La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (projet n° 614, texte de la commission n° 660, rapport n° 659, avis n° 663, rapport d’information n° 655).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par Mme Primas et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°257.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (n° 660, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Michel Savin, pour la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si nous ne doutons pas de l’implication de Mme la ministre et de sa volonté d’améliorer le fonctionnement de notre système de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous sommes cependant nombreux à éprouver un sentiment d’inachevé à l’issue de la discussion générale.
En effet, les interventions de mes collègues du groupe UMP, mais aussi celles de nos collègues du groupe UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe CRC, ont mis en avant les insuffisances de ce projet de loi et les nombreuses interrogations que soulève ce dernier.
Tout d’abord – cela a été rappelé à plusieurs reprises –, ce projet de loi n’est pas un texte de programmation. Or, définir une politique pour l’enseignement supérieur et la recherche nécessite l’attribution de moyens. Le projet de loi se veut peut-être ambitieux dans le discours, mais, sans le déblocage de nouveaux moyens financiers, il ne peut y avoir de démarches crédibles.
Ensuite, rien dans ce projet de loi ne justifie la remise en cause de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités de 2007, dite loi LRU. Les principales modifications prévues vont au contraire porter atteinte aux marges de manœuvre de nos universités et organismes de recherche.
Enfin, les conditions d’examen du texte ne sont pas à la hauteur du sujet étudié.
Tels sont les différents points que je développerai à l’appui de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Premièrement, ce projet de loi n’est pas un texte de programmation.
Alors que le gouvernement précédent avait consacré des moyens très importants à notre système d’enseignement supérieur et de recherche, vous refusez, madame la ministre, de prendre des engagements financiers. Vous ne donnez ainsi aucune visibilité à nos chercheurs et à nos présidents d’université.
Certes, le contexte budgétaire est contraint, mais il s’agit de fixer des priorités, et le secteur de l’économie de la connaissance est précisément celui qui détermine l’avenir de nos enfants et notre position dans la compétition mondiale.
Le gouvernement précédent l’avait bien compris. Entre 2007 et 2012, le budget des universités a augmenté en moyenne de 25 %, …
… pour un total de 9 milliards d’euros : 11 500 postes ont été créés depuis 2003 et 380 millions d’euros ont permis de revaloriser les carrières. En matière de recherche, 22 milliards d’euros ont été inscrits au titre des investissements d’avenir.
Cela s’est fait dans un contexte budgétaire qui était déjà difficile, mais le gouvernement de François Fillon avait eu le courage d’opérer des choix.
Deuxièmement, il n’y a aucune raison de bouleverser ce qui a été réformé il y a cinq ans. Il faut laisser le temps aux réformes d’ampleur de s’installer. Pourquoi remettre en cause, au bout de cinq ans, la gouvernance des universités, en installant deux conseils qui risquent d’être rivaux ?
L’autonomie a permis des avancées spectaculaires, personne ne remet sérieusement cela en question. Selon certains recteurs, vous allez engager un nivellement par le bas et transformer nos universités en « navires ingouvernables ».
Pourquoi supprimer l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, pour lui substituer une autorité administrative, dont les missions et les pouvoirs ne sont pas si différents ?
Pourquoi regrouper les universités en complexifiant leur organisation ? Ainsi, nous aurons l’État qui exercera sa tutelle, le conseil de chaque communauté qui sera placé au-dessus des conseils de chaque établissement, eux-mêmes divisés en conseil d’administration et conseil académique.
Pourquoi vous attaquer aux réseaux d’excellence en supprimant les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, dont la création, contrairement aux communautés que vous mettez en place, était librement décidée par les établissements ?
À toutes ces questions, la réponse est purement politique. Non, il n’y avait pas urgence à légiférer. Il suffisait de prendre en compte les conclusions du rapport de nos collègues Dominique Gillot et Ambroise Dupont – L'autonomie des universités depuis la loi LRU : le big-bang à l'heure du bilan –, issues des avis recueillis auprès des présidents d’université, en améliorant certains points de la loi LRU.
On aurait pu, par exemple, revoir la place de l’entreprise et le rôle des personnes qualifiées dans le conseil d’administration, augmenter le poids des missions d’orientation et d’insertion professionnelle confiées aux universités, sujet primordial pour lutter contre l’échec en première année ou en licence. En somme, on aurait pu tout simplement moderniser le système instauré en 2007, au lieu de mettre en place une contre-réforme.
De plus, cette modernisation doit avoir la légitimité démocratique d’une large concertation construite avec l’ensemble des acteurs du monde universitaire sur son organisation, sur ses finalités, sur les moyens financiers à mobiliser, sur l’orientation des étudiants, sur les liens entre université et recherche, sur la question du logement et bien d’autres sujets.
Troisièmement, nous estimons que les conditions d’un examen rigoureux de ce projet de loi n’ont pas été remplies à plus d’un titre.
Vous avez d’abord souhaité que la procédure accélérée soit engagée. Or ce texte comporte soixante-dix articles, parfois très techniques, notamment en ce qui concerne la recherche ou les conditions de réforme territoriale. Vous nous contraignez à une seule lecture du texte, alors que certains sujets – la gouvernance, l’évaluation, les communautés – nécessiteraient des échanges nourris entre les deux chambres.
La revalorisation du Parlement souhaitée ces dernières années passe par des conditions correctes d’examen des textes présentés aux parlementaires. Si nous avons le temps d’étudier attentivement les dispositions du projet de loi, la qualité de notre travail n’en sera que meilleure, madame la ministre !
En conclusion, parce que les conditions d’un examen attentif de ce projet de loi n’ont pas été réunies et que la nature même du texte n’est pas satisfaisante, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de l’étudier en l’état. §
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les arguments qui ont été avancés à l’appui de cette motion ne tiennent pas debout.
C’est vrai ! sur les travées du groupe socialiste.
Mais, si vous le voulez bien, prenons au pied de la lettre les deux arguments qui ont été avancés pour soutenir qu’il n’y a pas lieu de légiférer.
Tout d’abord, il n’y aurait pas de programmation ni d’engagement budgétaire.
Il faut choisir, mesdames, messieurs de l’opposition ! Lors du débat, par ailleurs fructueux, sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, vous aviez déposé une motion dans laquelle ou défendiez un argument inverse à celui que vous soutenez aujourd’hui : il convenait de ne pas légiférer parce qu’il ne fallait pas programmer des moyens dans une période où le budget de l’État est contraint.
M. David Assouline. Vous nous reprochiez alors, pour justifier votre demande de rejet, d’avoir déposé un projet de loi de programmation ; or aujourd’hui, vous faites exactement l’inverse !
Mme Sophie Primas s’exclame.
Vous vous appuyez sur le fait que la LRU était, elle, une loi de programmation. Eh bien non !
Mme Primas n’a pas dû consulter le compte rendu des débats qui se sont tenus ici, mais Mme la ministre l’a mentionné hier.
J’ai pour ma part relu mon intervention de l’époque. Le fait qu’il ne s’agissait pas d’une loi de programmation était d’ailleurs un reproche que l’on pouvait opposer à ce texte : en effet, opérer de tels transferts, modifier à ce point les structures sans prévoir un euro à côté au moment où on légifère prouve qu’il y a vraiment un problème !
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Les deux arguments sur la programmation sont donc contradictoires avec votre vote sur la LRU et votre déclaration récente au Sénat lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Vous déplorez le manque de moyens. Or Mme la ministre a rappelé non seulement les 5 000 postes qui sont programmés sur la mandature, mais aussi les 1 000 postes centrés sur la réussite, notamment en premier cycle, car nous avons identifié que le sujet majeur pour les étudiants était celui-là. À cet égard, vous énoncez des chiffres que vous avez inventés…
… à l’appui de votre thèse selon laquelle des moyens gigantesques ont été déployés, lors de la précédente mandature, pour l’application de la loi LRU, notamment en matière de recherche.
D’ailleurs, quand vous faites ce genre de procès, vous devriez vous reporter aux rapports d’évaluation que nous élaborons ici. Leur lecture ne vous ferait pas de mal ! Je pense au rapport d’information de Mme Gillot et de M. Adnot, dont les tableaux le démontrent. M. Dupont peut d’ailleurs en témoigner, car il a dû s’y référer pour rédiger son propre rapport sur la mise en œuvre de la loi LRU.
L’engagement de Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat était d’augmenter de 1, 8 milliard d’euros par an le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Depuis l’annonce du « grand emprunt » en 2010, les crédits destinés à cette mission ont chuté de près de 5 %, soit plus que ce que devaient rapporter annuellement les intérêts du « grand emprunt ».
En 2011, comme en 2010, l’évolution du budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » a été inférieur au montant défini par la programmation budgétaire pluriannuelle qui prévoyait des hausses successives de 3, 3 % en 2010 et de 3, 6 % en 2011, soit 25 183 milliards d’euros contre 25 866 milliards d’euros prévus pour 2011.
Sur l’ensemble de la législature, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » n’ont progressé que de 3, 8 milliards d’euros, sans tenir compte de l’inflation. On est loin de l’augmentation annoncée de 1, 8 milliard d’euros par an, et même de la promesse du candidat Sarkozy de 5 milliards d’euros supplémentaires !
En revanche, le gouvernement de M. Ayrault, dans un contexte budgétaire d’austérité – à l’échelle européenne – a augmenté les crédits de la mission, pour 2013, de 2, 16 %.
J’en viens au deuxième argument que vous avancez pour justifier l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable : vous dites qu’il n’y a pas lieu de légiférer du fait de l’absence de nouveauté dans ce texte ; il y aurait juste quelques aménagements à opérer.
Comme l’a dit hier Mme la ministre, il faut faire un choix parmi les arguments : soit vous affirmez que tout le dispositif de la LRU a été détricoté et que le présent texte constitue une contre-réforme ; soit vous dites que le présent texte ne comporte rien de très nouveau au-delà des grandes intentions.
Sans décliner toutes les raisons de légiférer, je vais vous en citer quelques-unes.
La concertation qui, selon vous, aurait fait défaut a pourtant eu lieu : pendant plusieurs mois, 20 000 personnes y ont participé, …
… et, quels que soient les avis, parfois divergents, des uns et des autres, tous ont reconnu qu’on ne pouvait pas continuer en l’état actuel de la législation.
Sur la LRU, qui modifiait profondément les structures alors existantes, la concertation a eu lieu l’été, à la va-vite, en quelques jours à l’issue du conseil des ministres au cours duquel il avait été délibéré, et ce sans que la communauté universitaire ait à aucun moment été consultée : vous avez justement attendu que celle-ci soit en vacances pour légiférer, car vous aviez peur de la confrontation…
Ne dites pas cela à Valérie Pécresse ! Elle s’est battue dans les universités pendant un an !
Je le lui ai déjà dit ici même ! Quelle que soit la conviction qui était la sienne à ce moment-là, il était nécessaire de discuter, car elle était sûre de son fait et du soutien qu’elle pouvait apporter. Or c’est au début du mois de juillet, quelques jours après l’annonce du dépôt du projet de loi, que nous avons dû légiférer. Nous sommes alors entrés dans le débat de façon constructive…
… pour essayer, à partir de l’autonomie nécessaire des universités, de mettre la réussite en premier cycle au cœur de la loi. Cela n’a pas été le cas.
Aujourd’hui, Mme la ministre est obligée de revenir sur ce point, car, cinq ans après, les résultats en premier cycle se sont aggravés.
Pour conclure, les différentes expertises prouvent qu’il y a lieu de légiférer et de redonner un souffle à l’enseignement supérieur et à la recherche en revenant sur la loi LRU dont les sénateurs socialistes avaient, dès le début des débats en séance, en 2006, pointé les principaux points d’achoppement : le recul de la démocratie au sein des instances universitaires, au profit d’une « présidentialisation » du système ; des dispositions trop rares à l’égard des étudiants, parents pauvres de la réforme, et issues seulement d’amendements socialistes ; l’absence de mesures permettant d’envisager un rapprochement entre les universités et les grandes écoles.
Avec ce projet de loi, nous corrigeons tout ce qui manquait dans la loi. Nous actons et renforçons tout ce qui a été positif, et nous créons une cohérence entre l’enseignement supérieur et la recherche, traités non pas dans deux textes séparés mais dans un seul.
Ce projet de loi était attendu. Il est nécessaire et va porter ses fruits. Il y a donc lieu de légiférer !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.
La commission de la culture émet bien évidemment un avis défavorable sur cette motion, monsieur le président.
Le Gouvernement émet le même avis, monsieur le président.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est indéniable qu’une loi de programmation des moyens et des emplois relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche aurait été la bienvenue, notamment eu égard à l’ampleur de la précarité que j’ai évoquée hier.
Lors de la discussion générale, j’ai également eu l’occasion d’exposer les nombreuses objections, pour ne pas dire plus, qui conduiront le groupe CRC à se prononcer contre ce projet de loi.
Cependant, nous ne voterons pas en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable, émanant de nos collègues du groupe UMP. En effet, les raisons de notre opposition à ce texte sont strictement contraires aux leurs.
Ce projet de loi, considérons-nous, ne rompt ni avec la LRU ni même avec le pacte pour la recherche de 2006. Et le dispositif tendant à remplacer l’AERES, évoqué tout à l’heure, ne nous satisfait pas non plus.
Le présent texte s’inscrit plutôt, à nos yeux, dans une forme de continuité.
En outre, nous pensons que le débat parlementaire a son utilité, parce qu’il va nous permettre d’identifier les points du débat, les divergences, et – je l’espère du moins – de faire cheminer la réflexion. Nous contribuerons ainsi, je le pense, à faire prévaloir, dans un futur proche, des éléments de progrès pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, visiblement, ce type de motion fait partie des rituels de cette assemblée.
Si nous sommes certes très attachés aux traditions et rituels, nous désapprouvons cependant totalement l’analyse de notre collègue, d’ailleurs reprise dans l’objet de la motion. Nous sommes assez d’accord avec les conclusions présentées quant à la situation catastrophique de la recherche et de l’université trouvée par Mme la ministre.
Je regrette que les travées de cet hémicycle soient un peu clairsemées, car cela montre une faible appétence des sénateurs pour un débat compliqué : les concepts sont en effet variés et les notions en termes de gouvernance sont très pointues. J’aurais aimé que nous soyons plus nombreux pour parler d’un sujet majeur : la réussite étudiante et l’avenir de l’université et de la recherche. Même si nous avons fait part de nos insatisfactions sur les remèdes apportés, même si nous déplorons le manque de moyens consentis et avons fait hier un appel solennel pour réorienter 1 milliard du crédit d’impôt recherche vers l’enseignement et la recherche, nous pensons que ce débat est tout à fait crucial : les oppositions méritent d’être dites, les contradictions, dans une démocratie, doivent être posées, et c’est donc une posture politicienne que de déposer sur un tel sujet ce type de motion qui n’emporte absolument pas notre adhésion.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe écologiste votera par conséquent contre cette motion : il réitère son souhait d’un débat contradictoire, fait d’avancées et de propositions. Ce n’est pas parce qu’un texte n’est pas satisfaisant quand il arrive au Sénat que le débat n’a pas lieu d’être. Mes chers collègues, si telle était notre conception du travail parlementaire, mieux vaudrait demander la suppression du Sénat pour réaliser des économies !
Nous sommes attachés au travail de la Haute Assemblée et persuadés que ce débat a un sens, car, même si nous avons des désaccords sur certains points avec Mme la ministre, nous pensons qu’elle a une vision politique ; nous sommes là pour faire de la politique et pour parler de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Le sort de l’université, de la recherche peut évidemment paraître lointain à certains d’entre nous. J’ai d’ailleurs remarqué, en discutant avec un certain nombre de collègues, que très peu d’entre eux avaient des enfants inscrits à l’université. Ces derniers sont en BTS, en IUT, en école d’ingénieur ou en école de commerce.
Mais nous sommes ici pour faire la loi, pour défendre l’intérêt général, le service public, l’université française, l’égalité devant les territoires. Pour cela, il faut un État stratège.
Même si nous avons des désaccords sur ce projet de loi, nous devons en parler ; c’est toute la vertu de la démocratie et tout l’intérêt de la Haute Assemblée. §
Monsieur le président, je dirai tout d’abord que je suis universitaire et que je me sens très bien à l’université. À ce titre, je n’ai qu’une envie : en discuter et la défendre !
Notre groupe est entré dans cette discussion avec l’esprit ouvert ; peut-être même serions-nous allés très loin dans l’ouverture, ayant compris que vous étiez prête, madame la rapporteur, à accepter un certain nombre d’amendements. Nous y avons donc travaillé. Mais tous nos amendements ont été rejetés après l’intervention de M. Assouline, lequel vient encore de nous convaincre ici de son grand degré d’ouverture sur ce texte…
Je le regrette profondément, car je crois au débat parlementaire.
