Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 4 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Articles additionnels après l'article 40, amendement 736

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Le crédit, c’est comme la voiture : c’est bien utile ; pourtant, les accidents de la route créent des drames humains, comme en entraînent parfois aussi les situations de surendettement. Un bon code de la route est donc nécessaire pour éviter les accidents. Pour autant, le code de la route doit être raisonnable et permettre aux voitures de fonctionner. Si la vitesse de circulation est limitée à vingt kilomètres à l’heure, la voiture ne sera plus aussi utile.

L’amendement n° 736 vise à imposer par la loi aux prêteurs, tout d’abord, de disposer des documents justificatifs des ressources et de la situation bancaire des emprunteurs, et par ailleurs, de vérifier leur solvabilité. Enfin, il prévoit qu’un décret fixe un taux d’endettement maximal au-delà duquel les établissements n’auraient plus droit d’accorder de prêt.

S’agit-il d’une bonne mesure pour notre fameux code de la route du crédit ? Oui et non. Vous avez raison, madame Payet, - je souhaite moi-même m’y employer - de vouloir imposer au prêteur un principe de responsabilité ; il doit en effet être conscient des engagements qu’il prend lorsqu’il accorde un crédit. C’est un point sur lequel je reviendrai.

En revanche, il ne me paraît pas souhaitable de prévoir dans la réglementation un taux d’endettement maximal. Sur ce point, votre amendement n’est pas totalement abouti, mais il est bon que nous ayons ce débat.

Le seuil d’endettement peut évidemment varier d’un individu à un autre et il est très difficile d’adopter une norme générale en la matière. Par ailleurs, l’introduction d’un taux maximal conduirait à exclure du crédit de nombreuses personnes, par exemple celles qui ont des revenus irréguliers et à l’égard desquelles nous souhaitons, à l’inverse, plutôt ouvrir des mécanismes de prêts.

On aura la même difficulté avec le prêt sur gage, connu autrefois à travers le Mont de Piété, organisme qui fonctionne toujours aujourd'hui. C’est la même chose pour les étudiants, qui, bien souvent, n’ont pas de revenus fixes et qui doivent demander à leurs proches de se porter caution pour eux.

Par ailleurs, sur un autre point votre texte n’est pas non plus abouti. Vous obligez le prêteur à demander des documents justifiant les revenus et les charges de l’emprunteur. Ce faisant, cela exclut que le prêteur examine en particulier les éléments du patrimoine afin de déterminer s’il est susceptible ou non d’ouvrir un dossier de prêt pour son client.

Cependant, je suis très sensible à vos arguments.

Ainsi, je souhaite demander au Comité consultatif du service financier, le CCSF, que je consulte régulièrement et auquel participent des consommateurs – donc des représentants des emprunteurs –, des banques, ainsi que des parlementaires, d’examiner la question de la responsabilité du prêteur, à laquelle je suis favorable.

Je lui demanderai également d’étudier les conditions de publicité adoptées, notamment en ce qui concerne le crédit à la consommation. En effet, dans ce domaine, certaines mesures de publicité sont excessives et doivent être vérifiées, voire restreintes. Sur ce point, le CCSF pourra utilement nous éclairer.

Je rappelle que nous devons transposer au cours de 2009 la directive européenne sur le crédit à la consommation qui a été publiée le 22 mai 2008. Cette transposition sera pour nous l’occasion d’une refonte complète de notre dispositif législatif sur le crédit à la consommation.

Vous savez en particulier que l’article 8 de la directive prévoit l’obligation pour le prêteur d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’indications.

Dans ces conditions, je vous fais une double proposition.

D’une part, je m’engage, à l’occasion de cette transposition, à inscrire dans la loi le principe de la responsabilité du prêteur – sous réserve des avis que nous recevrons du CCSF, mais je serais étonnée qu’il y soit hostile.

D’autre part, je vous propose d’engager le travail de transposition en organisant à Bercy une réunion que je présiderai, à laquelle seront associés les parlementaires intéressés par le sujet, pour présenter le contenu de la directive ainsi que le calendrier et l’organisation des travaux de transposition. Nous serons particulièrement réceptifs à certaines des dispositions qui sont contenues dans vos amendements. Je vous convie donc à cet exercice.

En matière de crédit à la consommation, nous devons avancer plus vite, c’est pourquoi j’ai demandé au CCSF d’examiner ces questions et de présenter des propositions à Luc Chatel et à moi-même. Je serai particulièrement attentive à toute proposition qui pourra apporter un peu plus de clarté et contribuer à renforcer la lucidité de tous les acteurs dans ce domaine.

Pour cette raison, madame le sénateur, je sollicite le retrait de cet amendement, qui entraînerait ipso facto le retrait du sous-amendement n° 1060 de la commission spéciale. Ce sous-amendement tendait à inclure dans le rapport annuel des établissements de crédit une information sur les taux d’incidents de remboursement.

Cette information est évidemment très importante pour bien comprendre le surendettement. En revanche, je suis défavorable à une information détaillée établissement par établissement. En effet, elle donnerait un signal politique que nous ne souhaitons pas, en accordant une forme de publicité au taux de défauts. Or il me semble que la façon la plus simple et la plus immédiate, pour une banque, de réduire ce taux est de ne prêter qu’aux riches afin de réduire le risque de devoir faire face à un grand nombre de défauts de paiement. Une mesure de ce type, dans la mesure où elle expose la défaillance, serait de nature à restreindre la politique du crédit de certains établissements que nous engageons, au contraire, à s’adresser à toutes les populations, sous réserve d’un examen attentif des dossiers, bien sûr. Je crains l’effet contre-productif de ce genre de mesure.

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