne - retraites, fiscalité, marché du travail, environnement des entreprises, concurrence, et, plus largement tout ce qui conditionne le climat des affaires et le développement économique ?
Je tiens également à souligner que cette réunion de travail a été ouverte aux membres de la commission des affaires européennes.
Je vous remercie de votre invitation, et je pense que de tels échanges réguliers ne peuvent qu'enrichir la gouvernance économique de l'Europe, qui est un concept cher à la France depuis longtemps.
Les recommandations aux vingt-sept pays de l'Union européenne (UE) adoptées par la Commission européenne le 29 mai 2013 doivent être comprises comme faisant partie de la stratégie globale de l'UE pour sortir de la crise. Elles sont fondées sur une analyse détaillée de la situation de chaque pays et donnent des orientations pour stimuler le potentiel de croissance, renforcer la compétitivité et créer des emplois. Considérées dans leur ensemble, ces recommandations sont porteuses de réformes ambitieuses pour l'UE. L'analyse de la Commission européenne montre qu'un rééquilibrage est en cours dans l'UE : la plupart des Etats membres de l'UE font des progrès dans le rétablissement des équilibres budgétaires et le renforcement de la compétitivité.
La Commission européenne salue les efforts, difficiles mais nécessaires, entrepris par la France pour assainir les comptes publics, lutter contre le chômage et enrayer la baisse de la compétitivité. Il n'y a pas de contradiction entre l'objectif d'équilibre des comptes publics et une politique de croissance ambitieuse portée par des réformes structurelles, le tout étant au service de l'emploi, qui demeure notre préoccupation majeure.
S'agissant de la consolidation budgétaire, je défends une application intelligente du Pacte de stabilité et de croissance, qui prenne en compte les efforts entrepris pour réduire le déficit structurel. Dans un contexte économique difficile, la France a fait un effort de réduction du déficit structurel et il nous a semblé raisonnable de proposer deux années supplémentaires par rapport aux recommandations du Conseil de 2009, pour permettre à la France de ramener son déficit en-deçà de 3 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2015. Un report d'une seule année aurait entraîné une prolongation de la stagnation, c'est-à-dire trois ans de croissance nulle, entre 2012 et 2014. Ce délai de deux ans est donc un appui supplémentaire à la croissance à court terme ; il doit cependant être mis à profit pour renforcer la viabilité à long terme des finances publiques et pour enrayer l'érosion constante de la compétitivité française grâce aux réformes.
Nous avons donc recommandé à la France de diminuer davantage le coût du travail par une baisse des cotisations de sécurité sociale. Les capacités d'innovation et d'exportation, notamment des petites et moyennes entreprises (PME) doivent être nettement améliorées. Il est également possible de renforcer la concurrence au sein des professions réglementées, dans le commerce de détail et le secteur des industries de réseau. Un meilleur fonctionnement du marché du travail pourrait également favoriser la croissance. Les mesures visant à réformer le système de retraite devraient être précisées avant la fin de cette année, pour un retour à l'équilibre d'ici à 2020.
Je sais que le Gouvernement partage ces objectifs, et a déjà lancé des initiatives importantes, comme par exemple le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi de novembre dernier, ou l'accord avec les partenaires sociaux pour la réforme du marché du travail. Nous encourageons le Gouvernement à poursuivre ces réformes.
S'agissant de l'avenir de l'union économique et monétaire (UEM), le concept de Gouvernement économique de la zone euro est souvent présent dans le débat français. Je veux être clair : la viabilité et la crédibilité de l'UEM dépendent en grande partie de la solidité de ses institutions. Nous avons parcouru un long chemin depuis le début de la crise pour renforcer la gouvernance de l'UEM, mais ce processus doit se poursuivre, et il ne peut se faire sans le soutien des citoyens.