On nous a dit, avant même que le débat s’engage : « Il n’y a rien à discuter, tous vos amendements sont rejetés ! » Nous renvoyer ainsi, comme s’il n’y avait rien à dire, rien à faire, et ce alors que j’étais pour ma part prêt à voter ce texte, …
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC . – M. Jacques Legendre applaudit également.
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, je regrette profondément cette situation. C’est ce qui me conduit à dire, après l’intervention de M. Assouline, que les membres du groupe UDI-UC voteront à l’unanimité la motion.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Avant tout, je regrette que, sur ce texte à l’occasion duquel les uns et les autres auraient pu tenter de se comprendre en échangeant des arguments, ait été engagée la procédure accélérée : ce n’est pas très bon signe. §
On discute longuement à l’extérieur du Parlement, mais on contraint les parlementaires dans le temps (Mme Corinne Bouchoux acquiesce.) : ce n’est pas le fait de l’opposition, c’est bel et bien un choix et une décision du Gouvernement. J’ai parfois adressé des reproches à M. Peillon, mais je note que, pour sa part, il n’avait pas limité le débat consacré aux autres cycles du système scolaire. Je regrette donc que l’examen du présent texte soit organisé de cette manière.
Ensuite, je souligne qu’il est un peu curieux de reprocher à l’opposition, quand on est dans la majorité, de recourir à des procédures tout à fait légales, comme le dépôt de différentes motions, alors que les groupes de l’actuelle majorité les ont tant employées quand eux-mêmes étaient dans l’opposition !
Oublier ses méthodes passées pour nous les reprocher aujourd’hui, c’est également un procédé un peu politicien qui ne présente guère d’intérêt.
Chers collègues de la majorité, laissons ces querelles de côté. Ce débat ne débute pas sous les meilleurs auspices, et nous proposons d’y mettre un terme dès à présent. À mon sens, les arguments invoqués par notre collègue au nom du groupe UMP sont tout à fait convaincants. M. Assouline a tenté un peu laborieusement, en s’appuyant sur des considérations financières, de forcer la comparaison en faveur du nouveau gouvernement. Mais personne n’a oublié que, grâce à la loi de Mme Pécresse, les choses ont bougé.
La LRU était accompagnée de différents moyens et crédits qui ont permis d’amorcer des opérations tout à fait essentielles : c’est si vrai que les établissements qui ne bénéficiaient pas du plan Campus s’en plaignaient amèrement ! On ne se plaint pas de ce qui n’existe pas : si ces universités se lamentaient, c’est parce qu’elles voyaient dans ce dispositif une importante manne financière.
Sur ce sujet également, laissons de côté les polémiques.
M. Philippe Adnot. Les membres de la réunion des non-inscrits voteront pour la motion, moi excepté. En effet, que les motions soient déposées par la gauche ou par la droite, je ne peux pas concevoir qu’une assemblée parlementaire s’autolimite dans sa capacité à examiner un texte !
Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix la motion n° 257, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste, l’autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 273 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme la ministre.
Je tiens à remercier de leur vote les membres du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que M. Philippe Adnot, car il est important que le débat ait lieu : l’enseignement supérieur doit être au cœur de nos préoccupations. On peut certes regretter qu’il ne mobilise pas davantage de parlementaires, comme j’ai déjà pu le constater à l’Assemblée nationale, mais les élus présents sont souvent passionnés, et la qualité prévaut heureusement sur la quantité !
De plus, nos débats sont parfois plus sereins lorsque nous ne sommes pas placés sous cette pression médiatique, qui peut susciter des envolées ou des formules à l’emporte-pièce ne correspondant pas à l’état d’esprit qui convient à la recherche et à l’enseignement supérieur.
Pour ma part, mon état d’esprit est le suivant : j’ai tenu à organiser les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui ont permis de consulter 20 000 acteurs. Ce n’est pas rien ! Je le souligne courtoisement mais clairement à l’intention de M. Savin, ex-collègue Rhône-alpin : j’ai veillé à ne pas agir dans la précipitation. Cette consultation a duré six mois. Elle s’est étendue à l’ensemble des acteurs concernés, et notamment aux étudiants qu’il ne faut jamais oublier : ils sont en effet essentiels, car ils incarnent l’avenir. Pour ma part, je préfère d’ailleurs parler d’« étudiants » plutôt que d’« enfants » – au reste, je ne confonds pas les étudiants avec mes enfants !
Il convenait d’entendre la jeunesse de notre pays. Voilà pourquoi nous avons pris le temps de la consultation. Le résultat est le suivant : 20 000 acteurs, 1 300 contributions, trois journées de tables rondes – organisées dans les territoires puis centralisées en Île-de-France – et 135 propositions, au service d’un projet de loi qui, comme la LRU, constitue un texte d’orientation.
Parallèlement, les moyens de l’enseignement sont confortés : je songe aux 5 000 postes qui seront créés et consolidés au cours du quinquennat au titre de la loi pour la refondation de l’école de la République. Je songe également aux dispositions adoptées dans le cadre de la dernière loi de finances pluriannuelle, votée le 28 décembre dernier. S’y ajoute un plan de résorption de la précarité à l’université, qui se traduira par 2 100 titularisations par an pendant quatre ans, soit un total de 8 400 personnes.
Enfin, la loi prévoit également un dialogue social, qui est engagé, avec les organismes. Ceux-ci sont maîtres de leur politique de gestion des ressources humaines, vous le savez, mais ce dialogue vise à favoriser un juste équilibre entre l’embauche de jeunes chercheurs, car l’ouverture aux post-doctorants prépare l’avenir, et la titularisation des personnels qui ne sont pas très bien traités. C’est le cas, par exemple, du personnel technique et des ingénieurs de recherche, parfois trimballés de CDD en CDD depuis plusieurs années. Ce n’est pas tolérable !
Tout cela sera réalisé avec un budget en hausse de 2, 2 %, soit le taux le plus important de ces dernières années, et avec la création de 5 000 postes. Une telle augmentation ne s’était pas produite depuis plus de dix ans, la dernière remontant, je crois, à 2006, avec la création de seulement 600 postes.
Comme vous le voyez, les moyens sont au rendez-vous, même s’ils ne suffisent jamais. Ils sont identifiés, chiffrés, engagés et gravés dans le marbre des décisions.
Cette loi d’orientation suscitera des débats que je souhaite aussi ouverts et sereins que possible, car, à mon sens, c’est dans cet état d’esprit que nous devons envisager l’avenir. Ceux qui me connaissent savent que je suis une ministre issue du terrain, exempte de dogmatisme et ouverte aux différents points de vue, pourvu qu’ils servent l’intérêt général.
Je vous remercie donc d’avoir bien voulu permettre que ce débat se déroule. §
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
TITRE Ier
MISSIONS DU SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
Chapitre Ier
Les missions du service public de l’enseignement supérieur
(Suppression maintenue)
L’article L. 111-5 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’État est le garant de l’égalité devant le service public de l’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Baylet, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un pourcentage fixé par décret détermine les créations d’établissements d'enseignement supérieur réservées aux zones rurales. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
L’État doit garantir l’égalité de tous les citoyens devant le service public de l’éducation. Chaque jeune doit pouvoir, dans quelque partie du territoire de la République que ce soit, avoir accès à une formation d’enseignement supérieur de son choix.
A priori, l’article 1er bis du projet de loi satisfait en partie à cette obligation. Dans les faits, cependant, les jeunes résidant en zone rurale subissent une orientation par défaut, en poursuivant une formation professionnelle, ou quittent tout simplement le système scolaire. L’implantation d’antennes universitaires, d’IUT, ou des futures écoles supérieures du professorat et de l’éducation fait vivre les territoires ruraux. Ne l’oublions pas, l’implantation des services publics participe pleinement à l’aménagement et à l’attractivité de nos territoires.
Afin de renforcer l’égalité dans ces territoires, cet amendement vise à imposer que soit fixé par décret un pourcentage des créations d’établissements d’enseignement supérieur réservées aux zones rurales.
L'amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Baylet, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maintien ou le développement des formations supérieures est privilégié dans les zones rurales. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Les sénateurs du RDSE sont provinciaux et représentent d’importantes zones rurales. Dans le même esprit que l’amendement précédent, l’amendement n° 311 rectifié tend à inscrire dans la loi que le maintien ou le développement des formations supérieures sera privilégié dans les zones rurales.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 312 rectifié. L’État est le garant de l’égalité devant le service public, et ce principe est mis en œuvre par une stratégie nationale de l’enseignement supérieur fondée sur la concertation autour de ces sujets. En inscrivant dans la loi qu’une telle disposition serait prévue par décret, nous outrepasserions la liberté de dialogue qui préside à l’élaboration et à la mise en œuvre de cette stratégie.
Concernant l’amendement n° 311 rectifié, nous pouvons tout à fait nous accorder sur le principe d’un maintien du service public dans les zones rurales, mais cette priorité ne peut s’inscrire que dans le cadre de la stratégie nationale, définie dans la concertation la plus large. Imposer cela en préalable, par la loi, serait inadapté.
L’avis du Gouvernement est identique à celui de commission, pour les mêmes raisons.
Je souhaite toutefois affirmer que nous nous préoccupons de l’irrigation de l’ensemble du territoire par les établissements d’enseignement supérieur comme de recherche, parce qu’il peut y avoir des niches d’excellence dans certains pôles, considérés comme petits – je ne dis pas « secondaires », car ce serait péjoratif.
Madame Laborde, les amendements n° 312 rectifié et 311 rectifié sont-ils maintenus ?
Accordant une grande confiance aux déclarations de Mme la ministre, je retire, au nom du groupe du RDSE, ces deux amendements afin d’éviter qu’ils ne fassent l’objet d’un vote défavorable.
Ce qui est dit ici est écrit, et je veux vraiment qu’il soit inscrit au compte-rendu que Mme la ministre prête une grande attention aux zones rurales, lesquelles représentent une majorité du territoire français. Entre villes et territoires ruraux, on applique souvent deux poids, deux mesures. J’ai bien entendu que cela ne sera pas le cas ici.
L'article 1 er bis est adopté.
Le premier alinéa du II de l’article L. 121-3 du même code est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« La langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français. Des exceptions peuvent être justifiées :
« 1° Par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ;
« 2° Lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers ;
« 3° Par des nécessités pédagogiques, lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre d’un programme européen ;
« 4° Par le développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.
« Les étudiants étrangers, bénéficiant de formations en langue étrangère, suivent un enseignement de la culture française et, lorsqu’ils ne justifient pas d’une connaissance suffisante de la langue française, d’un enseignement de celle-ci. Leur niveau de maîtrise de la langue française est évalué pour l’obtention du diplôme. »
Cet article 2, sur lequel se sont focalisés les débats, a suscité beaucoup d’émoi.
Pourquoi une telle effervescence autour de cette disposition qui tend à introduire une nouvelle exception au principe qui fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses ?
De grâce, coupons d’emblée court à tout fantasme d’anglicisation irréversible et galopante de l’université française. Nous n’avons rien à gagner à cette détestable défense de la francophonie par la peur, qui fait florès ces dernières semaines. Il va de soi que le français demeurera bel et bien la langue de l’enseignement dans notre pays.
La nouvelle rédaction de l’article 2, adoptée par notre commission, ne laisse aucun doute quant à la volonté du législateur d’encadrer strictement cette exception. L’article précise surtout clairement que les étudiants bénéficiant de ces cours en langues étrangères suivront également des cours de culture et de langue françaises. Et à la suite de l’adoption en commission d’un de mes amendements, « leur niveau de maîtrise de la langue française est évalué pour l’obtention du diplôme », à l’occasion d’un examen ou d’un contrôle continu.
Ainsi, l’objectif de cette mesure est réaffirmé sans ambiguïté : il s’agit de ne pas faire de la maîtrise de la langue française un prérequis à la poursuite d’études en France, tout en subordonnant l’obtention du diplôme à une évaluation de l’apprentissage du français. Dès lors, nous sommes bien loin du renoncement à la défense de la langue française.
Ces étudiants, quel que soit leur parcours ultérieur, diffuseront notre langue et notre culture et seront ainsi des vecteurs du multilinguisme en général et de la francophonie en particulier, à laquelle nous sommes attachés.
De surcroît, un garde-fou supplémentaire est mis en place, s’il en était besoin. Un rapport du Gouvernement sera ainsi remis au Parlement trois ans après la promulgation de la loi, afin d’évaluer l’impact de l’article 2 dans les établissements d’enseignement supérieur sur l’emploi du français, sur l’évolution de l’offre de formations en langues, sur la mise en place d’enseignements de la langue et de la culture françaises destinés aux étudiants étrangers et, enfin, sur l’évolution de l’offre d’enseignements en français dans des établissements étrangers.
La France perpétue ainsi une longue tradition d’accueil et de rayonnement culturel et scientifique, mise à mal ces dernières années. L’abrogation de la circulaire Guéant dès l’élection de François Hollande a constitué le premier pas vers la reconquête par notre pays de la troisième place mondiale pour l’accueil des étudiants étrangers
M. Jacques-Bernard Magner acquiesce.
Outre l’Afrique, il importe cependant de nous tourner vers d’autres horizons, et notamment vers les pays dits BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine –, dont les ressortissants sont quasiment absents des bancs de nos universités.
C’est pourtant bien en intensifiant l’internationalisation de nos universités et en nouant des partenariats à ce niveau que la France retrouvera une réelle compétitivité. Elle attirera ainsi les meilleurs étudiants internationaux, tout en diversifiant leur origine géographique au-delà de sa zone d’influence traditionnelle de l’Afrique francophone. Certes, celle-ci est essentielle, mais pourquoi se priver des autres continents ?
Nous n’avons pas les moyens de « manquer le coche » : au-delà même de l’attractivité universitaire de la France, l’enjeu est stratégique pour notre politique d’influence à travers le monde. C’est bien cette possibilité d’un enseignement en anglais ou dans une autre langue, à côté d’un apprentissage du français, qui permettra d’élargir encore le socle de la culture francophone, en accueillant et en formant en français des étudiants qui, aujourd’hui, s’orientent vers les universités anglo-saxonnes parce que, comme beaucoup, ils n’ont pas eu l’occasion d’apprendre notre langue au cours de leur cursus secondaire. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est proposé porte une ambition réelle. Cette dernière va au-delà, bien entendu, de cet article 2, qui étend les exceptions au principe de l’enseignement en langue française dans les écoles et universités. Ce n’est cependant pas par hasard que cet article a cristallisé les débats et suscité d’âpres controverses, tant dans les médias qu’à l’Assemblée nationale, toutes sensibilités politiques confondues.
Ces discussions ont eu le mérite de permettre à de nombreuses personnes de mieux cerner les enjeux. La langue n’est pas seulement un moyen de communication, elle véhicule aussi et surtout les valeurs auxquelles nous sommes attachés, auxquelles nous croyons et que nous défendons.
Je dois confesser que la rédaction initiale de l’article 2, qui autorise l’enseignement supérieur dans une langue étrangère, m’avait troublée en raison, d’abord, d’une certaine confusion autour de son objectif.
Cherchait-on, en effet, à améliorer la maîtrise des langues étrangères – essentiellement l’anglais, en réalité – par les jeunes Français ? Vous le savez, c’est alors au niveau de l’enseignement primaire et secondaire que l’essentiel des efforts eût dû porter. Ne confondons pas apprentissage de l’anglais et apprentissage en anglais !
L’objectif était-il d’attirer les étudiants étrangers en beaucoup plus grand nombre, dans le contexte d’un marché international de l’enseignement supérieur où la formation en français en viendrait presque à être considérée comme un handicap ? Selon un proverbe chinois, « quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Certains ont parfois eu tendance à « ringardiser » ce débat, comme si les défenseurs de la langue française regardaient le doigt et non la lune, présentée comme le sésame de l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur.
Pour autant, sommes-nous certains que l’apprentissage de notre langue constitue bien un frein majeur au choix de ces jeunes étrangers ? De plus en plus nombreux sont, par exemple, les étudiants chinois qui apprennent le français en six mois, avant leur arrivée dans une université française, contribuant ainsi, en outre, au financement de nos Alliances françaises !
Cette question doit être considérée dans sa globalité. Les freins à l’attractivité universitaire française tiennent très largement aux insuffisances de l’accueil des étudiants étrangers dans notre pays : visa compliqué à obtenir ou simplement refusé, logement rare, accompagnement insuffisant, méandres bureaucratiques, etc. Tout cela est bien plus ardu que la langue de Voltaire, de Camus, de Césaire, de Léopold Sédar Senghor, d’Houphouët-Boigny, de Norodom Sihanouk et de Kundera.
