Intervention de Jean-Pierre Paclet

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 16 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Paclet ancien médecin de l'équipe de france de 2004 à 2008

Jean-Pierre Paclet, ancien médecin de l'équipe de France de 2004 à 2008 :

Depuis trente ans que j'exerce dans le sport, auprès d'athlètes de haut niveau, j'ai toujours été viscéralement opposé au dopage. D'un point de vue éthique, c'est une tricherie. Quel exemple pour les enfants ! Si les miens avaient pu devenir sportifs de haut niveau, j'aurais été très ennuyé qu'ils prennent des substances dangereuses. J'ai été formé à la faculté de médecine de la Pitié-Salpêtrière, où ce n'était pas une préoccupation pour nos enseignants : je n'y ai reçu aucune formation sur ce sujet. La médecine du sport marche sur deux jambes : il y a les médecins qui réparent, et ceux qui préparent. Je suis de ceux-là. Ceux-ci étudient la physiologie et cherchent à améliorer le fonctionnement normal de l'homme, parfois en franchissant les limites.

Selon le type d'activité sportive, l'exposition au dopage varie. Un premier type regroupe les sports dans lesquels la performance est avant tout physique : athlétisme, cyclisme, natation, haltérophilie, ski de fond... Les athlètes y sont les plus susceptibles d'accepter la pilule blanche, ou la piqûre verte, si cela peut améliorer leur performance de 5 %, 10 %, voire 20 %. Ainsi dans le sprint, passer en-dessous de 10 secondes, c'est passer du niveau régional au niveau international ; passer en-dessous de 9,5 secondes, c'est devenir une star mondiale ! D'autres sports, à l'inverse, dépendent peu de la performance physique : il n'est que de voir, par exemple, la silhouette des champions de golf. Les sportifs y sont peu intéressés par le dopage. Un troisième groupe, enfin, comprend les sports dans lesquels la performance physique entre en ligne de compte, parmi d'autres facteurs : performance technique, dynamique collective, état psychologique...

On a beaucoup dit que le dopage était lié à des considérations financières. Mais en haltérophilie - le culturisme est la discipline qui a le plus utilisé les anabolisants - beaucoup de sportifs se dopent sans ce type de motivation, puisqu'ils demeurent anonymes. Dans ce cas, les fédérations sont impuissantes, seule la police peut intervenir.

Le profil culturel du sportif est déterminant. A-t-il réfléchi à sa pratique ? Un joueur de l'équipe de France de football m'a appelé et m'a recommandé de ne pas fléchir : preuve que certains sont fermement opposés au dopage et se réjouissent de la multiplication des contrôles. D'autres évitent le dopage par peur des contrôles, et non pour des motifs plus raisonnés. Je tiens à souligner à ce propos l'importance de l'éducation des jeunes.

Longtemps, la lutte contre le dopage a été confiée aux organisations sportives : fédérations, comité international olympique, FIFA... Les résultats ont toujours été faibles, et les contrôles en retard par rapport aux pratiques. Les affaires qui ont éclaté (Agricola en Italie, Fuentes en Espagne, Hamilton aux États-Unis) sont le fruit de l'action de services de l'État (police, douanes...), non des organisations sportives. Ce sont eux qui sont véritablement efficaces dans la lutte contre le dopage : les liens qui se tissent au sein des organisations sportives affaiblissent l'énergie des contrôles, de même que la perspective du passage devant le tribunal arbitral du sport et des complications juridiques subséquentes.

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