Intervention de Olli Rehn

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 juin 2013 : 1ère réunion
Réunion de travail avec m. olli rehn vice-président de la commission européenne en charge des affaires économiques et monétaires

Olli Rehn, vice-président de la Commission européenne :

Je commencerai par la question de Jean Arthuis sur la relation entre le niveau communautaire et le niveau intergouvernemental dans la gouvernance de la zone euro. Je vais vous révéler un secret : je ne suis pas un fondamentaliste de la méthode communautaire ; je crois seulement qu'elle est à la fois plus efficace et plus légitime. Plus légitime, parce qu'elle est plus inclusive, parce qu'elle permet au Parlement européen et aux petits Etats membres de participer. De plus, elle respecte les dispositions fondamentales et l'équilibre institutionnel de l'Union européenne.

Mais je comprends très bien, hélas, que la zone euro a une nature intergouvernementale a bien des égards, et ceci complique terriblement les choses, en particulier pour la gestion des crises. Lors de la création du Comité économique et financier, les Etats membres ont été très clairs sur leur volonté de conserver certaines prérogatives de base en matière de finances, et au lieu d'utiliser les processus de gouvernance normaux au sein de l'UE, nous avons créé un autre pilier qui s'appuie sur les ministres des Finances. Le Comité économique et financier et le conseil ECOFIN sont l'un et l'autre très intergouvernementaux. Mais avec les réformes récentes et notamment le Six-Pack, nous allons vers la méthode communautaire. Le problème est que nous avons dû introduire cette gouvernance économique pendant une crise, alors que c'est un outil de prévention des crises. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir. Le contexte n'est pas idéal, mais cela fonctionne pour réduire les déficits budgétaires dans la zone euro.

Les autres éléments sont les mécanismes de stabilité, qui ont été créés au coup par coup, parce que les fondateurs pensaient à l'origine que le Pacte de stabilité et de croissance préserverait la zone euro des crises telles que celle que nous connaissons depuis quatre ans. Nous avons beaucoup appris, de la manière la plus dure. Il nous a d'abord fallu créer un mécanisme de prêt à la Grèce, puis le Fonds européen de stabilité financière (FESF), puis, l'année dernière, le Mécanisme européen de stabilité (MES). Tout cela se fait sur une base intergouvernementale, et surtout sur la base de l'unanimité. Je ne suis certes pas un fondamentaliste, mais je dois dire que la règle de l'unanimité est pour l'Union européenne une source d'inefficacité et de lenteur, et qu'elle est particulièrement handicapante en situation de crise. En 2010, après la première crise grecque et un premier plan de sauvetage, la Commission européenne a soumis au Conseil une proposition de mécanisme de stabilité basé sur une garantie conjointe. Mais, aux yeux de certains Etats membres, il y avait trop d'obligations. Pourtant, si nous avions disposé d'un mécanisme de stabilité plus efficace au printemps 2010, nous aurions beaucoup mieux traversé les vagues successives de la crise. La pratique montre que la méthode communautaire est dans certains cas plus efficace et aussi, comme je l'ai dit, plus légitime.

Pour répondre à la question de Richard Yung et de Jean Bizet, il est très important que, dans la perspective du Conseil européen de décembre, nous ayons un débat en profondeur sur l'avenir de la gouvernance de la zone euro. Nous avons présenté notre vision en novembre dernier pour définir ce qui peut être fait à court, moyen et long termes. Nous devons renforcer la gouvernance interne de la zone euro, mais aussi notre représentation extérieure, car actuellement nous ne parlons pas d'une seule voix au sein des institutions financières internationales telles que le G20 ou le FMI.

S'agissant de la question posée par Richard Yung au sujet de la troïka, il existe de fait un débat sur l'avenir de ce modèle. Dans la situation actuelle, nous n'avons pas d'autre choix que celui-ci et, en dépit d'une apparence de conflit, nous travaillons assez bien sur le terrain. Il en est de même entre les sièges, car nous avons une relation de longue date avec Christine Lagarde. Cependant, à moyen terme, je pense qu'un débat très sérieux est nécessaire pour savoir si nous avons suffisamment confiance en nous pour gérer les crises de manière autonome au niveau de la zone euro, maintenant que nous disposons du Mécanisme européen de stabilité et alors que la BCE a pris un rôle plus actif. A ce propos, il serait utile de pouvoir prendre davantage de décisions comme le fait le Conseil exécutif du FMI, c'est-à-dire à la majorité qualifiée de 85 %.

Je ne peux que confirmer la remarque de Richard Yung sur la complexité des dispositifs. Cette complexité n'est pas du fait de la Commission européenne : nous avons dû mélanger des dispositifs communautaires et intergouvernementaux. Je ne devrais pas vous faire cet aveu, mais j'ai moi-même du mal à percevoir la valeur ajoutée du Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance par rapport au Six-Pack. Certes, il y a la règle de dette ainsi qu'une conception plus rigoureuse de l'objectif à moyen terme, mais 99 % des dispositions du traité figurent déjà dans le Six-Pack et le Two-Pack. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions dans les limites du traité. En revanche, si nous voulons aller plus loin dans la construction d'une union économique et budgétaire, nous aurons besoin d'une modification du traité.

S'agissant des prochaines échéances, il y en a principalement deux. Premièrement, la décision du Conseil sur les recommandations formulées par la Commission europénne le 29 mai dernier : il se réunit cette semaine - jeudi pour l'Eurogroupe et vendredi pour l'ECOFIN. Je souligne c'est bien le Conseil qui prendra les décisions, et il est important que nous ayons un débat de fond sur les recommandations spécifiques à chaque Etat membre. Le Conseil européen avalisera ensuite le résultat, et l'ensemble sera finalisé le 9 juillet prochain au conseil ECOFIN. La balle sera ensuite dans le camp des Etats membres, et en particulier des dix-sept pays de la zone euro, qui ont des impératifs de coordination plus importants. La seconde échéance est celle d'octobre : nous examinerons les grandes lignes de l'équilibre des budgets nationaux avant leur présentation aux parlements, et à cette occasion nous nous pencherons aussi sur la mise en oeuvre des réformes structurelles. Comme vous l'avez noté, il y a cette année une évolution très claire des recommandations, qu'il s'agisse des politiques économiques en général ou des réformes structurelles. Ces échéances sont très importantes pour évaluer l'efficacité de l'action des Etats membres, au regard du pacte de stabilité et de croissance et des recommandations de la Commission européenne.

Enfin, au sujet des instruments dont dispose la Commission européenne pour inciter un pays comme la France à atteindre véritablement ses objectifs de réduction de déficit budgétaire, je souhaiterais vous donner deux exemples.

L'année dernière, au printemps, le Conseil ECOFIN a décidé de suspendre le versement des fonds de cohésion de la Hongrie, à moins que le pays ne prenne les mesures qui s'imposaient. Un ou deux mois plus tard, la Hongrie avait pris ces mesures, et nous venons donc de proposer au Conseil de suspendre la procédure.

La Belgique, restée 451 jours sans gouvernement, a quant à elle dû choisir entre une sanction de 800 millions d'euros ou un assainissement fiscal à hauteur d'un peu plus de 800 millions d'euros, en vertu du Six-Pack entré en vigueur en 2011. Il s'est alors formé une coalition, la Belgique a échappé aux sanctions, et cela a conduit à la formation du gouvernement actuel. Je suis très heureux d'avoir pu éviter d'appliquer des sanctions jusqu'à ce jour, mais, si nécessaire, nous disposons à présent de cette boîte à outils renforcée.

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