Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 21 juin 2013 à 15h00
Enseignement supérieur et recherche — Article 47 septies nouveau

Geneviève Fioraso, ministre :

Dès le 31 mai 2012, le Gouvernement a décidé d’abroger la circulaire Guéant, qui a eu un effet désastreux sur l’image de notre pays, comme cela a été admis dans diverses obédiences politiques. Avec cette circulaire, notre pays a surtout donné le signal d’un repli sur soi. Elle a suscité une grande incompréhension parce qu’elle empêchait les docteurs, jeunes chercheurs et étudiants en master étrangers d’occuper ou même de chercher un emploi.

La circulaire Guéant a donc eu des effets tout à fait dommageables, d’autant qu’elle était contraire aux principes mêmes de l’université française, à sa vocation d’ouverture et d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, ainsi qu’à nos valeurs humanistes, que le siècle des Lumières a fait triompher.

Le 31 mai 2012, soit un an après la publication de cette circulaire pour le moins opportuniste, nous l’avons donc abrogée. Pour autant, tout n’était pas réglé. En effet, pour bien accueillir les étudiants et les chercheurs étrangers, il convient aussi de leur faciliter la vie, en commençant par leur fournir des titres de séjour adaptés.

Lors de mes visites de laboratoires internationaux, j’ai rencontré de nombreux chercheurs étrangers, parfois installés dans notre pays avec leur famille, jeunes post-doctorants ou doctorants.

Je pense à une jeune Coréenne, mathématicienne de très haut niveau, courtisée par les États-Unis, mais préférant poursuivre ses travaux en France, et qui, tous les trois mois, devait passer une ou deux journées à la préfecture pour remettre à jour son visa provisoire, simplement parce qu’elle avait à la fois le statut de salariée et celui de doctorante.

Je me souviens également d’un jeune chercheur ukrainien, lui aussi très talentueux, faisant partie de l’équipe du prix Nobel Serge Haroche. Bien qu’il ait reçu des propositions mirobolantes des États-Unis et d’Asie, il préférait continuer à travailler au sein de cette équipe passionnée et passionnante, mais devait, chaque année, passer en préfecture une journée qui se prolongeait parfois tard dans la nuit, avec sa femme et leurs trois enfants, pour régulariser leur situation.

L’impact de telles contraintes est énorme. Les chercheurs doivent en effet pouvoir se projeter dans l’avenir, à moyen ou long terme. Le fait, pour eux, de ne pas être assurés de leur avenir et de ne pas savoir si leur titre de séjour sera renouvelé les place dans une terrible insécurité, qui n’est guère propice à un travail de recherche nécessairement étalé dans le temps. De surcroît, cela leur donne l’impression de ne pas être estimés à leur juste valeur.

Les pays émergents, tels que la Corée, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie, disposent d’une recherche appliquée et d’un transfert de bon niveau, parfois même de meilleur niveau que le nôtre, mais non d’une recherche fondamentale, du fait de leur développement récent. Ils s’efforcent donc d’attirer nos chercheurs en recherche fondamentale de haut niveau. C’est pourquoi il est essentiel que nous accueillions ces chercheurs le mieux possible.

Avec Manuel Valls et Laurent Fabius, à la demande du Président de la république et du Premier ministre, nous nous sommes donc très promptement penchés sur ce problème, conscients qu’il était d’urgent non seulement d’abroger la circulaire Guéant, mais aussi de proposer des dispositifs d’accueil plus efficaces.

Laurent Fabius travaille avec les consulats pour que les visas soient délivrés plus rapidement dans les pays d’origine des chercheurs ou des étudiants.

Nous vous soumettrons, avec Manuel Valls, un projet de loi spécifique visant à renforcer l’attractivité de notre pays et à permettre au ministère de l’intérieur de proposer des visas pluriannuels, calqués sur la durée des études et intégrant, comme pour les bourses, une année supplémentaire. Il est en effet normal de prévoir une année de redoublement afin que ces étudiants, qui ne parlent pas nécessairement le français lorsqu’ils arrivent et qui doivent s’adapter à notre pays, ne soient pas pénalisés.

