Madame la ministre, lundi dernier, vous avez déclaré : « Chacun pourra ouvrir un compte d’épargne défiscalisé dans sa banque. »
Mes chers collègues, vous avez pu constater qu’il n’en serait rien et que les populations indésirables dans les agences bancaires allaient se trouver parquées dans les bureaux d’une « banque des pauvres » adaptée à cet usage.
Notre collègue Philippe Marini nous a présenté le paragraphe III de l’article 39 comme garantissant notamment la pérennisation du dispositif actuel d’exonération des intérêts du livret A pour la détermination du revenu net global.
Cependant, la rédaction, particulièrement alambiquée, de ce paragraphe conduit à douter sérieusement de la réalisation de cette louable intention. On croyait la formule « pourquoi faire simple lorsqu’on peut faire compliqué ? » réservée à quelques membres du Gouvernement, mais notre collègue Philippe Marini semble vouloir y souscrire !
Actuellement, vous le savez, les intérêts des livrets A des caisses d’épargne et de la Caisse nationale d’épargne bénéficient d’une exonération fiscale, inscrite dans le 7° de l’article 157 du code général des impôts, dans la limite du plafond autorisé pour les versements sur ces livrets. Les versements effectués au-delà de ce plafond alimentent des livrets supplémentaires dont les intérêts sont, eux, fiscalisés. Vous n’aurez pas manqué de remarquer que ces livrets sont supprimés par le présent projet de loi, la perte fiscale n’étant d’ailleurs pas évaluée.
La rédaction proposée par le Gouvernement fragilise plus qu’elle ne conforte la défiscalisation des intérêts du livret A. En effet, les intérêts des livrets A ouverts à compter du 1er janvier 2009 pourraient être considérés comme étant soumis à l’impôt, quel que soit le montant des sommes déposées.
Mme la ministre a-t-elle prévu un « kit » à l’usage des élus locaux, qui devront répondre aux consommateurs grugés à la suite du transfert de leur livret A sur un livret fiscalisé ? Notre collègue Philippe Marini a-t-il prévu un cadeau de bienvenue aux nouveaux titulaires de livret A pour compenser la perte de rendement de leur épargne ?
Certains esprits, peut-être mal intentionnés, semblent croire que l’objectif caché de cette disposition ne vise en réalité que la Caisse des dépôts et consignations. En effet, pour servir aux épargnants un taux d’intérêt net d’impôt, la Caisse des dépôts ne sera-t-elle pas contrainte de rémunérer l’épargne à un taux brut bien supérieur, un surcroît de coût pour le financement du logement social que ne manquera pas de relever notre collègue Marini lorsqu’il suggérera de décentraliser totalement l’épargne du livret A ?
De même, M. le rapporteur ne semble pas surpris d’une défiscalisation totale des intérêts du livret bleu jusqu’au 1er janvier 2009, sans évaluation de la perte de recette fiscale ni contrepartie pour les finances publiques. Mieux, il revendique une telle mesure !
Il s’agit probablement, là encore, d’une erreur rédactionnelle due à la déclaration d’urgence d’un projet de loi que le Gouvernement n’a pas voulu étudier avec tout le sérieux requis. Combien d’autres erreurs aurons-nous à constater dans les prochains jours, voire à justifier auprès de nos concitoyens et des élus locaux, si ce texte est voté en l’état ?
Aussi, pour lever toute ambiguïté, nous vous proposons, de supprimer le III de l’article 39. En toute cohérence, nous vous demanderons également de supprimer le 2° du V de l’article 40. Il va de soi que le 4° du V de l’article 40, qui modifie le périmètre d’exonération fiscale du livret bleu avant le 1er janvier 2009, doit également être supprimé.