En novembre 2012, la Commission européenne a présenté sa vision d'une UEM plus intégrée, et elle poursuit son travail de construction d'une union politique dotée de mécanismes renforcés de contrôle démocratique. Selon nous, pour assurer une construction effective et inclusive de l'UEM, il était essentiel de travailler sur la base de la méthode communautaire et de ne pas céder au réflexe intergouvernemental. Ce plan d'action pour une UEM approfondie définit les objectifs et les mesures nécessaires à court, moyen et long termes. Ce processus devrait être accompagné d'actions en vue d'une intégration politique susceptible de renforcer la légitimité démocratique, la responsabilité et le contrôle parlementaire.
Grâce à un travail considérable - et je tiens à le dire, grâce au soutien de la France - l'union bancaire est sur le point de devenir une réalité. Cette union bancaire reposera sur deux piliers : la supervision unique et la résolution bancaire. Nous avons franchi une étape essentielle avec l'accord sur le mécanisme unique de supervision, qui contribue à rétablir la solidité et la confiance dans les banques de la zone euro, à renforcer le marché unique et à garantir la stabilité financière, alors que nous faisons face aujourd'hui à des incertitudes et à une fragmentation du crédit. Nous présenterons prochainement, sans doute le 2 juillet prochain, le mécanisme unique sur la résolution des banques dans la zone euro, doté d'un fonds commun de résolution pré-financé par les banques et d'une autorité de résolution. La supervision unique et le mécanisme de résolution bancaire doté d'un fonds propre nous permettront, enfin, de supprimer le lien entre les difficultés des banques et la dette des Etats membres, qui a été un problème majeur dans la zone euro ces dernières années. La Commission européenne présentera également une proposition pour renforcer la dimension sociale de l'UEM, y compris le dialogue social auquel je suis très attaché.
Concernant les responsabilités démocratiques, le rôle du Parlement européen et celui des parlements nationaux sont spécifiques et complémentaires : dans le contexte d'une plus grande intégration des politiques budgétaires et économiques, de nouveaux mécanismes permettant d'accroître le niveau de coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux doivent être explorés. Il revient au Parlement européen et aux parlements nationaux de déterminer les modalités précises de cette coopération. Les parlements nationaux jouent un rôle clé pour assurer la légitimité de l'action des Etats membres au sein du Conseil et du Conseil européen : ils sont et resteront des acteurs centraux dans la conduite des politiques nationales, budgétaire et économique.
Il y a un an, nous avions des interrogations majeures sur ce que l'UE pourrait entreprendre face aux attentes exprimées dans plusieurs Etats ; la France, par exemple, avait émis des souhaits par la voix du Président de la République. Vous avez parlé d'un rééquilibrage en cours, aujourd'hui, quant aux exigences formulées pour chaque Etat. À cet égard, s'agissant de la correction du déficit excessif, le délai supplémentaire donné à la France se justifie par le fait qu'il n'était pas souhaitable de faire durer cette stagnation pendant trois années. Dès lors, cette mesure d'étalement dans le temps répond à ce souhait de prendre en compte la croissance.
Concernant la consolidation des finances publiques en Europe, quel a été l'impact du ralentissement de l'activité économique sur l'élasticité des recettes et du multiplicateur budgétaire ? Dans quelle mesure ce ralentissement entrave-t-il les Etats dans la consolidation de leurs finances publiques ?
Par ailleurs, concernant la réduction des dépenses publiques, j'ai lu les recommandations du 29 mai dernier adressées par la Commission européenne à la France ainsi que ses documents de travail ; j'ai noté un regard critique de la Commission européenne sur la Révision générale des politiques (RGPP) qui n'a pas « véritablement réexaminé les grandes politiques économiques et sociales ». A partir de ce constat, la Commission européenne considère-t-elle que la France, grâce à la Modernisation de l'action publique (MAP) a mis en place les outils de nature à assurer la maîtrise des dépenses publiques que la Commission européenne appelle de ses voeux ?
