Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 20 juin 2013 à 9h30
Enseignement supérieur et recherche — Article 5

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Nous sommes opposés aux dispositions de l’alinéa 3, qui inscrivent le transfert des résultats obtenus par la recherche publique au cœur des missions du service public de l’enseignement supérieur : innovation et transfert de technologie sont les fondements de ce projet de loi.

L’enseignement supérieur doit avoir comme visée première l’accès à la connaissance et au savoir. Certes, l’excellence scientifique et technologique des organismes publics de recherche et de l’enseignement supérieur contribue efficacement à la production et la diffusion d’un savoir et d’un savoir-faire nationaux, qui sont le gage des innovations futures et des emplois qualifiés de demain. Mais les retombées économiques qui en découlent ne peuvent pas être l’unique objectif du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour nous, la valorisation de la recherche et de l’enseignement supérieur doit se faire à trois niveaux : culturel, social et économique.

Le transfert introduit un déséquilibre vers le seul pôle économique, ce qui risque de subordonner la recherche à la recherche appliquée et de limiter l’enseignement supérieur aux seules formations ayant des débouchés et des applications concrètes, au détriment des sciences humaines et sociales Cela risque d’appauvrir la diversité de la recherche et de notre enseignement supérieur.

Il faut s’en souvenir, beaucoup de découvertes, y compris celles qui ont été les plus utiles à la société, ont résulté de démarches qui échappaient à une prévision de court terme. De nombreuses innovations majeures ont été développées dans une logique de recherche fondamentale, souvent sans la perspective d’une valorisation économique directe. Et celles-ci n’auraient pas pu être développées dans le cadre d’une recherche purement appliquée.

L’offre de formation ne doit pas se cantonner aux besoins du marché de l’emploi à un moment donné. Elle doit offrir une variété d’enseignements permettant à chaque étudiant de trouver une forme d’épanouissement et de réalisation. Elle doit aussi favoriser le développement de la pensée et de la connaissance dans tous les domaines, y compris ceux qui pourraient être jugés économiquement inutiles. Les sciences humaines et sociales sont utiles à la compréhension du monde. Et si elles offrent sans doute moins de débouchés que, par exemple, les sciences physiques et biologiques, dont les applications sont évidentes, elles sont utiles en tant que telles. Les Lumières n’ont sans doute pas créé d’emploi immédiat ; doit-on pour autant conclure à leur inutilité ? Poser la question, c’est y répondre.

La richesse de notre enseignement supérieur et de la recherche publique réside d’abord dans sa diversité et dans son interdisciplinarité. L’avancée des connaissances demeure la finalité première de la recherche, sans visée préalable de « retombées ».

Maintenons un tel objectif en réaffirmant l’indépendance des organismes de recherche publics français, et sans limiter le désir de connaissance et de transmission de nos chercheurs et de nos étudiants. C’est l’objet de cet amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion