Séance en hémicycle du 25 juin 2013 à 21h45

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l’application des lois, organisé à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Mes chers collègues, au moment d’entamer ce débat, je voudrais me réjouir avec vous de ce rendez-vous annuel, désormais bien inscrit dans notre paysage institutionnel.

Je rappellerai que le Sénat fut précurseur en la matière puisque c’est lui qui a institué, dès 1972, un dispositif permettant aux commissions de suivre la publication des textes d’application des lois, possibilité ensuite élargie à l’ensemble des citoyens grâce au site Internet du Sénat.

Ce dispositif a depuis été profondément modernisé et dynamisé avec la mise en place, début 2012, de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Sous la présidence active de notre collègue David Assouline et en association étroite avec les commissions permanentes, la commission a déjà présenté dix rapports d’information, tous de très grande qualité, qui trouvent leur point d’orgue avec le rapport annuel sur l’application des lois.

Au-delà des clivages politiques, les binômes formés de sénateurs de la majorité et de l’opposition ont travaillé avec le souci de développer une évaluation qualitative de l’application des lois, application indispensable à la mise en œuvre concrète des textes que nous votons.

Je ne doute pas que le débat qui s’ouvre sera rempli d’enseignements, pour nous comme pour le Gouvernement, et je remercie par avance M. le ministre chargé des relations avec le Parlement des réponses qu’il apportera à nos observations sur des sujets qui préoccupent légitimement nos concitoyens.

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour la discussion du bilan annuel de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Cet exercice n’a rien de formel. Au contraire, je le considère comme l'un des temps forts de l’activité de contrôle du Sénat.

En effet, en présence du Gouvernement et des présidents des sept commissions permanentes du Sénat, ce débat nous donne l’occasion d’une réflexion d’ensemble sur l’application des lois, thème auquel le Sénat accorde une grande attention depuis plus de quarante ans, comme vient de le rappeler M. le président.

Aujourd’hui, le Parlement ne peut plus se contenter de voter des lois. Chacun en est conscient, nous devons aussi contrôler la manière dont ces lois s’appliquent et vérifier si elles répondent vraiment aux attentes de nos concitoyens. C’est un enjeu de démocratie, c'est une question de crédibilité de l’action publique et de confiance dans l’institution parlementaire et, comme vous le savez tous, c'est une œuvre particulièrement indispensable dans la période que nous traversons.

En outre – je l’ai souvent souligné à cette tribune –, je vois une forte logique de continuité entre la fonction de contrôle et la fonction législative. En faisant le bilan des régimes existants, nous sommes conduits à identifier leurs faiblesses ou leurs lacunes et à envisager les améliorations nécessaires pour tendre vers ce que j’appellerai un travail législatif efficace – d'autres parlent de « rendement législatif ».

Contrôler plus pour légiférer mieux : voilà, en quelque sorte, la maxime qui pourrait résumer la philosophie de cette commission depuis sa mise en place, en 2012.

À ce propos, je tiens à souligner le précieux concours que nous apportent, depuis le début, les commissions permanentes, le Gouvernement – en particulier le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui anime la procédure législative et l’écriture des décrets d’application – et le secrétariat général du Gouvernement, dont il est en quelque sorte le bras armé pour ces questions d’application des lois.

J’en viens au bilan annuel. Mes chers collègues, vous avez pu constater que le rapport ne ressemble pas tout à fait à celui des années précédentes. Bien entendu, vous y retrouvez les grands indicateurs habituels de l’application des lois. J’ai toutefois jugé important d’y évoquer aussi plusieurs perspectives nouvelles qui, à terme, devraient faciliter l’exercice de cette mission de contrôle et rendre l’environnement normatif plus performant, plus simple et plus accessible à tous.

Je commencerai par les statistiques. Je vous indique d’abord que, cette année, nous avons méthodiquement recoupé nos chiffres avec ceux du secrétariat général du Gouvernement, pour constater que nos décomptes respectifs aboutissaient à des résultats d’ensemble convergents. C’était une précaution indispensable pour prévenir toute controverse inutile sur les statistiques, comme cela a pu avoir lieu par le passé.

Je précise ensuite que le rapport couvre une période allant du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012. Nous avons retenu ces bornes en coordination avec le secrétariat général du Gouvernement pour mesurer correctement l’incidence du changement de gouvernement et de législature survenu à la suite des élections de mai et juin 2012.

Toute polémique mise à part, nous ne pouvions faire abstraction de la chronologie des mandatures depuis 2007. En effet, à partir de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, le gouvernement de François Fillon n’a eu à mettre en application que des lois issues de lui-même ou héritées des gouvernements Raffarin et Villepin, c'est-à-dire des textes issus tous de la droite.

En 2012, au contraire, la situation a été moins confortable, car l’actuel Gouvernement a dû mettre en application les lois de l’ancienne majorité et ses propres textes.

Sous le bénéfice de ce double rappel, il est possible d’examiner la mise en application des lois cette année.

Mon premier constat est que les chiffres de 2011-2012 marquent une amélioration par rapport aux exercices précédents, aussi bien en valeur absolue qu’en termes de délais de parution des décrets d’application.

L’application des lois a été une priorité forte du Gouvernement : dès son entrée en fonction, il a confirmé l’objectif énoncé en 2008 – mais rarement respecté jusque-là – de faire paraître dans un délai maximum de six mois les décrets d’application de toute loi nouvelle.

Vous trouverez le détail des chiffres dans mon rapport ; retenons simplement que le taux global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 atteint 66 %, pourcentage supérieur de deux points à celui de la session précédente, qui, avec 64 %, était déjà un bon résultat. Certes, avec seulement deux points de différence, d’aucuns voudront conclure à une stagnation, mais ne nous y trompons pas : sans être artificiel, le taux de l’an dernier s'explique en réalité par un effet de calendrier.

Depuis de nombreuses années, le taux d'application avait plafonné entre 30 % et 40 %, si bien que, en 2010-2011, il n’a pu enregistrer un brutal gonflement – pour atteindre 64 % – au seul motif que de vrais efforts avaient été engagés par le secrétariat général du Gouvernement et par le ministre des relations avec le Parlement. Ce ressaut s'explique surtout par le fait que, dans les derniers mois avant les élections, le gouvernement Fillon a redoublé d'effort pour que toutes les lois de la mandature soient mises en application. Ce gonflement ne reflète donc pas une tendance de fond qui caractériserait la précédente législature.

Dès la première année de son action, le Gouvernement actuel a dépassé le meilleur taux atteint par le précédent gouvernement. Cela mérite d'être souligné et nous espérons que ce nouveau rythme sera tenu.

En tout cas, nous constatons actuellement que la pression a été maintenue et que presque 90 % des lois de la session 2011-2012 sont aujourd’hui partiellement ou totalement appliquées.

Pour les textes de la XIVe législature, c’est-à-dire ceux de l’actuelle majorité, les premières statistiques confirment la tendance : plus de 80 % des lois sont déjà partiellement ou totalement en application, alors même que le délai de six mois n’est pas encore expiré.

Un autre élément positif se dégage : le taux et les délais de mise en application des textes d’initiative parlementaire – propositions de loi et amendements – sont à peu près du même ordre que pour les lois d’origine gouvernementale. Cela n’a pas toujours été le cas : le gouvernement précédent était moins diligent à faire appliquer les textes qui venaient du Parlement.

Je regrette simplement que le Gouvernement ait montré plus d’empressement pour les textes de l’Assemblée nationale que pour ceux du Sénat. Si le taux est le même pour les textes issus du Gouvernement et ceux dont le Parlement est à l'origine, un déséquilibre demeure entre les lois issues de l’Assemblée nationale et celles qui émanent du Sénat. Il se trouve que nous sommes au Sénat ; nous insisterons donc sur cette situation jusqu'à l'obtention d'une parfaite égalité de traitement.

En revanche, l’application des lois votées après engagement de la procédure accélérée révèle un paradoxe. Si une telle décision est prise par le Gouvernement, c’est qu’il faut aller vite. Mais pourquoi imposer au Parlement un examen en urgence pour un si grand nombre de projets, s’il faut souvent attendre plusieurs mois la publication des décrets d’application ? Le taux d'application des lois votées selon cette procédure n’est en effet pas meilleur que pour les autres lois. C’est un problème que nous soulevons.

Cette urgence à deux vitesses peut paraître choquante, même si je peux comprendre que les procédures d’élaboration des décrets imposent des cadences et des consultations impossibles à court-circuiter. Néanmoins, si l'on trouve le moyen d'accélérer le travail parlementaire, on doit pouvoir accélérer aussi le travail de l'administration.

Pour conclure sur les chiffres de l’année, la situation marque une amélioration réelle par rapport aux années précédentes. Je crois légitime d’en donner acte au Gouvernement, même si nous sommes encore loin d’atteindre le taux de 100 %. On me rétorquera que 100 %, c'est la perfection… Mais il s’agit ici des lois et toutes doivent trouver application ! Nous continuerons donc à nous battre pour cet objectif.

Le deuxième constat concerne le rattrapage des retards antérieurs. Sur ce point, je serai plus nuancé. L’objectivité force à reconnaître que l’on avance à un rythme plus médiocre et que l'on se trouve même, parfois, totalement bloqué… Il est difficile de demander à un gouvernement d’établir des priorités, d'accélérer et de mettre son énergie dans la publication de décrets de lois votées sous une précédente législature. Même en 2007, on ne s’est pas empressé d'appliquer les lois précédentes, alors qu’il s'agissait globalement de la même majorité ; il est vrai que le nouveau Président de la République avait d'autres priorités…

Pour les lois héritées de la précédente majorité parlementaire, entre les mois de juin 2007 et de juin 2012, l’actuel Gouvernement a publié cinquante règlements ou rapports, soit la moitié des textes attendus. Sans chercher aucunement à polémiquer, je précise que c'était pire après 2007 pour les lois antérieures à 2007…

Aujourd'hui, l’apurement des lois antérieures à 2007 ne marque aucun progrès significatif par rapport aux sessions précédentes. Devons-nous nous résigner à ce qu’une loi qui n’est pas mise en application rapidement après son adoption soit, à la longue, condamnée à ne jamais l’être ?

Je n’engagerai pas ce débat ce soir. Il n’en demeure pas moins que cela reste un sujet de préoccupation pour la commission que je préside, comme en témoigne mon rapport.

Le troisième constat porte sur les rapports que le Gouvernement est tenu de remettre au Parlement. Sur ce point également, la situation n’est guère satisfaisante, même si elle n’est pas nouvelle.

Comme chaque année, nous observons moins de diligence dans la production des rapports que dans la publication des décrets, malgré les rappels quasi incantatoires du Parlement.

Une statistique annuelle n’aurait pas grand sens, mais, si l’on considère la totalité des lois adoptées depuis 1980, le Parlement aurait dû se voir remettre plus de 500 rapports. Or il n’en a reçu que 245, soit un taux global inférieur à 50 %.

Cependant, comme l’ont souligné à juste titre plusieurs membres de la commission, n’avons-nous pas une part de responsabilité, en tant que parlementaires, dans cette situation ? Le Parlement ne demande-t-il pas trop de rapports ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Par ailleurs, sommes-nous certains que ceux qui nous sont remis chaque année sont lus et exploités de manière optimale ? Puisque nous ne les exploitons pas, le Gouvernement ne se sent pas obligé de les remettre : c’est un cercle vicieux.

Quittant maintenant le terrain des statistiques, j’en viens à des réflexions plus générales sur le contrôle de l’application des lois, dont j’ai rappelé l’importance au début de mon propos.

Je suis tenté de dire que le contrôle parlementaire est aujourd’hui à un tournant majeur et s’oriente de plus en plus vers l’évaluation, avec en ligne de mire une simplification du droit, une modernisation de l’action publique et une amélioration qualitative de notre environnement normatif.

Pour accompagner cette évolution, nous devons engager une démarche ambitieuse consistant à nous interroger sur le « bon rendement législatif » des textes que nous votons. L’enjeu est de taille. Chaque avancée que nous pourrons favoriser dans cette voie renforcera la confiance de nos concitoyens dans l’institution parlementaire, en particulier dans le Sénat qui, moins tenu par la logique majoritaire que l’Assemblée nationale, a toujours été un précurseur en matière de contrôle.

La création de cette commission pour le contrôle de l’application des lois s’inscrit dans cette logique. Hormis la veille réglementaire, elle est en effet avant tout en charge d’évaluer les législations existantes pour faciliter le travail des commissions permanentes et celui du Sénat quand la Haute Assemblée est saisie de projets modifiant le droit en vigueur.

C’est dans cet esprit que nous nous efforçons de « coller » au mieux aux rendez-vous législatifs en cours, en évaluant telle ou telle législation dont la refonte s’annonce imminente.

Ainsi, au mois de mars 2013, nous avons présenté un bilan de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », avant de légiférer à nouveau sur l’enseignement supérieur. Ce travail d’évaluation réalisé par un binôme gauche-droite qui s’est accordé sur un certain nombre de constats a permis des rassemblements inattendus au cours de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche adopté par le Sénat dans la nuit de vendredi à samedi dernier.

De même, nous présenterons dans quelques jours le bilan du régime de l’auto-entreprise, ce qui devrait nous permettre de travailler de façon beaucoup plus efficace sur ce dispositif et d’alimenter le débat public, au-delà des idées reçues, en nous appuyant sur des diagnostics très précis établis par Mme Dini.

Au total, nos travaux, généralement confiés à des binômes de rapporteurs de sensibilité politique différente, ont déjà permis de produire dix rapports d’information depuis 2012 ; trois ou quatre autres seront remis dans les semaines qui viennent. Ils ont porté sur le fond, au-delà des statistiques, sur les conséquences de l’application de la loi, les effets pervers que le législateur n’avait pas prévus, les moyens qui ont manqué… Tout cela nous a beaucoup appris.

J’observe que de nombreuses études d’impact se présentent encore comme une sorte d’exposé des motifs bis, dont l’utilité réelle est, de ce fait, assez limitée. Pourtant, l’étude d’impact est une avancée très importante. Elle est peu utilisée, mal produite, alors qu’il s’agit d’un élément majeur pour élaborer la loi en toute connaissance de cause en mesurant les effets qu’elle aura concrètement une fois adoptée.

Dans le même temps, après le vote de la loi, les travaux d’évaluation font peu référence à ce document, sans doute parce que ses auteurs n’y avaient pas intégré, dès le départ, des critères d’évaluation quantitatifs et qualitatifs, au regard desquels on pourrait déterminer si, oui ou non, la loi a bien atteint ses objectifs. J’en déduis qu’il faudrait peut-être reconsidérer le contenu des études d’impact pour pouvoir en tirer un meilleur parti.

Le Gouvernement comme le Parlement auraient intérêt à placer plus directement les études d’impact au service de cette « culture du contrôle et de l’évaluation » dont je recherche l’émergence, comme vous l’avez souhaité, monsieur le président du Sénat, en proposant la création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Pour conclure, je remercie chacune des sept commissions permanentes du travail considérable de contrôle de parution des décrets d’application qu’elles effectuent tout au long de l’année. Sans elles, l’élaboration de ce rapport annuel dont je vous présente les conclusions serait impossible, puisqu’il est la synthèse de leurs rapports respectifs.

Je tiens également à saluer le climat de confiance établi avec les autorités gouvernementales concernées ; je pense, en particulier, au ministre chargé des relations avec le Parlement et au secrétariat général du Gouvernement. Loin de moi l’idée d’être tendancieux, je dois à cet égard souligner que, au cours des derniers mois du gouvernement Fillon, M. Ollier a établi avec la commission que je préside un dialogue ouvert et une collaboration particulièrement fructueuse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme nous le savons tous, le droit est depuis des années l’objet de critiques récurrentes, parfois excessives mais pas toujours infondées. Simplifier les normes et les rendre plus performantes est donc à mes yeux une démarche salutaire pour restaurer la confiance dans l’État et dans ses institutions.

Ce chantier est désormais ouvert ; à tous les niveaux, du plus haut sommet de l’État aux élus locaux, cette nécessité commence à s’imposer. Cela répond aux attentes de nos concitoyens et, si beaucoup de chemin reste à parcourir, je reste optimiste : la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, capitalisant l’expérience acquise par la Haute Assemblée, est fière d’y apporter sa contribution. §

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation à cette séance consacrée à l’examen du rapport d’activité de la commission pour le contrôle de l’application des lois qui est, je le souligne, une heureuse particularité de votre Haute Assemblée.

Ce deuxième débat, après un premier débat tenu ici même le 7 février 2012, illustre une considération que je sais largement partagée sur vos travées : le contrôle parlementaire moderne implique l’évaluation des lois adoptées comme des choix de politiques publiques. Contrôler l’application des lois est ainsi devenu une des modalités à part entière de la mission de contrôle de l’action du Gouvernement telle qu’elle est désormais explicitement énoncée dans les compétences du Parlement depuis la révision constitutionnelle de 2008.

En ce domaine, le Sénat avait été précurseur en créant dès 1971 la base informatique « APLEG » qui permet de suivre la parution des décrets d’application par les commissions permanentes compétentes. La création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, en 2011, répondit au même objectif : contribuer à une culture de l’évaluation et du contrôle, en amont comme en aval du travail législatif. C’est là un changement de culture pour le Parlement et ce mouvement ne peut plus s’arrêter désormais.

Il faut bien constater, avec le recul, que cette création fut une excellente initiative, puisque cette jeune commission a déjà présenté dix rapports d’information qui ont souvent fait l’objet de débats en séance publique.

Cette initiative du bureau du Sénat a en outre entraîné la mobilisation du Gouvernement, afin que celui-ci soit en mesure de vous répondre de façon utile et pertinente. Élément central du suivi des réformes comme de la réalisation effective du programme du Président de la République, l’application de la loi tout autant que son élaboration retiennent désormais l’attention personnelle des membres du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, faire en sorte que la loi s’applique sans délai est en effet une exigence démocratique. Afin de garantir aux sujets de droit une légitime sécurité juridique – il peut s’agir de nos concitoyens, mais aussi de nos entreprises comme de nos collectivités locales –, il est indispensable que la période qui sépare la publication de la loi de l’intervention des mesures réglementaires d’application soit limitée.

Une circulaire interministérielle du précédent gouvernement a fixé l’objectif consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de la loi. La continuité de l’État nous a amenés à considérer et à rappeler que cet objectif devait être maintenu et respecté.

Afin de mobiliser au niveau politique adéquat les membres du Gouvernement, je préside le comité interministériel de l’application des lois, le CIAL, qui est l’interlocuteur naturel de la commission.

Au plan politique, notre travail consiste à vérifier, puis à décider, texte après texte, soit d’abroger les dispositifs législatifs non entrés en vigueur, soit d’assumer l’héritage et de prendre les mesures d’application qui s’imposent. Beaucoup a déjà été fait en une année, mais nombre de chantiers restent encore à achever.

Cette année, notre échange ne se focalisera pas sur la comptabilisation et les taux, puisque nous avons déjà corrigé l’an dernier un décalage de dates. Cette année, grâce aux propositions d’harmonisation de méthodologie, les bases du Sénat et du secrétariat général du Gouvernement ont pu converger. Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des services de leur implication.

Le rapport dont nous examinons les conclusions couvre donc la période du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012. J’apprécie particulièrement que, tout en restant fondé sur une approche précise des principaux indicateurs de la mise en application des lois, ce document s’attache à mettre en exergue les principales tendances qui se dégagent en leur conférant une lecture institutionnelle indispensable.

Monsieur le président, je partage les analyses de votre commission. Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour établir des statistiques significatives concernant l’application des lois votées depuis le début de la XIVe législature, c’est-à-dire à compter du 20 juin 2012, mais la tendance est plutôt favorable, alors même que le délai de six mois assigné au Gouvernement pour publier ses textes d’application n’est même pas encore expiré pour la plupart des lois adoptées depuis le début de la présente session ordinaire.

À cet égard, trente-sept lois ont été promulguées à ce jour, parmi lesquelles quatorze sont d’application directe et vingt-trois appellent des décrets d’application.

Relevons d’ores et déjà que 100 % des décrets ont été pris pour la loi du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière ou pour la loi portant création du contrat de génération.

S’agissant de la fin de la XIIIe législature, période de référence de notre débat de ce soir, le Gouvernement a, via le comité interministériel, maintenu une pression toute l’année, au point que 90 % des lois de la session 2011-2012 sont aujourd’hui en application partielle ou totale.

Je sais que le Sénat accorde une attention particulière au suivi des dispositions législatives issues de propositions de lois et d’amendements parlementaires, pour s’assurer que le Gouvernement manifeste à leur endroit la même considération réglementaire et la même diligence qu’il témoigne à ses propres textes.

Je vous prie de croire que le ministre chargé des relations avec le Parlement que je suis, qui fut lui-même parlementaire pendant plus de vingt ans, se montre particulièrement attentif à votre préoccupation.

D’après les informations dont je dispose et qui concordent avec celles qui viennent d’être exposées, les textes issus de l’initiative parlementaire ne sont pas plus mal traités que les lois d’origine gouvernementale, même si je dois admettre que les textes de l’Assemblée nationale ont une légère avance sur ceux du Sénat. Nous essaierons d’y remédier, mais cela tient pour une part essentielle aux prérogatives dont dispose l’Assemblée nationale sur certains textes, notamment ceux qui sont de nature financière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu vos remarques – vos critiques ! – concernant le recours à la procédure accélérée. Chacun reconnaîtra qu’il s’agit d’une adresse récurrente, quelle que soit la majorité.

Cette interrogation prend toutefois ici une dimension particulière si l’on met en corrélation le fait que le Gouvernement demande au Parlement d’examiner des projets ou propositions de loi selon la procédure accélérée, alors que les décrets d’application de ces mêmes lois attendent plusieurs mois avant d’être publiés. On pourrait trouver là une contradiction manifeste.

Je peux toutefois vous apporter une précision : sur les 259 lois votées au cours de la XIII législature, 87 étaient d’application directe et 172 appelaient des décrets d’application.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Sur ces 172 lois, le taux voté selon la procédure accélérée s’élève à 41 %, le taux d’application des lois votées selon cette même procédure étant légèrement supérieur à celui des textes adoptés selon le droit commun : 91 % contre 90 %.

Il s’agit d’ailleurs d’un point que le rapport évoque, si l’on veut bien comparer les taux d’application des lois votées après engagement de la procédure accélérée et les lois de ces dernières années.

Jusqu’à une période relativement récente, les commissions permanentes avaient toujours déploré que la cadence rapide imposée dans la phase d’examen parlementaire n’ait pas été maintenue en aval, les ministères concernés ne faisant pas toujours preuve de la même célérité dans la publication des textes. Il existe donc bien un effet de rattrapage qui n’est pas négligeable.

Lors du premier comité interministériel d’application des lois qui s’est tenu au mois de juillet 2012, instruction a été donnée aux ministères de recenser les mesures de la XIIIe législature en attente de décret qui ne pourraient aboutir techniquement ou pour toute autre raison et d’identifier un vecteur législatif d’abrogation.

Cette ligne de conduite s’inscrit dans un souci de qualité du droit, de sécurité juridique et de transparence, mais se révèle plus difficile à mettre en œuvre pour les lois antérieures à 2007.

J’ai bien entendu la suggestion consistant à adopter une loi d’abrogation des lois. Un tel dispositif nécessiterait clairement un consensus politique. Je pense en effet que l’expérience que nous partageons des véhicules de M. Warsmann, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a été différemment appréciée : il ne serait pas souhaitable de créer à nouveau des textes fourre-tout qui deviennent ingérables pour le Parlement comme pour le Gouvernement.

Toutefois, la question de l’abrogation devra être envisagée si les différents départements ministériels ne parviennent pas à identifier des véhicules idoines d’abrogation, car, s’agissant des lois récentes - je ne parle pas ici, par exemple, de la fameuse législation sur le port du pantalon féminin !

Sourires

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

À cet instant de notre débat, je ne poursuivrai pas plus loin sur le sujet de la stricte question de l’application des lois afin d’apporter précisément aux prochains orateurs des éléments d’appréciation sur les lois relevant de leurs commissions.

Je tiens toutefois à revenir sur l’obligation de dépôt des rapports, point soulevé dans le rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Le président de cette commission a, fort judicieusement, décrit une situation dans laquelle les rapports sont bien remis, mais souvent en retard, pour n’être guère exploités par la suite.

Jean-Jacques Hyest s’est interrogé en commission : « Faut-il vraiment demander un rapport à chaque article de loi, à défaut de pouvoir proposer une mesure à laquelle on opposerait l’article 40 ? » Il a conclu en se demandant s’il ne vaudrait pas mieux se contenter des rapports qui sont vraiment utiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le premier alinéa de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit prévoit la présentation d’un rapport du Gouvernement au Parlement, à l’issue d’un délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur d’une loi.

De même, sur le fondement de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tout projet de loi de financement de la sécurité sociale est accompagné d’un rapport rendant compte de la mise en œuvre des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année en cours. Convenons-en, ce dernier rapport, dont le délai de dépôt est en phase avec les spécificités liées à la loi de financement de la sécurité sociale, fait double emploi avec l’obligation de dépôt de rapport de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004.

Au titre de la XIIIe législature, 164 rapports étaient attendus ; 131 ont été déposés, soit 80 % du total escompté. Restent 33 rapports, dont certains ont perdu beaucoup de leur pertinence politique : il n’est que de songer, par exemple, à la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

En dehors des rapports dits « de l’article 67 », un très grand nombre de dispositions législatives imposent au Gouvernement de présenter au Parlement, soit en annexe du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit séparément de manière ponctuelle ou périodique, différents rapports d’information ou d’application.

Il faut ainsi avoir conscience que les lois de la XIIIe législature ont généré l’obligation de déposer plus de 400 rapports, hors article 67.

Il faut convenir que ce n’est pas spécifique à la XIIIe législature. Ainsi, la loi relative à la sécurisation de l’emploi, publiée dernièrement, comprend vingt-sept articles et prévoit la transmission de seize rapports au Parlement ; en d’autres termes, plus d’un article sur deux tend à la remise d’un rapport ! Mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de vous demander de partager mes interrogations.

Je sais que, cette année, les commissions permanentes s’accordent à déplorer le retard de transmission. Il est vrai que deux maux frappent ces rapports.

En premier lieu, ces rapports sont remis avec retard au Parlement.

Ainsi, au cours de la session 2011-2012 proprement dite, c’est-à-dire entre le 1er octobre 2011 et le 30 septembre 2012, le Sénat a reçu quarante-quatre rapports « de l’article 67 », soit exactement le double des rapports enregistrés au cours du précédent exercice 2010-2011. Le délai légal de six mois n’a été respecté que trois fois cette année, situation malgré tout en légère amélioration par rapport à l’année précédente lors de laquelle le délai légal n’avait jamais été respecté !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Ainsi peut-on citer le rapport sur la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, publié plus de cinq ans après la promulgation.

Dès lors, il convient de s’interroger sur la pertinence de l’objectif de six mois fixé par le législateur de 2004. Il s’agit, je crois, d’une réflexion que nous devons conduire ensemble afin de faire concorder la norme avec la réalité de son application, près de dix ans après son instauration.

En second lieu, les rapports de l’article 67 ont un contenu hétérogène : certains fournissent un ensemble d’informations assez détaillées et directement exploitables, notamment la liste des textes réglementaires d’application restant à prendre et, s’il y a lieu, les motifs pouvant justifier le retard pris ; d’autres se contentent d’un simple catalogue de mesures sans commentaires explicatifs.

Là encore, notre réflexion doit cheminer de concert afin de calibrer obligation de rapport, délai de dépôt et contenu des informations transmises.

Si l’on souhaite que le Parlement puisse bien contrôler, il doit être bien informé et non englouti par des informations, certes nombreuses, mais obsolètes ou inadaptées.

Je conclurai en abordant la synchronisation de nos travaux pour accompagner les actions du Gouvernement en vue d’une simplification et d’une modernisation de notre environnement normatif.

Depuis une vingtaine d’années, la construction du droit est l’objet de critiques récurrentes, parfois excessives, mais pas toujours infondées.

Il faut bien admettre que, au fil des textes, notre droit tend à devenir de plus en plus complexe, voire instable pour ses usagers.

À cette fin, le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, présidé par le Premier ministre, a pris plusieurs décisions qui me semblent entrer dans le champ des préoccupations de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Il s’agit en particulier des mesures très exigeantes pour endiguer l’inflation normative sur la base du principe « un pour un » - une norme créée, une norme supprimée – retenu dans la décision n° 16, mais également pour renforcer l’efficacité des études d’impact, comme le précise la décision n° 17.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en créant des égaux, la loi cimente et justifie notre société. Dès lors, sa fabrique doit être exigeante, sûre, vérifiée et vérifiable.

La première condition de notre égalité républicaine est l’effectivité de la loi. Notre premier dessein doit donc être la recherche de l’infaillibilité de cette effectivité.

Je forme le vœu que les travaux de votre commission nous permettent collectivement d’accomplir l’objectif posé par le philosophe anglais John Locke qui, dans son Traité du gouvernement civil, estimait « qu’il n’est pas toujours nécessaire de faire des lois, mais qu’il l’est toujours de faire exécuter celles qui ont été faites. » §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, pour la deuxième année, un débat est organisé en séance publique sur le bilan de l’application des lois, ce dont je me félicite.