Alors que les recommandations de la Commission européenne sont destinées à l'ensemble de la zone euro, très souvent, dans le débat national, les autres pays sont oubliés. Or, il est important de s'intéresser au rééquilibrage de la zone euro dans son ensemble. C'est pourquoi nous avons recommandé une politique économique qui contribue à un rééquilibrage de l'ensemble de la zone euro, et nous souhaitons que tous les pays jouent leur rôle. Les pays en déficit, pour l'essentiel d'Europe du Sud, doivent continuer à rétablir la compétitivité de leurs économies. Il est également important que les pays en surplus comme l'Allemagne jouent leur rôle en soutenant la croissance. Nous recommandons à l'Allemagne de viser une croissance en ligne avec la productivité, ce qui implique notamment une baisse des cotisations sociales pour les bas revenus : ces mesures sont économiquement raisonnables et socialement justes.
Concernant le fondement intellectuel de la politique d'assainissement budgétaire, nous avons étudié l'élasticité des recettes fiscales et le multiplicateur, et l'impact du niveau de dette publique sur la croissance économique. Ce travail a été mené avec la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), et notamment son économiste en chef, Olivier Blanchard, pour parvenir à une vision commune sur ces aspects essentiels, et nous y sommes parvenus.
Ainsi, le multiplicateur budgétaire est plus important lorsque les circonstances sont difficiles, quand la politique monétaire est déjà très souple et ne peut plus compenser l'assainissement budgétaire. Par conséquent, nous avons conclu que s'il était possible de ralentir l'ajustement budgétaire, nous serions prêts à le recommander. D'ailleurs, nous l'avons déjà fait l'année dernière, sans attendre les travaux du FMI : l'été dernier, nous avions recommandé un prolongement du délai d'ajustement pour la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Pourquoi pouvons-nous le faire maintenant alors que nous ne le pouvions pas en 2010 ou en 2011 ? Pour paraphraser John Quincy Adams, je dirais : « I see no change in policy, only in circumstances », je ne vois pas de changement dans les politiques, mais uniquement dans les circonstances. En d'autres termes, les circonstances ont changé : nous avons une crédibilité accrue en termes de politique budgétaire des Etats membres par rapport à 2010 ou 2011 ; de plus, la BCE a pris des mesures décisives pour stabiliser les marchés financiers, ce qui a permis d'assouplir la situation et de ralentir l'assainissement budgétaire ; enfin, nous disposons désormais d'un cadre crédible à moyen terme pour une gouvernance renforcée en Europe.
Pour ces trois raisons, il est aujourd'hui raisonnable de ralentir le rythme de l'assainissement et d'utiliser cette marge d'action pour mener des réformes structurelles afin de renforcer la croissance et de créer des emplois.
Vous nous avez dit que, pour réussir, il fallait privilégier la méthode communautaire. Je partage volontiers cette prescription, mais il faut tout de même reconnaître que la zone euro a une spécificité. Ainsi, lorsque la crise des dettes souveraines a éclaté, ce ne sont pas les Vingt-Sept qui sont venus au secours de la Grèce ou encore de Chypre, mais bien les membres de la zone euro ; et ceci justifie un gouvernement spécifique de la zone euro - dont vous pourriez sans doute être le ministre de l'économie, des finances et de la coordination budgétaire. Le temps n'est-il donc pas venu de reconnaître qu'il y a deux cercles ? A côté du cercle communautaire, il existe un cercle que vous pourriez qualifier d'intergouvernemental, mais qui est celui de la zone euro, et qui doit trouver les instruments d'une gouvernance efficace.
A cet égard, le mécanisme européen de stabilité (MES) et les progrès accomplis par Eurostat dans l'homogénéisation des méthodes de présentation et de certification des comptes publics vont dans la bonne direction : il y a là les premiers éléments de ce que pourrait être une « direction du Trésor » de la zone euro.
