Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 21 juin 2013 à 10h00
Enseignement supérieur et recherche — Articles additionnels avant l'article 23, amendement 94

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, loin de moi la volonté de ne pas aborder la question des frais d’inscription : aucun sujet n’est tabou.

Penchons-nous quelques instants sur la composition des 290 000 étudiants étrangers qui viennent dans notre pays.

Parmi ce nombre, 50 000 ont passé leur baccalauréat en France. Il s’agit de jeunes soit qui ont la double nationalité, soit qui possèdent une autre nationalité, mais dont les parents sont installés pour une durée plus ou moins longue dans notre pays. Ces étudiants ne viennent pas volontairement de l’étranger pour étudier dans nos universités. Ils sont simplement sur notre territoire au moment de leur passage du lycée à l’université.

Sur les 240 000 autres étudiants étrangers, 55 % viennent des pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, pays avec lesquels la France a passé des conventions spécifiques lui interdisant de percevoir des droits d’inscription différenciés.

Une grande partie des 45 % d’étudiants restants viennent des pays de l’Union européenne auxquels on ne peut pas demander non plus d’acquitter des droits d’inscription différenciés.

En réalité, la frange d’étudiants dont il est question et à laquelle on peut déjà demander des droits différenciés est assez faible : il s’agit d’étudiants originaires de Corée, d’Inde, du Brésil, étudiants que l’on souhaiterait précisément attirer dans nos universités. Or, compte tenu de la faiblesse de leur nombre, la mesure proposée ne serait pas vraiment significative. De surcroît, ce type de disposition nécessite une certaine réflexion.

Quoi qu’il en soit, une circulaire de 2002 permet déjà aux universités de demander à ces étudiants d’acquitter des droits d’inscription plus élevés que les droits d’inscription courants, sous réserve de la fourniture de prestations ou de services différenciés identifiés. Il peut s’agir, par exemple, de l’apprentissage du français. Il revient bien aux universités qui souhaitent majorer leurs frais d’en discuter au sein de leur conseil d’administration et de prendre cette décision. Un petit nombre d’établissements le font d’ailleurs déjà.

Lorsque nous aurons attiré davantage d’étudiants en provenance des pays émergents, nous pourrons peut-être avoir ce débat. Mais d’ores et déjà, la possibilité de percevoir des frais différenciés existe, et, conformément au principe d’autonomie des universités, ce sont à ces dernières d’en décider.

Je le répète, rien n’est tabou ! Il n’est pas choquant que des jeunes issus d’un milieu favorisé acquittent des droits plus importants que les autres. Encore faudra-t-il être en mesure de le vérifier. Or je vous mets au défi de contrôler si un jeune Coréen ou un jeune Indien est issu d’un tel milieu et de quel type de revenus il dispose. En l’espèce, les moyens d’investigation risquent d’être plus élevés que les droits d’inscription ! Cependant, j’en conviens, des familles qui ne participent pas à l’effort fiscal national et, par voie de conséquence, au fonctionnement des universités, pourraient être davantage sollicitées.

En tout état de cause, ce sujet doit faire l’objet d’une réflexion. N’imaginons pas que nous avons trouvé la poule aux œufs d’or ! La disposition proposée ne concerne en effet qu’une toute petite frange des étudiants et ne doit pas être adoptée au détour de l’examen d’un amendement. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, les universités peuvent parfaitement se référer à la circulaire de 2002 et solliciter des droits différenciés après décision de leur conseil d’administration.

Pour toutes ces raisons, madame Procaccia, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 94 rectifié, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

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