Je suis en effet convaincu que, à travers des coopérations fructueuses entre les commissions permanentes et la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, nous pouvons enrichir de façon significative la fonction de contrôle des assemblées parlementaires. J’aurai l’occasion d’y revenir dans la suite de mon propos.

Cette année, deux modifications importantes ont eu une incidence sur le contexte dans lequel a été établi le bilan d’application que je vous présente.

La première modification concerne la période prise en compte, dont les bornes ont été ajustées pour établir un nouveau calendrier, comme cela a été développé tout à l'heure par David Assouline.

La seconde modification porte sur le périmètre des lois suivies par la commission que je préside. En effet, la partition de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, décidée par l’adoption de la résolution du 19 décembre 2011 portant modification du règlement du Sénat, a entraîné une redistribution entre les deux nouvelles commissions - affaires économiques et développement durable - du stock des lois dont l’ancienne commission de l’économie assurait jusqu’à présent le suivi réglementaire.

Ces deux modifications substantielles rendent très difficile toute comparaison avec les bilans dressés précédemment. Pour autant, en m’appuyant sur l’analyse des textes d’application des vingt-quatre lois dont le suivi a été confié à la commission des affaires économiques en fonction de ses champs de compétences nouvellement définis, je présenterai un bilan qualitatif et formulerai quelques préconisations.

Sur ces vingt-quatre lois, quatre ont été adoptées au cours de l’année parlementaire de référence. Il s’agit d’un chiffre relativement faible, imputable, comme vous le savez, mes chers collègues, à l’interruption prolongée des travaux parlementaires en raison des élections présidentielle, puis législatives ; toutefois, compte tenu du rythme auquel nous examinons les projets de loi, peut-être rattraperons-nous ce retard ! §Il s’agit de la loi relative aux certificats d’obtention végétale, de la loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, de la loi relative à la majoration des droits à construire et de celle qui vise précisément à abroger cette dernière.

Les deux textes relatifs à la majoration des droits à construire étaient d’application directe. On peut cependant regretter que la loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique soit encore aujourd’hui, quinze mois après sa promulgation, totalement inapplicable, alors qu’un seul décret en Conseil d’État est attendu.

Je ne peux que rappeler qu’il s’agit d’une loi d’origine parlementaire, provenant, cette fois-ci de l’Assemblée nationale, mais un texte quasiment identique avait été déposé par notre collègue Ladislas Poniatowski. Malgré ce consensus parlementaire, l’administration ne semble pas se précipiter pour chausser ses bottes et rédiger les textes d’application...

Je regrette également que la loi relative aux certificats d’obtention végétale ne soit, à ce jour, toujours applicable qu’à hauteur de 12 %. On peut d’autant plus dénoncer cette lenteur qu’il s’agit, là encore, d’un texte d’initiative sénatoriale, déposé par notre collègue Christian Demuynck. Certes, ce texte n’a pas fait l’objet du même consensus politique que la loi portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, comme en témoigne le débat qui a eu lieu dans cet hémicycle le 27 mars dernier, mais, a priori, le ministre de l’agriculture s’est engagé à publier prochainement les décrets à l’issue d’une concertation avec les parties prenantes, et je sais qu’elle a lieu. Je souhaite, monsieur le ministre, avoir confirmation de cet engagement.

Je souhaite également insister sur le fait qu’une majorité de nos lois en stock n’est que partiellement applicable, ce qui est loin d’être satisfaisant. Dans certains cas, d’importants retards sont à déplorer. Il en est ainsi de la loi de 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, qui n’est applicable qu’à hauteur de 88 %, et de la loi, également de 2005, relative à la régulation des activités postales – la durée des débats sur ce texte nous laisse à tous un souvenir particulier –, applicable à seulement 80 %.

La loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation n’est, quant à elle, applicable à ce jour qu’à hauteur de 89 %. Même si les mesures restant à prendre ne portent pas sur les aspects fondamentaux du texte, il faut déplorer que les modalités de procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires des mutuelles et des institutions de prévoyance ne puissent, faute de mesures réglementaires, être concrètement envisagées.

Dans quelques jours, nous commencerons l’examen du projet de loi relatif à la consommation, dans lequel un amendement du Gouvernement a introduit le registre national des crédits aux particuliers. Il eut été peut-être pertinent de pouvoir évaluer auparavant l’efficacité de tous les dispositifs précédents, plus simplement de la loi dite « Lagarde ».

Comme l’année dernière, je tiens également à déplorer les « défaillances » de l’administration s’agissant du dépôt des rapports au Parlement prévus par les différents textes de loi. Et la remise de tels rapports n’est pas plus effective lorsqu’il s’agit d’une disposition initiale du Gouvernement. Tout le monde est donc logé à la même enseigne, monsieur le ministre, mais cela donne à réfléchir : il faut absolument combattre cette solution de facilité qui consiste à prévoir un rapport sur un dispositif qui ne peut être adopté dans la loi. Je ne reviendrai pas sur le débat relatif au nombre de rapports demandés : vous connaissez ma position. Il me semble regrettable de réclamer la remise d’un rapport sur un texte relativement important dans les six mois suivant son entrée en vigueur, car on sera incapable non seulement de le produire, mais aussi d’évaluer les effets proprement dits de la loi.

Je constate encore que le projet de loi relatif à la consommation tel qu’adopté ces jours-ci par la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale n’échappe pas à ce travers.

Pour notre bilan 2011-2012, les chiffres sont éloquents : sur les 52 rapports prévus par les 24 lois suivies par notre commission des affaires économiques, seuls 20 avaient été déposés au 31 mars dernier ! Certains rapports attendus sont prévus par des lois datant de 2004... Or 7 rapports prévus par la loi de 2008 de modernisation de l’économie n’ont, par exemple, toujours pas été déposés.

Cette remarque m’amène, comme la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, à m’interroger sur le devenir de mesures législatives anciennes, qui, au bout de sept ou huit ans, ne sont toujours pas applicables. À titre d’exemple, je citerai, dans le secteur de l’énergie, la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique : a priori, trois décrets en Conseil d’État sont encore attendus pour appliquer les articles 60, 94 et 100 et l’administration a fait part de ses interrogations sur le bien-fondé même de ces dispositifs et sur les risques d’effets contre-productifs, liés à l’évolution du contexte économique, des technologies, que je peux comprendre. Mais dans un tel cas de figure, il faut supprimer les mesures en cause ! Le statu quo au bout de huit ans n’est plus acceptable et il faut éventuellement que le Gouvernement propose une modification de la loi elle-même si la nécessité d’adapter ces dispositifs s’impose. À propos également du domaine de l’énergie, lors de la discussion de la future loi sur la transition énergétique, ne pourrait-on pas faire le ménage sur les lois antérieures ?

Bien plus, lorsque de tels retards sont constatés, ne faudrait-il pas engager une réflexion sur « l’obsolescence » de telle ou telle mesure législative en déshérence ? C’est pourquoi j’ai déjà proposé à maintes reprises dans cette enceinte que les textes soient « biodégradables » au bout de cinq ans si l’ensemble des décrets ne sont pas parus et appliqués. Je le reconnais, mon propos est quelque peu provocateur, mais il faut fixer un délai raisonnable de parution des décrets, faute de quoi plus personne ne saura quelles dispositions de la loi en question sont réellement applicables. Bien sûr, je connais l’adage selon lequel nul n’est censé ignorer la loi, mais comment comprendre celle-ci lorsque les décrets d’application ne sont pas parus ?

En conclusion, je souhaite insister sur la coopération très intéressante qui s’établit en matière de contrôle de l’application des lois, à travers les rapports d’information thématiques confiés à des binômes, voire des trinômes, de sénateurs.

Notre collègue Jean-Jacques Lasserre participe ainsi actuellement, aux côtés de nos collègues Luc Carvounas et Louis Nègre, à la rédaction du rapport sur l’application de la loi de 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, que nous devrions examiner au début du mois prochain.

Au-delà de l’examen strictement quantitatif du bilan des textes d’application, ces rapports permettent d’apprécier l’effectivité de l’application d’une loi au regard des objectifs fixés par le législateur. C’est comme cela que doit s’entendre la fonction de contrôle du Parlement reconnue par la réforme constitutionnelle de 2008. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer les conditions dans lesquelles intervient, pour la deuxième fois au Sénat, ce débat en séance publique consacré au bilan annuel de l’application des lois. Il permet, en effet, de donner un débouché plus concret au suivi des mesures réglementaires d’application effectué de longue date – depuis plus de quarante ans, comme vous le rappeliez tout à l’heure, monsieur le président Jean-Pierre Bel – par les commissions permanentes, ainsi qu’à leurs remarques sur les retards ou les défauts de mise en œuvre.

Le rapport, très complet, publié par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois dresse la synthèse de ces observations et les met en perspective.

Cette année, – le président de cette commission, David Assouline, l’a souligné – ce document est accompagné de réflexions plus larges, qui appellent à développer l’évaluation de la législation, à laquelle le Sénat contribue en menant des travaux de contrôle ciblés et approfondis sur des textes ou des problématiques spécifiques. Ces réflexions soulignent également la nécessité de travailler afin que la loi soit de meilleure qualité. Comme vous, monsieur le ministre, je considère qu’il ne faut plus de loi fourre-tout. À cette fin, je suis convaincue de l’utilité des échanges réguliers qui se sont établis entre la commission sénatoriale et l’exécutif, notamment avec le ministre chargé des relations avec le Parlement et le Secrétaire général du Gouvernement.

J’en viens maintenant aux aspects – c’est ce qui justifie ma présence ce soir parmi vous, mes chers collègues – relevant plus particulièrement du champ de compétence de la commission des affaires sociales, que j’ai l’honneur et le grand plaisir de présider.

Au cours de la période de référence retenue pour ce bilan, le Parlement a adopté douze lois examinées au fond par notre commission, soit un niveau inégalé depuis la session 2007-2008.

On constate, tout d’abord, que les efforts réalisés ces dernières années par le pouvoir exécutif pour assurer la mise en œuvre effective des dispositions législatives se sont poursuivis, ce qui se traduit par des niveaux d’application plus élevés qu’il y a sept ou huit ans.

Sur les douze lois que j’ai mentionnées, cinq sont applicables en totalité. Cette proportion de textes applicables dans l’année qui suit leur adoption est parmi les plus élevées enregistrées ces dernières années, même s’il faut souligner qu’une loi, qui revêt à nos yeux une grande importance, à savoir celle qui est relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations, n’est toujours pas applicable, alors qu’elle a été votée par notre assemblée à l’unanimité.

Au total, sur les 152 mesures d’application prévues par ces textes législatifs, près d’une centaine est intervenue entre le 1er janvier 2012 et le 31 mars 2013, soit un taux de 64 %, qui s’inscrit, lui aussi, dans la fourchette haute des résultats constatés lors des dernières sessions.

Autre motif de satisfaction, déjà souligné par le président Assouline, alors que neuf des douze lois étudiées étaient d’origine parlementaire, elles sont sensiblement appliquées au même niveau que les lois d’origine gouvernementale : le taux d’application des textes s’établit respectivement à 60 % pour les propositions de loi et à 66 % pour les projets de loi. Monsieur le ministre, j’ai bien pris note de l’inégalité qui persiste entre les deux assemblées, et je vous fais confiance pour essayer de la pallier.

En revanche, moins de la moitié des mesures d’application relatives aux textes relevant de notre commission sont intervenues dans le délai de six mois suivant la promulgation de la loi qui avait été fixé par le précédent gouvernement et que vous avez confirmé, monsieur le ministre. Cet objectif paraît donc toujours assez ambitieux au regard des pratiques constatées.

Pour que ce bilan soit le plus complet possible, il faut ajouter que, durant la période de référence, sont également intervenues cinquante-quatre mesures réglementaires se rapportant à des lois promulguées antérieurement et relevant du champ de compétence de notre commission des affaires sociales. Les lois de financement de la sécurité sociale figurent ainsi parmi les textes bénéficiant des meilleurs taux d’application. C’est le cas aussi de deux textes majeurs adoptés sur l’initiative du précédent gouvernement : la loi portant réforme des retraites et la loi HPST, « hôpital, patients, santé, territoires », dont les taux d’application se situent autour de 90 %.

Ce bilan porte sur des textes adoptés sous la précédente législature. Je rejoins, à ce sujet, l’analyse figurant dans le rapport du président Assouline sur l’incidence de l’alternance politique en matière de parution des textes d’application.

On constate, en premier lieu, que le gouvernement précédent s’est logiquement attaché à édicter de nombreux textes d’application avant l’échéance du mois de mai 2012, ce qui a joué positivement sur les statistiques que je viens d’évoquer.

Le rythme de parution s’est ensuite ralenti, mais il a repris à partir de septembre 2012, permettant l’application de dispositions votées sous la précédente législature, comme celles qui sont relatives au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, ou à la sécurité sanitaire du médicament.

Quelques dispositions antérieures au mois de mai 2012 qui étaient en attente d’application ont été abrogées ou modifiées depuis lors par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ou par d’autres textes. Leur nombre est toutefois assez limité.

Finalement, sur un plan strictement quantitatif, le changement de Gouvernement ne semble pas avoir eu d’impact majeur sur le niveau de publication des textes d’application.

Dans certains cas, les changements de priorité ou la préparation de futures réformes peuvent conduire à suspendre le processus de mise en œuvre des mesures réglementaires. Je pense à des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui concernaient l’aide à la complémentaire santé ou l’attribution par les agences régionales de santé de « primes » aux établissements de santé ayant atteint leurs objectifs. Les réflexions lancées sur l’hôpital ou sur la couverture complémentaire santé pourraient justifier que la mise en œuvre de ces dispositions soit mise en suspens.

Mais ces considérations politiques légitimes n’expliquent pas, loin de là, l’essentiel des défauts de parution.

Comme les années précédentes, la commission des affaires sociales a constaté une distorsion assez sensible, en matière d’application, entre les dispositions qui figuraient dans le texte d’origine et celles qui ont été introduites par amendement parlementaire.

On peut donc relever une plus grande difficulté, ou, peut-être, un moindre empressement, à mettre en œuvre les mesures introduites par voie d’amendement au cours de la discussion des textes par les parlementaires.

Ce constat vaut plus encore pour les demandes de rapports inscrites dans nombre de textes législatifs. Sur un total de vingt-deux demandes de rapports figurant dans les douze lois concernées, trois seulement, c’est-à-dire moins de une sur sept, ont été concrétisées à la date du 31 mars, ce qui illustre les limites de ce type de disposition. Ce chiffre est bien inférieur à ceux qui avaient été annoncés. Vous parliez de quelque 50 %, monsieur Assouline. Or les résultats enregistrés par la commission des affaires sociales sont bien en deçà.

