Madame la présidente, si vous le permettez, je donnerai l’avis de la commission, puis je m’exprimerai à titre personnel.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 24 et 191 rectifié de suppression de l’article 48.
Je suis favorable à la suppression de l’AERES, après y avoir un temps été opposée. Je veux expliquer publiquement devant le Sénat les raisons qui m’ont amenée à changer d’avis.
Au début de nos travaux, nombre d’entre vous connaissaient mon sentiment sur la capacité d’évolution de l’AERES. Il s’appuyait sur le travail accompli par l’Agence au cours des deux dernières années, mais aussi, bien sûr, sur les auditions auxquelles j’ai procédé et sur les visites que j’ai effectuées. Et toujours je posais la question : que pensez-vous de l’évaluation conduite par l’AERES ? Très régulièrement, on me répondait : il s’agit de procédures bureaucratiques, trop lourdes, inadaptées. Les membres de l’Agence ne connaissent pas nos formations. Les comités d’experts ne sont pas constitués de manière transparente. Et lorsque je demandais à mes interlocuteurs quand ils avaient forgé leur jugement, ils me répondaient : il y a quatre ou cinq ans. Quant aux vagues suivantes d’évaluation, elles paraissaient beaucoup plus consenties, préparées et facteurs de progrès intéressant les équipes.
Certes, je le dis en toute honnêteté, j’ai rencontré des détracteurs farouches de l’AERES, dont l’avis n’a pas changé avec le temps. Ils contestaient l’utilité de cet outil, considérant que les chercheurs, évalués en permanence par leurs pairs, n’avaient pas à se soumettre à un organe constitué de comités d’experts qui ne connaissaient pas forcément leur manière de fonctionner.
Toutefois, j’ai aussi rencontré des représentants des chercheurs, dont l’avis a évolué au fil du temps. Il en est ainsi de l’Académie des sciences, qui avait, dans un premier temps, émis un avis négatif, sans appel, de dissolution immédiate. Mais les membres que j’ai auditionnés, en présence notamment de nos collègues Philippe Adnot et Jean-Pierre Plancade, ont été dans l’incapacité de nous expliquer les motivations de leur avis. Vous me répondrez peut-être que cela tient au fonctionnement de cette institution. Il n’en reste pas moins que les trois spécialistes qui se sont penchés sur la question, et je ne mets pas en doute le sérieux de leur travail, ont émis un avis négatif qui est ensuite devenu public, et a provoqué quelques remous. L’Académie des sciences a ensuite modifié son jugement, mais ce nouvel avis n’a pas fait autant de bruit que le premier.
Tout cela m’a conduit à considérer, comme Mme Létard et M. Legendre, que l’on pouvait continuer à s’appuyer sur l’AERES, car elle avait fait ses preuves et montré sa capacité à évoluer. On aurait pu lui assigner les missions prévues aux articles 49 et 50 et s’épargner un changement de structure et les préjudices qui en découlent sur le plan économique, certes, mais aussi du point de vue opérationnel, car il faut du temps pour mettre en place une nouvelle structure. Par ailleurs, des équipes de l’Agence préparent d’ores et déjà la vague d’auditions et d’expertises qui auront lieu à la rentrée et ces personnes pourraient avoir le sentiment d’avoir travaillé pour rien. J’espère que tel ne sera pas le cas. Je n’oublie pas non plus le préjudice scientifique, car il faudra du temps pour rétablir les accréditations européenne et internationale.
Toutefois, le choix de maintenir l’AERES était difficile à tenir du fait de ma loyauté à l’égard de Mme la ministre. Je connais bien les difficultés qui ont présidé à l’élaboration de ce projet de loi, qui se veut équilibré, respectueux des différentes parties prenantes, lesquelles ont toutes des intérêts à défendre.
J’ajoute que, pendant les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous avons entendu de nombreux témoignages négatifs à l’encontre de l’AERES.
Un conflit se profilait entre, d’une part, les tenants du maintien de l’AERES et, d’autre part, la ministre et ses collaborateurs, selon lesquels le refus de donner suite à la demande de suppression de l’AERES risquait de remettre en cause l’ensemble de l’édifice, engendrant des oppositions néfastes à l’établissement sécurisé de cette loi, à laquelle nous tenons tous.
Le projet de loi comprend non pas trois articles, mais soixante-dix articles. Est-il vraiment judicieux de créer un incident politique grave à cause du seul article 48 ? J’ai considéré que non et c’est pourquoi j’ai renoncé au maintien de l’AERES
Je tiens à dire publiquement, afin d’éviter tout malentendu, que je me suis ralliée à la position de Mme la ministre parce que je voulais donner toute sa chance d’épanouissement et d’enracinement à la future loi, qui traite de nombreux domaines plus importants que la simple AERES. Il est bien évident que, à titre personnel, je garde toute mon estime au professeur Houssin, qui a accompli un travail considérable, comme le reconnaissent d’ailleurs Mme la ministre et son entourage.
Mes chers collègues, je vous encourage à unir vos efforts afin que la conversion de l’AERES en Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur soit réussie. Je souhaite que ce Haut Conseil bénéficie de l’expérience acquise par l’AERES. Je suis d’ailleurs persuadée que son président et ses experts seront disposés à mettre leurs compétences et leur expérience au service de ce nouvel organisme, afin que cette page se tourne rapidement et sans traumatisme.