Nous mettrons également en place un statut spécifique pour les personnes qui ont obtenu leur doctorat en France. Nous songeons à un droit de visite permanent. En effet, qu’ils choisissent de retourner dans leur pays d’origine ou de mener une carrière internationale, ces experts garderont toute leur vie un lien très étroit avec la France et seront ses meilleurs ambassadeurs.

Nous devons aussi veiller à la qualité des logements. Il arrive que les logements étudiants soient plus confortables en Corée du Sud que dans notre pays ! La région parisienne, en particulier, accuse un grand retard en matière de construction de logements destinés aux étudiants. Les objectifs chiffrés fixés dans le rapport Anciaux n’ont pas été tenus, loin de là : nous en sommes à peine à la moitié !

La feuille de route que m’a donnée le Président de la République prévoit la construction de 40 000 logements au cours du quinquennat, via le déblocage du plan Campus et la fluidification des procédures.

Nous réduisons la part des partenariats public-privé, qui était de 100 %, car ce dispositif très lourd n’est pas de nature à s’appliquer partout de manière dogmatique. Nous sommes ainsi passés à plus de 60 % de maîtrise d’ouvrage public et avons mis en place, avec la Caisse des dépôts et consignations, des sociétés de réalisation, afin de réserver le partenariat public-privé aux seules opérations très lourdes qui l’exigent. Ce faisant, nous avons pu débloquer 13 000 logements, dont 8 000 en région parisienne.

Nous avons programmé, au total, 20 000 logements pour les trois premières années du mandat. Le travail est en cours pour en programmer 20 000 autres pour les deux années restantes.

Nous n’oublions pas non plus ces autres points importants que sont l’accès aux soins et à la santé, les transports, l’offre culturelle et sportive.

Nous avons décidé, avec Manuel Valls, de mettre en place dans les grands campus – on ne peut, hélas, le faire partout ! – des permanences et des points d’accueil pour les démarches administratives afin d’éviter que les chercheurs et les étudiants étrangers ne perdent leur temps en préfecture pour régulariser leur titre de séjour, au lieu d’aller en cours.

Telles sont les mesures sur lesquelles nous travaillons.

Dans ce contexte, j’assume totalement cette proposition de suppression de l’article 47 septies. En effet, toutes les préoccupations dont vous m’avez fait part seront prises en compte dans le cadre du projet de loi que présenteront, avant la fin de l’année, Manuel Valls et les ministres chargés de l’attractivité de notre pays à l’international, comme Nicole Bricq.

Toutes ces dispositions sont d’ores et déjà prévues. Chaque fois qu’une circulaire devait être publiée, nous l’avons prise, et l’information est lancée auprès des consulats.

Il s’agissait pour nous d’établir un plan semblable à celui qu’ont mis en place voilà quelques années les États-Unis et l’Allemagne. Je rappelle que celle-ci, qui était très en retard au regard de l’accueil des étudiants étrangers, nous a désormais dépassés et occupe aujourd'hui la quatrième place dans le monde. La France occupait la deuxième place de ce classement il y a un peu plus de dix ans, la troisième voilà dix ans ; nous sommes maintenant à la cinquième place. Il était plus que temps que nous établissions, à l’instar de l’Allemagne, des pays scandinaves et des États-Unis, un véritable plan d’attractivité destiné aux étudiants et chercheurs étrangers.

L’article 2, dont nous avons longuement débattu, y contribue. Toutes ces mesures font partie d’un projet global destiné à développer l’attractivité de notre pays qui, je le répète, fera l’objet d’un projet de loi spécifique.

Voilà pourquoi, au nom du Gouvernement, je vous propose de supprimer cet article. Je le répète, toutes les préoccupations auxquelles il tend à répondre seront prises en compte dans un projet de loi qui vous sera présenté bientôt. Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous laisse juges !

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