Nous en avons d’ailleurs bien conscience, puisque nous avons d’ores et déjà adopté des mesures afin d’améliorer la situation avec, en particulier, l’abrogation de la circulaire Guéant. Nous sommes sur la bonne voie et je m’en réjouis, car il s’agit là, selon moi, d’une priorité. Mais combien de jeunes Sénégalais, Burkinabé, Tchadiens, formés dans nos excellents lycées français, ont-ils choisi Montréal, New-York ou Boston, faute d’avoir pu obtenir un visa français ?
Je suis bien entendu sensible aux arguments pragmatiques. D’après Campus France, 795 formations proposent ainsi déjà des programmes en anglais, dont 165 exclusivement dans cette langue.
Raisonnons cependant un instant en termes différents. Sommes-nous réellement compétitifs sur cette offre finalement banale, que presque tous les autres pays occidentaux proposent ? Ne devrions-nous pas perfectionner notre offre sur ce marché de niche, en améliorant l’accueil des étudiants étrangers ?
Un soutien plus appuyé à la diffusion de publications scientifiques en français, dans les disciplines où l’anglais n’est pas incontournable, est également nécessaire, à mon sens, car la langue véhicule aussi les concepts et la culture au sens large, vous le savez bien.
Je craignais surtout que nous n’envoyions un signal très négatif aux 116 millions de personnes qui, dans le monde entier, sur tous les continents, apprennent le français ou apprennent en français. Nous portons dans ce domaine une responsabilité spécifique.
Je suis particulièrement consciente, de par mes fonctions au sein de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, l’APF, que nos débats et nos décisions sur ce point sont scrutés par nos amis francophones. Ils s’étonnent et s’inquiètent lorsqu’ils ont le sentiment que nous renonçons à notre langue, comme me le disait hier encore un industriel québécois.
L’incidence d’un tel sentiment ne saurait être sous-estimée. Les élèves étrangers perdraient leur motivation s’ils venaient à penser que l’apprentissage du français n’était plus utile à leur cursus, et cela emporterait des conséquences sur l’ensemble de la filière de formation.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé à l’APF, et je me réjouis très sincèrement des améliorations apportées au projet de loi initial tant par nos collègues députés que par notre commission de la culture et de l’éducation.
L’article 2 a été précisé ; les exceptions à la loi Toubon sont encadrées – Claudine Lepage a développé ce point, et je n’y reviens pas ; l’article 2 bis prévoit qu’un rapport évaluera l’impact des dispositions de l’article 2, et c’est une très bonne chose ; l’article 8 comporte désormais des dispositions de promotion de la francophonie : c’est essentiel.
Non, la francophonie n’est pas un sujet d’arrière-garde et nous ne menons pas une sorte de combat des Anciens contre les Modernes.
Avec l’ensemble des améliorations ainsi adoptées, et en prêtant attention, peut-être, à des amendements à venir, il m’apparaît que nous pouvons nous réconcilier autour d’une ambition commune, et non contradictoire, de promotion de notre enseignement supérieur et de notre langue.
Mes chers collègues, je souhaite que nos débats permettent d’éclairer à la fois nos concitoyens et nos amis des pays francophones et de les convaincre que nous ne baissons pas les bras dans ce domaine, loin s’en faut ! §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est ici question de modifier la loi Toubon. Encore faut-il savoir ce que dit cette loi.
Bien que j’aie été, en 1994, rapporteur au Sénat de ce qui allait donc devenir la loi Toubon et que j’en aie conservé des souvenirs assez précis, j’ai vérifié ce qu’elle permet et ce qu’elle ne permet pas. Je suis ainsi en mesure d’affirmer que cette loi n’est aucunement destinée à empêcher tout usage d’une autre langue en France. Elle institue simplement dans notre pays un droit au français, qui garantit à nos concitoyens un égal accès à l’information et au savoir.
Dans son article 11, cette loi du 4 août 1994 dispose que le français est la langue de l’enseignement, des examens et des concours, des thèses et mémoires, dans les établissements publics et privés d’enseignement. Elle prévoit néanmoins – déjà ! – deux exceptions justifiées, l’une, par l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, l’autre, par l’enseignement dispensé par des professeurs associés ou invités étrangers.
En outre, la circulaire d’application du 19 mars 1996 précise que sont visées les formations dispensées en langues régionales ou étrangères dans le cadre des sections européennes ou à vocation bilingue et représentant au maximum 50 % du volume total des enseignements de ces sections.
Par ailleurs, la circulaire d’application dispose que les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des étudiants de nationalité étrangère ne sont pas soumises à l’obligation de l’enseignement en français, et je me permets de bien insister sur ce dernier élément.
Il est donc clair que la loi sur la langue française ne fait nullement obstacle à des enseignements en langues étrangères destinés à des étudiants non francophones. Cela figure déjà explicitement dans nos textes !
Alors, où est le problème ? S’agit-il de la volonté de faire en sorte que tous les jeunes Français maîtrisent bien les langues étrangères ? Nous partageons tous cette volonté, mais sa concrétisation relève d’abord de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire. Du reste, la loi Toubon précise dans son article 11 : « La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l’enseignement. »
Cette loi n’est donc pas une loi restrictive, centrée uniquement sur la langue française !
En fait, le problème vient de ce que l’on veut être autorisé à délivrer un enseignement intégralement en anglais à de jeunes Français ou francophones et que, depuis quelques années, certains avancent masqués afin d’atteindre cet objectif.
Je vais prendre un exemple très précis, que je tire de la presse. Il s’agit d’une grande école, installée dans un département qui nous est cher, madame la présidente de la commission de la culture. Cette école se réjouit d’avoir obtenu les reconnaissances internationales qui vont la placer dans l’élite mondiale des business schools, ce dont on ne peut évidemment que se féliciter. Cette école, qui dispose de deux campus, un à Lille et un autre à Paris, dans le quartier de La Défense, précise que 800 de ses 3 100 étudiants ainsi que 80 % de ses professeurs sont étrangers et que l’enseignement y est dispensé intégralement en anglais. Cela ne pose-t-il tout de même pas un problème ?
L’amendement adopté à l’Assemblée nationale a inquiété les dirigeants de cette école. Toutefois, l’un d’eux s’est récemment permis d’affirmer à une agence française de presse spécialisée dans les questions d’éducation : « Ce qu’on faisait était déjà contraire à la loi. La loi change. Nous continuerons à être parfois dans l’illégalité. Personne ne va venir nous embêter là-dessus ! »
Mes chers collègues, vous le voyez je ne fantasme pas, je ne formule pas une inquiétude ringarde et particulière. Je crois simplement que le Parlement doit se préoccuper de l’application des lois qu’il a votées.
J’ai posé une question écrite à Mme la ministre de la culture – c’est elle qui est chargée du suivi de l’utilisation du français là où il doit être utilisé – à propos de ce que j’appelais une « violation caractérisée de la loi sur la langue française ». Elle concernait une école rouennaise qui entendait développer des cours de management culturel, tous dispensés en anglais.
Dans sa réponse, Mme Filippetti disait juger « inopportun le choix d’un enseignement exclusivement dispensé en anglais, sous couvert de modernité ». Elle a bien raison !
Elle ajoutait que, selon elle, « il n’y a pas lieu de laisser penser aux étudiants que l’anglais est la seule langue comprise à l’international. Un tel parti pris contribue à affaiblir la position du français, sur le plan international, et décourage tous ceux qui parient sur son avenir, ou font l’effort de l’apprendre. Le recours à une langue qui n’est pas celle de nos concitoyens laisse entendre implicitement que le français aurait perdu toute fonctionnalité à l’international. Un enseignement respectueux de notre langue tout en étant compréhensible par les non-francophones reste préférable, et ne compromettrait en rien l’image d’excellence et de dynamisme des écoles de commerce françaises. »
Mes chers collègues, compte tenu de tous ces éléments, je souscris tout à fait à la déclaration de Mme Filippetti. Je vous présenterai tout à l'heure un amendement qui permet de bien distinguer la situation des étudiants francophones et celle des étudiants non francophones, et qui vise à nous protéger contre la volonté dissimulée de faire en sorte que le français ne soit plus, pour tous les jeunes Français, la première langue de l’éducation en France. §
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’article L. 121-3 du code de l’éducation fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses.
Alors qu’il prévoit déjà de possibles exceptions, justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers, l’article 2 du projet de loi tend à en ajouter deux nouvelles : une liée aux nécessités pédagogiques relatives à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le cadre des accords internationaux ; une autre liée au développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.
L’objectif serait de développer l’attractivité des universités françaises pour les étrangers. Permettez-nous de douter de l’utilité de cette mesure, alors que, comme le rappelle le dernier rapport du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, la France figure à une place honorable dans la compétition mondiale pour l’attraction des étudiants étrangers : elle occupe le cinquième rang mondial ; elle est même, avec l’Allemagne, le premier pays non anglophone d’accueil d’étudiants étrangers.
Cette place honore notre pays dans sa tradition d’ouverture et représente l’une des clefs de notre influence scientifique, culturelle et politique dans le monde. Nous accueillons, en effet, près de 290 000 étudiants étrangers, qui représentent plus de 15 % des inscrits.
Cela montre bien que le rayonnement de l’université française ne dépend pas de la langue enseignée et n’a pas de relation avec le fait d’enseigner en français. Il tient avant tout à la qualité de notre service public de l’enseignement supérieur, à la renommée de notre recherche publique et de nos formations à caractère technique. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui attirent la plus forte proportion d’étudiants étrangers ; c’est notamment le cas dans les instituts nationaux polytechniques et dans les universités de technologie.
En outre, l’extension de ces possibilités d’exception nous paraît constituer une entorse grave au principe posé par la loi Toubon. Sous prétexte de développer l’attractivité internationale, cet article permettrait aux étudiants français de bénéficier des mêmes exceptions.
Or l’hégémonie de la langue anglaise ne doit pas nous amener à faire reculer la place de notre langue au sein de notre système universitaire, bien au contraire. Un des moyens du maintien du rayonnement de notre langue et de notre culture passe par sa réaffirmation, et ce a fortiori lorsqu’elle concerne des étudiants étrangers venus étudier en France.
Il est vrai que certains étudiants étrangers choisissent la France non pas pour le pays et la langue, mais en raison de frais d’inscription à l’université inférieurs à ceux – bien trop élevés – qui ont cours des pays anglo-saxons.
Pour autant, cela signifie-t-il que nous devons abandonner notre langue ? Je ne le crois pas, bien au contraire. Il faut voir là une opportunité de diffuser notre langue, notre culture, de valoriser la francophonie à travers le monde, de renforcer notre place et notre influence.
Développer notre attractivité auprès des étudiants étrangers passe d’abord par l’amélioration des conditions et des moyens d’accueil de ces étudiants – autant que des étudiants français – à l’université, qu’il s’agisse de la relance de notre parc de logements universitaires ou de la modernisation de nos équipements universitaires et de recherche.
Notre rayonnement repose également sur notre capacité à promouvoir à l’étranger notre modèle d’enseignement supérieur, grâce à notre diplomatie culturelle et d’influence. Si nous fûmes les premiers à mettre en place, via les Espaces Campus France, un réseau qui reste le plus dense et le plus étendu, puisqu’il touche 110 pays, les investissements français dans ce domaine diminuent. Pendant ce temps, tous les autres pays, notamment les pays émergents – la Chine, le Brésil, etc. – investissent massivement dans ce domaine, conscients de l’importance stratégique de la promotion de leur langue et de leur culture.
Nous devons également avoir une vision large de l’avenir de la promotion de la langue de la République. L’enseignement supérieur public a ici toute sa place ; il doit soutenir cette promotion en France, auprès de ces étudiants étrangers, mais aussi à l’autre bout du monde.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 260 rectifié est présenté par MM. Legendre et Gilles, Mme Mélot, MM. Bordier, B. Fournier, Dufaut, Savin, Trucy, Milon et Retailleau, Mme Sittler, MM. Savary, Mayet, P. Leroy, Leleux, de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming et Ferrand, Mmes Farreyrol et Cayeux, MM. Bas, G. Bailly, P. André, Dulait et Doublet, Mme Debré et MM. Dallier, Cardoux et César.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 26.
En proposant de supprimer cet article, qui étend plus que de raison les exceptions à la loi Toubon, nous entendons limiter les exceptions aux cas déjà prévus par cette loi afin de ne pas aboutir à une marginalisation de notre langue.
Nous ne pensons pas qu’il faille entériner la tendance qui fait de l’anglais la langue internationale unique.
La langue n’est pas seulement un moyen d’expression : elle est aussi un système de pensée et de culture. Reconnaître une langue unique, c’est accepter l’uniformisation des modes de vie et l’acculturation au bénéfice de la culture dont elle est issue.
La Chine l’a bien compris, qui investit massivement dans le développement d’instituts Confucius à travers le monde, pour valoriser sa langue et sa culture.
La langue est un enjeu de puissance. Tout empiètement d’une langue sur une autre correspond à un recul de culture et d’influence.
Évidemment, il est absolument nécessaire que les étudiants français maîtrisent l’anglais, tout comme d’autres langues étrangères. Toutefois, il faut pour cela revaloriser l’enseignement des langues étrangères depuis l’école primaire jusqu’à l’université, dans le cadre de cours dédiés à cet apprentissage, et non par des cours dispensés en langue étrangère.
Il faut mener le combat de la diversité et du multilinguisme. Nous proposons de l’engager en votant la suppression de cet article.
La parole est à M. Jacques Legendre, pour présenter l'amendement n° 260 rectifié.
Nous proposons, nous aussi de supprimer l’article 2 tel qu’il résulte du texte finalement adopté par la commission de la culture de notre assemblée.
À l’Assemblée nationale, les députés s’étaient déjà inquiétés de ces modifications apportées à la loi Toubon. Ils avaient proposé une rédaction dans laquelle ils autorisaient « partiellement » l’usage d’une langue étrangère pour des cours destinés aux jeunes Français.
La rédaction qui a été proposée à notre commission par le rapporteur et adoptée présente, d’une manière a priori sympathique et plus claire, les règles relatives aux exceptions qui peuvent être autorisées et à leur encadrement. Cependant, au passage, a disparu un mot essentiel, à savoir l’adverbe « partiellement ». De ce fait, nous risquons, au lieu de poser des restrictions plus strictes à ce que l’Assemblée nationale avait déjà commencé à encadrer, de contribuer à l’ouverture de nouvelles brèches.
Je le répète, nous avons affaire à des personnes qui ont, en toute connaissance de cause, créé des formations dans l’illégalité et qui ne se cachent pas de vouloir continuer ! Il faut donc que notre rédaction soit très précise.
Voilà pourquoi je vous propose de supprimer le texte actuel de l’article 2, de manière à pouvoir présenter, ensuite, une nouvelle disposition, plus claire et plus précise. Cela devrait nous permettre d’éviter, à l’avenir, les errements sur la question de la langue.
Enfin, je voudrais réaffirmer l’importance de ce débat. Je vous soumets une remarque que j’ai trouvée sous la plume d’un écrivain du siècle des Lumières, celui où le français était la grande langue de l’Europe, et qui, en la circonstance, me paraît particulièrement pertinente : « Une langue ne peut être dominante sans que les idées qu’elle transmet ne prennent un grand ascendant sur les esprits, et une nation qui parle une autre langue que la sienne perd insensiblement son caractère. »
Voilà ce qu’il faut éviter pour les élites françaises !
J'ai écouté avec attention les différents orateurs qui viennent de s’exprimer. Je les encourage à relire l'article 2 : il y est bien indiqué que le français reste la langue de l'enseignement et des examens. Nous ne renonçons pas à défendre et à diffuser la langue française, bien au contraire !
Accueillir des étudiants en leur offrant des cours dans leur langue pour éviter qu'ils ne soient trop dépaysés participe d'une démarche d’attention à leur égard, destinée à favoriser leur intégration. Si l’on veut élargir l'accueil des étudiants étrangers aux Brésiliens ou aux Indiens, il faut vraiment proposer des cours dans lesquels ils seront à l'aise ; c’est alors qu’ils commenceront à apprécier la culture française !
Avec le dispositif prévu à l’article 2, nous allons accueillir des francophiles et nous en ferons des francophones…
… grâce aux cours de langue et de culture françaises. Lorsqu’ils repartiront, ils deviendront de véritables ambassadeurs de la culture française.
C'est un moyen, me semble-t-il, de mieux développer le rayonnement de notre université et de la France à l’étranger.
Nous savons bien que la langue n'est pas le seul obstacle au choix des étudiants étrangers – cela a été rappelé, et nous aurons l'occasion d'en débattre dans le cours de la discussion –, mais rien ne dit qu'elle n'en est pas un !
Nous devons développer les signaux de bon accueil, d'ouverture et d'attention à l'égard des étudiants étrangers. Il n'est dit nulle part qu'il s'agira d’une généralisation de l'anglais : les cours pourront aussi être donnés en portugais, en espagnol ou en allemand. Certaines universités ont d’ailleurs mis en place des doubles formations, ce qui permet aux étudiants d’avoir un double diplôme – j'ai ici la liste des universités dispensant des enseignements en langue étrangère et en français.