Je partage votre réflexion sur l’utilité de ces rapports et de l’application de l’article 40 de la Constitution. Peut-être faudrait-il mener une réflexion plus large sur ces deux questions, qui se recoupent.

Pour terminer, je voudrais mentionner quelques points particuliers. S’agissant de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, qui faisait suite à l’affaire du Mediator, environ 70 % des mesures d’application attendues étaient intervenues au 31 mars. Depuis lors sont parus deux décrets qui touchent à la question sensible de la transparence. C’est ainsi qu’a été instituée une charte de l’expertise sanitaire et qu’ont été précisées les règles relatives aux avantages consentis par les entreprises. Cette loi importante bénéficie donc d’un taux d’application satisfaisant, même si certaines mesures réglementaires sont toujours en attente.

La loi du 28 juillet 2011 sur les MDPH est quant à elle appliquée à 60 %. Néanmoins, l’essentiel des mesures d’application ont été prises assez tardivement, par un décret du 18 décembre 2012. Parmi les mesures en attente figure l’arrêté ministériel qui doit définir le contenu des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre les MDPH, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, le conseil général et l’État.

Je voulais dire un mot de la loi Fourcade du 10 août 2011, modifiant certaines dispositions de la loi HPST, mais je m’en abstiendrai faute de temps ; je le regrette.

Le taux d’application est moins satisfaisant encore pour la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine : seules deux mesures sur neuf ont été prises. Il est regrettable que ce texte d’initiative parlementaire, adopté définitivement trois ans après sa première lecture à l’Assemblée nationale, soit en grande partie privé d’effet.

Enfin, j’ai mentionné au début de mon propos l’inapplicabilité de la loi du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations ; je conclurai sur ce point. Monsieur le ministre, le ministère des affaires sociales nous avait fait savoir que la parution du décret était en bonne voie, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ayant rendu un avis favorable en février. Cependant, cette parution n’est toujours pas intervenue. Je rappelle qu’il s’agit de faciliter la transmission des informations en possession des départements sur les déménagements des familles, ce qui devrait lever un obstacle à la protection de l’enfance en danger. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous donner des assurances quant à la parution prochaine de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le bilan 2011-2012 se caractérise par un nombre de textes en hausse, des lois principalement d’origine parlementaire et des délais de mise en application raccourcis.

Cinq lois relevant de la compétence de notre commission ont été promulguées : la loi du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse ; la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée ; la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs ; la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle ; la loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles.

Une proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, adoptée en première lecture au Sénat le 26 janvier 2011, puis en deuxième lecture le 3 novembre 2011, n’a pas eu de suite à l’Assemblée nationale. La proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans a été presque entièrement frappée par l’article 40 de la Constitution, sur demande du ministre. Ainsi amputée, elle a été retirée par son auteur lors de sa discussion en séance publique.

Sur les cinq lois promulguées, quatre étaient issues de propositions de loi déposées par des sénateurs ou des députés, dont deux par Jacques Legendre. Cela représente un taux d’initiative parlementaire de 80 %. Un seul projet de loi a été soumis à la commission de la culture : il s’agit du projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée. Le gouvernement précédent avait mis en débat des projets sensibles dès le début du quinquennat : universités, audiovisuel, Hadopi. De même, le gouvernement actuel a programmé rapidement l’examen du projet de loi pour la refondation de l’école de la République et du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Par ailleurs, la commission de la culture a rendu deux avis sur des textes législatifs : la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, toujours en cours de discussion, et la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.

J’en viens maintenant aux modalités d’application des lois. Aucune des lois promulguées dans les secteurs de compétence de la commission au cours de la session ordinaire 2011-2012 n’était d’application directe. Deux lois sont devenues applicables. La loi relative à la régulation du système de distribution de la presse, qui vise à moderniser les mécanismes de régulation du secteur de la distribution de la presse institués par la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite « loi Bichet », est devenue totalement applicable.

La commission de la culture a eu l’occasion de compléter ce bilan chiffré en organisant, en mars dernier, des auditions sur la situation du groupe Presstalis. Tous nos interlocuteurs se sont félicités des avancées apportées par la loi relative à la régulation du système de distribution de la presse, dont l’initiative revenait à nos collègues Jacques Legendre et David Assouline. Le dur conflit social qui affectait cette entreprise est en voie de règlement, et je crois que nous avons contribué à l’expression de chacune des parties.

La loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle est également devenue applicable. Son décret d’application a été pris le 27 février 2013.

Deux autres lois sont partiellement applicables : s'agissant de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, trois articles requièrent des mesures d’application, et un seul est devenu applicable ; pour ce qui est de la loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles, la mise en place du passeport biologique demande des mesures d’application. Une seule des deux mesures prévues a été publiée.

Enfin, la loi relative à la rémunération pour copie privée n’est toujours pas mise en application. Un décret en Conseil d’État est prévu mais n’a pas encore été pris ; le Gouvernement avait pourtant engagé la procédure accélérée sur le projet de loi. À ce jour, seul un projet de décret existe. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions quant au calendrier ?

Après avoir dressé ce bilan de la session écoulée, je dirai quelques mots de la précédente législature. Les grandes observations de l’année dernière, en particulier la diminution du délai moyen de mise en application, restent d’actualité. La loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, adoptée juste avant la fin de la période analysée l’année passée, est désormais entrée en application.

S’agissant des lois plus anciennes, je n’ai qu’un élément nouveau à vous apporter : les retards s’accumulent d’autant plus que les textes ont été initiés par des gouvernements précédents. Les priorités politiques ont évolué, les données technologiques aussi, notamment dans le secteur des médias. Pour ne prendre qu’un exemple, il est un peu illusoire de continuer à comptabiliser les textes réglementaires d’application de lois dont la plus ancienne remonte à 1995. Alors que nous avons examiné aujourd’hui même en deuxième lecture le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, les mesures attendues pour l’application de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école n’ont pas toutes été prises. Mais sont-elles toujours d’actualité ?

En revanche, je crois que nous pouvons nous préoccuper du nombre de rapports en attente de parution, qui s’élève à trente et un depuis 2000. Cette absence de publication concerne pour l’essentiel le secteur très sensible de la communication audiovisuelle. À ce bilan quantitatif, qui porte uniquement sur l’activité législative, il faudrait ajouter les neuf rapports publiés dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances et les rapports d’information.

Les conclusions de nos deux missions d’information, l’une sur la carte scolaire et l’autre sur le métier d’enseignant, ont eu des suites. La circulaire sur la rentrée 2013 a modifié les critères de dérogation à l’affectation dans le collège du secteur, et notre collègue Françoise Cartron a rappelé les conclusions de la mission quant à l’utilisation des options rares comme moyen de contournement de la carte scolaire. C’est un bel exemple des suites qui peuvent être données à nos travaux.

L’inscription dans le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, sur l’initiative du Sénat, de la possibilité de créer des secteurs de recrutement communs à plusieurs collèges publics résulte directement d’une proposition que nous avions formulée.

La discussion, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche a fait l’objet de nombreuses références, sur toutes les travées, à nos travaux, et notamment au bilan de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », réalisé au titre du contrôle de l’application des lois, et au rapport sur le financement des universités rédigé par Dominique Gillot et Philippe Adnot au nom, respectivement, de la commission de la culture et de la commission des finances.

Le texte a également été enrichi par les travaux de différentes commissions et missions : l’obligation de publication des diplômes préparés par les établissements d’enseignement, destinée à prévenir la création de formations qui ne correspondent à aucune réalité, a été insérée dans le projet de loi sous la forme d’un article additionnel traduction d’une proposition de la mission commune d’information sur les interventions à visée esthétique et de la commission d’enquête sur les dérives sectaires. C’est également dans la droite ligne de ses conclusions que nous avons adopté un amendement présenté par Jacques Mézard et Alain Milon, respectivement rapporteur et président de cette commission d’enquête, qui visait à interdire aux professionnels radiés de faire état de leurs titres de docteur. Je citerai un dernier exemple : le renforcement des missions du service de santé aux étudiants, qui fait suite aux travaux de Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon.

C’est dire l’importance du véritable outil de suivi des recommandations formulées par les différentes instances de travail et de contrôle permanentes ou temporaires dont nous disposons désormais.

Je tiens à mentionner également notre souci constant de rester vigilants au sujet des discriminations de genre, que nous traquons dans chacun des textes que nous étudions, en collaboration avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Adoption, évaluation, définition de perspectives d’évolution, révision éventuelle. Mes chers collègues, sans utiliser une langue qui vous froisserait, je pense que nous aurions tous intérêt à trouver des modalités d’exposé écrit des faits – tableaux, rapports, nombres – et à nous contenter de développer nos commentaires à cette tribune, afin de rendre une telle soirée plus vivante l’année prochaine. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le président de la commission du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je voudrais saluer à mon tour le travail réalisé par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois sous l’impulsion énergique de son président, David Assouline.

Votre rapport, cher collègue, effectue une synthèse très instructive des observations de nos différentes commissions. Il met en évidence la nécessité d’un suivi attentif de l’application des lois : cette application doit être à la fois effective et conforme à la volonté du législateur.

Cette procédure de contrôle, spécifique à notre assemblée, traduit bien l’intérêt qu’attache, à juste titre, le Sénat à la mise en œuvre des textes votés par le Parlement. Malheureusement, nous connaissons tous des lois qui, faute de décrets, ne peuvent être appliquées, ou, à l’inverse, des décrets qui s’éloignent manifestement de l’intention du législateur. Il est important que nous nous saisissions de ces dysfonctionnements et que nous demandions des explications au Gouvernement. En effet, ce « service après-vote » fait partie de nos missions.

C’est la première fois que la commission du développement durable, âgée d’à peine plus d’un an, dresse un tel bilan. Notre travail de suivi ne s’est pas limité aux seuls textes législatifs dont notre commission a été saisie. Lors de la scission de l’ancienne commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons, avec M. Daniel Raoul, réalisé un travail très précis de répartition des textes entre nos deux commissions selon nos domaines de compétences respectifs.

Au total, la commission du développement durable a procédé cette année à une veille sur dix-sept lois. Trois d’entre elles ont été adoptées depuis la publication du précédent rapport sur l’application des lois.

Sur un plan quantitatif d’abord, voici quelques chiffres.

Sur les 17 lois examinées, 2 sont totalement applicables. Ainsi, toutes les mesures réglementaires d’application ont été prises pour la loi du 5 décembre 2011 relative au plan d’aménagement et de développement durable de Corse et la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

Par ailleurs, 15 lois sont partiellement applicables, dont 11 à plus de 75 %. Deux lois méritent en particulier d’être mentionnées. La première est la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ». Pour cette loi, applicable à 87 %, de nombreux textes d’application ont été publiés cette année sur les quelque 200 mesures réglementaires attendues. La seconde est la loi du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France, dont les principaux textes d’application ont été très rapidement publiés, traduisant ainsi la préoccupation largement consensuelle d’une nécessaire relance de la voie d’eau dans notre pays.

Enfin, aucune loi n’est totalement inapplicable, ce qui est naturellement satisfaisant, mais surtout bien normal.

D’une manière générale, nous avons observé une tendance à l’amélioration du taux d’application des lois votées.

Il est impossible d’établir des comparaisons chiffrées cette année, car la période de référence du rapport a été modifiée. Mais cette tendance, qui avait déjà été observée dans les deux ou trois précédents rapports, semble se poursuivre, et c’est une très bonne chose.

Une véritable prise de conscience de cette nécessité s’opère à Matignon et dans les ministères – vous nous le confirmerez, monsieur le ministre. Cette amélioration reste toutefois fragile. Les efforts accomplis par les services ministériels doivent donc se maintenir et le nouvel élan donné au suivi de ces mesures par la commission pour le contrôle de l’application des lois doit les inciter à continuer.

Trois motifs d’insatisfaction ont néanmoins été soulignés par notre commission.

Le premier, hélas récurrent, est celui du taux d’application des lois votées après engagement de la procédure accélérée. Une fois de plus, on ne constate aucune différence entre ce taux et celui qui est enregistré pour les lois pour lesquelles la procédure parlementaire normale a été suivie.

Je prendrai pour exemple une loi récente, la loi du 22 février 2012 portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports. En treize mois, seules cinq des dix mesures réglementaires prévues ont été prises, aboutissant ainsi à un taux d’application de 50 % seulement. Or cette loi, qui était attendue, revêt une importance réelle pour les ports et l’économie des territoires ultramarins.

Un deuxième sujet de préoccupation est l’insuffisance du nombre de rapports publiés sur le total de ceux que le Gouvernement doit remettre au Parlement, en application de dispositions législatives. Ainsi, sur les 40 rapports prévus par les lois dont nous avons assuré le suivi, seuls 23 avaient été publiés au 31 mars 2013. Nous attendons encore, notamment, 8 rapports dont l’élaboration est prévue dans la loi Grenelle 2 et 3 rapports issus de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

Le troisième point problématique, sans doute le plus important, est le nombre encore trop élevé de lois partiellement applicables. Il y en a 15 parmi les 17 lois dont nous avons assuré la veille.

Je ne peux pas toutes les mentionner ici, mais je voudrais évoquer quelques exemples qui me paraissent emblématiques de ce non-respect de la volonté du législateur. Nous attendons, depuis 2001, le décret permettant la création d’un fichier des bateaux de navigation intérieure. Nous attendons, depuis 2002, le décret en Conseil d’État sur la sécurité des ouvrages d’infrastructures de navigation intérieure. Plusieurs décrets d’application de la loi de 2006 concernant le transport maritime ne sont toujours pas pris. La loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est en panne.

Certes, plusieurs textes législatifs annoncés devraient permettre d’avancer sur ces sujets, par exemple dans le domaine du numérique ou dans le cadre de la réforme ferroviaire. Mais la mise en œuvre de ce que nous avons décidé voilà déjà plusieurs années n’a que trop tardé.

Comme vous le constatez, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe encore une vraie marge de progrès, notamment pour respecter la circulaire de 2008 relative à l’application des lois, dans laquelle le Gouvernement s’était engagé à respecter l’objectif consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de chaque loi.

Il me semble aussi qu’il nous revient d’être plus attentifs à ce que nous demandons lorsque nous votons la loi. En effet, il nous faut non seulement éviter d’avoir systématiquement recours aux mesures réglementaires lorsque nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord, mais aussi veiller à ne pas déterminer des normes toujours plus nombreuses et contraignantes pour nos collectivités, nos entreprises et nos concitoyens.

C’est au prix de cette exigence envers nous-mêmes que nous pourrons renforcer notre contrôle sur le Gouvernement.

Mmes Corinne Bouchoux et Mme la présidente de la commission des affaires sociales ainsi que M. Yves Rome applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrôle de l’application des lois est bien entendu une tradition de notre assemblée, et la commission des finances s’efforce d’y participer.