Dois-je donc comprendre que vous êtes favorable à une méthode communautaire « pure et dure », sans reconnaissance de la spécificité de la zone euro ? Je ne veux pas croire cela. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur l'opportunité de mettre en place rapidement un vrai gouvernement de la zone euro.
Je me félicite de la présence du commissaire chargé des affaires économiques : c'est fondamental pour notre commission, dans la mesure où une grande partie de ce que nous faisons dépend aujourd'hui du niveau européen - peut-être ne peut-on pas le dire aussi brutalement, mais c'est la réalité des choses. L'un des problèmes est l'extraordinaire complexité de l'ensemble des mécanismes et des textes qui régissent le secteur économique et financier - le Six-Pack, le Two-Pack, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), les dispositions particulières s'appliquant à la zone euro, etc. Vous n'y pouvez rien, mais il est extrêmement difficile pour ceux qui s'y intéressent de se retrouver dans ce mille-feuilles, et plus encore de l'expliquer aux peuples d'Europe.
Ma première question porte sur la mise en oeuvre des plans de redressement pour les pays en difficulté. Le mécanisme utilisé est essentiellement celui dit de la « troïka », qui comprend la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Ces politiques sont beaucoup trop longues à mettre en oeuvre. Ceci tient-il au fait qu'il s'agit de trois organisations différentes ? Est-ce de la faute de certains Etats membres qui traînent trop, qui hésitent trop à prendre les décisions qui s'imposent ? - je pense à la crise grecque, ou aux faux pas sur Chypre. Que peut-on faire pour que l'Europe dispose d'un mécanisme rapide et efficace ?
Ma seconde question porte sur la lutte contre le chômage et sur la politique sociale que souhaite la Commission. Le problème est qu'elle nous encourage en même temps à une discipline budgétaire qui a pour effet de priver l'Europe de la croissance économique qui lui fait justement défaut à cet égard. Comment résolvez-vous cette contradiction qui, j'en suis sûr, n'est qu'apparente ?
Si nos informations sont exactes, le Parlement européen serait prêt à déposer une résolution à l'adresse du Conseil, soulignant l'insuffisante intégration de l'union économique et monétaire, le primat de la méthode intergouvernementale sur la méthode communautaire, et la nécessité de graver dans le marbre la composition la troïka. La Commission, dont la voix est très importante, ne pourrait-elle pas également passer ces messages avec force ?
Vous avez évoqué le renforcement de la compétitivité, un refrain que nous aimons bien dans cette commission. Avez-vous un guide, un « vademecum » approprié pour chacun des Etats membres sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour améliorer la compétitivité ? J'ai notamment cru comprendre que, pour la France, vous citiez la réduction des cotisations pesant sur le travail.
J'aurais souhaité davantage de précisions quant à votre appréciation sur les efforts de la France : quels sont les points de départ et d'arrivée, quelles évolutions avez-vous constatées ? Pour l'avenir, ne peut-on pas imaginer de définir, à la majorité simple, des fourchettes communes pour rapprocher l'âge de départ à la retraite ou encore la fiscalité des entreprises, afin de donner une vraie consistance à cette coopération et à cette gouvernance européenne que tout le monde souhaite ? Vous avez donné des délais supplémentaires à la France pour atteindre les objectifs de réduction de déficit et d'endettement : quels sont, selon vous, les moyens d'atteindre ces objectifs ?
Que faut-il penser du risque slovène, et du montant des créances douteuses dans le système bancaire du pays ?
Par ailleurs, sur la procédure : la Commission européenne va soumettre au Conseil, pour une adoption au mois de juillet, les recommandations adressées aux Etats pour l'élaboration de leurs documents financiers puis, au mois d'octobre, elle examinera ces projets de budget. Pourriez-vous nous rappeler les prochaines échéances ? Enfin, quels sont les moyens dont dispose la Commission européenne pour inciter un pays comme la France à atteindre véritablement l'objectif du retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2014, si celui-ci est possible ?
