Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi supprime les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, ou PRES.
Cette mesure aurait été positive si ces structures non démocratiques, favorisant la compétition entre établissements, n’avaient été remplacées par un autre type d’organisation territoriale reposant sur le même principe : communautés, fusions ou regroupements d’établissements.
L’article 38 de ce projet de loi va même au-delà de la logique des PRES, issue du pacte pour la recherche de 2006, puisqu’il prévoit l’obligation, et non la possibilité, d’un regroupement territorial pour tous les établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que pour les organismes de recherche.
Nous ne sommes évidemment pas opposés à une forme d’organisation territoriale entre établissements sur des projets précis, faisant ainsi émerger sur un même territoire des espaces de coopération et d’échange nécessaires et harmonieux.
À nos yeux, cependant, l’échelon territorial ne doit pas se substituer à une stratégie nationale, a fortiori dans des domaines comme l’éducation et la recherche, dans la mesure où seul l’État est à même de garantir l’égalité de ces services publics fondamentaux sur tout le territoire.
Nous sommes donc opposés à la mutualisation et à la coopération forcée, globale et systématique de la gouvernance et des financements entre différents établissements et organismes de recherche, telles que les institue l’article 38. Cela ne conduira qu’à l’émergence de superstructures de coopération, non démocratiques, écrasant la diversité des établissements.
Cette forme de coopération n’est ni plus lisible ni moins complexe que celle qui était prévue par les PRES. Cet article ne rompt pas non plus avec l’idée de mise en concurrence entre régions afin de contribuer à la compétitivité internationale de la connaissance.
Au contraire, ces pôles territoriaux trouvent leur raison d’être dans l’application de l’objectif de transfert de l’enseignement supérieur et de la recherche au monde économique. Ils restent ancrés dans une vision européenne de compétitivité de la connaissance et de spécialisation régionale à visée économique. Selon celle-ci, les aides, les efforts et les ressources doivent être concentrés sur des secteurs d’activité innovants, à fort potentiel de croissance, dont les retombées en termes d’innovation devront être mesurables et aboutir, à moyen terme, à des applications. L’objectif de cette politique est également d’éviter une répartition diffuse des investissements.
En lien avec l’acte III de la décentralisation, ce projet de loi transpose dans l’enseignement supérieur l’idée d’une Europe faite de régions se battant entre elles pour une plus grande attractivité. Cette fuite en avant dans la mise en place de grands complexes universitaires et d’organismes nationaux de recherche nous paraît dangereuse. Elle remet en cause la nécessaire cohérence nationale de l’offre de formation et de la stratégie de recherche et entrave l’égalité d’accès pour tous les citoyens à un service public de l’enseignement supérieur sur tout le territoire.