Madame la présidente, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, au début de l’examen de ce texte, Mme la ministre a exprimé son étonnement à double titre : d’une part, parce que notre groupe reprochait à ce projet de loi de ne pas être un « acte II » de l’autonomie, et, de l’autre, parce que nous dénoncions le fait que l’université risquait de voir son élan brisé.
Après trois jours de débats cordiaux, argumentés et attentifs de part et d’autre, nous estimons toujours que ce texte ne porte pas une réforme majeure. La réforme majeure de l’enseignement supérieur et de la recherche a déjà eu lieu, il y a cinq ans, avec la loi LRU !
Au reste, madame la ministre, votre texte ne revient pas sur l’acquisition de l’autonomie, dont vous avez maintes fois demandé la suppression. Dans certains cas, il va même jusqu’à étendre cette autonomie ! Ainsi, le présent projet de loi donne un accord tacite à un grand nombre de mesures que nous avons mises en œuvre, même si vous exprimez naturellement certaines réserves.
Ce texte d’orientation énonce des principes et exprime des intentions, mais n’évoque pas les moyens permettant d’atteindre ses objectifs. Nous l’avons dit, comme plusieurs de nos collègues appartenant à d’autres groupes politiques : ce texte n’est pas une loi de programmation et, surtout, il ne comporte pas d’engagements chiffrés.
L’enseignement supérieur et la recherche ont besoin d’investissements et de visibilité. Vous avez reconnu que l’attribution des moyens relevait de décisions qui ne vous appartiennent pas, et tel est bien le cas. §Nous regrettons avec vous que vous n’ayez pas été entendue lors des arbitrages budgétaires.
Non seulement ce projet de loi n’est pas un grand texte, mais, en l’état, sa mise en œuvre reviendra à faire perdre du temps à l’université. En effet, le texte porte atteinte à plusieurs équilibres déterminants pour le bon fonctionnement et le succès de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
Premièrement, il met en œuvre la gouvernance bicéphale des universités, avec la création d’un pléthorique conseil académique, au côté du conseil d’administration, également doté d’un pouvoir décisionnaire. Il s’agit là, à nos yeux, d’une disposition incompréhensible.
De fait, comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises au cours de nos débats, ce système crée un véritable risque de blocage au sein de nos universités, et ce au moment même où celles-ci – notamment lorsqu’elles se heurtent à des difficultés dans l’acquisition de l’autonomie – ont besoin d’un pilotage fort. La loi LRU avait simplifié et resserré la composition du conseil d’administration pour faciliter les prises de position. Vous revenez ainsi sur un acquis qui nous semble essentiel.
Deuxièmement, ce projet de loi enterre l’AERES. Nous ne sommes toujours pas convaincus par vos arguments en la matière. Vous souhaitez supprimer cette autorité qui fonctionne, qui est reconnue par nos partenaires européens et internationaux, et qui propose un dispositif d’évaluation efficace. Pourtant, l’AERES n’a besoin que de quelques améliorations tant pour satisfaire les organismes évalués que répondre aux exigences de qualité qui sont celles de notre enseignement supérieur et notre recherche.
Troisièmement, nous continuons à nous opposer à la fragilisation des IUT, non pas parce qu’ils sont nos « chouchous », comme vous le prétendez, madame la ministre, mais parce qu’ils sont des établissements d’excellence. Ces instituts conjuguent plusieurs qualités : proches du monde de l’entreprise, ils assurent un encadrement des élèves leur permettant de mieux progresser. Les méthodes de travail des IUT sont certainement des recettes à reproduire pour la première année d’université.
Quatrièmement, enfin, j’achèverai par un enjeu essentiel à nos yeux, et déterminant quant à notre vote : le présent projet de loi supprime les PRES et les réseaux thématiques de recherche avancée, qui sont, eux aussi, des structures d’excellence nées de l’alliance de nos meilleurs établissements. À ces organismes, vous substituez des « communautés », dont le mode de fonctionnement diffère de celui qui existe aujourd’hui. Leur mode d’organisation complexe risque de nuire à leur bon fonctionnement : le passage des PRES à ces « communautés » risque, là encore, de faire perdre du temps à nos universités.
Notre détermination à maintenir les PRES – et nous avons été bien aidés, il faut le dire, par la faible mobilisation de la majorité sénatoriale en début d’après-midi -, a conduit à la suppression de l’article 38. Toutefois, le Gouvernement a demandé une seconde délibération pour effacer ce vote fâcheux de la Haute Assemblée. Madame la ministre, à cette occasion, vous avez certes introduit des modifications importantes auxquelles nous sommes favorables. Mais nous restons loin du compte !
Parallèlement, un de nos amendements, déposé en même temps par l’UDI-UC, a été adopté. Il permettra un réel progrès, notamment en clarifiant le statut des établissements privés d’enseignement supérieur et de recherche – si toutefois cette disposition parvient à franchir l’étape de la commission mixte paritaire, ce que nous souhaitons, naturellement.
Malgré les quelques amendements issus de nos rangs que le Sénat a bien voulu adopter, notamment pour ce qui concerne la vie étudiante, nous n’avons pas pu rétablir une gouvernance forte des universités, maintenir l’AERES et les PRES, ou encore aider les IUT. Nous ne pouvons donc voter ce texte, qui conserve des dispositions susceptibles de freiner gravement les universités dans le développement de leur autonomie.
Avant de conclure, je tiens à m’associer, au nom de notre groupe, aux remerciements précédemment adressés à Mme la présidente, à l’ensemble des services du Sénat, qui ont permis la bonne tenue de nos travaux, ainsi qu’à Mme la ministre, qui a garanti un débat apaisé, serein et attentif, en dépit des désaccords qui subsistent.
Comme Mme Bouchoux, je déplore que la procédure accélérée ait été engagée : tous les groupes représentés dans cet hémicycle ont fortement participé à l’évolution de ce projet de loi, prouvant de la sorte que les lectures successives, les navettes, sont essentielles à l’évolution d’un texte.
Pour toutes ces raisons, et en regrettant vivement que nos arguments n’aient pas été mieux entendus, nous voterons contre ce projet de loi.