Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’article L. 121-3 du code de l’éducation fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses.
Alors qu’il prévoit déjà de possibles exceptions, justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers, l’article 2 du projet de loi tend à en ajouter deux nouvelles : une liée aux nécessités pédagogiques relatives à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le cadre des accords internationaux ; une autre liée au développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.
L’objectif serait de développer l’attractivité des universités françaises pour les étrangers. Permettez-nous de douter de l’utilité de cette mesure, alors que, comme le rappelle le dernier rapport du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, la France figure à une place honorable dans la compétition mondiale pour l’attraction des étudiants étrangers : elle occupe le cinquième rang mondial ; elle est même, avec l’Allemagne, le premier pays non anglophone d’accueil d’étudiants étrangers.
Cette place honore notre pays dans sa tradition d’ouverture et représente l’une des clefs de notre influence scientifique, culturelle et politique dans le monde. Nous accueillons, en effet, près de 290 000 étudiants étrangers, qui représentent plus de 15 % des inscrits.
Cela montre bien que le rayonnement de l’université française ne dépend pas de la langue enseignée et n’a pas de relation avec le fait d’enseigner en français. Il tient avant tout à la qualité de notre service public de l’enseignement supérieur, à la renommée de notre recherche publique et de nos formations à caractère technique. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui attirent la plus forte proportion d’étudiants étrangers ; c’est notamment le cas dans les instituts nationaux polytechniques et dans les universités de technologie.
En outre, l’extension de ces possibilités d’exception nous paraît constituer une entorse grave au principe posé par la loi Toubon. Sous prétexte de développer l’attractivité internationale, cet article permettrait aux étudiants français de bénéficier des mêmes exceptions.
Or l’hégémonie de la langue anglaise ne doit pas nous amener à faire reculer la place de notre langue au sein de notre système universitaire, bien au contraire. Un des moyens du maintien du rayonnement de notre langue et de notre culture passe par sa réaffirmation, et ce a fortiori lorsqu’elle concerne des étudiants étrangers venus étudier en France.
Il est vrai que certains étudiants étrangers choisissent la France non pas pour le pays et la langue, mais en raison de frais d’inscription à l’université inférieurs à ceux – bien trop élevés – qui ont cours des pays anglo-saxons.
Pour autant, cela signifie-t-il que nous devons abandonner notre langue ? Je ne le crois pas, bien au contraire. Il faut voir là une opportunité de diffuser notre langue, notre culture, de valoriser la francophonie à travers le monde, de renforcer notre place et notre influence.
Développer notre attractivité auprès des étudiants étrangers passe d’abord par l’amélioration des conditions et des moyens d’accueil de ces étudiants – autant que des étudiants français – à l’université, qu’il s’agisse de la relance de notre parc de logements universitaires ou de la modernisation de nos équipements universitaires et de recherche.
Notre rayonnement repose également sur notre capacité à promouvoir à l’étranger notre modèle d’enseignement supérieur, grâce à notre diplomatie culturelle et d’influence. Si nous fûmes les premiers à mettre en place, via les Espaces Campus France, un réseau qui reste le plus dense et le plus étendu, puisqu’il touche 110 pays, les investissements français dans ce domaine diminuent. Pendant ce temps, tous les autres pays, notamment les pays émergents – la Chine, le Brésil, etc. – investissent massivement dans ce domaine, conscients de l’importance stratégique de la promotion de leur langue et de leur culture.
Nous devons également avoir une vision large de l’avenir de la promotion de la langue de la République. L’enseignement supérieur public a ici toute sa place ; il doit soutenir cette promotion en France, auprès de ces étudiants étrangers, mais aussi à l’autre bout du monde.