Mes chers collègues, il n'y a donc pas de raison de craindre l’ouverture prévue à l'article 2. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable.
Je partage l'avis de Mme la rapporteur.
Je remercie l'Assemblée nationale et la commission de la culture du Sénat d'avoir apporté les garanties nécessaires. Elles devraient être de nature à dissiper les préoccupations qui ont été légitimement exprimées.
J’aimerais apporter un petit correctif à ce qui a été dit sur la situation favorable de la France. Nous étions le deuxième pays d'accueil des étudiants étrangers, puis nous avons été le troisième et nous sommes maintenant le cinquième. Nous avons été rattrapés par des pays qui accueillent des étudiants des pays émergents, notamment dans les disciplines scientifiques.
Je me permets de rappeler que nous allons dispenser des cours de français aux étudiants étrangers et que la maîtrise de notre langue sera prise en compte pour l'attribution du diplôme. Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un bon équilibre.
Nous devons redoubler d'efforts à l’égard des pays francophones, notamment d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, et développer avec eux des liens plus équilibrés, loin des relations postcoloniales qui nous conduisaient à nous cantonner à l’accueil des étudiants : dorénavant, nous mettons en place des formations dans ces pays et nous y envoyons des étudiants français.
L'Afrique sera peut-être notre salut à nous, Européens. C'est un continent jeune et énergique, qui connaît un taux de croissance de 5 % et détient des matières premières rares. Il est de notre responsabilité culturelle et historique de développer des relations équilibrées avec ces pays, mais il y va aussi de notre intérêt économique.
Nous allons également améliorer l'accueil des étudiants étrangers grâce à une nouvelle politique des visas. Cette question a été évoquée à l'Assemblée nationale et au Sénat à l’occasion du débat sur l'attractivité de notre pays. L'attribution de visas pluriannuels se fera dans des conditions similaires à celles qui s’appliquent aux étudiants boursiers : une année de redoublement sera acceptée, parce qu'on peut admettre qu’il soit plus difficile pour des étudiants étrangers de réussir leurs examens.
Nous sommes arrivés à une proposition équilibrée et juste, respectant les différents points de vue. Elle permet d’éviter que des écoles ne s'affranchissent, comme elles le font aujourd'hui, de l’application de la loi Toubon. Sur les 790 formations, 600 sont dispensées dans des écoles qui, comme vous l'avez dit, monsieur Legendre, ne respectent pas la loi. S’agissant d’établissements qui forment des jeunes, cela me paraît particulièrement fâcheux.
Ces dispositions permettent en outre, d'une certaine manière, de rétablir l’équité entre les jeunes. J’en conviens, il serait plus heureux que l’apprentissage des langues étrangères se fasse dès la maternelle, et le projet de loi qu'a présenté Vincent Peillon va dans ce sens. Mais ce n'est pas de cela qu’il s'agit ici. Nous voulons donner aux étudiants qui vont à l'université la chance de rencontrer des jeunes issus des pays émergents, avec lesquels ils pourront ensuite développer des relations culturelles, commerciales, ce qui sera bénéfique en termes d’emploi.
L’équité y trouvera également son compte en ce que les élèves des grandes écoles sont souvent issus de milieux plus favorisés – on dénombre 54 % d'enfants de cadres dans les classes préparatoires – que les étudiants qui vont à l'université. Ces derniers sont actuellement moins familiarisés avec les codes utilisés à l’international, qui sont utiles dans un curriculum vitae et dans l’optique d’une insertion professionnelle réussie.
Ainsi, on rétablit une certaine justice sociale et on régularise des situations, tout en assurant un encadrement.
Avec ce texte, monsieur Legendre, madame André, il sera plus difficile pour les écoles de ne pas respecter la loi. L'enseignement en langue étrangère sera davantage encadré. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement l’anglais : à Tours, par exemple, des cours de droit sont donnés en allemand.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rejeter ces amendements de suppression de l'article 2. Nous pourrons alors engager le débat sur cet article, qui me paraît contenir des dispositions d'ouverture et de justice sociale, tout en permettant de mettre un frein aux pratiques assez débridées de certaines écoles d’enseignement supérieur.
L’adoption de ces amendements de suppression nous priverait évidemment de la possibilité d’amender cet article. Or, avec des collègues du groupe RDSE, j’ai déposé trois amendements, dont l'un tend à réduire la possibilité de donner des enseignements en langues étrangères, étant entendu que c’est essentiellement l’anglais, disons-le, qui est concerné, même si quelques enseignements peuvent être dispensés en allemand, en espagnol ou en portugais.
En limitant la portée du dispositif à partir du master 2, nous voulons que la politique d'attractivité soit conduite à un niveau utile, parce que nous n'avons pas les moyens d'accueillir en licence des dizaines de milliers d'étudiants, voire davantage, qu’il faudrait mettre à niveau en français, tout en leur dispensant des enseignements en anglais.
J'observe, madame le ministre, que la Chine envoie en France 30 000 étudiants, ce qui montre bien que le français peut s'apprendre et que, donc, des étudiants étrangers peuvent se mettre à niveau !
Nous avons certainement des efforts à faire à l’égard des pays d'Amérique latine – des enseignements peuvent être dispensés en portugais ou en espagnol –, et du sous-continent indien ou de l'Indonésie – dans ce cas, ils seront en anglais. Mais, soyons clairs, il faut que cela soit ciblé.
Outre l’amendement que je viens d’évoquer, nous en présenterons un autre qui prévoit de faire préciser par décret le pourcentage maximal des enseignements dispensés en anglais.
Je ne voudrais pas entamer une discussion sur une question qui n’est pas relative à la suppression de l'article 2, mais les sénateurs du RDSE aimeraient, madame la ministre, connaître vos intentions quant à leurs amendements, afin qu’ils soient en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les amendements de suppression.
Il serait dommage, me semble-t-il, de voter ces amendements de suppression, même si l’on peut entendre l’appel dont ils sont porteurs. Néanmoins, je rejoins Jean-Pierre Chevènement lorsqu'il estime qu'il serait dommage que le Sénat n’améliore pas le dispositif prévu à l’article 2.
Mme la ministre l’a précisé, cet article permet d'encadrer davantage les pratiques de certaines grandes écoles qui se sont laissé aller à ne pas appliquer la loi Toubon – Jacques Legendre a tenu des propos très clairs à cet égard –, qui s’en vantent même et qui entendent continuer à faire comme bon leur semble, quelles que soient les mesures qui seront prises.
Il faut donner au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche la capacité d'encadrer de telles pratiques. Le travail effectué ici par des collègues de tous bords devrait permettre de faire bouger les lignes dans un sens positif.
Nos lycées français à l'étranger comptent beaucoup d'étudiants excellents. J'étais, voilà quelques semaines, en Équateur : le chef de l'État lui-même a scolarisé ses enfants dans un établissement où l’enseignement se fait en français et sa fille aînée étudie maintenant à l'université à Lyon.
J’estime que la fixation d’un pourcentage maximal d’enseignements dispensés en langues étrangères serait tout de même de nature à rassurer les étudiants francophones et, par la même occasion, à nous rassurer, nous aussi.
Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter ces amendements de suppression, même si, je le redis, je comprends l'appel qui les sous-tend.
Parmi les amendements suivants, figure un amendement du Gouvernement aux termes duquel « l’accréditation concernant ces formations fixe la proportion des enseignements à dispenser en langue française ». Cette précision me paraît être de nature à apaiser un certain nombre d’inquiétudes.
Puisque M. Chevènement m'a demandé d'apporter un éclairage sur les amendements qui seront examinés ensuite si l’article 2 n’est pas supprimé, je précise que celui aux termes duquel l’enseignement en langues étrangères est limité au master 2 ne me paraît pas judicieux.
Le ciblage est une bonne idée, et c'est bien ce qu’avait en tête le Gouvernement en visant les matières scientifiques. Effectivement, les Chinois qui veulent s'orienter vers des matières littéraires ou vers les sciences humaines et sociales apprennent le français. En revanche, nous voulons cibler les jeunes des pays émergents étudiant les matières scientifiques, pour lesquels la langue est un obstacle. Davantage que le niveau – master 1, master 2 ou doctorat –, c'est le domaine qui doit être ciblé. C'est ce que préciseront les décrets d'application.
Décidément, il est parfois difficile de se faire entendre !
Je veux redire que la loi Toubon n’empêche pas de délivrer des enseignements dans une autre langue à des étudiants étrangers. Nous devons uniquement être attentifs à la situation des étudiants français ou francophones à qui l’on imposerait des enseignements intégralement dans une autre langue que la leur.
Madame la ministre, vous nous avez présenté les propositions du Gouvernement. Pour que nous puissions vous suivre, ces propositions devront être précises parce que nous avons affaire à des gens qui ne sont pas disposés à appliquer la loi. Voilà pourquoi nous vous demanderons de protéger les étudiants français pour qu'ils aient le droit d'apprendre en français.
Dans ces conditions, et pour que le débat puisse se poursuivre, je retire mon amendement. §
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 294 rectifié bis, présenté par M. Legendre, Mme Primas, MM. Gilles, Bordier et Savin, Mme Mélot, MM. Leleux, B. Fournier, Dufaut, Bas, G. Bailly et P. André, Mme Cayeux, MM. de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming et Ferrand, Mme Farreyrol, MM. Dulait et Doublet, Mme Debré, MM. Dallier, Cardoux, César et Trucy, Mme Sittler et MM. Savary, Retailleau, Pinton, Milon, Mayet et P. Leroy, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le II de l'article L. 121-3 du même code est ainsi rédigé :
« La langue de l'enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français. Des exceptions peuvent être justifiées :
« 1° Pour les étudiants non francophones, qui peuvent recevoir un enseignement en langue étrangère, à condition de suivre aussi un enseignement de la langue et de la culture françaises. Leur niveau de maîtrise de la langue française est évalué pour l'obtention du diplôme.
« 2° Pour les étudiants francophones :
« a) Par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ;
« b) Lorsque les enseignants sont des professeurs associés, invités ou étrangers ;
« c) Par des nécessités pédagogiques, lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l'article 123-7 ou dans le cadre d'un programme européen ;
« d) Par le développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues.
« Pour ces étudiants, les exceptions ne peuvent porter sur plus de la moitié des enseignements.
« L'accréditation concernant ces formations fixe le pourcentage des enseignements à dispenser en langue française.
« Le ministre responsable de l'usage de la langue française est immédiatement informé des exceptions accordées et de la raison de ces dérogations. »
La parole est à M. Jacques Legendre.
L’objectif est, pour nous, de clarifier les règles.
La rédaction que nous proposons pour l’article 2 comporte tout d’abord, comme celle qui est issue des travaux de la commission, un rappel du principe fixé par la loi Toubon : « La langue de l’enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français ».
Est opérée ensuite une distinction entre les étudiants non francophones et les étudiants francophones. En ce qui concerne les premiers, nous proposons qu’ils puissent recevoir un enseignement en langue étrangère à condition de suivre aussi un enseignement de la langue et de la culture françaises. En outre, leur niveau de maîtrise du français serait évalué pour l’obtention du diplôme.
Il me semble que ce dispositif permet de rétablir la clarté la plus grande. Il permet aux étudiants, même francophones ou français, de suivre jusqu’à la moitié de leurs cours dans une autre langue que la leur. Qu’on ne nous dise donc pas que nous supprimons toute souplesse et toute ouverture ! Il assure la protection des francophones tout en réaffirmant le droit des étudiants étrangers à suivre aussi, s’ils le souhaitent, des cours dans une autre langue.
Les auteurs de cet amendement de clarification ont été guidés par l’idée selon laquelle la diversité culturelle et linguistique doit être au cœur de l’université. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas accepter la dérive vers une langue unique qui serait le véhicule d’une pensée unique !
L'amendement n° 316 rectifié bis, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter du master 2
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Madame le ministre, j’ai écouté vos explications : il est évident qu’il vaut mieux attirer les étudiants étrangers au niveau du master et du doctorat ; d’ailleurs, c’est à ces niveaux que, spontanément, les demandes sont les plus nombreuses.
Vous avez fait un cas particulier des enseignements scientifiques : selon vous, pour qu’ils puissent être dispensés à des étudiants venant de pays émergents, il faudrait que ceux-ci soient accueillis dès le niveau de la licence. Cet argument demande réflexion et, pour ma part, je ne vois pas forcément à quels cas il s’applique. En Russie, par exemple, 800 000 étudiants sur 7 millions apprennent le français : il y a donc de la marge ! Pour les Chinois, le français n’est pas un obstacle. Pour d’autres, en revanche, il peut en être un.
Madame le ministre, nous voulons bien accepter qu’une exception soit prévue pour les enseignements scientifiques, mais à condition qu’elle porte seulement sur les sciences dites « dures » et qu’elle soit encadrée par des accords bien précis. Pouvez-vous nous en donner la garantie ?
Personnellement, je trouve incroyable que le mépris de la loi dont certaines grandes écoles ou certaines universités font preuve soit érigé en argument !
Marques d’approbation sur diverses travées.
Les grandes écoles ou les universités qui manquent à la loi devraient être pénalisées ; il est évident qu’il appartient à l’État de s’en assurer !
M. Jean-Pierre Chevènement. Tous les établissements devront se plier aux règles que nous allons fixer.
M. Yvon Collin acquiesce.
Madame le ministre, si vous nous assurez que la possibilité d’un enseignement en langue étrangère au niveau de la licence sera limitée aux disciplines scientifiques, c'est-à-dire aux sciences dures, je consens à l’accepter, car je ne veux pas vous faire de procès d’intention. Toutefois, je maintiens ma proposition tendant à ce que la restriction des enseignements en langue étrangère au niveau du master 2 soit posée en principe général.
Cela me conduit à proposer une nouvelle rédaction de mon amendement, les mots « à compter du master 2 » étant complétés par les mots « sauf pour les matières scientifiques ». Ainsi, les règles seront inscrites dans la loi et il n’y aura pas d’ambiguïté !
Je suis donc saisi d’un amendement n° 316 rectifié ter, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter du master 2 sauf pour les matières scientifiques
L'amendement n° 241, présenté par Mme M. André, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ces hypothèses, les formations ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère et à la condition que l'accréditation concernant ces formations fixe le pourcentage des enseignements à dispenser en français. Le ministre en charge de l’usage de la langue française en France est immédiatement informé des exceptions accordées, de leur délai et de la raison de ces dérogations. »
II. – Alinéa 7, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Leur niveau de maîtrise suffisante de la langue française est évalué pour l'obtention du diplôme qui suppose la réussite au Diplôme d’études en langue française.
La parole est à Mme Michèle André.
Je propose que la part des enseignements qui devront être dispensés en français soit fixée dans l’accréditation sous forme de pourcentage, mais il pourrait aussi bien s’agir d’une proportion. Cette mesure me paraît importante ; elle pourra être davantage précisée au cours de l’examen des autres amendements déposés à l’article 2.
Il me paraît utile de prévoir aussi que le ministre en charge de l’usage de la langue française en France sera immédiatement informé des exceptions accordées, afin qu’il ait connaissance de ce qui se passe. Cette disposition paraît secondaire, mais son importance n’est pas mineure au moment où nous nous rendons compte que des pratiques ont cours qui finissent par devenir loi ; en vérité, une loi contre la loi !
Enfin, il est utile de faire intervenir le diplôme d’études en langue française. À cet égard, il faut souligner le rôle joué par nos Alliances françaises, que plusieurs collègues visitent régulièrement, notamment Jacques Legendre, eu égard à ses responsabilités au sein de l’Assemblée parlementaire de la francophonie : elles permettent à de nombreux étudiants d’acquérir un diplôme en langue française.
L'amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le pourcentage maximal des enseignements dispensés en langue étrangère est fixé par décret.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Cet amendement rejoint, en tout cas dans son esprit, celui de Mme André, puisqu’il prévoit la fixation par décret d’un pourcentage maximal d’enseignements pouvant être dispensés en langue étrangère – en fait, en anglais. Je le retire donc au profit de l’amendement n° 241.
L’amendement n° 308 rectifié est retiré.
L'amendement n° 297 rectifié bis, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les étudiants étrangers bénéficiant de formations en langue étrangère suivent un enseignement de la langue française lorsqu'ils ne justifient pas d'une connaissance suffisante de celle-ci. Leur niveau de maîtrise de la langue française, évalué lors d'une épreuve spécifique, est pris en compte pour l’obtention du diplôme. »
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Il s’agit de prévoir d’une manière très claire que les étudiants étrangers bénéficiant de formations en langue étrangère devront suivre un enseignement de la langue française lorsqu’ils ne justifieront pas d’une connaissance suffisante de celle-ci. Leur niveau de maîtrise du français serait évalué et, surtout, pris en compte pour l’obtention du diplôme – car l’évaluation importe peu si elle est sans effet.
