Intervention de Marc Massion

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 juin 2013 : 2ème réunion
Union européenne : dépenses administratives ressources propres et gouvernement économique de la zone euro — Communication

Photo de Marc MassionMarc Massion, rapporteur spécial :

Jean Arthuis et moi-même avons souhaité, avant l'examen de la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2014, vous présenter un point d'étape sur les enjeux et les perspectives budgétaires de l'Union européenne (UE). Ces éléments feront l'objet d'une reprise plus approfondie dans notre rapport de cet automne sur le prélèvement européen opéré sur les recettes de l'Etat. Nous mettrons ce matin l'accent sur trois aspects : les dépenses administratives de l'UE, les ressources propres du budget communautaire et, enfin, les enjeux du gouvernement économique de la zone euro. Je vais vous présenter le premier point, tandis que mon co-rapporteur abordera les deux suivants.

Ce point d'étape fait suite à plusieurs déplacements qui ont permis de nombreuses auditions, Jean Arthuis et moi-même ayant en effet décidé de rencontres plus fréquentes avec les responsables des institutions européennes.

Ainsi en trois déplacements à Bruxelles et à Luxembourg, nous avons entendu :

- des responsables de la représentation permanente de la France auprès de l'UE et, par exemple, de son agence financière ;

- des représentants du Conseil européen, du Parlement européen, de la Commission européenne, notamment d'Eurostat, de la Cour des comptes européenne, du Mécanisme européen de stabilité (MES) et d'un think tank.

J'en viens maintenant aux dépenses administratives de l'Union européenne, qui correspondent à la rubrique 5 du budget communautaire. En effet, ce dernier est réparti entre cinq rubriques, que je vous rappelle pour mémoire en vous indiquant leur part dans le futur budget de l'UE : la rubrique 1 « Croissance intelligente et inclusive » est répartie en deux sous-rubriques, qu'il convient de bien distinguer : la rubrique 1a consacrée aux dépenses de compétitivité, 13 % du futur budget de l'UE, et la rubrique 1b dédiée aux dépenses de cohésion, 34 % ; la rubrique 2 a trait aux « ressources naturelles » et retrace le budget de la politique agricole commune (PAC), paiements directs comme aides du deuxième pilier, avec un total de 39 % du futur budget communautaire ; la rubrique 3, marginale avec seulement 1,6 % du budget total, récapitule les crédits consacrés à la sécurité et à la citoyenneté ; la rubrique 4 « actions extérieures », 6 % ; la rubrique 5 « administration », avec 6,4 % du futur budget de l'UE.

Il s'agit donc pour cette rubrique, regroupant les dépenses administratives de l'Union européenne, de 61,6 milliards d'euros, dans le futur cadre 2014-2020, soit environ 9 milliards d'euros par an. Le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 est parvenu à un accord, fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) à 960 milliards d'euros en engagement (CE) et 908,4 milliards d'euros en paiement (CP), soit un écart de 51,6 milliards d'euros. L'écart entre les engagements et les paiements n'aidera donc pas à la résolution de la question des restes à liquider (RAL), qui s'élèvent à 200 milliards d'euros environ. Alors que le Conseil a raboté de 8 % la proposition de la Commission européenne, je relève que le montant inscrit pour la rubrique 5 n'a quasiment pas été modifié. J'ajoute que, depuis février, la discussion entre le Conseil et le Parlement européen ne porte pas sur les montants mais sur la flexibilité du budget - entre rubriques et entre années - ainsi que sur l'introduction d'une clause obligatoire de révision.

Bien que la rubrique 5 et ses 61,6 milliards d'euros représente une part mineure du budget communautaire, il nous a semblé utile de réaliser un travail plus approfondi sur ces crédits, qui correspondent aux dépenses de personnel et de pensions, aux frais de fonctionnement courant, mais aussi à la politique immobilière. Elles permettent de financer les institutions de l'Union européenne (Commission, Conseil, Parlement européen, Cour de justice, Cour des comptes européenne, Médiateur européen, Comité économique et social, Comité des régions et Service européen pour l'action extérieure) ainsi que les subventions aux écoles européennes. Le revenu mensuel moyen d'un agent de l'UE s'élève à 6 500 euros nets tandis que la pension moyenne serait de l'ordre de 6 000 euros par mois, ce niveau de rémunération devant beaucoup à la sur-représentation des cadres A dans la fonction publique communautaire, soit 26 000 sur 38 500 fonctionnaires permanents.

