Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 21 juin 2013 à 10h00
Enseignement supérieur et recherche — Article 23, amendement 174

Geneviève Fioraso, ministre :

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de l’examen de l’article 38. Le rapport de Vincent Berger sur les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui ont permis de consulter 20 000 personnes, le rapport de Jean-Yves Le Déaut sur les conséquences législatives pouvant être tirées de ces Assises, et le rapport synthétique, car bipartisan, de Dominique Gillot et Ambroise Dupont sur le bilan de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, ont émis des conclusions convergentes. Les auteurs de ces rapports reconnaissent les apports des PRES, qui ont permis à certains acteurs de parler de projets et de stratégies communs alors qu’ils ne l’avaient pas fait depuis longtemps, mais soulignent également les insuffisances de ces structures.

Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai participé en 2006 aux Assises de la recherche de Grenoble, dont les PRES sont issus. Je revois encore le prix Nobel Claude Cohen-Tannoudji écrire au tableau et proposer la création de ces structures. Les PRES sont donc nés d’un besoin exprimé par la communauté universitaire lors d’une consultation, certes plus restreinte – mais peu importe – que les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Cependant, les PRES n’ont pas vraiment permis de répondre au besoin d’une approche stratégique. Plusieurs raisons expliquent cet échec. Tout d'abord, mes prédécesseurs ont refusé que les PRES signent des contrats avec le ministère. J’ignore les raisons de ce refus, mais il y a bien eu une défection de l’État stratège. Le transfert de charges a été réalisé, mais les sites ont été un peu livrés à eux-mêmes ; d’où des réunions interminables qui, soit dit en passant, ne concouraient pas forcément à la réussite des étudiants. Il est essentiel que les outils de regroupement des universités soient liés à l’État de manière contractuelle.

Il est essentiel également que l’ambition commune qui était l’objectif des PRES et qui est celui des communautés d’universités et établissements soit portée par le plus grand nombre. Aucun projet ne peut fonctionner à l’Université si la communauté universitaire ne se l’approprie pas un minimum. La culture de l’Université est ainsi faite. Vous pouvez préférer un système avec un hyper-président et des troupes obéissantes, mais c’est contraire à la culture universitaire. Ceux qui ont exercé à l’Université le savent. Dans les universités comme dans les entreprises publiques ou privées – pour toutes, je vous rassure, un sou est un sou –, on demande aux équipes dirigeantes d’avoir des compétences managériales, parce qu’on en a vraiment besoin.

Les PRES n’ont jamais été vraiment reconnus, d'abord parce qu’ils n’avaient pas de lien avec l’État, comme je l’ai déjà souligné, et ensuite parce qu’ils n’étaient pas suffisamment démocratiques. De ce fait, leur audience était trop restreinte, ils n’étaient pas écoutés. Pour ma part, j’ai dû expliquer à maintes reprises – peut-être vous êtes-vous trouvés dans la même situation – ce qu’étaient les initiatives d’excellence, les IDEX, alors même que je ne les avais pas conçues. J’ai passé beaucoup de temps à expliciter le rôle de multiples structures et la justification de nombreux appels d’offres à des personnes de bon niveau, comme les directeurs de laboratoire, qui sont les forces vives des universités. En effet, aucune information ne passait du PRES à l’ensemble de la communauté universitaire et de recherche.

Les personnels, les étudiants et l’ensemble des acteurs qui font la richesse des universités et des laboratoires de recherche publics n’étaient pas suffisamment représentés dans les PRES, et les projets n’étaient donc pas partagés. L’ambition des communautés d’universités et établissements est de remédier à ce problème. Elles admettent toutes les configurations, comme nous le verrons tout à l'heure. Il ne s’agit pas de fusion à marche forcée : tout est possible afin de s’adapter aux spécificités de chaque site. Ce sont les acteurs du site eux-mêmes qui décideront de la configuration. Tout est combinable : il peut y avoir des fusions de deux établissements, une association avec d’autres établissements, une confédération, une fédération, etc. Tout est possible, et le choix de l’organisation sera laissé aux sites, qui pourront décider de manière autonome.

Les communautés d’universités et établissements seront des entités plus autonomes, plus responsables de leur organisation, plus lisibles à l’international. Avec une centaine d’établissements et des contrats qui sont des coquilles vides, comme j’ai pu le constater quand j’ai pris mes fonctions, on ne peut pas avoir une véritable traçabilité, un véritable lien entre l’État et les sites ; ce n’est tout simplement pas possible. C’est d'ailleurs ce qui explique l’échec du plan Réussite en licence et de l’orientation prioritaire vers les instituts universitaires de technologie, les IUT. En réalité, la mise en œuvre de ces mesures n’était pas suivie par le ministère.

Les regroupements opérés au travers des communautés d’universités et établissements apporteront une meilleure visibilité et permettront d’atteindre l’objectif ambitieux de concevoir des stratégies pour des sites ouverts sur des écosystèmes, avec l’ensemble des acteurs, dont les collectivités territoriales, qui seront enfin considérées comme des administrateurs à part entière, et les acteurs économiques et sociaux, qui siégeront eux aussi au conseil d’administration. Les nouvelles communautés seront non pas de lourdes superstructures mais un lieu de définition des stratégies. L’agilité des structures qui composeront les communautés sera totalement préservée. Ceux qui voudront fusionner fusionneront, mais les autres pourront garder leur identité.

Il s'agit d’un système malin, qui s’apparente davantage à un réseau qu’à la superstructure, à la grande soucoupe à laquelle vous avez fait allusion. Nous voulons mettre en place un système moderne de réseau, un système démocratique, un système à la hauteur de nos ambitions. Tout le travail accompli par les PRES – c’est vrai qu’ils ont accompli un travail important dans certains domaines – sera intégré aux nouvelles communautés, qui en bénéficieront. Nous n’allons pas revenir en arrière.

Je citerai un exemple. Il y avait à Toulouse un projet d’IDEX que l’ensemble de la communauté universitaire ne s’était pas approprié. Le PRES a alors décidé – sa directrice elle-même l’a déclaré – de s’élargir et de sortir de ses frontières pour travailler avec le ministère, alors même qu’il n’avait pas signé de contrat avec lui, afin que l’ensemble de la communauté universitaire s’approprie la nouvelle IDEX. Un vrai projet stratégique a été élaboré en seulement trois mois, et ce projet a suscité l’adhésion de tous, y compris du jury du CGI, qui avait validé le premier projet.

Je ne suis pas en train de faire le panégyrique des IDEX. Je veux simplement montrer que, à partir d’un projet structurant, et grâce à une organisation plus démocratique, mais aussi plus resserrée et fonctionnant davantage en réseau, on peut obtenir des résultats positifs.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 174 rectifié.

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