Intervention de David Assouline

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de David AssoulineDavid Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois :

Par ailleurs, sommes-nous certains que ceux qui nous sont remis chaque année sont lus et exploités de manière optimale ? Puisque nous ne les exploitons pas, le Gouvernement ne se sent pas obligé de les remettre : c’est un cercle vicieux.

Quittant maintenant le terrain des statistiques, j’en viens à des réflexions plus générales sur le contrôle de l’application des lois, dont j’ai rappelé l’importance au début de mon propos.

Je suis tenté de dire que le contrôle parlementaire est aujourd’hui à un tournant majeur et s’oriente de plus en plus vers l’évaluation, avec en ligne de mire une simplification du droit, une modernisation de l’action publique et une amélioration qualitative de notre environnement normatif.

Pour accompagner cette évolution, nous devons engager une démarche ambitieuse consistant à nous interroger sur le « bon rendement législatif » des textes que nous votons. L’enjeu est de taille. Chaque avancée que nous pourrons favoriser dans cette voie renforcera la confiance de nos concitoyens dans l’institution parlementaire, en particulier dans le Sénat qui, moins tenu par la logique majoritaire que l’Assemblée nationale, a toujours été un précurseur en matière de contrôle.

La création de cette commission pour le contrôle de l’application des lois s’inscrit dans cette logique. Hormis la veille réglementaire, elle est en effet avant tout en charge d’évaluer les législations existantes pour faciliter le travail des commissions permanentes et celui du Sénat quand la Haute Assemblée est saisie de projets modifiant le droit en vigueur.

C’est dans cet esprit que nous nous efforçons de « coller » au mieux aux rendez-vous législatifs en cours, en évaluant telle ou telle législation dont la refonte s’annonce imminente.

Ainsi, au mois de mars 2013, nous avons présenté un bilan de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », avant de légiférer à nouveau sur l’enseignement supérieur. Ce travail d’évaluation réalisé par un binôme gauche-droite qui s’est accordé sur un certain nombre de constats a permis des rassemblements inattendus au cours de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche adopté par le Sénat dans la nuit de vendredi à samedi dernier.

De même, nous présenterons dans quelques jours le bilan du régime de l’auto-entreprise, ce qui devrait nous permettre de travailler de façon beaucoup plus efficace sur ce dispositif et d’alimenter le débat public, au-delà des idées reçues, en nous appuyant sur des diagnostics très précis établis par Mme Dini.

Au total, nos travaux, généralement confiés à des binômes de rapporteurs de sensibilité politique différente, ont déjà permis de produire dix rapports d’information depuis 2012 ; trois ou quatre autres seront remis dans les semaines qui viennent. Ils ont porté sur le fond, au-delà des statistiques, sur les conséquences de l’application de la loi, les effets pervers que le législateur n’avait pas prévus, les moyens qui ont manqué… Tout cela nous a beaucoup appris.

J’observe que de nombreuses études d’impact se présentent encore comme une sorte d’exposé des motifs bis, dont l’utilité réelle est, de ce fait, assez limitée. Pourtant, l’étude d’impact est une avancée très importante. Elle est peu utilisée, mal produite, alors qu’il s’agit d’un élément majeur pour élaborer la loi en toute connaissance de cause en mesurant les effets qu’elle aura concrètement une fois adoptée.

Dans le même temps, après le vote de la loi, les travaux d’évaluation font peu référence à ce document, sans doute parce que ses auteurs n’y avaient pas intégré, dès le départ, des critères d’évaluation quantitatifs et qualitatifs, au regard desquels on pourrait déterminer si, oui ou non, la loi a bien atteint ses objectifs. J’en déduis qu’il faudrait peut-être reconsidérer le contenu des études d’impact pour pouvoir en tirer un meilleur parti.

Le Gouvernement comme le Parlement auraient intérêt à placer plus directement les études d’impact au service de cette « culture du contrôle et de l’évaluation » dont je recherche l’émergence, comme vous l’avez souhaité, monsieur le président du Sénat, en proposant la création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Pour conclure, je remercie chacune des sept commissions permanentes du travail considérable de contrôle de parution des décrets d’application qu’elles effectuent tout au long de l’année. Sans elles, l’élaboration de ce rapport annuel dont je vous présente les conclusions serait impossible, puisqu’il est la synthèse de leurs rapports respectifs.

Je tiens également à saluer le climat de confiance établi avec les autorités gouvernementales concernées ; je pense, en particulier, au ministre chargé des relations avec le Parlement et au secrétariat général du Gouvernement. Loin de moi l’idée d’être tendancieux, je dois à cet égard souligner que, au cours des derniers mois du gouvernement Fillon, M. Ollier a établi avec la commission que je préside un dialogue ouvert et une collaboration particulièrement fructueuse.

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