Je commencerai par la question de Jean Arthuis sur la relation entre le niveau communautaire et le niveau intergouvernemental dans la gouvernance de la zone euro. Je vais vous révéler un secret : je ne suis pas un fondamentaliste de la méthode communautaire ; je crois seulement qu'elle est à la fois plus efficace et plus légitime. Plus légitime, parce qu'elle est plus inclusive, parce qu'elle permet au Parlement européen et aux petits Etats membres de participer. De plus, elle respecte les dispositions fondamentales et l'équilibre institutionnel de l'Union européenne.
Mais je comprends très bien, hélas, que la zone euro a une nature intergouvernementale a bien des égards, et ceci complique terriblement les choses, en particulier pour la gestion des crises. Lors de la création du Comité économique et financier, les Etats membres ont été très clairs sur leur volonté de conserver certaines prérogatives de base en matière de finances, et au lieu d'utiliser les processus de gouvernance normaux au sein de l'UE, nous avons créé un autre pilier qui s'appuie sur les ministres des Finances. Le Comité économique et financier et le conseil ECOFIN sont l'un et l'autre très intergouvernementaux. Mais avec les réformes récentes et notamment le Six-Pack, nous allons vers la méthode communautaire. Le problème est que nous avons dû introduire cette gouvernance économique pendant une crise, alors que c'est un outil de prévention des crises. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir. Le contexte n'est pas idéal, mais cela fonctionne pour réduire les déficits budgétaires dans la zone euro.
Les autres éléments sont les mécanismes de stabilité, qui ont été créés au coup par coup, parce que les fondateurs pensaient à l'origine que le Pacte de stabilité et de croissance préserverait la zone euro des crises telles que celle que nous connaissons depuis quatre ans. Nous avons beaucoup appris, de la manière la plus dure. Il nous a d'abord fallu créer un mécanisme de prêt à la Grèce, puis le Fonds européen de stabilité financière (FESF), puis, l'année dernière, le Mécanisme européen de stabilité (MES). Tout cela se fait sur une base intergouvernementale, et surtout sur la base de l'unanimité. Je ne suis certes pas un fondamentaliste, mais je dois dire que la règle de l'unanimité est pour l'Union européenne une source d'inefficacité et de lenteur, et qu'elle est particulièrement handicapante en situation de crise. En 2010, après la première crise grecque et un premier plan de sauvetage, la Commission européenne a soumis au Conseil une proposition de mécanisme de stabilité basé sur une garantie conjointe. Mais, aux yeux de certains Etats membres, il y avait trop d'obligations. Pourtant, si nous avions disposé d'un mécanisme de stabilité plus efficace au printemps 2010, nous aurions beaucoup mieux traversé les vagues successives de la crise. La pratique montre que la méthode communautaire est dans certains cas plus efficace et aussi, comme je l'ai dit, plus légitime.
Pour répondre à la question de Richard Yung et de Jean Bizet, il est très important que, dans la perspective du Conseil européen de décembre, nous ayons un débat en profondeur sur l'avenir de la gouvernance de la zone euro. Nous avons présenté notre vision en novembre dernier pour définir ce qui peut être fait à court, moyen et long termes. Nous devons renforcer la gouvernance interne de la zone euro, mais aussi notre représentation extérieure, car actuellement nous ne parlons pas d'une seule voix au sein des institutions financières internationales telles que le G20 ou le FMI.
S'agissant de la question posée par Richard Yung au sujet de la troïka, il existe de fait un débat sur l'avenir de ce modèle. Dans la situation actuelle, nous n'avons pas d'autre choix que celui-ci et, en dépit d'une apparence de conflit, nous travaillons assez bien sur le terrain. Il en est de même entre les sièges, car nous avons une relation de longue date avec Christine Lagarde. Cependant, à moyen terme, je pense qu'un débat très sérieux est nécessaire pour savoir si nous avons suffisamment confiance en nous pour gérer les crises de manière autonome au niveau de la zone euro, maintenant que nous disposons du Mécanisme européen de stabilité et alors que la BCE a pris un rôle plus actif. A ce propos, il serait utile de pouvoir prendre davantage de décisions comme le fait le Conseil exécutif du FMI, c'est-à-dire à la majorité qualifiée de 85 %.