L'amendement n° 322, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les étudiants étrangers bénéficiant de formations en langue étrangère suivent un enseignement de langue française lorsqu’ils ne justifient pas d’une connaissance suffisante de cette dernière.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’obligation d’assurer un enseignement de la culture française. En effet, même si je comprends tout à fait la notion de « culture française », il me semble qu’elle est difficile à cerner.
Je ne suis pas violemment opposée à cette obligation, mais je considère qu’en enseignant la langue française, de fait, on enseigne aussi la culture française. Cela ne signifie pas que je réduis la culture à sa seule dimension linguistique : pour moi, la francophonie inclut le français, mais aussi les valeurs des pays où il est parlé, sans oublier les aspects culturels.
En tout cas, il me paraît très difficile de définir ce que serait un enseignement de la culture française. La discussion pourrait amener le Gouvernement à assouplir sa position, mais j’ai le souci que la loi soit précise et applicable. D’où cet amendement.
L'amendement n° 137, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dans une proportion fixée par l'habilitation nationale relative à la formation en question
2° Seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
selon les mêmes critères que ceux du diplôme d'études en langue française
La parole est à M. Philippe Adnot.
Je souhaite m’assurer que, même si des enseignements ont été dispensés dans une langue étrangère, le diplôme ne pourra pas être accordé en l’absence d’une parfaite connaissance de la langue française. Autrement dit, il ne suffit pas de prévoir l’obligation pour les étudiants étrangers de suivre des cours en français : il faut aussi que l’obtention du diplôme soit conditionnée à l’acquisition d’un niveau suffisant en français. (Mme la ministre acquiesce.)
Permettez-moi d’ajouter une observation qui n’est pas directement liée à mon amendement. De même que, pour s’inscrire dans une université américaine, il faut justifier d’une connaissance minimale de la langue anglaise, nous devrions exiger que les étudiants étrangers venant en France aient fréquenté pendant un mois, ou peut-être plus, une Alliance française ; du reste, les Alliances françaises verraient cette mesure d’un très bon œil !
L'amendement n° 27, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les enseignements proposés doivent permettre aux étudiants francophones d’acquérir la maîtrise de la langue d’enseignement dans laquelle ces cours sont dispensés. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Il s’agit évidemment là d’un amendement de repli par rapport à notre position initiale.
Si des étudiants francophones rencontrent des difficultés dans l’apprentissage des langues étrangères, ce n’est pas en leur imposant des enseignements dispensés dans ces langues qu’on les aidera à progresser !
Selon nous, il faut que ces étudiants puissent suivre les enseignements dispensés en langue étrangère et, pour cela, il faut qu’ils aient accès à des cours leur permettant d’acquérir la maîtrise des langues d’enseignement.
L'amendement n° 321 rectifié, présenté par M. Legendre, Mme Primas, MM. Gilles, Savin, B. Fournier et Dufaut, Mme Mélot, M. Leleux, Mme Cayeux, MM. P. André, de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming et Ferrand, Mme Farreyrol, MM. Dulait et Doublet, Mme Debré, MM. Dallier, Cardoux, César, Bordier, Bas, G. Bailly et Trucy, Mme Sittler et MM. Savary, Retailleau, Pinton, Milon, Mayet et P. Leroy, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations à l'enseignement en français telles que permises aux troisième à sixième alinéas du présent article n'autorisent que partiellement un enseignement en langue étrangère. L’accréditation concernant ces formations fixe le pourcentage des enseignements à dispenser en langue française. Le ministre en charge de l’usage de la langue française en France est immédiatement informé des exceptions accordées et de la raison de ces dérogations. »
La parole est à M. Jacques Legendre.
Nous avons déposé cet amendement de repli pour le cas où notre amendement n° 294 rectifié bis, qui comporte un dispositif complet pour l’article 2, ne serait pas adopté.
Nous voulons insister sur le fait que, pour les étudiants français et francophones, « les dérogations à l’enseignement en français permises aux troisième à sixième alinéas de l’article 2 n’autorisent que partiellement un enseignement en langue étrangère ». Nous proposons le rétablissement de cette précision que l’Assemblée nationale avait prévue et que la commission de la culture du Sénat n’a pas maintenue.
Notre amendement prévoit en outre que l’accréditation des formations fixera le pourcentage des enseignements qui devront être dispensés en langue française.
Enfin, nous pensons que les exceptions doivent être portées à la connaissance du ministre de la culture, lequel est responsable de l’usage du français en France. Du reste, il nous semble que la présence de Mme Filippetti lors de l’examen de ces dispositions par le Sénat aurait été utile, de même que celle de Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie. Ainsi informé, le ministre de la culture pourra suivre l’évolution de la situation dans le domaine universitaire, en liaison avec son collègue chargé de l’enseignement supérieur, et s’assurer que les pratiques restent cohérentes avec la politique de la langue française en France.
L'amendement n° 369, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L’accréditation concernant ces formations fixe la proportion des enseignements à dispenser en langue française. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je suis prête à retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 241 de Mme André, auquel M. Chevènement s’est également rallié, à condition que le mot « pourcentage » y soit remplacé par le mot « proportion ». En effet, tous ceux qui connaissent le domaine de la formation savent qu’il ne se prête pas au calcul de pourcentages ; il s’agit plutôt de veiller au respect d’un équilibre.
M. Jacques Legendre acquiesce.
Par ailleurs, l’idée de recourir aux accréditations me paraît intéressante parce qu’elle s’accorde avec le respect du principe d’autonomie : en effet, on confie aux établissements eux-mêmes le soin d’équilibrer leurs formations, après quoi une vérification est opérée.
Madame André, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
En présentant mon amendement, j’avais laissé entendre que le mot « proportion » pouvait parfaitement se substituer au mot « pourcentage ». N’étant pas une spécialiste de l’université et des accréditations, j’avoue avoir du mal à saisir la portée de telles nuances. J’accède donc bien volontiers à la demande de Mme la ministre.
Le Gouvernement sollicite une seconde rectification : il souhaiterait que, dans la phrase proposée au II de l’amendement n° 241, les mots « qui suppose la réussite au diplôme d’études en langue française » soient supprimés. À vouloir être trop normatif, on risque de dresser des barrières inutiles et de nuire à la nécessaire fluidité.
Madame André, acceptez-vous de procéder à cette rectification supplémentaire ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 241 rectifié, présenté par Mme M. André et ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ces hypothèses, les formations ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère et à la condition que l'accréditation concernant ces formations fixe la proportion des enseignements à dispenser en français. Le ministre en charge de l’usage de la langue française en France est immédiatement informé des exceptions accordées, de leur délai et de la raison de ces dérogations. »
II. - Alinéa 7, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Leur niveau de maîtrise suffisante de la langue française est évalué pour l'obtention du diplôme.
Par ailleurs, l’amendement n° 369 est retiré.
L'amendement n° 317 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au second alinéa du II du même article L. 121–3, les mots : « cette obligation » sont remplacés par les mots : « à l'obligation prévue au premier alinéa. »
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 294 rectifié bis, qui tend à autoriser de fait les enseignements en langue étrangère pour les non-francophones dès lors qu’ils suivent un enseignement de la langue et de la culture françaises, tout en posant des limites pour les francophones.
Les étudiants européens qui verraient un avantage à suivre des cours principalement dans une langue étrangère auraient alors tout intérêt à minimiser leur niveau de français lors de leur inscription. En effet, rien n’est prévu dans cet amendement quant à la distinction entre étudiants issus de pays l’Union européenne et étudiants venant de pays tiers, alors qu’elle a ici une grande importance.
L’adoption de cet amendement aurait également pour conséquence d’empêcher les non-francophones de suivre les mêmes cursus que les francophones, ce qui est contraire à l’objectif de mixité, dont le but est de faire émerger des générations de francophiles.
Enfin, cet amendement impose une nouvelle contrainte aux non-francophones : la moitié des enseignements au moins devraient se faire en français. Cette limite est encore une fois difficilement compatible avec les cursus trinationaux qui se développent dans l’enseignement supérieur, en particulier dans le cadre de diplômes transfrontaliers.
La commission avait émis un avis défavorable sur l’amendement n° 316 rectifié bis, dont la rédaction lui apparaissait trop restrictive. Cependant, prenant en compte les explications de Mme la ministre, M. Chevènement l’a rectifié. Sur cet amendement n° 316 rectifié ter, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
L’amendement n° 241 avait reçu un avis défavorable de la commission, les modalités prévues pour évaluer le niveau de français lui semblant être en contradiction avec ce qu’elle avait elle-même décidé. En outre, elle avait observé que la référence au diplôme d’études en langue française renvoyait à une disposition d’ordre réglementaire, mais cette référence ne figure plus dans l’amendement rectifié. Par ailleurs, la commission avait décidé de supprimer la référence au principe de formations partiellement proposées en langue étrangère.
Cela étant, le Gouvernement ayant retiré son amendement n° 369 en contrepartie d’une rectification de l’amendement de Mme André, à titre personnel, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 297 rectifié bis, qui est en grande partie satisfait par la rédaction actuelle de l’article 2. En outre, chaque établissement doit pouvoir décider de la modalité d’évaluation du niveau de français. Cela fait également partie de ses compétences dans le cadre de l’accréditation.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 322 du Gouvernement, qui a pour objet de supprimer l’obligation d’assurer un enseignement de la culture française. Nous avons beaucoup discuté sur cette notion de culture française et sur l’enseignement auquel elle pouvait donner lieu. Il nous a semblé qu’il n’était pas si difficile de déterminer ce qu’un tel enseignement devrait recouvrir : la culture au sens large, ou les cultures, l’histoire, la civilisation, la littérature, les institutions... Le but est de permettre aux jeunes étrangers d’acquérir une meilleure connaissance de notre pays.
Je conviens que le mot « civilisation » peut avoir une connotation colonialiste, mais il faut savoir qu’un enseignement de civilisation britannique est dispensé en Grande-Bretagne.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 137. La rédaction proposée au 1° est à revoir et son 2° fait référence au diplôme d’études en langue française, qui doit rester d’ordre réglementaire.
La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 27, sous réserve de la modification rédactionnelle suivante : que la formule « doivent permettre » soit remplacée par le mot « permettent ».
Madame Gonthier-Maurin, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par la commission ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les enseignements proposés permettent aux étudiants francophones d’acquérir la maîtrise de la langue d’enseignement dans laquelle ces cours sont dispensés. »
Veuillez poursuivre, madame la rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 321 rectifié puisque l’amendement n° 241 rectifié, auquel s’est rallié le Gouvernement en retirant son amendement n° 369, est de nature à répondre aux inquiétudes exprimées par M. Legendre.
Enfin, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 317 rectifié, qui apporte une précision utile.
Le Gouvernement partage globalement l’analyse de la commission sur la plupart de ces amendements, exception faite de l’amendement n° 316 rectifié ter et, bien sûr, de son propre amendement n° 322.
Monsieur Chevènement, accepteriez-vous de rectifier une nouvelle fois votre amendement n° 316 rectifié ter en remplaçant les mots « à compter du master 2 sauf pour les matières scientifiques » par les mots « de préférence à compter de la première année du deuxième cycle de l’enseignement supérieur en fonction d’objectifs pédagogiques qui seront précisés par décret » ?
Cette rédaction est préférable à la formule « à l’exception des disciplines scientifiques ». Il semble en effet difficile que la loi exclue certaines disciplines. Par ailleurs, les sciences humaines sont aussi des sciences ; il ne faut pas les stigmatiser.
Monsieur Chevènement, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par le Gouvernement ?
Madame la ministre, vous suivre reviendrait à introduire deux souplesses considérables dans la rédaction de mon amendement.
D’une part, la formule « de préférence » signifie qu’il n’y a pas d’obligation. D’autre part, vous renvoyez à un texte d’application pour ne pas avoir à préciser que la disposition vise les « enseignements scientifiques ». Or, même si cette expression fait débat, il est préférable de la faire figurer dans la loi, quitte à introduire ensuite des souplesses. Le texte d’application ne dira rien de plus que ce que l’on peut dire ici.
En conséquence, je propose que l’on en reste à la rédaction « à compter du master 2 sauf pour les matières scientifiques ». Cette formulation est déjà suffisamment large. Introduire trop de souplesse viderait l’amendement de son sens.
Dans un souci de conciliation, nous pourrions éventuellement ajouter les mots « de préférence », ou plutôt « en principe », avant les mots « à compter du master 2 »…
Je considère avoir été ainsi au bout de ma propre souplesse, qui n’est plus très grande ! §
Monsieur le président, je crois qu’il va être nécessaire de suspendre la séance pendant quelques minutes. Nous devons en effet étudier la compatibilité de cet amendement avec les programmes Erasmus. Il ne faudrait pas que cette mesure bloque ces programmes auxquels nous tenons tous énormément.
Madame la ministre, je vous invite néanmoins, avant que je ne suspende la séance, à donner l’avis du Gouvernement sur les autres amendements en discussion commune.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n° 241 rectifié et 27 rectifié ; il émet un avis défavorable sur les amendements n° 294 rectifié bis, 297 rectifié bis, 137 et 321 rectifié, et un avis favorable sur l’amendement n° 317 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 322 du Gouvernement, je veux redire à Mme la rapporteur que le concept de culture me paraît très difficile à définir et que l’initiation à une culture peut parfaitement être intégrée à l’apprentissage de la langue.
À la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.
S’agissant de l’amendement n° 316 rectifié ter, nous ne sommes pas parvenus, au terme de cette suspension de séance, à un texte qui nous permette de nous accorder avec M. Chevènement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le président, je souhaite malgré tout apporter une nouvelle rectification à mon amendement.
Voici la rédaction ultime que, à force de concessions, je suis prêt à proposer : « à partir de la première année du deuxième cycle de l’enseignement supérieur sauf exception autorisée par le Gouvernement. »
On m’a en effet objecté les programmes Erasmus et les bourses Marie Curie, mais rien n’empêche, par une circulaire envoyée aux recteurs, de permettre l’accueil d’étudiants concernés par ces dispositifs.
Je pense qu’il faut marquer une volonté politique. Voulons-nous défendre la francophonie et la langue française, quitte à faire preuve de beaucoup de souplesse ? Ou bien ne voulons-nous rien opposer au mouvement naturel par lequel 600 ou 700 écoles et universités se sont déjà affranchies de la loi, se sont littéralement assises dessus ?
Il faut quand même faire respecter la volonté du législateur !
Je suis donc saisi d’un amendement n° 316 rectifié quater, présenté par MM. Chevènement, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
à partir de la première année du deuxième cycle de l'enseignement supérieur sauf exception autorisée par le Gouvernement
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
Il existe 11 000 masters, des accords bilatéraux et des programmes Erasmus. L’application de cette disposition serait donc d’une complexité effrayante !
Je refuse que l’on mobilise notre administration sur ce problème, d’autant que nous bénéficions d’un garde-fou grâce aux accréditations et à la confiance accordée aux établissements, qui va de pair avec l’autonomie.
Au vu des réactions qui me sont parvenues du terrain, il apparaît que les enseignants de langues étrangères ont, dans leur ensemble, bien compris qu’ils allaient être soumis à un encadrement allant dans le sens d’une restriction. Le message est donc passé.
Je comprends tout à fait votre état d'esprit, monsieur Chevènement, mais, puisque nous ne parvenons pas à trouver une formulation applicable de façon réaliste, je suis l'avis défavorable de Mme la rapporteur.
La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote sur l'amendement n° 294 rectifié bis.
Le débat confus qui vient de se dérouler montre combien il est nécessaire d’avoir à l’esprit un dispositif clair.
Pour les étudiants étrangers – que la loi Toubon n’empêche absolument pas, j’y insiste, de se former dans une autre langue que le français –, il convient de prévoir qu’ils suivent un cours de langue française. Au passage, je me permettrai de dire à Mme la ministre que je suis d'accord avec son analyse sur l’enseignement de la « culture », même s'il est toujours gênant de supprimer ce mot.
Je propose que, sous réserve que l’étudiant étranger non francophone suive un enseignement du français, il puisse suivre certains cours, voire la totalité d'entre eux, le cas échéant, dans une autre langue que le français. On ne peut pas être plus clair ni plus souple, et un tel dispositif ne fait, à l’évidence, aucunement obstacle à l'accueil des étudiants étrangers !
Pour les étudiants français ou francophones, jusqu'à la moitié des cours pourrait être dispensée dans une autre langue que le français. Je rappelle que c'est, par exemple, le régime, parfaitement accepté, des écoles et sections européennes ou bilingues de l'enseignement secondaire.
Enfin, l'accréditation de ces formations – je remercie d’ailleurs Mme la ministre de ses propos à ce sujet – fixerait le pourcentage des enseignements à dispenser en langue française. On retrouve donc bien le verrou de l'accréditation.