En 2012, la seule masse salariale de l'Union a atteint globalement un montant de près de 4 milliards d'euros, pour environ 55 000 agents. A titre de comparaison, pour un nombre d'agents sensiblement équivalent à ceux de la ville de Paris, cette masse salariale représente près du double en coût de personnel.

Il ressort de notre travail d'investigation, d'une part, qu'une réforme de l'administration européenne est en cours et qu'elle doit permettre de mieux maîtriser ces coûts et, d'autre part, que les dépenses de fonctionnement de l'UE sont sous-estimées puisque les dépenses liées aux agences ne sont pas récapitulées dans la rubrique 5, à l'exception du centre de traduction de l'Union européenne.

Du côté de la maîtrise des coûts, j'ai observé qu'en effet, l'élargissement de quinze à vingt-sept Etats membres, avec notamment le passage de onze langues officielles en 2003 à vingt-trois en 2007, l'arrivée de la Croatie au 1er juillet 2013 et, enfin, la gestion d'un volume global de dépenses plus élevé représentent des facteurs haussiers pour la rubrique 5, qui influent directement sur les besoins en personnel des institutions européennes. Puisque l'Europe ne peut pas se placer en dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques, elle s'est engagée dans une réforme administrative que nous suivrons de près. Il est nécessaire de réaliser des gains d'efficacité en dépensant mieux et de procéder à des redéploiements de postes. La Commission va plus loin puisqu'elle prévoit la réduction du personnel des institutions de 5 % d'ici 2018 par rapport à 2012, en ne remplaçant pas la totalité des départs à la retraite (40 % de non-remplacement). Cela représente 2 500 postes en moins, soit une réduction de 500 par an. La Commission propose également de modifier le statut du personnel communautaire, essentiellement autour de trois axes : porter la durée de travail hebdomadaire de 37,5 heures à 40 heures sans compensation salariale ; repousser l'âge de départ à la retraite de 63 à 65 ans et l'âge de départ à la retraite anticipée de 55 à 58 ans tout en incitant financièrement au maintien en activité jusqu'à 67 ans ; revoir la méthode annuelle d'ajustement des salaires et des pensions et ralentir les sauts d'échelon.

Et je note qu'en dépit de cette réforme, le statut du personnel communautaire ne devrait toujours pas prévoir de jour de carence en cas de congés maladie.

Pour ce qui concerne la sous-estimation des dépenses administratives, je précise que la rubrique 5 ne retrace pas les dépenses liées aux agences européennes, au nombre de cinquante-deux et qui sont ventilées entre les autres rubriques budgétaires. Ces structures, souvent réparties sur le territoire des différents États membres, regroupent 8 000 agents environ, soit une part non négligeable de la totalité des 55 000 que compte l'UE. Un effort particulier doit être fourni pour rationaliser ces agences, comme l'avait proposé en 2009 mon prédécesseur et ancien collègue Denis Badré à l'occasion d'un contrôle sur les agences européennes. Je m'inscris à cet égard dans la continuité de son travail.

Une remarque sur la question des pensions des personnels de l'UE avant de conclure : le coût annuel des pensions est aujourd'hui de 1,4 milliard d'euros, pour 17 000 retraités. Or, en raison de l'augmentation des départs à la retraite, cette charge va progresser régulièrement et devrait atteindre 2,5 milliards d'euros par an au cours des trente prochaines années. Et selon la Commission européenne, la dette des Etats membres pour honorer, grâce au budget communautaire, les droits des personnels de l'Union au titre des pensions s'élèveraient à ce jour à 37 milliards d'euros. Ce point devra donc être suivi avec vigilance.

En conclusion, je souhaite vous parler du coût du multilinguisme, évalué à environ un milliard d'euros par an. On relève 6 000 interprètes et traducteurs dans l'ensemble des institutions de l'UE, dont environ 2 500 pour la Commission européenne et 2 000 pour le Parlement européen. Le multilinguisme est certes un atout pour la construction européenne mais son coût devrait nous interroger sur l'avenir de la place de nos bientôt vingt-quatre langues officielles. J'ai constaté que le MES, dont Jean Arthuis va nous parler tout de suite, ne faisait pas de traduction du tout et ne travaillait, à l'écrit comme à l'oral, qu'en anglais. Je ne plaide bien évidemment pas pour ce monopole de l'anglais dans le fonctionnement de l'UE, mais je suis convaincu qu'un juste milieu est possible entre le multilinguisme actuel et l'organisation retenue par le MES. La diversité linguistique ne doit pas être un obstacle à la bonne gestion des finances publiques, de plus en plus impérative.

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