Je vous prie par avance d’excuser la longueur de mon intervention, mais si vous le permettez, je vais m’exprimer sur l’ensemble de la question, importante, de l’évaluation.
Monsieur Berson, je suis en effet l’auteur des phrases que vous avez rapportées dans votre intervention, mais je veux préciser qu’il y a un « avant » et un « après ».
Le projet de loi, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, tend à créer un Haut Conseil de l’évaluation, avec l’accord du Gouvernement. De par les missions qui lui sont dévolues, ce Haut Conseil est le garant d’un certain nombre de principes qui ont fait l’objet d’un large consensus lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, où s’est instauré un débat riche, approfondi, parfois contradictoire, et globalement favorable à la suppression de l’AERES.
Dans son rapport, M. Le Déaut préconise lui aussi la suppression de l’AERES, reprenant la plupart de ces principes, que je me permets de vous rappeler.
Il s’agit d’abord de l’évaluation de tous les personnels et de toutes leurs activités, de l’évaluation des structures en relation avec celle des personnels, de la transparence et de l’indépendance de procédures conformes aux meilleurs standards internationaux – on ne revient donc pas à la situation antérieure que l’on a parfois pu qualifier, et ce à juste titre, d’endogène et autocentrée.
Il s’agit aussi du choix des personnes en charge de l’évaluation, en fonction de la qualité de leur expertise – j’y reviendrai –, sans risque de conflit d’intérêts – c’est très important –, du rejet d’une évaluation sanction au profit d’une évaluation visant à faire progresser l’activité évaluée, du refus du foisonnement actuel des procédures, dont les effets délétères nuisent au bénéfice attendu de l’évaluation elle-même.
C’est pourquoi le Haut Conseil a pour mission principale de valider les procédures qui lui sont proposées par différents acteurs institutionnels, tout en se réservant la possibilité de procéder lui-même à l’évaluation si, par exemple, des tutelles multiples d’une même unité de recherche n’ont pu se mettre d’accord sur lesdites procédures, ce qui est le cas pour plus de 50 % de ces structures. Toutefois, l’idée est que les unités mixtes se mettent d’accord sur la méthodologie et la procédure de l’évaluation qui sera réalisée et qui devra être conforme aux standards internationaux, lesquels ne sont donc pas en cause.
Cette nouvelle manière d’envisager l’évaluation s’apparente plutôt à la validation d’une procédure et d’une méthode d’évaluation : si les organismes seront évidemment soumis à une évaluation, les unités de recherche feront plutôt l’objet d’une accréditation, de la validation d’une méthode.
Elle a pour conséquence logique la suppression de l’AERES actuelle, qui a tout de même fait l’objet, lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, de critiques assez violentes, comme l’a dit Mme le rapporteur : procédures peu transparentes et trop technocratiques, nature de l’évaluation plus tournée vers la satisfaction d’une technostructure que vers la communauté scientifique et universitaire, avis insuffisamment motivés au profit d’une notation ou d’appréciations peu prospectives, qui ne permettent pas de progresser, multiplicité frénétique des évaluations. J’ai repris certains des termes qui avaient été cités à ce moment-là.
Le professeur Serge Haroche lui-même, prix Nobel de physique en 2012, a évoqué publiquement à plusieurs reprises la lourdeur de l’évaluation telle qu’elle était opérée, et la perte de temps qui en résultait pour les chercheurs. Je précise toutefois que ces inconvénients étaient plus marqués pour certaines disciplines que pour d’autres.
Dans le domaine des sciences économiques en particulier, des contestations extrêmement fortes sont apparues sur les injustices assez flagrantes qui existaient. Par exemple, les scientifiques membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, se voyaient attribuer des notes, comme C–, qui pouvaient avoir un caractère infantilisant.