Nous assurons, comme vous le savez, le suivi d’un grand nombre de textes réglementaires, parallèlement à notre activité de contrôle budgétaire.

Au cours de la période sous revue, soit de juillet 2011 à septembre 2012, la commission des finances a été concernée par 9 lois nouvelles, qui, cette fois-ci, ont toutes été des lois de finances et auxquelles correspondaient 118 mesures d’application. En ajoutant les textes prescrits par des lois antérieures, et non encore publiés, on constate que notre contrôle a porté sur 197 mesures attendues, issues de 21 lois.

Il convient de mettre en avant, à partir de ces premiers éléments, quelques données quantitatives, qui rejoignent les constats globaux formulés par le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois.

En premier lieu, le taux de publication des mesures prévues par les textes examinés au fond par notre commission s’améliore : il s’établit à 76 % pour les lois nouvelles et à 68 % pour l’ensemble des textes dont nous assurons le suivi.

En second lieu, il semble que les textes « sortent » plus vite que ce n’était le cas auparavant. Concernant les lois adoptées pendant la période sous revue, 2011-2012, 62 % des textes réglementaires ont été pris dans le délai de six mois prévu par la circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2004.

Néanmoins, ces chiffres doivent être interprétés avec quelques précautions car, bien sûr, toutes les mesures ne se valent pas en importance et tous les retards ne présentent pas les mêmes inconvénients.

Certaines lois peuvent aussi être considérées comme étant en attente de mesures d’application alors que les textes non pris sont simplement devenus sans objet. La question qui se pose est donc celle du délai dans lequel les mesures sans objet devraient être abrogées.

En outre, certains décrets peuvent ne pas sortir parce que le législateur, lui-même, tergiverse. Il en est allé ainsi des décrets devant préciser les modalités de mise en œuvre des fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Prévus par la loi de finances pour 2011, ces décrets ont été publiés seulement deux ans et demi plus tard, en avril 2013 ! Entre-temps, le Parlement avait décidé de repousser la création de ces fonds.

Dans d’autres cas, le législateur peut avoir exprimé une volonté claire, mais les mesures ne sont pas mises en œuvre. Il convient bien évidemment de s’interroger sur ce type de situations.

Je relève par exemple l’absence d’application de l’article 242 septies du code général des impôts, issu de l’article 101 de la loi de finances pour 2011 et de l’article 85 de la loi de finances pour 2012, dont l’objet était de renforcer la transparence de la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer en prévoyant de réglementer les cabinets de défiscalisation.

L’exercice de cette profession devait être soumis à la signature d’une charte de déontologie. De plus, l’article de la loi disposait que les cabinets déclarent annuellement à l’administration fiscale les opérations réalisées, de façon à améliorer le suivi de cette dépense fiscale, notamment s’agissant des investissements hors agrément. Enfin, l’article prévoyait une mise en concurrence des cabinets de défiscalisation dans le cas de certains investissements exploités par des sociétés majoritairement détenues par une personne publique.

Il y a unanimité, mes chers collègues, sur la nécessité de mieux encadrer et de rendre transparente l’activité de ces cabinets de défiscalisation. Pourtant, deux ans et demi plus tard, l’exigence de signer une charte de déontologie comme la mise en concurrence de ces cabinets pour certains investissements ne sont toujours pas appliquées. Certains interlocuteurs me disent que le décret n’est plus nécessaire, d’autres le réclament. Quoi qu’il en soit, il faut que ces mesures s’appliquent ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, je me permets de vous signaler tout particulièrement ce cas de figure.

Inversement, nous pouvons parfois nous réjouir de constater que les textes les plus politiques reçoivent une mise en œuvre rapide. Ainsi, les deux premiers collectifs budgétaires de 2012, adoptés juste avant et juste après les élections présidentielle et législatives, ont tous deux reçu une application rapide et pratiquement intégrale.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, je me réjouis que le contrôle de l’application des lois devienne aussi plus qualitatif.

À cet égard, j’ai le souvenir d’avoir élaboré, en 2004, un rapport intitulé La loi de sécurité financière : un an après, rapport dans lequel je me livrais à un bilan de l’application de cette loi. C’était une initiative quelque peu isolée, du fait du temps disponible au sein de la commission, mais, aujourd’hui, cette démarche se développe, voire se généralise et c’est une excellente chose.

C’est pourquoi il est utile, chacun s’en rend compte, de disposer d’une commission chargée du contrôle de l’application des lois et, me rapprochant de ma conclusion, je me permettrai de m’arrêter un instant sur le caractère exemplaire, à mes yeux, des suites données au rapport que cette commission a réalisé sur la suggestion de notre commission des finances : il s’agit du rapport de Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier sur la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui comprenait notamment vingt propositions pour approfondir la réforme de 2010.

Dix de ces propositions concernaient les procédures de surendettement et, pour la plupart, elles ont été traduites dans des amendements adoptés, à l’Assemblée et au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi bancaire.

Dix autres propositions étaient relatives au secteur du crédit à la consommation. Plusieurs ont déjà été intégrées dans le projet de loi relatif à la consommation actuellement en débat à l’Assemblée nationale, notamment concernant la déliaison des cartes de fidélité et des cartes de crédit, la rémunération des vendeurs, ou encore la poursuite des travaux du Comité de suivi de la réforme de l’usure.

J’espère donc que le deuxième rapport suggéré par notre commission des finances, consacré au régime de l’auto-entrepreneur, connaîtra le même succès…

Pour conclure, je mentionnerai le fait que les rapports demandés au Gouvernement dans les différentes lois ne sont pas toujours rendus dans les temps, voire pas rendus du tout.

Il faut convenir qu’il est souvent pratique, pour trouver une issue à une discussion, de prescrire un rapport. Mais c’est une potion, si j’ose ainsi m’exprimer, monsieur le ministre, dont il ne faut certainement pas abuser. Il faut tâcher de résister à la tentation de demander l’établissement de rapports pour des effets de séance, lorsqu’on recherche une sortie qui contente tout le monde au détour d’un débat difficile. Mais les rapports sont plus légitimes lorsque notre assemblée, par exemple, pense qu’ils permettront de faire progresser la réflexion sur un sujet et d’initier de nouvelles mesures.

Plusieurs rapports significatifs sont actuellement en souffrance.

L’exemple de l’article 79 de la loi de finances pour 2013 est assez caricatural. Cet article dispose que « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mai 2013, le rapport mentionné à l’article 110 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 étudiant l’opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer ». C’est une idée ancienne des commissions des finances des deux assemblées et il est regrettable que nous n’ayons pas de données pour entrer véritablement dans ce débat.

Il y a aussi le sujet difficile du Crédit immobilier de France, l’article 108 de la loi de finances pour 2013 demandant la remise, avant le 30 mars 2013, d’un rapport sur les résultats de l’examen de la situation de cet établissement.

Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour relayer ces attentes. Je remercie vivement la commission compétente pour l’organisation de ce débat et, surtout, je vous remercie, mes chers collègues, de votre patience et votre indulgence à l’égard de propos qui, j’en ai conscience, sont quelque peu arides. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans la période de référence, dont chacun sait maintenant qu’elle va de juillet 2011 à septembre 2012, notre commission des lois a eu le bonheur de participer à l’examen de 12 projets de loi, tous en procédure accélérée, monsieur le ministre. Il y a là une déviance, qui concerne d’ailleurs plusieurs gouvernements, surtout l’un plutôt que les autres, mais qui est fâcheuse, et cela a eu tendance à se répéter. Vous le savez, la procédure dite accélérée doit être l’exception

M. Jean-Claude Lenoir s’entretient avec plusieurs de ses collègues de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Par ailleurs, dans la même période, beaucoup de lois ont été votées, mais seulement 36 % des textes d’application sont parus à ce jour, ce qui est un peu décevant. Une fois de plus, je veux donc m’élever contre ce droit, absurde, dont disposent tous les ministres de tous les gouvernements de ne pas appliquer la loi. §Il leur suffit simplement de ne pas publier les décrets. Cela valait hier ; cela vaut aujourd’hui, mais j’espère que cela vaudra moins demain. C’est pourquoi nous avons un devoir de vigilance, que j’illustrerai par trois exemples.

Premier exemple, en 2008 – cela date un peu –, nous avons, ici, adopté une loi portant sur diverses dispositions ayant trait au droit funéraire, notamment sur les contrats obsèques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… mes chers collègues, chaque année, des millions de Français étant floués, parce que les sommes versées au titre des contrats obsèques ne sont pas revalorisées.

En 2008, le Parlement, à l’unanimité, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, madame Debré, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… a adopté des dispositions tendant à imposer la revalorisation au taux légal des sommes versées au titre de ces contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ces dispositions ayant été votées par le Parlement, elles devraient normalement s’appliquer. Mais la loi était à peine promulguée qu’à la direction de Bercy qui s’occupe des assurances on s’avisa qu’il n’était vraiment pas raisonnable de la mettre en œuvre. On nous expliqua longuement qu’elle était contraire à des règles européennes. Nous avons discuté, négocié, fait d’innombrables réunions pour réécrire le texte, de manière qu’il soit compatible avec lesdites règles. Pourtant, la discussion législative s’était déroulée normalement, en présence du Gouvernement, et la volonté était unanime.

Mes chers collègues, sachez que ces dispositions ne sont toujours pas applicables. En effet, je les ai reprises par amendements au projet de loi Lefebvre, lequel n’a pas prospéré, pour les raisons que chacun sait. Je les représente de nouveau dans la loi bancaire et j’espère qu’elles seront adoptées demain. Elles l’ont déjà été en première lecture par le Sénat, mais elles n’ont pas eu de succès à l’Assemblée nationale. Monsieur le ministre, soyez assuré que je me battrai toujours : si elles ne passent pas dans la loi bancaire, ce que je n’ose croire, ce sera pour le projet de loi sur la consommation. §Voyez, monsieur le ministre, la ténacité qu’il faut pour simplement obtenir l’application d’un article de loi et mettre fin à une disposition qui porte préjudice à des millions de Français.

Deuxième exemple, il existe une loi de programmation relative à l’exécution des peines, sur laquelle notre commission des lois a beaucoup travaillé. Ce texte prévoit qu’un décret fixera les conditions dans lesquelles les personnels hospitaliers peuvent consacrer une partie de leur temps de service à la réalisation d’expertises ordonnées par l’autorité judiciaire. Cela n’est pas appliqué.

Les administrateurs de la commission des lois, que je salue, se sont tournés vers le ministère de la santé pour avoir des explications. Il leur a été répondu que cette mesure soulevait des réserves de la part des intersyndicales de praticiens hospitaliers. Mais c’est la loi ! Je le dis clairement : le ministère de la santé ne doit pas s’interroger pour savoir si la loi soulève des réticences de telle ou telle organisation professionnelle, par ailleurs hautement estimable. Elle doit simplement affirmer : nous devons appliquer la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Très souvent, on ne considère pas comme naturel d’appliquer la loi. C’est tout de même étrange.

Troisième exemple, dont je dirai quelques mots puisqu’il me reste un peu de temps et qui va vous intéresser, monsieur le président du Sénat, les célèbres lois dites « Warsmann ». Notre collègue député des Ardennes s’était spécialisé dans les lois de simplification, qui, en général, démarraient avec une bonne centaine d’articles pour terminer à 250 articles au terme du parcours législatif.

Monsieur le ministre, vous avez été, comme moi-même, sensible au discours de M. le Président de la République sur le « choc de simplification ». Ces textes de simplification du droit, notamment la loi du 22 mars 2012, sont donc dans notre cœur de cible. Néanmoins, il faut savoir que la loi précitée prévoit 34 mesures d’application, dont 17 ne sont toujours pas parues.

Donc, simplifions, simplifions, mais publions les décrets !

D’ailleurs, j’attire votre attention sur une étrangeté que l’on peut relever sur le site internet Legifrance : il est fait état d’une publication des mesures d’application prévues aux articles L. 232-21, L. 232-22 et L. 232-23 du code de commerce envisagée pour le mois de juin… de l’année dernière ! §Vous pouvez vérifier, c’est toujours sur le site !

Mes chers collègues, la conclusion de mon propos est simple et va dans le sens des conclusions de tous les collègues qui m’ont précédé à cette tribune : il faut naturellement appliquer les lois. Je ne suis pas sans savoir que cela demande beaucoup de travail au Gouvernement, mais il s’agit d’un travail nécessaire eu égard au respect que nous devons tous à notre loi commune, qui nous permet de vivre ensemble. §

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, le 6 décembre 2011, notre commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois se constituait.

Contrairement au travail que nous faisons aujourd’hui, son rôle ne se limite pas à lister les textes d’application publiés pour chaque loi promulguée. Il consiste également à contrôler, avec les acteurs de terrain, l’application concrète d’une loi, d’en apprécier les avancées mais aussi d’identifier ses dysfonctionnements et ses limites.

En tout cas, telle fut la démarche qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons adoptée dans le cadre de notre rapport d’information sur la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ». Avec un taux de plus de 90 %, la mise en application de cette loi a été bien maîtrisée par le Gouvernement.

Lors de nos auditions et déplacements, nous avons constaté les avancées importantes permises par la loi en matière de crédit à la consommation et de traitement du surendettement des particuliers. Malgré tout, nous avons relevé quelques insuffisances, d’où nos 20 recommandations visant à compléter et améliorer la loi Lagarde.

J’ai eu le plaisir de voir plusieurs d’entre elles intégrées au titre VI du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, par le Gouvernement et par voie d’amendement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. D’autres de ces recommandations pourront améliorer – je travaille en ce sens – le projet de loi relatif à la consommation. Nous avons donc le sentiment d’avoir été utiles dans notre contrôle.

Je souhaite souligner un autre exemple positif en matière d’application des lois, même s’il a été long à se mettre en place : je veux parler du dépistage précoce des troubles de l’audition.

Cette disposition a été adoptée, après de longs et vifs débats, dans le cadre du PLFSS pour 2012. Il convient de noter qu’elle n’est pas soumise à la publication d’un texte réglementaire. En effet, conformément aux termes du texte de loi, chaque agence régionale de santé, ARS, doit élaborer, en concertation avec les associations et les professionnels de santé concernés par les troubles de l’audition, un programme de dépistage. Après des débuts très laborieux, voire anarchiques, ce travail de concertation est lancé. Il porte sur l’élaboration d’un cahier des charges national, qui comportera des informations méthodologiques, et sur les dispositifs d’appareillage.

Les ARS auront, elles, le choix entre deux tests.

Quant au financement, il a été affecté dans le cadre du forfait périnatalité, dont un peu plus de 18 euros par naissance, qui permettront aux maternités d’acquérir le matériel nécessaire au dépistage.