Enfin, le ministère de la culture serait informé des dérogations accordées. Ainsi, il n’exercerait pas une tutelle, mais bénéficierait d’une simple information. Cela étant, je serais prêt à renoncer à cet élément si le Gouvernement me le demandait.
Voilà un dispositif simple et clair, sur lequel je souhaiterais, mes chers collègues, que nous puissions nous retrouver.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 322.
Je souhaiterais proposer une rectification de cet amendement.
Certes, l'enseignement de la culture française à l'université n’a pas une signification évidente et suscite, à tout le moins, un débat. En revanche, on sait très bien, à l'université, ce qu’est une civilisation. Un cours de civilisation française donnerait une connaissance de l'histoire, de la langue et de l'environnement social, économique et géographique de la France. Je propose donc au Gouvernement, plutôt que de supprimer purement et simplement l’enseignement de la culture française, de prévoir un enseignement de la civilisation française.
Mme la présidente de la commission de la culture s'exclame.
Le Gouvernement préfère s'en tenir à sa proposition initiale. Mieux vaut éviter de compliquer les choses ! Au demeurant, le terme de civilisation fait, lui aussi, l'objet de diverses interprétations.
J'ai déjà vécu des débats nourris sur cet article, et j’aimerais que l'on en vienne à ce qui constitue l'essentiel de ce texte.
Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.
Lorsqu'on étudie une langue, quelle qu’elle soit, des cours de civilisation sont, en général, également dispensés, en plus des cours de langue proprement dits. Les deux sont complémentaires, quelle que soit la langue étudiée.
Il s'agit d'un débat passionnant, mais nous écrivons la loi. Il est difficile d'atteindre à ce niveau de détail sans risquer de froisser des susceptibilités. On sait bien que cette notion de « civilisation française » peut avoir certaines connotations, qu’elle peut susciter des blocages.
Monsieur Legendre, j’ai donné l'avis de la commission, qui avait proposé que soient dispensés des cours de culture française. Le Gouvernement ne souhaite pas que ce terme figure dans la loi, considérant qu’il appartient aux établissements de définir l'environnement de l'apprentissage de la langue française. Je pense que le débat a suffisamment éclairé les esprits et que chacun, dès lors, est en mesure de voter en conscience sans qu’il soit nécessaire de reprendre le travail pour ajouter des éléments que l'on n’aura pas eu le temps d'examiner en commission.
Je vous rappelle que l'on écrit la loi, qui sera ensuite déclinée avec des décrets, des accréditations… Ne la surchargeons pas et faisons en sorte que personne ne soit blessé dans ses convictions. Ainsi, nous ne perdrons pas de temps avec un débat qui s'enflamme, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
L'argument qui a été soulevé par Mme Lepage est le bon puisqu'elle dit que des cours de civilisation sont de toute façon dispensés en même temps que les cours de langue. Il n’est donc pas besoin de compléter le texte de loi puisque, lorsque vous enseignez la langue française, vous enseignez forcément l'histoire de France, la civilisation française, etc. Il suffit donc que la loi prévoie l'enseignement de la langue française.
Je serai ainsi conduit à soutenir le Gouvernement, ce qui méritait d'être souligné !
Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP . – Mme la rapporteur applaudit également.
On entend tout de même, dans cet hémicycle, des choses un peu surprenantes ! Que le mot civilisation puisse provoquer des réticences, ou inquiéter, j’avoue ne pas le comprendre ! La civilisation française existe. Les civilisations d'autres pays, d'autres cultures existent aussi. Ce terme de civilisation n’est pas un gros mot !
Certes, je pense qu’il n’est pas nécessaire de l'introduire dans le texte, le mot « langue » suffisant et, sur ce point, je suivrai volontiers Mme la ministre. Mais on ne peut pas, dans l’enceinte de notre assemblée, donner le sentiment que nous avons désormais peur du mot « civilisation » ! C'est un mot noble de la langue française ! §
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. C’est formidable ! (Sourires.)
La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l'amendement n° 137.
Je considère que, après l'intervention de Mme la ministre et de Mme André, cet amendement est satisfait. Je n’ai d'ailleurs pas très bien compris pourquoi il a reçu deux avis défavorables alors que, d'une certaine manière, des dispositions ont été prises qui vont dans le même sens. Quoi qu’il en soit, j’exprime ma gratitude et je retire mon amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote sur l'article.
Je suis allé jusqu’à l'extrême limite des concessions possibles. J’observe qu’une volonté s'est fait jour – dont je ne perçois d'ailleurs pas les motivations profondes, mais je refuse de m'interroger davantage à ce sujet – de ne pas ériger les barrières nécessaires. Je voterai donc, ainsi que tous les signataires des amendements que j'ai présentés, contre cet article.
D'un débat confus, allons-nous faire jaillir la lumière ? Je n’en suis pas tout à fait persuadé…
On a voulu élargir les dispositions de la loi Toubon dans un domaine où il était difficile de le faire puisque cette loi n’interdisait rien pour les étudiants non francophones.
Malgré tout, j’espère que la volonté du Parlement et du Gouvernement a été clairement exprimée dans cette enceinte. Cette volonté, c'est que la règle selon laquelle le français est la langue normale de l'enseignement supérieur doit être respectée, avec un certain nombre d'aménagements qui sont compréhensibles et nécessaires pour les étudiants français.
Cette volonté est malheureusement battue en brèche par la détermination dont témoignent obstinément un certain nombre de responsables d'institutions de ne pas appliquer la loi.
Je dois dire ici que j’ai été choqué d’entendre le président de la Conférence des présidents d'université, lors de son audition par la commission, manifester son souhait de voir chaque président définir le régime linguistique ayant cours dans son université.
Je crois qu’il s’agit d’un domaine trop important pour que le président d’université décide seul. Il existe des règles fixées par le Parlement sur l'usage de la langue française en France, et c’est bien normal. Nous avons le devoir d'écouter ce que nous disent les responsables du monde universitaire pour adapter la règle générale à leurs besoins, mais ils ont aussi le devoir de ne pas nuire au rayonnement international de leur langue.
S'agissant des étudiants étrangers, ce qui est en cause, ce n’est pas seulement le fait d’être mieux à même d’accueillir des étudiants indiens, par exemple ; c’est également le fait de ne pas perdre les étudiants étrangers qui viennent étudier chez nous – en particulier de nombreux Africains – et qui pourraient se demander si l’apprentissage du français vaut encore la peine dès lors que nous leur demanderions de suivre des enseignements en anglais dans nos universités.
Il nous faudra donc être vigilant sur ce point. Le dispositif d’accréditation tel que vous l’avez prévu peut être un moyen, mais il faudra aussi faire preuve d’une volonté politique permanente. Des hésitations apparaissent au sein même de la société française et certains sont tentés de perdre le sens de leur langue. Il nous appartient donc de marquer, au contraire, une volonté forte.
Madame la ministre, ce qui ressort de nos débats n’est peut-être pas aussi clair que ce que nous aurions souhaité. Des améliorations ont néanmoins, me semble-t-il, été apportées au texte de l’article 2. Aussi les membres du groupe UMP s’abstiendront-ils sur cet article.
L'article 2 est adopté.
La troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 123-7 du même code est ainsi rédigée :
« Il soutient le développement des établissements français et des enseignements en langue française à l'étranger, ainsi que le développement de services et ressources pédagogiques numériques favorisant la connaissance et la promotion de la langue française. »
L'amendement n° 323, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Le contenu de l’article 2 bis A figurant par ailleurs à l’article 8, alinéa 8, qui a déjà pour objet de modifier l’article L. 123-7 du code de l’éducation, le Gouvernement propose de supprimer le présent article, dans une optique de simplification.
L'amendement est adopté.
Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport évaluant l’impact, dans les établissements publics et privés d’enseignement supérieur, de l’article 2 de la présente loi sur l’emploi du français, l’évolution de l’offre de formations en langues étrangères, la mise en place d’enseignements de la langue et de la culture françaises à destination des étudiants étrangers et l’évolution de l’offre d’enseignements en langue française dans des établissements étrangers.
L'amendement n° 295, présenté par Mme M. André, est ainsi libellé :
I. – Remplacer les mots :
Dans un délai de trois ans
par les mots :
Dans un délai de deux ans
II. – Compléter cet article par les mots :
et plus généralement sur l’apprentissage des langues dans l’éducation et l’enseignement supérieur et sur l’enseignement du et en français à l’étranger
La parole est à Mme Michèle André.
Cet amendement vise très modestement à ramener à deux ans le délai qui a été porté à trois ans.
L'amendement n° 324, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
et de la culture françaises
par le mot :
française
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement adopté à l’article 2.
La commission est défavorable à l’amendement n° 295 : compte tenu de la date probable de promulgation de la loi, le bilan ne porterait que sur une année effective, ce qui paraît trop bref pour dresser une analyse pertinente de l’impact de l’article 2.
Elle avait également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 324. Cependant, compte tenu du débat qui vient de nous éclairer, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Défavorable, pour les raisons qu’a invoquées Mme la rapporteur.
Mme Michèle André. J’aurais retiré l'amendement si on me l’avait demandé. On ne l’a pas fait, mais je le retire quand même !
Rires.
L'amendement est adopté.
L'article 2 bis est adopté.
L’article L. 123-1 du code de l’éducation est complété par cinq phrases et cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre chargé de l’enseignement supérieur en assure la coordination. Il assure la cotutelle des établissements d’enseignement supérieur ne relevant pas de son département et participe à la définition de leur projet pédagogique. À cette fin, il est représenté à leur conseil d’administration. Il est associé aux accréditations et habilitations de ces établissements. Des modalités complémentaires peuvent être prévues dans les statuts des établissements.
« Une stratégie nationale de l’enseignement supérieur, comportant une programmation pluriannuelle des moyens, est élaborée et révisée tous les cinq ans sous la responsabilité du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Les priorités en sont arrêtées après une concertation avec les partenaires culturels, sociaux et économiques, la communauté scientifique et d’enseignement supérieur, les ministères concernés et les collectivités territoriales. Avant d’être arrêtées définitivement, elles sont transmises aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« La stratégie nationale de l'enseignement supérieur repose sur le principe selon lequel les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel définis au titre Ier du livre VII de la troisième partie du présent code sont au centre du système d’enseignement supérieur.
« Le ministre chargé de l’enseignement supérieur veille à la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.
« Les principes de répartition des moyens entre les acteurs de l’enseignement supérieur sont définis par la stratégie nationale.
« Cette stratégie et les conditions de sa mise en œuvre font l’objet d’un rapport biennal présenté au Parlement. Ce rapport présente une vision consolidée de l’ensemble des financements publics et privés, au niveau national et par site, activité, filière et niveau d’études, ainsi qu’une évaluation des besoins de financement. Les éléments quantitatifs de ce rapport sont composés de données sexuées. Ce rapport analyse notamment, au regard de cette stratégie, la situation des établissements d’enseignement supérieur ayant bénéficié des responsabilités et compétences mentionnées aux articles L. 712-9, L. 712-10 et L. 954-1 à L. 954-3. Il évalue l’impact du transfert de la gestion de la masse salariale sur la situation financière des établissements concernés. Il analyse les résultats des politiques mises en œuvre en faveur de la qualité de la vie étudiante, de la réussite et de l’insertion professionnelle des étudiants. Ce rapport peut également formuler des recommandations en vue de la révision périodique de cette stratégie. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 196 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, MM. Nachbar, Savin, Soilihi et Vendegou et Mme Cayeux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le ministre chargé de l’enseignement supérieur en assure la coordination. Il est associé à la tutelle, à la définition du projet pédagogique et aux accréditations et habilitations des établissements d’enseignement supérieur ne relevant pas de son département. Les modalités de cette association, qui tiennent compte des spécificités des établissements concernés, sont précisées par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Sophie Primas.
La cotutelle telle qu’elle est mise en œuvre à l’article 3 ne nous paraît pas tout à fait satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, la cotutelle implique des procédures extrêmement lourdes.
Ensuite, elle ne peut s’appliquer de la même façon dans tous les établissements. Dans les écoles d’art qui sont aujourd’hui regroupées sous forme d’établissement public de coopération culturelle, en particulier, imposer un membre du conseil d’administration et une cotutelle pure et simple serait contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Enfin, la participation d’un représentant du ministre chargé de l’enseignement supérieur au conseil d’administration de chaque établissement représenterait une contrainte beaucoup trop lourde.
C'est pourquoi nous proposons une nouvelle rédaction de l’alinéa 2.
L'amendement n° 362, présenté par Mme D. Gillot, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 2, troisième phrase
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l’amendement n° 362 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 196 rectifié.
L’amendement de la commission tend à prévoir que le ministre chargé de l'enseignement supérieur « peut être » représenté au conseil d'administration des établissements d'enseignement supérieur ne relevant pas de son département. En passant de l'obligation à la possibilité, on supprime une lourdeur de la cotutelle et on évite la multiplication des conseils « orphelins », où le ministre n'est pas représenté faute de personnes disponibles. Il s’agit d’un allégement des obligations de la cotutelle, même s’il est moindre que celui que vous proposez, madame Primas.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 196 rectifié ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Le Gouvernement est du même avis que Mme la rapporteur sur l’amendement n° 196 rectifié, d’autant que la cotutelle est une demande qui s’est exprimée avec force au cours des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela se passe très bien avec les organismes de recherche : il est donc possible de surmonter cette lourdeur.
J’ajoute que cette disposition fut votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Le porte-parole de l’UMP, Patrick Hetzel, a soutenu sans hésitation la cotutelle, qui fait partie, je le répète, des préconisations des Assises.
Le Gouvernement est par ailleurs favorable à l’amendement n° 362.
Pour dissiper toute ambiguïté, je rappelle que nous sommes favorables à la cotutelle, effectivement soutenue à l’Assemblée nationale par Patrick Hetzel. Il s’agit simplement, par cet amendement, de modifier le texte en ce qui concerne les modes de fonctionnement.
Je souscris pleinement à l’amendement n° 362 de la commission. Toutefois, je maintiens mon amendement, qui comporte plusieurs autres points. Je le répète, il ne s’agit pas pour nous de s’opposer à la cotutelle, mais de l’améliorer.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 124 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, MM. Nachbar, Savin, Soilihi et Vendegou, Mme Cayeux et M. Savary, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l’enseignement supérieur est destinataire annuellement d’un rapport d’activité détaillé fourni par le président du conseil d’administration des établissements publics d’enseignement supérieur ne relevant pas directement de son ministère.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Il s’agit de rendre le ministre de l’enseignement supérieur destinataire d’un rapport sur les établissements qui ne dépendent pas directement de son ministère, afin de s’assurer que les objectifs de ces établissements entrent dans l’objectif global de l’enseignement supérieur.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que Mme la rapporteur, en précisant toutefois que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche lit naturellement avec la plus grande attention les rapports qui lui sont communiqués.
Nouveaux sourires.
Dans la mesure où il existe une cotutelle, le ministère est représenté dans les conseils d'administration ; il est donc destinataire des rapports d’activités. De fait, l’amendement est satisfait.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 380, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, deuxième phrase
Supprimer les mots :
, ainsi qu’une évaluation des besoins de financement
La parole est à Mme la ministre.
Si nous souscrivons à la rédaction de l’alinéa 7, il nous semble cependant peu judicieux de préciser que le rapport présente « une évaluation des besoins de financement ».
Les besoins sont par nature illimités. Nous sommes tous, à juste titre, passionnés par la recherche et l’enseignement supérieur et nous avons tous envie que ces secteurs disposent de moyens bien supérieurs à ceux qui leur ont été attribués au cours des dix dernières années. Nous sommes cependant confrontés, depuis quelque temps, à de fortes contraintes budgétaires. Dès lors, il nous semble que l’identification des besoins, qui ne pourront tous être satisfaits, va provoquer des frustrations. Il ne me paraît pas judicieux de rédiger des rapports comprenant des perspectives et des bilans qui susciteront nécessairement de telles frustrations.
Nous sommes favorables aux notions de programmation pluriannuelle et de mise en perspective. En revanche, celle de besoins ne me semble pas suffisamment claire pour figurer dans la loi. La balance entre avantages et inconvénients d’une telle précision me paraît pencher du côté de ces derniers.
La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement.
Il me paraît difficile de renoncer à l’évaluation des besoins de financement dès l’instant où l’on souhaite avoir une vision consolidée de l’ensemble des financements…
Des tableaux de bord comportant des chiffres consolidés sont demandés à plusieurs reprises. Même si les objectifs ne sont pas forcément atteints, cela permet de mesurer le chemin à parcourir et d’apporter d’éventuels correctifs.
