Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 juin 2013 : 2ème réunion
Situation économique et financière de la slovénie — Communication

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président :

Je vais, maintenant, présenter une brève communication sur la situation économique et financière de la Slovénie. La publication, en mars dernier, du rapport de la mission du Fonds monétaire international (FMI), dite « de l'article IV », sur la Slovénie a conduit à s'interroger sur le cas slovène ; celle-ci a, en effet, été perçue comme le « prochain Chypre ». Il était supposé que la situation économique et budgétaire de ce pays allait rendre nécessaire une assistance financière de la « troïka » - composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI.

Au cours d'un déplacement d'une journée, j'ai cherché à déterminer précisément l'état de l'économie de la Slovénie et la situation budgétaire du pays. Aussi, j'ai notamment rencontré le ministre des finances, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le gouverneur de la Banque de Slovénie ainsi que plusieurs experts.

La Slovénie appartient aux « petits pays » de l'Union européenne : elle compte deux millions d'habitants et son PIB était de 35,5 milliards d'euros en 2012.

Mon premier constat a été que toute comparaison avec Chypre ou l'Irlande serait fallacieuse et relèverait de la simplification. Contrairement à ces derniers, la Slovénie n'a pas nourri de « bulle » ; d'ailleurs, son système financier demeure peu développé : il ne représente aujourd'hui que 130 % du PIB environ. Elle a connu une transition douce entre un système administré et l'économie de marché. Aussi, un haut niveau de protection sociale a été maintenu aux côtés d'un secteur public important. L'on a, en quelque sorte, gardé les habitudes de l'ancien temps. Par ailleurs, la Banque centrale a mené une politique prudente et les institutions financières n'ont pas développé de produits financiers complexes ; le financement de l'économie est resté principalement bancaire.

La crise économique a conduit à l'effondrement d'un édifice fragile et a fait apparaître un haut niveau de créances douteuses, entraînant des réactions de défiance et la mobilisation des organisations internationales.

L'Etat est intervenu afin de recapitaliser les entreprises, financières ou non-financières, provoquant une dégradation des finances publiques. Nous sommes face à un cas d'école pour ce qui est des connexions pouvant exister entre le système bancaire et la dette publique.

Dès lors, ce qui était présenté comme le « miracle slovène » - la Slovénie a connu une croissance moyenne de 4 % entre 1994 et 2004 - n'était, en réalité, que le fruit d'une croissance déséquilibrée. Moi-même, en 2006, soit à la veille de l'entrée de ce pays dans la zone euro, j'avais présenté à la commission des finances un rapport intitulé « La Slovénie : le bon élève discret du dernier élargissement ».

Le PIB slovène s'est contracté de 2,3 % au cours de l'année 2012. Selon la Commission européenne, celui-ci devrait encore décroître de 2 % en 2013 avant de se stabiliser en 2014.

Le déficit public atteindrait 7,9 % du PIB en 2013 et la dette publique s'élèverait, quant à elle, à 61,8 % du PIB. Si la dette ne représente encore qu'une faible part du PIB, celle-ci pourrait exploser dans l'hypothèse où l'Etat aurait à supporter le coût des prêts non performants détenus par le secteur bancaire.

Les projections de dette et de déficit publics retenues par le gouvernement paraissent néanmoins fragiles. En effet, elles reposent sur une prévision de recapitalisation du secteur bancaire de 900 millions d'euros. Or, les besoins de recapitalisation sont évalués à 1,9 milliard d'euros par l'OCDE et à 2,8 milliards d'euros par certains experts indépendants. Si une hypothèse pessimiste - mais réaliste - du besoin de recapitalisation du secteur bancaire est retenue, le déficit public pourrait atteindre 5 milliards d'euros en 2013, soit 14 % du PIB.

Dans ces conditions, il y aurait lieu de s'interroger sur la capacité de la Slovénie à procéder à la recapitalisation des banques sans aide financière.

En effet, nul ne connaît précisément le montant des créances douteuses, ce qui ne peut qu'inciter à la prudence. Elles représenteraient près du quart des prêts accordés aux entreprises non-financières. Les créances douteuses sont évaluées à 6,9 milliards d'euros, soit 19 % du PIB slovène.

En Slovénie, il est aujourd'hui politiquement correct d'affirmer que le pays a la capacité de « s'en sortir seul », sans assistance financière internationale, à la condition toutefois que des efforts stricts soient réalisés.

Force est de constater le sérieux de la Slovénie. En effet, des mesures courageuses ont été adoptées : baisse des salaires du secteur public, voire désindexation ou suppression de certaines prestations sociales. Le taux de base de la TVA sera relevé, à compter du 1er juillet de cette année, de 20 % à 22 % et le taux réduit passera de 8,5 % à 9,5 %.

Par ailleurs, à la fin du mois de mai, le Parlement s'est payé le luxe d'inscrire dans la Constitution une « règle d'or » budgétaire. Néanmoins, les modalités d'application de cette dernière n'ont pas encore été précisées et devraient l'être dans le cadre d'une loi organique à venir, ce qui nous rappelle, à bien des égards, des exercices du même type qui se sont déroulés en d'autres lieux.

Il est intéressant de noter que c'est le même Parlement, dans une composition inchangée, qui a récemment institué un gouvernement de centre-gauche après avoir adopté une motion de défiance constructive à l'encontre de la précédente équipe gouvernementale, de centre-droit.

Le 8 mai dernier, le gouvernement a établi une liste de quinze entreprises devant être privatisées, comprenant notamment la deuxième banque du pays. Toutefois, il est difficile, à ce jour, de connaître la valeur réelle de ces actifs. C'est pourquoi il me semble qu'il est nécessaire de procéder à la restructuration des entreprises détenues par l'Etat avant de les privatiser. Il ne faut, en effet, pas engager un processus de privatisation dans le seul but d'envoyer un signal positif aux institutions européennes, et ce sans tenir compte de l'économie réelle. Enfin, il est indispensable qu'un changement soit opéré s'agissant des liens qui existent entre l'économie et le monde politique.

En tout état de cause, les efforts engagés par le gouvernement slovène semblent avoir, dans une certaine mesure, rassuré les marchés financiers. Ainsi, en mai dernier, la Slovénie a émis des bons du Trésor pour un montant de 3,5 milliards de dollars - dont 1 milliard de dollars de bons à 5 ans à un taux d'intérêt de 4,75 % et 2,5 milliards de dollars de bons à 10 ans à un taux d'intérêt de 5,85 %. Ceci peut être d'autant plus perçu comme une réussite qu'au cours de l'émission, l'agence de notation Moody's a dégradé la note slovène. C'est certainement l'un des plus grands scandales concernant les agences de notation !

Comme le dit souvent Jean Arthuis - et même si je ne suis pas favorable au renforcement de l'union politique en Europe - les Etats de la zone euro ne peuvent pas rester indifférents à la situation financière des autres Etats de la zone. Nous sommes solidaires de la Slovénie.

C'est un aspect des choses qui est souvent ignoré, mais qui nous place devant nos responsabilités, voire nos lâchetés collectives.

Je souhaiterais, maintenant, ouvrir le débat en rappelant que Jean Arthuis a appelé à une évolution de la gouvernance européenne - indiquant à cet égard que des amorces de directions générales se mettaient en place -, et même à l'institution d'un ministre de l'économie de la zone euro. Sur ce dernier point, peut-être faudrait-il regarder ce que peut réellement faire le ministre des affaires étrangères de l'Union pour entrevoir quelles seraient les possibilités ouvertes à un ministre des finances européen... Enfin, pourrait-on aborder la question du régime fiscal des fonctionnaires européens ?

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