Les professionnels de santé concernés estiment que, dans trois ans, ce dépistage sera effectif sur tout le territoire. Il aura quand même fallu quatre ans pour l’application totale de cette loi.

Je poursuivrai mon propos par deux exemples négatifs, dont l’un a été évoqué par Mme Annie David, présidente de notre commission des affaires sociales.

Le premier a trait aux lois votées qui restent inappliquées faute de textes d’application publiés par le Gouvernement. C’est le cas de loi du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.

Ce texte est venu corriger une insuffisance de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui consacre le rôle de chef de file du président du conseil général. La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, placée sous son autorité, analyse les informations qui lui parviennent et diligente les enquêtes sociales afin de déterminer si les enfants sont en danger ou risquent de l’être.

Or cette cellule se heurte à des difficultés lorsqu’une famille titulaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance déménage dans un autre département. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune coordination interdépartementale n’a été prévue, d’où des ruptures, soit dans la prise en charge de l’enfant, soit dans l’évaluation des informations préoccupantes.

La loi du 5 mars 2012 comble ce vide juridique et organise la transmission des informations entre départements. Un décret en Conseil d’État doit définir les modalités de cette transmission interdépartementale, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cette loi, adoptée à l’unanimité dans les deux assemblées parlementaires, comporte un article unique, mais, bien que parue au Journal officiel du 6 mars 2012, elle reste à ce jour lettre morte !

Nous sommes plusieurs parlementaires à avoir interpellé sur ce point, au travers de questions écrites, Mme la ministre chargée de la famille. En réponse, le 17 janvier 2013, voilà donc bientôt six mois, elle a indiqué que « le projet de décret d’application de cette loi [était] actuellement soumis à la procédure consultative ».

Dois-je rappeler que la loi du 5 mars 2007 prévoyait déjà un tel texte, mais que celui-ci n’a jamais vu le jour ? La protection de l’enfance a-t-elle si peu d’importance ? Au moment où de nombreux cas de dysfonctionnement sont évoqués dans la presse, ne pourrait-on pas, au moins, apporter une réponse à celui-là ?

Le second exemple de dysfonctionnement dans l’application des lois que je souhaite pointer du doigt est celui d’une application qui ne correspond pas à la volonté du législateur, en particulier lorsque le texte résulte d’une proposition de loi.

L’application de la loi du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistantes maternelles, ou MAM, en est une parfaite illustration. Dans l’esprit de la loi, les MAM sont le prolongement du domicile des assistantes maternelles. Toutefois, cette volonté se trouve bafouée par une administration tatillonne, éloignée des réalités que vivent nos concitoyens.

Dans un premier temps, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur a classé les MAM en « établissements recevant du public de quatrième catégorie ». Jean Arthuis et moi-même avons vivement réagi à cette décision, qui condamnait les MAM existantes à fermer et interdisait l’ouverture de toute nouvelle structure. Nous avons ainsi obtenu que les MAM bénéficient d’un cadre plus souple grâce à un classement en cinquième catégorie.

Si les normes de protection contre l’incendie doivent impérativement être appliquées, il en va autrement des normes d’accessibilité aux personnes handicapées. En effet, aux termes de l’article R. 111–19–1 du code de la construction et de l’habitation, les MAM doivent être accessibles aux personnes handicapées, « quel que soit leur handicap ». Or, je le rappelle, les MAM accueillent des assistantes maternelles et des enfants !

Là encore, une telle exigence réglementaire est inapplicable à l’aménagement intérieur des MAM et ignore totalement la réalité de l’activité d’une assistante maternelle. Il est aberrant d’imposer que l’aménagement intérieur des MAM soit accessible aux adultes handicapés : en effet, c’est inutile pour les assistantes maternelles, car aucune personne en fauteuil roulant ne recevra jamais l’agrément de services chargés de la protection maternelle et infantile, la PMI, pour garder des enfants ; s’il s’agit des parents, il suffit simplement d’aménager le lieu d’accueil de la MAM, pour qu’un parent handicapé puisse y amener son enfant.

Les MAM sont un dispositif de garde des jeunes enfants innovant et souple. Leur coût est raisonnable pour les parents et nul pour les collectivités locales, mais les mesures d’application de cette loi freinent le développement de ces structures, au moment même où le Gouvernement dit vouloir créer de nouvelles places d’accueil.

En conclusion, mes chers collègues, je dresserai un bilan en demi-teinte : je reconnais des progrès dans le cadre de l’application des lois que nous votons, mais beaucoup reste à faire pour que ces mesures deviennent des réalités dans la vie de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP . – Mme Corinne Bouchoux et M. le président de la commission sénatoriale applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’étendue des compétences de notre commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, chargée de veiller à la bonne application des textes votés par le Parlement dans leur mise en œuvre concrète sur le terrain, nous appelle à une grande responsabilité et à beaucoup de minutie pour mener à bien cette mission.

C’est dans cet esprit que j’ai souhaité, en tant que membre de cette nouvelle commission sénatoriale présidée par notre excellent collègue David Assouline, établir un état des lieux de la législation en matière d’aménagement numérique du territoire, en dressant un bilan de l’application des dispositions organisant l’action des collectivités territoriales dans les domaines du haut et du très haut débit. Mon collègue Pierre Hérisson et moi-même avons auditionné les principaux acteurs de la filière et rendu en mars dernier notre rapport intitulé État, opérateurs, collectivités territoriales : le triple play gagnant du très haut débit.

Ce contrôle, à mon sens, ne doit pas se cantonner à considérer les effets de la législation existante, mais doit nous amener, lorsque cela est nécessaire, à proposer des cadres législatifs plus adaptés. Telle est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus dans notre rapport : l’impérieuse nécessité de redéfinir le paradigme normatif pour la couverture du territoire français en très haut débit.

Plus largement, ce rapport témoigne de l’importance pour le Parlement – et, partant, pour le Sénat – de veiller de manière soutenue à l’application de la législation, mais aussi de porter un œil attentif à la régulation du secteur des communications électroniques. Tout le monde comprendra que je veux évoquer ici l’importance du rôle joué par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

En effet, l’évaluation de la loi de 2004, de la loi de modernisation de l’économie puis de la loi Pintat, nous amène à constater un décalage entre le modèle économique du déploiement du très haut débit et les objectifs visés par lesdites dispositions. Le programme national en faveur du très haut débit de l’ancien gouvernement, reprenant des décisions antérieures de l’ARCEP et de l’Autorité de la concurrence, a provoqué une importante fracture territoriale, en laissant aux opérateurs le soin d’équiper en fibre optique les zones les plus denses et les plus attractives commercialement et en renvoyant 80 % du territoire au financement des collectivités territoriales.

Les évolutions récentes vont dans le sens des préconisations de notre rapport, qui appelait au retour de l’État stratège. Des signaux positifs ont depuis été envoyés, sans pour autant bouleverser le dispositif antérieur afin de ne pas retarder l’atteinte de l’objectif. Le rôle majeur des collectivités locales a été confirmé et mieux pris en compte dans le nouveau dispositif mis en place par le Gouvernement. Je tiens, en particulier, à me féliciter du choix d’avenir clairement exprimé par le Président de la République, le Premier ministre et la ministre déléguée à l’économie numérique, celui de la fibre optique.

La mission sur le très haut débit, confiée à Antoine Darodes, préfigurant la création d’un futur établissement public pour répondre plus efficacement aux engagements du Président de la République, à savoir l’équipement de tout le territoire en fibre optique en dix ans, témoigne encore de cette mobilisation de la puissance publique.

De plus, le choix technologique de la fibre a été conforté par l’installation de la mission présidée par M. Champsaur, ancien président de l’ARCEP, reconnu pour son expertise en la matière, réunissant parlementaires, dont Pierre Hérisson, et spécialistes sur le sujet déterminant pour l’avenir du dispositif : l’extinction du fil de cuivre de France Télécom.

Pour autant, un long chemin reste à parcourir pour que l’État retrouve toute sa place dans le nouveau dispositif : quelques dizaines de spécialistes seulement peuplent à ce jour l’administration centrale, alors que, au même moment, en vertu de je ne sais quelle indépendance, plusieurs agences ou autorités captent l’essentiel des moyens et de l’expertise : 168 agents à l’ARCEP, plus de 300 à l’Agence nationale des fréquences et autant au CSA ! Aussi, le risque est que l’État, dépourvu de moyens, confie indirectement le pilotage du déploiement du très haut débit à ces autorités qui n’obéissent à personne, sinon à elles-mêmes.

Les moyens existent : ne serait-il donc pas judicieux de les regrouper dans un établissement public pour le déploiement de la fibre ? Sur une matière aussi déterminante pour l’avenir de notre société, j’en appelle au renforcement de l’État stratège et je réclame que, dans l’esprit qui a présidé à la création de notre commission, ces sujets fassent l’objet d’une évaluation permanente par le Parlement.

Alors même que le numérique envahit tous les moments de la vie par l’augmentation exponentielle de ses usages, il est grand temps que la représentation nationale redonne de la cohérence à tous ces savoir-faire que je viens de rappeler.

C’est pour toutes ces raisons que je souhaite ardemment qu’une grande loi sur le numérique voie le jour le plus rapidement possible, pour traiter des infrastructures, de la fiscalité et, bien sûr, des usages numériques. Leur inscription dans le marbre de la loi confortera ainsi les dispositifs destinés à accompagner l’effort des collectivités territoriales, sécurisées qu’elles seront grâce aux possibilités d’emprunt à long terme à des conditions avantageuses.

Fort de ces avancées et clarifications, le conseil général de l’Oise, que je préside, a fait sien, avec l’esprit pionnier qui le caractérise, les objectifs du législateur en termes d’accès au très haut débit pour tous, afin de renforcer l’attractivité du territoire et lutter contre les fractures territoriales. Nous avons fait le choix de la clarté technologique, celui de la fibre optique. Notre schéma directeur territorial d’aménagement numérique, ou SDTAN, a été adopté à l’unanimité et le syndicat mixte « Oise très haut débit », créé dernièrement, a reçu la même approbation unanime.

Notre ambition pour la France doit s’insérer dans un cadre beaucoup plus large, celui de l’Europe, comme l’ont exprimé avec force Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, pas plus tard qu’hier, dans une tribune des Échos, intitulée « Pour une Europe des télécoms tournée vers l’investissement ». Cela me laisse penser que le travail que nous avons mené au Sénat n’a pas été inutile ! Je cite nos ministres : « nouveau souffle », « changement de paradigme », « créer les conditions favorables à l’investissement en privilégiant le co-investissement », « nouvelles règles […] simples, stables et visibles » pour « investir dans les réseaux de nouvelle génération à très haut débit » parce que, je cite une fois encore, « le numérique constitue l’un des principaux leviers pour le retour à la croissance de l’Europe ».

Je crois avoir prononcé ces mêmes mots à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, devant vous, mes chers collègues ! Je me réjouis de constater que nous nourrissons tous la même ambition d’une économie numérique innovante, porteuse de croissance, d’emplois, et donc d’un avenir meilleur.

Si le numérique est la marque de l’esprit pionnier qui anime les territoires, il en va de même de bien d’autres sujets, sur lesquels les collectivités expérimentent et se rassemblent pour rendre le meilleur service au public. Dans l’Oise, c’est sur ce modèle que fonctionnent le huitième aéroport de France, celui de Beauvais-Tillé, qui voit passer près de 4 millions de voyageurs par an, ou l’établissement public foncier local pour le logement, et je pourrais citer bien d’autres exemples de partenariats fructueux entre les divers échelons territoriaux qui rassemblent leurs moyens financiers, leurs expertises et leurs forces vives au service d’un territoire et de ses habitants.

Comment, dans ces circonstances peut-on encore stigmatiser un prétendu « millefeuille » territorial et appeler à une répartition plus stricte des compétences ? Où est le manque de clarté lorsque les projets avancent grâce aux partenariats féconds que les collectivités savent nouer entre elles ? La clause de compétence générale a fort heureusement été préservée pour les collectivités et je m’en félicite, car c’est bien cette clause qui nous permet d’agir, de corriger des défauts de la législation ou de la réglementation existantes et de pallier également les défaillances de l’État qui n’a plus aujourd’hui les moyens d’embrasser tous les champs de l’action publique.

Enfin, l’application de la loi portant création des emplois d’avenir votée en octobre 2012, engagement fort du Président de la République, doit fournir l’occasion, une fois de plus, de prouver l’inventivité et l’utilité des collectivités locales. Le département de l’Oise s’est engagé avec détermination dans la mise en œuvre de ce dispositif, convaincu qu’il constituait une piste d’avenir. À nos côtés, les communes et le tissu associatif se mobilisent, mais également la région, que nous allons par ailleurs accompagner dans la mise en place du volet « formation » de la loi.

Ce que j’avais appelé il y a quelques mois « le sel des territoires » est plus que jamais d’actualité : les collectivités locales sont des atouts majeurs pour notre pays, nos investissements et notre croissance, dans le cadre de la mise en œuvre du très haut débit, de la mobilité, mais aussi de la lutte pour l’emploi.

C’est la raison pour laquelle, cher président Assouline, j’appelle de mes vœux la constitution, au sein de la commission pour le contrôle de l’application des lois, d’une mission d’évaluation des nombreuses innovations soutenues par les collectivités territoriales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Pierre Hérisson applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, les différents présidentes et présidents de commission s’étant longuement exprimés et ayant cité de nombreux exemples et statistiques, je concentrerai mon propos sur une partie des questions que nous entendons soulever à l’occasion de ce débat.

Le contrôle de l’application des lois nous amène à nous poser des questions importantes, qui doivent nous aider à réfléchir plus précisément aux textes que nous votons. Il ne fait pas de doute qu’une telle réflexion aura des conséquences positives sur la suite de nos travaux.

Pour cela, il ne faut pas simplement se préoccuper de savoir si les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des lois votées ont été prises par le Gouvernement. Cette approche est sans nul doute indispensable, mais elle n’est évidemment pas suffisante. L’application des lois pose des questions de fond et nous ne devons pas en rester à une conception purement quantitative.

Je commencerai donc, si vous me le permettez, par un petit aparté sur les conditions nécessaires à l’élaboration des lois, car il me semble que la question de l’effectivité réelle des lois a beaucoup à voir avec les conditions dans lesquelles celles-ci sont présentées et adoptées, Jean-Pierre Sueur y a fait allusion dans son intervention.

Les éléments chiffrés du rapport, notamment pour ce qui concerne la commission des lois, mettent en exergue le rythme législatif particulièrement soutenu que nous subissons. Je vous rappellerai, par ailleurs, notre opposition à la multiplication des procédures accélérées, qui, de fait, dessaisissent le Parlement et nuisent à la qualité des textes législatifs. Le rapport souligne des données statistiques inquiétantes sur ce point.