C'est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Nous ne sommes guère convaincus par l’argumentaire de Mme la ministre : la peur n’évite pas le danger ! Tout le monde sait bien, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, que les budgets sont contraints. Le fait de connaître les besoins de financement pour pouvoir opérer des choix argumentés nous semble plus important que la crainte de susciter des frustrations, qui seront par ailleurs inévitables.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Dans les discussions à tous les niveaux, qu’il s’agisse des universités ou même des centres hospitaliers universitaires, on parle de contrats d’objectifs et de moyens. On peut bien sûr fixer des objectifs, mais, faute de moyens pour les réaliser, tout le monde est déçu ! Les rapports doivent donc inclure la notion de moyens.
Je comprends que, compte tenu des difficultés actuelles, vous disiez en substance : « Pas d’histoires d’argent entre nous ! » §C’est un peu ce qui transparaît à travers cette proposition. Il n’empêche que, dans un souci de pragmatisme, il est indispensable de mettre en regard les objectifs et les moyens qui doivent permettre de les atteindre.
L'amendement n’est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'amendement n° 378, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° À l’article L. 741-1, les mots : « ministre chargé de l’enseignement supérieur » sont remplacés par les mots : « seul ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre chargé de l’enseignement supérieur conjointement avec le ministre chargé de l’agriculture » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 762-2, les mots : « ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre de l’agriculture» sont remplacés par les mots : « seul ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre chargé de l’enseignement supérieur conjointement avec le ministre chargé de l’agriculture ».
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement tend à élargir l’application de deux articles du code de l’éducation aux établissements sur lesquels s’exerce une cotutelle du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de l’agriculture.
Il s’agit donc d’un amendement de précision et de mise en cohérence.
La commission n’a pu examiner cet amendement, déposé tardivement. Avant de me prononcer à titre personnel, je souhaiterais obtenir une précision : doit-on parler de cotutelle ou de tutelle exercée conjointement, les deux termes apparaissant suivant les articles ?
Il me paraît juridiquement valide de préciser « cotutelle » pour l’ensemble des dispositifs. Je rectifie l’amendement en conséquence.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 378 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° À l’article L. 741-1, les mots : « ministre chargé de l’enseignement supérieur » sont remplacés par les mots : « seul ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre chargé de l’enseignement supérieur en cotutelle avec le ministre chargé de l’agriculture » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article L. 762-2, les mots : « ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre de l’agriculture» sont remplacés par les mots : « seul ministre chargé de l’enseignement supérieur ou du ministre chargé de l’enseignement supérieur en cotutelle avec le ministre chargé de l’agriculture ».
Quel est l’avis de la commission ?
Je prends prétexte de cet amendement pour rappeler que nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable au motif que nous n’avions pas disposé de tous les éléments nous permettant d’examiner ce texte de manière suffisamment approfondie. Or, après un examen de l’article 2 qui fut assez laborieux, nous assistons une nouvelle fois à la rédaction d’un amendement en séance : cela montre bien que nous n’avions pas tout à fait tort…
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
L’article L. 123-2 du même code est ainsi modifié :
1°AA
« 1°A À la réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants » ;
1° A Au 1°, après le mot : « dispensées, », sont insérés les mots : « à la diffusion des connaissances dans leur diversité » ;
1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° À la croissance et à la compétitivité de l’économie et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins économiques, sociaux, environnementaux et culturels et leur évolution prévisible ; »
1° bis Au début du 3°, sont ajoutés les mots : « À la lutte contre les discriminations, » ;
1°ter A
« À cette fin, il contribue à l’amélioration des conditions de vie étudiante, à la promotion du sentiment d’appartenance des étudiants à la communauté de leur établissement, au renforcement du lien social et au développement des initiatives collectives ou individuelles en faveur de la solidarité et de l’animation de la vie étudiante. » ;
1° ter Après le même 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis À la construction d’une société inclusive. Il veille pour cela à favoriser l’inclusion des individus, sans distinction d’origine, de milieu social et de condition de santé ; »
2° Sont ajoutés des 5° à 7° ainsi rédigés :
« 5° À l’attractivité et au rayonnement des territoires aux niveaux local, régional et national. Par ailleurs, le service public de l’enseignement supérieur participe, par la présence de ses établissements, au développement et à la cohésion sociale du territoire ;
« 5° bis (nouveau) À l’aménagement et à la cohésion sociale du territoire national ;
« 6° À la promotion et à la diffusion de la francophonie dans le monde ;
« 7° Au renforcement des interactions entre sciences et société »
À l’occasion de ce débat sur l’article 4, je voudrais évoquer ce qui reste un élément essentiel de la démocratisation de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire la proximité.
Nous avons tous connu dans nos villes – en tout cas, cela m’est arrivé – des jeunes bacheliers qui n’imaginaient pas aller dans l’enseignement supérieur, car, l’université se trouvant à 50 ou 100 kilomètres de chez eux, il leur fallait demander à famille de financer leurs déplacements ou un logement. Même des étudiants qui pouvaient espérer une bourse n’osaient pas faire les démarches et, au mieux, se rabattaient sur les sections de techniciens supérieurs, qui sont une forme d’enseignement supérieur dispensé dans les lycées.
La création d’antennes universitaires, même si le nom peut être discuté, a permis, depuis des années, de multiplier les endroits sur le territoire national où est proposé de l’enseignement supérieur long. Cette évolution a constitué un grand progrès. Je l’ai vécu dans ma ville où, voilà vingt-cinq ans, j’ai incité à la création d’une antenne universitaire, d’ailleurs rattachée à deux universités différentes. De nombreux jeunes qui n’auraient pas fait d’études supérieures longues ont ainsi pu entrer dans l’enseignement supérieur, passant un ou deux ans dans leur ville d’origine avant d’aller à l’« université mère » poursuivre leur cursus, éventuellement dans le second cycle.
Or l’effet combiné de l’exigence de rationalisation, qui impose aux universités d’avoir une gestion plus rigoureuse, et de la stagnation démographique pousse actuellement un certain nombre d’universités à rapatrier vers la « maison mère » les enseignements jusqu’ici dispensés dans ces antennes. Il y a là le risque de voir de nouveau des jeunes soit hésiter à s’engager dans le supérieur, soit se résigner à aller uniquement là où existe encore un enseignement, ce qui signifie que leur choix sera dicté par la présence ou non de telle ou telle spécialité près de chez eux, courant ainsi le risque d’une mauvaise orientation et, partant, d’un échec.
Madame la ministre, il me paraît souhaitable que nous rappelions, à l’occasion de ce débat, la nécessité de maintenir ce maillage constitué d’environ 140 sites différents d’enseignement sur le territoire.
Il est un autre secteur où les inégalités sont également très frappantes : je veux parler des classes préparatoires. Dans un rapport que j’avais fait jadis pour le Sénat sur ce sujet, j’avais constaté qu’au moins une vingtaine de départements ruraux n’avaient pas une seule classe préparatoire sur leur territoire. Comme il s’agissait, le plus souvent, de départements mitoyens, des territoires très étendus de la République étaient donc dépourvus de « prépas ». Depuis, on a essayé de trouver quelques solutions, avec des filières de rattachement, mais sans pouvoir parvenir à une répartition géographique idoine.
J’ai donc déposé un amendement pour qu’il soit bien rappelé aux universités qu’elles ne doivent pas céder à cette tentation de fermer un certain nombre d’enseignements qui sont la garantie de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Ne nous y trompons pas, celle-ci n’est pas achevée et nous n’avons pas le droit, me semble-t-il, de priver une partie de notre jeunesse du choix de l’enseignement supérieur long. §
Je souhaite m’associer aux propos de Jacques Legendre, ayant vécu, moi aussi, l’installation d’un institut universitaire de Paris II à Melun. Bien que cette ville soit située à seulement 50 kilomètres de la capitale, cet institut, qui a ouvert ses portes voilà maintenant vingt-cinq ans avec une petite promotion de 300 à 400 étudiants, en reçoit maintenant 1 800.
C’est un véritable succès et ce développement a donné à tous ces jeunes la chance de bénéficier de l’ascenseur social, notamment ceux qui vivaient dans des quartiers défavorisés et ne seraient pas allés à Paris, car leurs parents ne leur auraient pas permis de prendre les transports ou n’avaient pas les moyens de leur louer une chambre. Personnellement, je connais beaucoup de jeunes qui ont pu faire des études et réussir grâce à cet institut universitaire.
Ces instituts, non seulement répondent à la nécessité de développer l’enseignement universitaire, mais permettent aussi d’aménager le territoire de manière intelligente. Certains collègues ont tout à l’heure exprimé des vœux d’implantation dans des territoires ruraux, ce qui participe du même esprit. Il faut vraiment conserver ce maillage territorial. §
Je voudrais dire quelques mots sur ma vision de l’aménagement du territoire en matière universitaire. S’il rencontre quelques problèmes, c’est peut-être aussi parce que les collectivités locales, notamment les régions et les départements, ne sont pas assez présentes dans les réflexions menées par les universités.
Je vais prendre un exemple que je connais bien. La région Centre est la région de France où il y a le moins de jeunes qui vont suivre des études supérieures et, à l’intérieur même de cette région, le département du Loiret est le moins performant en la matière, alors que nous sommes à proximité de Paris. C’est un vrai problème, qui est dû non seulement à une mauvaise répartition des formations sur le territoire, mais également à l’existence d’une université bicéphale, avec Orléans et Tours. Cela suscite, entre les deux universités, une concurrence qui, en l’espèce, est plutôt un moins.
À mon sens, il y a un vrai problème d’aménagement du territoire concernant les universités et leurs antennes. Madame la ministre, sachez que nous allons bientôt porter cette réflexion chez vous avec le président de la commission des lois et d’autres parlementaires du département.
Je souhaite, pour ma part, évoquer la situation d’une collectivité très éloignée non seulement de la métropole, mais également de ses sites universitaires de rattachement. La collectivité de Wallis-et-Futuna doit en effet envoyer ses étudiants vers la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, situées respectivement à 2 000 kilomètres et 3 000 kilomètres.
Le mois dernier, dans la droite ligne de ce que vient d’expliquer M. Legendre, nous avons émis le souhait d’avoir sur place une antenne de l’université de la Nouvelle-Calédonie, pour permettre à ceux qui ne sont pas en mesure de se rendre sur un autre territoire, sinon de faire toutes leurs études sur place, au moins d’y entamer un cursus universitaire.
Je voulais, madame la ministre, attirer votre attention sur la situation de notre collectivité particulièrement isolée de Wallis-et-Futuna au regard de l’enseignement supérieur.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
et à la compétitivité
II. – Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Au développement et à la cohésion sociale du territoire, par la présence de ses établissements ;
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
L’article 4, qui inscrit dans la loi les objectifs et le rôle que nous voulons donner au service public d’enseignement supérieur, doit faire l’objet d’une attention toute particulière.
Nous voyons que la notion d’« essor économique » est ici remplacée par celle de « compétitivité de l’économie ». Alors que la première renvoie à un progrès social et collectif, à la volonté de se donner les moyens de répondre aux besoins humains dans des cadres de coopération, la seconde va à l’encontre de cette logique en assignant comme premier objectif à l’enseignement supérieur et à la recherche le renforcement de la concurrence et la mise en compétition économique.
Cette rédaction tend ainsi à promouvoir une vision utilitariste de notre système d’enseignement supérieur et de recherche, en rupture avec les valeurs de ce service public, dont les retombées sont multiples, qu’elles soient sociales, économiques ou culturelles.
Cet amendement vise donc à rééquilibrer le texte qui nous est proposé en le sortant de cette logique mercantile et étroite et en l’inscrivant dans le respect des valeurs d’indépendance de l’enseignement et de la recherche, valeurs incompatibles avec une instrumentalisation au service d’impératifs économiques court-termistes.
L'amendement n° 325, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Il s'agit d’un amendement rédactionnel. L’alinéa 13 mentionne que le service public de l’enseignement supérieur contribue « au développement et à la cohésion sociale du territoire », ce qui constitue d'ailleurs un début de réponse à l’intervention de Michel Le Scouarnec : le texte ne procède pas d’une vision centrée uniquement sur les aspects mercantiles. À mes yeux, l’emploi n’est pas une notion mercantile, c’est d'abord de la solidarité.
Comme le « développement » et la « cohésion sociale du territoire » sont mentionnés à l’alinéa 13, nous proposons, dans un souci de simplification, de supprimer la référence à « l’aménagement » et à la « cohésion sociale du territoire national » qui figure à l’alinéa 14.
L'amendement n° 363, présenté par Mme D. Gillot, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
1° Remplacer les mots :
À l'aménagement
par les mots :
Au développement
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, par la présence de ses établissements
II. - En conséquence, alinéa 13, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la rapporteur.
Pour éviter une redondance, la commission a proposé une nouvelle rédaction de l’alinéa 14.
L'amendement n° 240 rectifié, présenté par M. Legendre, Mme Primas, MM. Bordier, Dufaut et B. Fournier, Mmes Mélot et Farreyrol, M. Savin, Mme Cayeux, MM. P. André, G. Bailly, Bas, Dallier, Cardoux, César, Dulait et Doublet, Mme Debré, MM. Mayet, P. Leroy, Leleux, de Legge, D. Laurent, Laménie, Houel, Houpert, Gournac, J. Gautier, Gaillard, Frassa, Fleming, Ferrand, Savary, Retailleau, Pinton, Milon et Trucy et Mme Sittler, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ainsi, les universités ont le devoir de maintenir les antennes universitaires dans un souci de proximité géographique, qui favorise la démocratisation de l'enseignement supérieur.
La parole est à M. Jacques Legendre.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 28 rectifié, 325 et 240 rectifié ?
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28 rectifié. Il est en effet utile de mentionner non seulement la compétitivité, mais aussi la croissance. Cette remarque vaut également pour les notions d’attractivité et de rayonnement des territoires, qui sont des objectifs à ne pas négliger. Par ailleurs, la proposition de rédaction de l’alinéa 13 est satisfaite par un amendement adopté en commission, que je vous ai présenté tout à l'heure.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 325, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 363.
L’amendement n° 240 rectifié vise à préciser que les universités ont le devoir de maintenir des antennes universitaires. Je vous rappelle, monsieur Legendre, que l’article 1er bis du projet de loi indique que l’État est « le garant de l’égalité devant le service public de l’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire ». La loi n’a pas à fixer comme devoir absolu le maintien des antennes universitaires, même si c’est un sujet important qui suscite des inquiétudes et des préoccupations, auxquelles Mme la ministre s’est d'ailleurs déclarée sensible. Le maintien de ces sites dépend de l’évolution des conditions financières et démographiques des zones concernées. Surtout, il devrait désormais faire l’objet d’une réflexion et d’une concertation dans le cadre de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur définie à l’article 3 du présent projet de loi. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 28 rectifié, 363 et 240 rectifié ?
Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur les amendements n° 28 rectifié et 240 rectifié. J’ai indiqué tout à l'heure que je n’aimais pas beaucoup le terme « antenne », qui me fait penser à l’expression « pôles secondaires ». Il peut y avoir des niches d’excellence, y compris en matière de recherche, dans des pôles situés en dehors des métropoles. Les communautés d’universités et établissements, qui s’appelleront peut-être « Université de Bordeaux » ou « Université d’Orléans-Tours », selon un choix qui sera fait de manière autonome – nous aurons l’occasion d’en reparler –, visent à mettre en réseau l’ensemble des pôles.
Il faut veiller à ce que les zones les plus défavorisées ne deviennent pas des déserts territoriaux. Ces zones sont en général défavorisées en matière d’accès non seulement à l’éducation, mais aussi à l’emploi et au logement. Ce sont les quartiers concernés par la politique de ville, notamment les zones urbaines sensibles, les ZUS, et les territoires les plus ruraux, éloignés des centres de ressources et de compétences.
Cela ne signifie pas que l’on ne favorise pas l’excellence. De mon point de vue, l’excellence est une exigence qui s’applique à tous et toutes, sur l’ensemble des territoires. Les pôles dans lesquelles les excellences sont concentrées – il est indéniable que certains pôles ont plus de ressources que d’autres – ont pour mission d’entraîner à leur suite l’ensemble des territoires moins favorisés. Il n’y a aucune volonté d’appauvrir, par ce projet de loi, les territoires moins riches en ressources. Nous voulons mettre tous les pôles en réseau, au sein d’une communauté qui réunira toutes les composantes de son territoire. Tel est l’esprit général du projet de loi.
Par ailleurs, je retire l’amendement n° 325 au profit de l’amendement n° 363.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.
Je voudrais rappeler que cet article concerne bien les antennes, pour reprendre le terme employé dans l’amendement présenté par Jacques Legendre. Leurs auteurs visaient évidemment les établissements universitaires décentralisés. Il s'agit de jouer la carte de l’aménagement du territoire, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Par exemple, l’Université de Reims Champagne-Ardenne possède des localisations dans tous les départements de la région. Elles correspondent à des spécificités locales, comme le traitement de surface dans les Ardennes, si cher à M. le président du conseil régional.
