Madame la ministre de la culture, il y a quelques mois, ma collègue Catherine Tasca vous avait interrogée sur la position du Gouvernement quant à l’exclusion du secteur audiovisuel des domaines de discussion entre la Commission européenne et les États-Unis en vue d’un futur accord de libre-échange transatlantique. Vous lui aviez alors répondu, avec force, que le Gouvernement était déterminé à défendre l’exception culturelle.
Cet engagement n’avait rien d’une posture : parce que la France a su parler d’une seule voix, et d’une voix forte, notre pays a finalement obtenu gain de cause. Nos voisins européens se sont, en effet, progressivement ralliés à notre position visant à exclure l’audiovisuel du champ des négociations et à rappeler ainsi un principe intangible : l’exception culturelle européenne ne se négocie pas ! En effet, la culture ne saurait être une marchandise comme les autres.
Pourtant, l’un des plus hauts responsables européens, le président de la Commission européenne, a contesté ce principe d’exception culturelle. M. Barroso a fait ressurgir la polémique en parlant de « ce programme anti-mondialisation […] totalement réactionnaire ».
Madame la ministre, ces propos sont inacceptables à un double titre.
Tout d’abord, ce n’est pas seulement la position de la France qui est attaquée, mais également celle des autres États-membres que nous avions convaincus et du Parlement européen lui-même, car les députés de Strasbourg, seuls représentants élus par le peuple européen, ont approuvé le principe de la défense de l’exception culturelle le 23 mai dernier.
Ensuite, M. Barroso outrepasse à l’évidence son mandat. Il faut rappeler que le président de la Commission européenne est censé faire respecter les traités, y compris pour ce qui le concerne lui-même. Manifestement, il ne comprend pas pourquoi nous défendons avec passion l’exception culturelle. Madame le ministre, il faut dès lors le lui rappeler et réaffirmer que la France et l’Europe ne s’opposent pas à ce que les cultures de tous les pays et, en premier lieu, la culture américaine, puissent souffler librement. Nous nous inquiétons simplement d’une tendance à la marchandisation généralisée, comme si toutes les productions, y compris celles de l’esprit, devaient se soumettre aux lois du marché.
On sait par exemple que, dans le domaine du cinéma, la Commission souhaite réviser les règles de la territorialisation des dépenses, notamment celles qui sont relatives à l’origine des biens et des services. Cette réforme remettrait complètement en cause les politiques publiques d’aide aux secteurs cinématographique et audiovisuel.
En conclusion, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le mandat de négociation sera bien respecté par la Commission européenne ? Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour s’en assurer ?