J’en viens à présent au sujet principal du rapport, à savoir la mise en application des lois. Sur ce point, les problèmes sont loin d’être réglés dans leur ensemble, les différents orateurs en ont témoigné, malgré les efforts du Gouvernement pour adopter les mesures réglementaires plus rapidement et plus efficacement.

La situation encore trop peu satisfaisante de l’application des lois est le reflet de la frénésie législative du gouvernement précédent que nous avons suffisamment dénoncée auparavant : trop de textes, souvent en matière pénale, ont été détournés de leur objet, trop de lois de circonstance ou d’affichage ont été adoptées. Que dire aussi des lois fourre-tout dites « de simplification du droit » ou « d’allégement des procédures », entre autres appellations, qui ont largement contribué à l’inflation normative et à la complexification du droit, quitte à le rendre parfois inapplicable, se détournant d’ailleurs de leur objectif premier ?

De plus, mes chers collègues, si l’application effective d’une loi dépend pour une grande partie de la volonté politique d’appliquer concrètement un texte, elle dépend aussi des moyens financiers qui lui sont alloués. Nous avons tous en tête la loi instituant le droit au logement opposable, dite « loi DALO », ou encore la loi sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap. Pour diversifier les champs, je pense aussi, plus récemment, à la loi pénitentiaire. Autant de lois dont l’application est encore trop peu effective mais, pourtant, tellement urgente ! Autant de lois qui demandent, en effet, plus de moyens pour être pleinement appliquées.

La disposition adoptée dans la proposition de loi de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, qui reprend en substance, et pour partie seulement, le principe de proportionnalité des normes prôné par notre collègue Éric Doligé, à l’initiative d’une proposition de loi sur le sujet, est, du point de vue de l’application des lois, inquiétante, notamment pour ce qui concerne l’application de la loi sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap, à laquelle j’ai fait référence.

Je ne reviendrai pas ici, mes chers collègues, sur le débat de la semaine passée et, donc, sur l’accessibilité aux aides sociales dans les petites communes de notre pays. Je ne mets pas en doute la volonté de nos collègues de continuer à appliquer la loi sur le handicap que j’évoquais précédemment. Avouez toutefois que cette disposition accroît, en tout cas, le sentiment d’insécurité et d’abandon de populations déjà fragilisées dès lors que l’on admet des dérogations qui, le temps avançant, peuvent être de plus en plus importantes et concerner de plus en plus de personnes.

Je finirai cette intervention par une note positive, en soulignant le fait que la création par le bureau du Sénat de la commission pour le contrôle de l’application des lois me paraît être source de progrès. Ces progrès, nous les devons, cela a été dit, aux différents rapports. Peut-être nous faut-il prendre encore plus le temps, dans le cadre de nos semaines de débat, d’approfondir les choses en séance publique et de travailler aussi en lien avec le Gouvernement pour rendre effective cette volonté d’application.

Mme Blandin nous invitait tout à l’heure à réfléchir à un nouveau mode de présentation l’an prochain. Sans que nous soyons assurés qu’elle rassemblera plus de collègues, cette présentation pourrait, en tout cas, être plus vivante et mieux donner à voir le travail fait par la commission tout au long de l’année. Je pense aussi au travail, que vous avez mentionné, monsieur le ministre, dans vos propos introductifs, fait par le Gouvernement pour essayer de toujours mieux répondre à cette exigence que nous partageons et qui est, bien évidemment, gage de démocratie.

Je ne développerai pas plus longuement, car les autres thèmes ont déjà été évoqués. Sachez, en tout cas, et je m’adresse plus particulièrement à M. le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, que nous resterons à vos côtés pour défendre l’objectif assigné à cette commission, qui consiste à rendre les lois plus effectives pour les femmes et les hommes de notre pays. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, au nom des membres du RDSE, je me réjouis bien sûr de la tenue de ce débat sur le bilan de l’application des lois.

Je rappellerai que, sur mon initiative et celle de mon groupe, le Sénat avait débattu, début 2011, de l’édiction des mesures réglementaires d’application des lois.

À cette occasion, nous avions déjà constaté – hélas ! – un vrai décalage entre l’objectif de rééquilibrage des institutions en faveur du Parlement et la mise en application par le Gouvernement de la volonté exprimée par les deux assemblées parlementaires au travers du vote de la loi.

Nous avions également relevé qu’il n’existait pas de véritable contrainte pour obliger le pouvoir réglementaire à s’acquitter de sa mission dans des délais raisonnables.

Il existe bien la circulaire du 29 février 2008 sur « le délai des six mois », qui précise en préambule que « Veiller à la rapide et complète application des lois répond à une triple exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ».

Il y a aussi le fameux article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, qui fait obligation au Gouvernement de publier des rapports sur la mise en application de chaque loi six mois après l’entrée en vigueur de celle-ci.

Toutefois, ces deux instruments ne peuvent en aucun cas conduire le Parlement à enjoindre le Gouvernement de respecter un délai.

Si l’on souscrit naturellement au principe intangible de séparation des pouvoirs et de l’architecture institutionnelle qui en découle, on peut, en revanche, regretter que le Parlement, qui vote souverainement la loi et exprime ainsi la volonté générale, voie ses actes législatifs contrariés par les retards du pouvoir réglementaire.

C’est ce constat qui avait conduit le RDSE à déposer une proposition de loi tendant à reconnaître la présomption d’intérêt à agir des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière d’excès de pouvoir.

Ce texte, débattu en séance publique, le 17 février 2011, a pu apparaître comme trop avant-gardiste au gouvernement de l’époque qui en avait tout simplement demandé et obtenu le rejet. Toutefois, son examen a eu le mérite de rappeler, dans un relatif consensus, la nécessité d’améliorer encore les moyens de contrôle du Parlement sur l’exécutif. C’est donc sous les fleurs que ce texte avait été enterré !

Depuis, – je le concède – on observe une nette amélioration du rythme d’application des lois. Du côté gouvernemental, les ministères s’évertuent, depuis quelques années, à redresser le taux d’applicabilité des lois. La notion d’obligation de résultat a, enfin, pris sens. Notre collègue rapporteur David Assouline l’a bien exposé. Je dois dire, d’ailleurs, que l’excellent travail de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois contribue à la prise de conscience générale, et je félicite la commission, ainsi que son président.

Elle a émis de nombreux rapports, générant une forme de pression – si j’ose dire. Les résultats de tous ces efforts, vous les connaissez, mes chers collègues. D’une seule phrase, je rappellerai que le pourcentage global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 a atteint 66 %, un chiffre à mettre en rapport avec la moyenne des années précédentes qui oscillait entre 30 % et 40 %.

C’est un progrès incontestable, monsieur le ministre. Au regard des données concernant l’actuelle législature, il semblerait que l’on s’oriente vers encore plus de célérité pour l’application des lois. C’est une bonne chose, et je vous en félicite.

Je m’en félicite aussi, même si, à titre personnel, je déplore que quelques-unes de mes attentes ne soient toujours pas satisfaites. Je pense, en particulier, à deux textes que j’ai fait adopter, avec le soutien de mon groupe, et dont tous les décrets d’application ne sont pas encore parus. Il s’agit de la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs ainsi que celle, plus ancienne, du 10 mars 2010 relative au service civique.

Comme l’a rappelé notre collègue rapporteur, la mise en application des mesures issues d’initiatives parlementaires ne souffre plus d’un traitement discriminatoire. On peut, là aussi, s’en féliciter.

C’est pourquoi je compte sur vous, monsieur le ministre, pour faire le nécessaire, car je suis très attaché à ces deux textes importants, qui touchent la jeunesse, grande priorité de M. le Président de la République et du Gouvernement.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, un autre volet du contrôle, celui de l’évaluation. Le processus normatif doit être en effet apprécié jusqu’à son aval. Au bout de la chaîne, c’est, bien entendu, la qualité ou la pertinence de la loi qui sont visées. Là aussi, il faut bien le reconnaître, des démarches ont été conduites pour obliger à la production d’une loi à la fois utile et intelligible.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le Gouvernement a mis en place plusieurs instruments destinés à rationaliser la production normative. Dans cette perspective, le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, a lancé quarante évaluations de politiques publiques. J’appartiens moi-même au comité de pilotage pour l’évaluation de la politique de développement agricole. Des premières réunions auxquelles j’ai pu assister, il ressort que les acteurs visés par cette politique, en l’occurrence, les agriculteurs, se plaignent surtout de la multiplication des normes ; ce n’est pas le seul domaine – nous le savons –, et cela a été dit. Je pense que cette remarque vaut, d’ailleurs, pour tous les secteurs de l’action publique. Je citerai ainsi les collectivités locales, soumises à 400 000 normes de toutes natures, excusez du peu !

Nous le savons, cet emballement normatif est, avant tout, le fruit de l’inflation législative. Si celle-ci connaît un certain tassement depuis deux ans, les lois contiennent de plus en plus d’articles – 20 articles en moyenne dans les années 1990, contre près de 40 articles depuis une décennie –, donc autant de textes réglementaires en plus. Sur ce point, l’exécutif tout autant que le pouvoir législatif doivent faire preuve de responsabilité. En effet, comme le relevait déjà le Conseil d’État en 1991 : « Quand le droit est bavard, le citoyen ne lui prête qu’une oreille distraite ». §

Mes chers collègues, il est certain que nous avons bien progressé s’agissant du contrôle et de l’évaluation des lois. Parallèlement, un équilibre doit être recherché entre la volonté réformatrice du Gouvernement, les prérogatives du Parlement et l’attente légitime de nos concitoyens en faveur d’un droit quantitativement raisonnable §

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les présidents de commissions, mes chers collègues, à cette heure tardive, on va essayer de faire ni de l’autosatisfaction ni de l’autoflagellation !

Le travail de cette commission est nécessaire, car il permet un certain recul sur la façon dont les lois s’appliquent. Il permet, plus largement, de vérifier si les objectifs que nous poursuivons sont bien atteints ou si d’autres voies plus efficientes pourraient être recherchées.

Un mérite, qui n’est pas des moindres de cette commission, est qu’il nous oblige à porter nous-mêmes un regard critique et autocritique sur notre travail un temps bref après le vote d’une loi. Un zoom, une focale sur le sens de notre travail.

Même si ce n’est pas toujours agréable, on découvre, lors de ce travail de déconstruction d’un texte et de son application, les lacunes initiales, les « pas entendus » ou les « mal entendus » qui, mis bout à bout, peuvent parfois rendre notre travail imparfait malgré les regards bienveillants et experts de nos collaborateurs et la haute qualité des équipes administratives de la Haute Assemblée, que je souhaite saluer ici. Enfin, nos textes sont quelquefois de subtils équilibres qui, à force d’acrobaties, à force de vouloir concilier des injonctions très contradictoires, peuvent parfois confiner à des choses difficilement applicables.

L’autre éclairage précieux de ce travail collectif, associant, comme cela a été dit, des duos hautement improbables aux sensibilités différentes, et l’acquis des tables rondes fort intéressantes, dont on pourra lire le compte rendu dans la publication, est que l’on y découvre, par exemple, les treize étapes qui vont de la loi à son application via un décret en Conseil d’État. Et on peut ainsi identifier les divers blocages potentiels dont l’un des moindres n’est pas, à nos yeux, l’interministériel qui doit faire travailler en commun des cultures administratives très variées et, parfois, contraires. C’est souvent, selon nous, le nœud du problème.

Indépendamment de la grande qualité des personnes, indépendamment de la qualité des formations, la conjonction du nœud interministériel et de certains lobbies, je citerai, à tout hasard, l’Association des énarques ou certains grands corps de l’État, rend parfois extrêmement difficile l’application de certains textes qu’ils sont censés faciliter. Cela reste selon nous un tabou que notre commission gagnerait à explorer utilement.

Tel des Sherlock Holmes, nous, les membres de la commission, traquons les « pertes en ligne ». Nous recherchons, en quelque sorte, les symptômes et causes des limites de notre action, un exercice salutaire mais peut-être périlleux.

Nous votons trop de lois bavardes qui restent parfois caduques, que nous ne savons pas abroger.

Je reprendrai ici, même si elle n’est plus là, l’exemple cité par notre collègue la sénatrice Isabelle Debré lors de notre dernière réunion en commission. Elle évoquait l’exemple d’un texte archaïque, le serpent de mer qui interdit le port du pantalon aux femmes. Le texte en question est une ordonnance, contrairement à ce qui a pu être dit et répété, celle du 16 brumaire an IX, 7 novembre 1800, qui dispose que « toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l’autorisation et que celle-ci ne peut être donnée qu’au vu d’un certificat d’un officier de santé ».

Le 31 janvier 2013 le ministère des droits des femmes a fait savoir, par un communiqué, que l’ordonnance est « implicitement abrogée ».

Il s’agit, selon nous, d’un commentaire, d’un avis, mais le ministère n’a pas le pouvoir d’abroger ce texte. L’avis rendu s’est borné à constater que l’ordonnance était incompatible avec le préambule de la Constitution de 1946 et qu’elle ne pouvait plus recevoir application. L’abrogation a été implicite, mais elle n’est pas de fait. Car, en droit administratif, l’abrogation explicite devrait être décidée par l’auteur de l’acte, à savoir le préfet de police. Or ce dernier n’a pas encore jugé bon, en 2010, de le faire, arguant, ce qui peut s’entendre, qu’il n’était pas là pour faire de l’archéologie législative.

Dans un registre moins symbolique mais tout aussi important, nous attirons votre attention sur les demandes sans cesse croissantes de nos concitoyens en direction de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, sur les causes de la non-application de lois à travers la demande de documents ponctuels. À cette occasion, j’aimerais nous interroger collectivement sur l’application de la loi de 1978, qui mériterait sans doute d’être revisitée.

Grâce aux nouvelles technologies et à une meilleure information, nos concitoyens connaissent de mieux en mieux les textes, les lois, et leur intolérance est grande face aux lois inappliquées ou inapplicables.

Un autre point à améliorer, qui apparaît en filigrane dans les rapports, est, selon nous, la consultation en amont du travail législatif. Il y a une profusion de consultations ça et là, dans tous les sens, mais il y manque une mise en perspective et, surtout, une lisibilité et une visibilité de toutes ces consultations.

Enfin, – il faudrait vérifier ce chiffre – il se dit que les préfets devraient prendre en compte 80 000 pages de circulaires par an. Comme on a pu l’entendre lors d’une table ronde, on comprendrait presque qu’ils n’en lisent aucune !

Nous ne pouvons, au bout du compte, que saluer le travail de cette commission qui oblige au retour d’expérience, ou « retex », pour reprendre le terme employé dans un ministère, et à plus de transversalité, notamment à travers un travail en commun, « intercommissions ».

La tentation est grande pour le législateur de faire des lois pour montrer qu’il existe. Toute la question, et elle est complexe, est de ne voter que des lois utiles et strictement nécessaires.

