L’Agence nationale de recherche, l’ANR, créée par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, est devenue l’un des acteurs majeurs du renforcement de la précarité dans la recherche depuis une dizaine d’années. En effet, l’ANR lance chaque année une série d’appels d’offres dans des champs thématiques définis pour lesquels les chercheurs peuvent soumettre des demandes pour des projets courts de deux à quatre ans et «finalisés», c’est-à-dire dont la démarche et les résultats attendus doivent être précisément identifiés à l’avance, et ayant des retombées concrètes.
Ce mode de fonctionnement a fait exploser le recours au contrat précaire. En outre, le manque de transparence dans la désignation des membres des jurys d’évaluation des dossiers de l’ANR et l’opacité des méthodes d’évaluation, non rendues publiques ne plaident pas davantage en sa faveur. Il n’y a ni conseil ni commissions scientifiques, mais des comités d’évaluation composés de membres nommés par le directeur, de façon arbitraire et sans contrôle de la communauté scientifique.
Par ailleurs, les nombreux refus, plus des trois quarts des demandes, sont trop brièvement et insuffisamment justifiés.
La conception d’un dossier de candidature à un financement par l’ANR pose également problème. Les formulaires à remplir sont formatés de façon identique, ce qui ne convient pas à toutes les sciences : exactes, expérimentales ou appliquées.
Son coût réel exorbitant, son absence totale de démocratie, son rôle dans la démolition des organismes et des universités sont autant de points qui prônent sa disparition, eu égard à l’immense étendue du pouvoir de l’ANR.
Opérateur du grand emprunt, l’Agence est chargée de « favoriser des innovations industrielles, faire émerger des ruptures en matière de connaissances, apporter des réponses aux questions sociétales posées par les pouvoirs publics, préparer les structures de la recherche aux programmes communautaires, soutenir la plus large proportion possible des équipes de recherche publiques et privées, accélérer le renouvellement des thématiques de recherche dans les laboratoires ».
Sa logique même est, selon nous, contestable et contradictoire avec une véritable stratégie nationale de recherche que définit cet article.
Une stratégie de recherche publique doit au contraire être fondée sur la pérennité des financements, la stabilité de projets et des équipes, le développement des emplois statutaires pour mener à bien des projets de recherche sur le long terme.
Nous proposons donc, à travers cet amendement, de supprimer la mention du concours de l’ANR à la stratégie nationale de recherche. Sa disparition et la récupération de son budget pour financer les dotations récurrentes des laboratoires seraient bien plus utiles à une véritable stratégie de recherche publique.