Une telle organisation implique un financement par les collectivités locales. C’est là que je veux en venir, madame la ministre. Vos propos en témoignent, vous vous appuyez sur les collectivités, car les universités sont un facteur important de développement du territoire, d’attractivité et de cohésion sociale. Les régions, les départements et les communautés d’agglomération sont très attachés au développement de leurs universités, et elles font de grands efforts à ce titre.
Dans mon département, la Marne, nous avons engagé des sommes considérables dans les grandes écoles, en plus de nos investissements dans les universités. Nous disposons maintenant de campus de Sciences Po, d’AgroParisTech ou encore de l’École Centrale Paris, qui dispense des enseignements et réalise des recherches spécifiques en matière de biotechnologies dans le cadre d’un pôle de compétitivité. Les grandes écoles et les universités sont complémentaires. La stratégie des premières s’appuie sur la performance des secondes, qui ont besoin des collectivités locales.
Je relève une incohérence entre les différents ministères. Si, dans chaque projet de loi, vous vous appuyez sur les collectivités locales, celles-ci sont pourtant mises à mal de manière drastique. En réalité, c’est déjà le cas : en 2014, 476 millions d'euros seront ponctionnés sur les dotations globales de fonctionnement, les DGF, des départements, …
… alors que ces derniers jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire, et 1, 5 milliard d'euros sur les autres collectivités. Or l’application de tous les projets de loi que vous présentez nécessite, on le voit bien, l’implication des collectivités territoriales. Je fais donc appel à votre soutien, vous demandant de défendre au sein du Gouvernement les financements des collectivités locales, afin que celles-ci puissent décliner votre politique sur leur territoire.
Je suis complètement d'accord avec mon collègue. Je ne voudrais pas que les négociations conduites par le préfet et le président du conseil régional sur les schémas régionaux de l’enseignement supérieur et de la recherche continuent comme par le passé. Les autres partenaires ne doivent plus être mis de côté.
Il y a quelques années, un tableau particulièrement intéressant détaillait le financement des équipements universitaires très importants. Ce tableau comportait trois colonnes : « État », « Région » et « Autres ». Or les « Autres » apportaient souvent plus que les deux premiers, alors qu’ils n’étaient pas invités à la table des négociations.
Je m’associe donc aux propos de René-Paul Savary. Si l’on veut que les départements et les communautés d’agglomération, entre autres, continuent à participer à ces projets, il faudra les impliquer davantage dans la réflexion. À défaut, ces collectivités retireront leurs financements.
Nous aurons tout à l'heure l’occasion de parler de l’harmonisation des schémas régionaux et du rôle des collectivités territoriales. Si j’ai remis les collectivités dans la boucle pour faire démarrer les plans Campus, c’est parce que je suis convaincue que leur engagement est important et qu’il doit être pris en compte.
Les collectivités ont apporté un milliard d'euros en plus des cinq milliards dégagés par le Gouvernement, et c’est ce milliard qui a permis de faire démarrer les plans Campus, alors que les cinq milliards du Gouvernement n’étaient pas engagés. Nous sommes donc entièrement d'accord sur la nécessité d’un engagement des collectivités locales.
L'article 4 est adopté.
L’article L. 123-3 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « tout au long de la vie » ;
2° Le 2° est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « au service de la société. Cette dernière repose sur le développement de l’innovation, du transfert de technologie, de la capacité d’expertise et d’appui aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux et de développement durable. » ;
3° Au 3°, après le mot : « orientation », sont insérés les mots : «, la promotion sociale » ;
4° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° La diffusion de la culture humaniste, en particulier à travers le développement des sciences humaines et sociales, et de la culture scientifique, technique et industrielle ; ».
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 125 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, MM. Nachbar, Savin, Soilihi et Vendegou, Mme Cayeux et M. Savary, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° L’orientation, la formation et l’insertion professionnelle tout au long de la vie ; » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° La recherche scientifique et technologique, la diffusion, la valorisation et le transfert de ses résultats ; » ;
3° Le 3° est abrogé ;
La parole est à Mme Colette Mélot.
Cet amendement réaffirme le lien incontestable entre l’orientation, la formation et l’insertion professionnelle, ainsi que la nécessité que ces trois missions soient menées de concert et tout au long de la vie par les acteurs de l’enseignement supérieur. Il semble donc cohérent qu’elles soient mentionnées au même alinéa.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Bouchoux et Blandin, M. Gattolin, Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 29 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 2.
Nous y reviendrons au moins à deux reprises, la question de la sanctuarisation du transfert des résultats de la recherche scientifique et technologique doit être, selon nous, une mission de l’enseignement supérieur. Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas hostiles par principe aux transferts des résultats de la recherche à la société et à l’économie. Néanmoins, nous considérons que l’intégration de la thématique du transfert dans ce projet de loi fait fi du débat qui s’est déroulé lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. En effet, le transfert n’a été mentionné à aucun moment pendant les tables rondes, et il n’apparaît que dans une seule des 135 propositions du rapport qui en a découlé.
Par ailleurs, madame la ministre, nous avons lu très attentivement la brochure France Europe 2020, qui est extrêmement instructive. L’action n° 4 s’intitule « Favoriser l’innovation et le transfert technologique », ce qui a le mérite de la clarté. Le point n° 2 de cette action indique qu’un « programme d’actions sera mis en place pour une meilleure prise en compte du transfert dans l’évaluation des carrières des chercheurs et des enseignants-chercheurs ».
Nous entendons vos préoccupations, mais nous aimerions attirer votre attention sur le fait que, pour un certain nombre de disciplines, l’idée même de transfert est assez difficile à appréhender. Si l’on comprend aisément comment un archéologue peut transférer les résultats de ses recherches au secteur de la muséologie, je crains que les spécialistes du latin ou du grec n’aient pas une vision très claire des dispositions de l’article 5, qui, à mon sens, sèment le trouble plus qu’elles n’apportent des précisions quant au rôle de l’État stratège, que nous ne discutons pas. §
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l'amendement n° 29.
Nous sommes opposés aux dispositions de l’alinéa 3, qui inscrivent le transfert des résultats obtenus par la recherche publique au cœur des missions du service public de l’enseignement supérieur : innovation et transfert de technologie sont les fondements de ce projet de loi.
L’enseignement supérieur doit avoir comme visée première l’accès à la connaissance et au savoir. Certes, l’excellence scientifique et technologique des organismes publics de recherche et de l’enseignement supérieur contribue efficacement à la production et la diffusion d’un savoir et d’un savoir-faire nationaux, qui sont le gage des innovations futures et des emplois qualifiés de demain. Mais les retombées économiques qui en découlent ne peuvent pas être l’unique objectif du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour nous, la valorisation de la recherche et de l’enseignement supérieur doit se faire à trois niveaux : culturel, social et économique.
Le transfert introduit un déséquilibre vers le seul pôle économique, ce qui risque de subordonner la recherche à la recherche appliquée et de limiter l’enseignement supérieur aux seules formations ayant des débouchés et des applications concrètes, au détriment des sciences humaines et sociales Cela risque d’appauvrir la diversité de la recherche et de notre enseignement supérieur.
Il faut s’en souvenir, beaucoup de découvertes, y compris celles qui ont été les plus utiles à la société, ont résulté de démarches qui échappaient à une prévision de court terme. De nombreuses innovations majeures ont été développées dans une logique de recherche fondamentale, souvent sans la perspective d’une valorisation économique directe. Et celles-ci n’auraient pas pu être développées dans le cadre d’une recherche purement appliquée.
L’offre de formation ne doit pas se cantonner aux besoins du marché de l’emploi à un moment donné. Elle doit offrir une variété d’enseignements permettant à chaque étudiant de trouver une forme d’épanouissement et de réalisation. Elle doit aussi favoriser le développement de la pensée et de la connaissance dans tous les domaines, y compris ceux qui pourraient être jugés économiquement inutiles. Les sciences humaines et sociales sont utiles à la compréhension du monde. Et si elles offrent sans doute moins de débouchés que, par exemple, les sciences physiques et biologiques, dont les applications sont évidentes, elles sont utiles en tant que telles. Les Lumières n’ont sans doute pas créé d’emploi immédiat ; doit-on pour autant conclure à leur inutilité ? Poser la question, c’est y répondre.
La richesse de notre enseignement supérieur et de la recherche publique réside d’abord dans sa diversité et dans son interdisciplinarité. L’avancée des connaissances demeure la finalité première de la recherche, sans visée préalable de « retombées ».
Maintenons un tel objectif en réaffirmant l’indépendance des organismes de recherche publics français, et sans limiter le désir de connaissance et de transmission de nos chercheurs et de nos étudiants. C’est l’objet de cet amendement.
L'amendement n° 286 rectifié, présenté par Mme Létard, M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au 2°, les mots : « et la valorisation » sont remplacés par les mots : «, la valorisation et le transfert de ses résultats, lorsque celui-ci est possible » ;
La parole est à M. Gérard Roche.
L’article 5 concerne les missions confiées au service public de l’enseignement supérieur. La valorisation des résultats de la recherche fait déjà partie des missions définies à l’article L. 123-3 du code de l’éducation.
Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale prévoyait d’actualiser ces missions en y intégrant et en y consacrant la notion de transfert des résultats de la recherche.
Notre commission de la culture a choisi de modifier l’alinéa 3, au profit de la notion de « service de la société ». Nous préférons la rédaction initiale du texte, qui est plus volontariste. C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons tout simplement de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale avec le soutien du Gouvernement.
L'amendement n° 266 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin et Cartron, MM. Chiron et Courteau, Mme Lepage, M. Magner, Mme D. Michel, MM. Mirassou, Vincent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le mot :
d'appui aux
insérer les mots :
structures associatives et aux
La parole est à M. David Assouline.
Nous l’avons entendu, certains craignent que le transfert ne concerne exclusivement le monde économique, dans une perspective purement utilitariste. Or cela ne correspond pas du tout à la volonté des auteurs du texte.
Certes, le projet de loi vise, dans de nombreux articles, à organiser le transfert de la recherche et la valorisation de celle-ci au bénéfice du monde socio-économique. Il faut l’acter ; c’est une dimension tout à fait essentielle.
Mais les entreprises ne sauraient être les seules bénéficiaires d’une telle valorisation, qui, selon les termes de la loi, doit également être organisée au profit des acteurs de la société civile.
La société multimédia internationalisée dans laquelle nous vivons fait que, à l’heure actuelle, les informations sont multipliées, tout comme leurs destinataires, et ce en temps réel. Chacun est appelé à donner son avis sur des sujets autrefois ignorés de tous ou à soutenir des projets dont l’envergure est sans cesse plus importante.
Les associations servent souvent de relais aux initiatives les plus diverses. Elles s’investissent dans des projets sociétaux, médicaux, de développement durable ou de lutte contre les nombreux fléaux de notre société, souvent avec des moyens très limités. Leurs projets sont parfois freinés par l’impossibilité d’accéder et d’exploiter les résultats de la recherche. Il serait donc légitime que ces structures puissent bénéficier des progrès de la recherche et de l’innovation au même titre que les destinataires des politiques publiques.
Dans les associations, les fondations reconnues d’utilité publique, les organisations non-gouvernementales, les ONG, nombre de personnes portent des projets magnifiques dans des conditions de précarité et d’incertitude financières ou scientifiques telles qu’elles sont parfois contraintes d’y renoncer avant leur achèvement. Je ne parle évidemment pas des associations très médiatiques et très utiles qui luttent contre le cancer ou la pauvreté et que tout le monde connaît : elles vivent de la générosité publique et poursuivent leurs missions sans contraintes budgétaires. Mais il y a les autres. Il est temps de faire bénéficier tous les acteurs de la société civile des progrès de la recherche.
En outre, de nombreuses associations jouent souvent un rôle militant et d’alerte au regard des risques pouvant découler des produits issus des transferts de recherche : détection d’OGM ou de substances nocives dans des produits de consommation. Les associer à la chaîne en amont permettrait d’éviter d’éventuels passes d’armes et contentieux ultérieurs.
Le projet de loi vise plusieurs objectifs, notamment celui d’une plus grande démocratisation des études dans l’enseignement supérieur ; je pense en particulier à l’objectif affiché de 50 % d’une classe d’âge accédant à un diplôme d’enseignement supérieur.
Afin d’accélérer cette démocratisation, il nous semble primordial qu’un pas soit également fait en direction de toutes les structures de la société civile et notamment des associations et fondations reconnues d’utilité publique. Une société civile davantage sensibilisée aux progrès de la recherche, notamment par une exploitation de ceux-ci par des structures associatives et ouvertes sur la société, donnerait davantage accès à la science aux citoyens et futurs citoyens dès leur plus jeune âge, renforçant ainsi leurs chances de réussir leurs études et d’accéder à un diplôme d’enseignement supérieur.
Par conséquent, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter l’amendement que nous vous proposons.
M. André Gattolin applaudit.
Je voudrais simplement rappeler à l’ensemble de nos collègues que la rédaction dont nous débattons a été décidée et adoptée en commission. Nous avions la volonté forte d’indiquer que la recherche est « au service de la société ».
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 125 rectifié, qui tend à revenir sur la rédaction de l’alinéa 2 adoptée par la commission. Il paraît préférable de conserver l’énumération des objectifs telle qu’elle figure dans le code de l’éducation, afin de mettre l’accent sur la formation initiale et continue, d’une part, et sur l’orientation et l’insertion professionnelle, d’autre part. Par ailleurs, la suppression de l’alinéa 3 nous paraît injustifiée, compte tenu du travail que nous avons réalisé en commission.
Je regrette beaucoup que les auteurs des amendements identiques n° 2 et 29 proposent de supprimer l’alinéa 3, dont l’objet est précisément d’introduire la valorisation de la recherche « au service de la société » en tant qu’un élément de rayonnement et de démocratisation des fruits de la recherche.
Notre démarche n’est pas simplement utilitariste ; il s’agit également de nourrir la réflexion intellectuelle. J’avais à l’instant un échange avec Mme la présidente de la commission de la culture. À ses yeux, il n’est pas possible de procéder à des transferts en botanique. Pourtant, j’ai l’impression que, même dans ce domaine, les résultats de la recherche nous permettent de mieux comprendre certains éléments, par exemple les effets atmosphériques sur les médicaments. Il y a, me semble-t-il, tout un champ de connaissances qui peuvent découler de la recherche en botanique.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, ainsi que sur l’amendement n° 286 rectifié, pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 266 rectifié tend à prévoir que la valorisation de la recherche se fera également en direction des structures associatives. Cela nous paraît aller dans le sens du service à la société. La commission y est donc favorable.
Nous tenons à réaffirmer que la formation reste bien la première mission de l’enseignement supérieur. Nous voulons donc lui conserver sa fonction première et autonome, ce qui répond en partie à la question qui a été soulevée. La mission première, ce n’est ni le transfert, ni la valorisation, ni l’insertion professionnelle ; c’est bien la formation, même si les autres notions ont aussi leur importance.
À l’Assemblée nationale, les députés avaient introduit une disposition qui faisait référence au transfert « lorsque celui-ci est possible ». Pour autant, je pense que l’on peut faire des transferts même en latin ou en botanique, ce qui élève le niveau général de connaissances. Cela n’est pas inutile en ces temps de montée des tentations populistes…
À mon sens, il faut donc intégrer dans l’évaluation des chercheurs la valorisation et le transfert « lorsque celui-ci est possible ». J’aimerais que l’on puisse introduire un sous-amendement ou, en tout cas, une disposition en ce sens dans le texte. Nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur ce point. Cela permettrait d’émettre ensuite des avis plus nuancés.
Je ne peux pas soutenir la suppression de l’alinéa 3. Pour moi, le transfert, c’est aussi de l’emploi, de la solidarité.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.
Alors que notre pays occupe la sixième place pour la science, il est, selon les classements, au vingtième ou au vingt-cinquième rang pour l’innovation. Nous devons réduire ce fossé. Je sais que vous êtes d'accord sur ce point.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 286 rectifié.
Enfin, je suis très favorable à l’amendement n° 266 rectifié. Il s’agit de prévoir que la valorisation de la recherche s’effectue également en direction des structures associatives. Cela faisait d’ailleurs partie des demandes de M. Le Scouarnec. Il me paraît aussi utile que les collectivités territoriales, par exemple, puissent bénéficier d’outils d’aide à la décision issus de réflexions et de recherches en matière de sécurité, de politique de la ville ou d’urbanisme. En tant que première vice-présidente d’une communauté d’agglomération, j’avais conclu une convention avec l’université des sciences sociales, afin de nous permettre de bénéficier de réflexions sur l’environnement, la mobilité durable ou d’autres thématiques voisines pour éclairer nos décisions politiques. Je suis donc tout à fait favorable à la proposition de M. Assouline.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.