Je ne peux que confirmer la remarque de Richard Yung sur la complexité des dispositifs. Cette complexité n'est pas du fait de la Commission européenne : nous avons dû mélanger des dispositifs communautaires et intergouvernementaux. Je ne devrais pas vous faire cet aveu, mais j'ai moi-même du mal à percevoir la valeur ajoutée du Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance par rapport au Six-Pack. Certes, il y a la règle de dette ainsi qu'une conception plus rigoureuse de l'objectif à moyen terme, mais 99 % des dispositions du traité figurent déjà dans le Six-Pack et le Two-Pack. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions dans les limites du traité. En revanche, si nous voulons aller plus loin dans la construction d'une union économique et budgétaire, nous aurons besoin d'une modification du traité.
S'agissant des prochaines échéances, il y en a principalement deux. Premièrement, la décision du Conseil sur les recommandations formulées par la Commission europénne le 29 mai dernier : il se réunit cette semaine - jeudi pour l'Eurogroupe et vendredi pour l'ECOFIN. Je souligne c'est bien le Conseil qui prendra les décisions, et il est important que nous ayons un débat de fond sur les recommandations spécifiques à chaque Etat membre. Le Conseil européen avalisera ensuite le résultat, et l'ensemble sera finalisé le 9 juillet prochain au conseil ECOFIN. La balle sera ensuite dans le camp des Etats membres, et en particulier des dix-sept pays de la zone euro, qui ont des impératifs de coordination plus importants. La seconde échéance est celle d'octobre : nous examinerons les grandes lignes de l'équilibre des budgets nationaux avant leur présentation aux parlements, et à cette occasion nous nous pencherons aussi sur la mise en oeuvre des réformes structurelles. Comme vous l'avez noté, il y a cette année une évolution très claire des recommandations, qu'il s'agisse des politiques économiques en général ou des réformes structurelles. Ces échéances sont très importantes pour évaluer l'efficacité de l'action des Etats membres, au regard du pacte de stabilité et de croissance et des recommandations de la Commission européenne.
Enfin, au sujet des instruments dont dispose la Commission européenne pour inciter un pays comme la France à atteindre véritablement ses objectifs de réduction de déficit budgétaire, je souhaiterais vous donner deux exemples.
L'année dernière, au printemps, le Conseil ECOFIN a décidé de suspendre le versement des fonds de cohésion de la Hongrie, à moins que le pays ne prenne les mesures qui s'imposaient. Un ou deux mois plus tard, la Hongrie avait pris ces mesures, et nous venons donc de proposer au Conseil de suspendre la procédure.
La Belgique, restée 451 jours sans gouvernement, a quant à elle dû choisir entre une sanction de 800 millions d'euros ou un assainissement fiscal à hauteur d'un peu plus de 800 millions d'euros, en vertu du Six-Pack entré en vigueur en 2011. Il s'est alors formé une coalition, la Belgique a échappé aux sanctions, et cela a conduit à la formation du gouvernement actuel. Je suis très heureux d'avoir pu éviter d'appliquer des sanctions jusqu'à ce jour, mais, si nécessaire, nous disposons à présent de cette boîte à outils renforcée.
Merci beaucoup pour votre visite, et pour l'ensemble des réponses que vous nous avez apportées. Merci également, au nom du rapporteur général, des rapporteurs spéciaux et de moi-même, pour la qualité de l'accueil que nous recevons à chaque fois que nous venons à Bruxelles, en particulier auprès de votre cabinet, où nous rencontrons toujours des interlocuteurs ouverts et constructifs.