On ne peut pas expédier ce débat important en quelques instants. Madame la ministre, je vous remercie d’ailleurs d’avoir dit que rien n’était tabou. Mais à certains moments, nous devons nous poser quelques questions par rapport à la réalité des choses.
De par sa tradition et son rayonnement intellectuel, que nous souhaitons maintenir, notre pays se doit d’accueillir des étudiants étrangers. Et ce n’est pas après les propos que j’ai précédemment tenus sur la langue française que j’adopterai une position différente aujourd’hui, bien au contraire. Cela étant, notre pays accorde moins de bourses que par le passé. Or est-il raisonnable de disposer de moins en moins d’argent permettant d’offrir des bourses aux étudiants étrangers que nous aurions sélectionnés et souhaité attirer sur notre territoire ?
Est-il raisonnable de devoir nous attendre à une arrivée massive d’étudiants communautaires, britanniques, par exemple, qui, à la suite de l’enrichissement des coûts des universités à Londres, trouvent extrêmement intéressant de venir suivre des cours de qualité dans des universités françaises ?
Est-il tout à fait raisonnable d’avoir une telle répartition géographique des étudiants étrangers que nous recevons ? Je me réjouis beaucoup que nous accueillions de nombreux étudiants venant d’Afrique subsaharienne, et il n’est pas question de voir leur nombre diminuer, mais une série de pays émergents sont peu représentés sur notre territoire. Nous avons intérêt à en accueillir davantage.
Actuellement, nous accueillons ces étudiants dans des conditions de quasi-gratuité que nous sommes à peu près les seuls au monde à offrir. Nous devons nous interroger à ce sujet. Certains pays ont des pratiques complètement différentes. Prenons l’Australie : elle a délibérément choisi de faire de la proposition d’un enseignement supérieur de qualité un argument pour rééquilibrer sa balance commerciale. Ce n’est évidemment pas ce que je préconise, mais il y a de la marge entre la quasi-gratuité qui caractérise notre pays et le comportement de l’Australie sur le marché international de l’enseignement supérieur.
L’amendement n° 94 rectifié de Catherine Procaccia est sans doute plus un amendement d’appel qu'une proposition à adopter ce matin, mais nous ne pouvons pas passer à côté, parce que ce ne serait pas raisonnable. Les étudiants chinois ou indiens dont les familles disposent de quelques moyens – la Chine et l’Inde étant très peuplées, le nombre de ces étudiants n’est pas négligeable – acceptent de payer beaucoup pour se former au Canada ou aux États-Unis, et nous devrions les accepter sur notre territoire sans leur demander de participer au financement de leur formation…
Nous n’avons aucun devoir envers les familles de ces étudiants, nous ne sommes pas en charge de la démocratisation de l’enseignement supérieur en Chine ou en Inde. En revanche, nous avons des devoirs envers nos propres étudiants et les étudiants des pays avec lesquels nous avons signé des conventions.
Toutes ces questions méritent d’être mises à plat. Il faut que nous définissions une politique de développement de l’enseignement supérieur en France pour les jeunes des pays étrangers, envers lesquels, je le répète, nous n’avons aucun devoir particulier. Nous souhaitons les accueillir, parce que c’est leur intérêt et le nôtre, mais dans le cadre d’un échange équilibré. §