Enfin, et en conclusion, il nous semble que l’inégale application des lois sur notre territoire, et donc l’inégalité géographique, est un sujet que nous pourrions creuser. La cartographie permettrait sans doute de dire autrement ce que la mise en mots exprime difficilement. L’étude de cette inégalité territoriale est, selon nous, un enjeu majeur, car il s’agit d’un mal peut-être plus dommageable que la non-application des lois. §

M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, messieurs les présidents de commission que je vois nombreux dans cet hémicycle, mes chers collègues, la fonction de contrôle confiée au Parlement s’est affirmée dans le temps. Depuis plusieurs dizaines d’années en effet, nous, parlementaires, sommes conduits à mieux contrôler l’action de l’exécutif et, aujourd’hui, nous nous appliquons à contrôler l’application des lois que nous votons.

Je porterai ici la voix du groupe UMP – c’est la première partie de mon exposé. Je tiens à vous rassurer, monsieur le président : avec votre autorisation, je n’utiliserai pas complètement le temps de parole qui m’est imparti, puisqu’un de mes collègues m’a chargé d’exprimer son point de vue. Je ferai part, dans la seconde partie, d’un certain nombre d’observations personnelles sur le sujet qui nous réunit.

D’abord, je rappelle que, s’il existe une commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, c’est parce qu’il y a eu une réforme constitutionnelle en 2008 et que le gouvernement de François Fillon a fait qu’une exigence est apparue, celle de rendre les lois applicables dans un délai de six mois.

J’entends bien – cela a d’ailleurs été exprimé à cette tribune – que ce délai paraît un peu court, et sans doute aussi trop formel. Mais puisqu’il n’est pas forcément respecté, nous pouvons toujours nous en tenir au principe ; l’application suivra...

On peut aborder la question sous l’angle quantitatif. Les statistiques démontrent qu’un effort a été fait depuis plusieurs années par les gouvernements précédents, et par le gouvernement actuel ; encore faudra-il juger l’action de ce dernier dans la durée...

Vous l’avez dit, monsieur le président Assouline, il s’est produit au cours des derniers mois du gouvernement Fillon ce que vous avez appelé un « gonflement » du nombre de décrets d’application, comme si le gouvernement était attaché – selon moi, il l’était fondamentalement – à ce que les lois qui avaient été votées fussent applicables dans des délais compatibles avec l’exercice du mandat dont il disposait.

Vous avez également dit qu’il y avait des lois qui étaient applicables totalement ou partiellement. Je dirai que toutes les lois sont dans ce cas de figure : il suffit de quelques décrets d’application pour qu’elles soient rangées dans la catégorie des lois partiellement applicables.

Sortons à présent de l’analyse quantitative.

Lors d’une réunion que vous avez présidée voilà quelques mois, le Secrétaire général du Gouvernement s’était attaché, afin de répondre à une critique formulée lors d’une précédente séance, un an auparavant, à donner une analyse qualitative des textes réglementaires pris ainsi que des lois votées.

Aujourd’hui, nous devons répondre à un certain nombre de questions touchant, finalement, à l’applicabilité des lois.

Pour qu’une loi soit applicable, il faut d’abord qu’elle soit bonne.

Je siège depuis trop peu de temps dans cette assemblée pour me permettre de porter le moindre jugement sur la qualité des lois que nous votons. On peut toujours s’améliorer et, à cet égard, je formulerai quelques propositions.

Pour rendre les lois plus applicables, nous pouvons tout d’abord faire en sorte qu’elles soient simples. Sur ce point, nos marges de progrès sont considérables.

Bien qu’elle ne concerne pas directement le sujet, vous avez évoqué la question, reprise par plusieurs orateurs, de la simplification des lois existantes et des « coups de balai » qui peuvent être donnés dans le code.

Vous avez jugé avec un peu de sévérité, les uns et les autres, les initiatives prises par Jean-Luc Warsmann, le précédent président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui appartenait à l’ancienne majorité.

Je crois pourtant que son initiative était intéressante. Il proposait un certain nombre de suppressions et de modifications, auxquelles d’autres se sont ajoutées, ce qui est le jeu normal de la discussion parlementaire.

Cet exercice était malgré tout utile. Au final, les quatre lois de simplification votées lors de la précédente législature ont permis de supprimer plusieurs centaines de dispositions complètement obsolètes.

Je me souviens de la première de ces dispositions, qui obligeait les couples désireux de se marier devant M. le maire à présenter un certificat prénuptial. Elle a été ôtée de notre législation, comme tant d’autres devenues parfaitement inutiles.

Certains ont considéré que cette initiative était superflue, qu’elle avait été dévoyée, comme l’avait relevé M. Vidalies lors d’une réunion de la commission. Force est de reconnaître que tout n’était pas forcément rédigé dans les meilleures conditions. Néanmoins c’était utile. D’ailleurs, aucun gouvernement ne s’est privé de présenter des textes portant « diverses dispositions » d’ordre économique, financier, social, ou que sais-je encore, qui sont des fourre-tout nécessaires puisqu’ils permettent de régler un certain nombre de situations.

S’il convient de rendre les lois plus simples, il faut également faire en sorte que le Parlement soit éclairé dans les meilleures conditions.

À cet égard, il existe deux types de rapports : ceux, dont je parlerai dans un instant, qui sont inscrits dans la loi que nous votons, et ceux qui nous sont utiles pour édifier nos convictions et pour, éventuellement, constituer le point de départ d’un projet ou d’une proposition de loi.

Maints exemples montrent qu’un travail mûri par des parlementaires appartenant, l’un, à la majorité et, l’autre, à l’opposition sur des sujets dont nous avons à débattre est une excellente initiative, car cela consolide du point de vue politique une conviction qui peut être partagée, et permet d’avancer sur un terrain qui a été parfaitement balisé.

J’en viens aux rapports qui viennent encombrer les textes. Nous en sommes les responsables ! Nous ne nous privons pas en effet, car tel est notre bon plaisir – et le président Marini a fustigé ces comportements ! –, d’inscrire dans la loi qu’un rapport devra être présenté, qui plus est dans un délai extrêmement court.

Or il s’agit, permettez-moi de vous le dire, d’un travail supplémentaire qui devrait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

Lorsque j’appartenais à l’administration centrale, dans une vie déjà ancienne, je voyais arriver, avec mes collègues, des textes de loi sur lesquels nous devions rédiger des rapports. Pour le fonctionnaire chargé de cette tâche, c’était un travail supplémentaire. Cela entraînait par ailleurs des frais, notamment de publication.

Nous devrions nous raisonner collectivement afin de ne pas tomber dans le piège consistant à se faire plaisir en demandant des rapports à l’administration.

Voilà pour les améliorations à apporter.

J’en arrive à la partie de mon exposé plus personnelle, qui concerne le contrôle de l’application des lois.

On a évoqué les décrets et les arrêtés. Je voudrais, quant à moi, parler des circulaires.

La circulaire, nous le savons, n’a aucune portée juridique. Pour autant, dans les territoires, les régions et les départements, l’administration éclaire ses fonctionnaires et les organismes publics chargés de mettre en œuvre la loi en leur envoyant non pas le texte de la loi, mais une circulaire. Les exemples en sont très nombreux. Vous me permettrez d’en donner quelques-uns, sans retarder l’issue de cette séance et vous ennuyer.

Par souci d’équité, je citerai certains exemples, plus nombreux, qui relèvent de votre responsabilité et d’autres, moins nombreux – en fait, un seul –, qui relèvent de la nôtre.

Lorsque la loi relative à la solidarité et de renouvellement urbain, dite « loi SRU », a été votée, sous le gouvernement Jospin, je siégeais à l’Assemblée nationale. Nous avions alors été nombreux, et le Sénat nous avait soutenu sur ce point, à réclamer davantage de souplesse pour la délivrance des certificats d’urbanisme et des permis de construire en milieu rural. Cette disposition ne correspondait absolument pas au projet de loi. Or nous avons observé, à l’époque, que les services de l’urbanisme avaient commenté non pas la loi qui avait été votée, mais le projet de loi qui avait été présenté, et finalement avaient « pondu » une circulaire disant exactement le contraire de la loi.

Pour corriger cette situation, il a fallu voter une nouvelle loi pour rédiger un texte qui valait suppression de la circulaire, ce qui fut fait après les élections, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Il s’agissait de la loi « urbanisme et habitat », dont l’article 33 corrigeait la fameuse circulaire. C’est un premier exemple.

Je prendrai un deuxième exemple, parfaitement scandaleux, cette fois dans notre camp, allais-je dire.

La loi de modernisation de l’économie, dite « loi LME », contenait des dispositions concernant l’urbanisme commercial. Les parlementaires avaient ainsi souhaité, de façon constante, limiter le développement des grandes surfaces à la périphérie des villes.

Au mois d’août suivant, en 2009, le directeur d’une administration centrale a cru pouvoir rédiger une circulaire précisant que, si l’on interprète l’esprit dans lequel la loi a été votée, on peut considérer que les grandes surfaces peuvent augmenter de 1 000 mètres carrés en une seule fois les surfaces dont elles disposent. En l’espace de quelques semaines, 500 000 mètres carrés ont ainsi été construits, sur la base d’un texte qui disait exactement le contraire de la loi !

J’ajoute, pour votre information, que ce directeur a été convoqué devant la commission compétente de l’Assemblée nationale et sans doute aussi devant celle du Sénat, et libéré de ses obligations professionnelles à la fin de cette année-là. Il aurait d’ailleurs pu être traduit devant la Cour de discipline budgétaire et financière, voire devant les tribunaux dans le cadre d’une procédure pénale.

Après qu’un décret eut bloqué le développement sauvage des mètres carrés de grandes surfaces, il a fallu une proposition de loi de Patrick Ollier pour arrêter définitivement le flux créé par cette interprétation non seulement erronée, mais particulièrement déplacée, de la part de l’administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je prendrai un troisième exemple, bien plus récent.

Le Parlement a voté le 13 juillet 2011 une loi qui interdit la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Soit. Je n’épiloguerai pas sur ce point... Il y avait eu à l’époque un large consensus – je ne suis pas certain qu’il demeure – entre la droite et la gauche pour adopter ce texte.

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Delphine Batho, a signé le 21 septembre 2012, en se référant à la loi du 13 juillet 2011, une circulaire qui interdit l’étude sismique des sols par un procédé bien connu, proche de l’échographie, permettant d’ausculter le sous-sol grâce au phénomène de résonance. Cette circulaire est naturellement contraire aux dispositions de la loi.

Le député Christian Bataille et moi-même avons été chargés d’une mission par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Dans ce cadre, nous entendons que cette circulaire totalement illégale soit rapidement retirée.

Je prendrai enfin un dernier exemple, anecdotique mais révélateur.

Certains d’entre vous ont voté tout à l’heure le projet de loi sur la refondation de l’école de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Lors de la discussion de ce texte en première lecture, le Gouvernement a déposé un amendement dont l’exposé des motifs avait pour le moins fait sourire. Il s’agissait d’une modification plutôt formelle, rédactionnelle du texte, afin que la loi soit formulée dans les mêmes termes qu’une circulaire rédigée par le ministre. Franchement, sommes-nous là pour conforter une circulaire rédigée par un ministre ?

Je voudrais donc – j’ai déjà exprimé à plusieurs reprises cette idée devant la commission, monsieur le président Assouline – insister pour que nos investigations portent également sur les circulaires. Je sais qu’il en existe des centaines et des milliers, mais il me semble malgré tout que nous ferions œuvre utile en empêchant parfois l’administration d’aller à l’encontre de ce que nous avons voté, sur la forme comme dans l’esprit, de façon que les lois soient celles qui ont été votées par ceux qui ont la légitimité pour les écrire, c’est-à-dire les parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Luc Carvounas

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, la création, par le bureau du Sénat, le 16 novembre 2011, d’une commission entièrement consacrée au contrôle de l’application des lois répond avant tout à une obligation démocratique qui nous incombe.

S’assurer de l’effectivité de la loi, au-delà des questions de sécurité juridique, est la première des exigences républicaines, car la loi, c’est l’égalité de tous, pour tous.

Comme le mentionnait l’éminent et regretté Guy Carcassonne lors du récent forum sur l’application des lois au Sénat, les « parlements européens qui fonctionnent de façon moderne consacrent infiniment plus de temps au contrôle qu’à la législation ».

En effet, le rôle de notre commission ne se résume pas à une « police des décrets », pour reprendre l’expression du président Assouline, et ses membres ne sont pas de simples « contrôleurs des travaux finis ».

Notre mission s’amplifie davantage avec l’évaluation législative. Et c’est d’ailleurs avec une réelle satisfaction que j’observe l’évolution très positive de l’activité de notre commission.

Je tiens à ce titre à saluer l’ensemble des rapports qui ont d’ores et déjà été produits par notre commission, sur des sujets aussi importants que l’audiovisuel public, le droit au logement, ou encore l’autonomie des universités et le Grenelle de l’environnement.

Ils démontrent d’ailleurs tout l’intérêt que notre fonctionnement démocratique trouvera à développer davantage cette activité.

Chacun pouvant constater le maquis buissonneux des lois et règlements de toutes natures, spécifique à la surproduction législative française, la nécessité de transformer le processus législatif s’impose au regard des travaux du bilan annuel de notre commission.

Car s’il est un domaine où la France est à l’abri du redressement productif, c’est bien celui de la production de normes ! Pourtant, comme le rappelait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Pour lutter contre ce phénomène, le Président de la République a récemment annoncé sa détermination à procéder à un « choc de simplification ».

Le Parlement, en lien avec le Gouvernement, a donc tout intérêt à réfléchir à de nouvelles façons de construire la législation. Elle pourrait être alors plus efficace, mieux calibrée et davantage préparée à être appliquée.

Aussi, monsieur le ministre, faisant suite à la présentation du rapport annuel par le président Assouline, je constate avec satisfaction que la mise en application des lois votées est une priorité forte du gouvernement auquel vous appartenez.

Observant que 80 % des textes adoptés sous l’actuelle législature ont été appliqués par le Gouvernement, de manière partielle ou totale, devançant parfois même le délai de six mois pour publier les textes d’application, je constate que nous sommes dans une dynamique très positive qu’il faut encourager.

En revanche, dans un esprit d’équilibre parlementaire entre les chambres, la Haute Assemblée peut regretter que seules 25 % de ses initiatives aient été appliquées sur la période 2010-2011, quand 50 % des initiatives de l’Assemblée l’étaient dans le même intervalle. Je voulais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur ce point.

De plus, toujours dans un souci de donner du sens à l’action politique et de la lisibilité à nos réformes, nous devons rester vigilants sur ce que l’on peut nommer l’« urgence à deux vitesses ».

Cela se produit lorsque le Parlement adopte des lois en procédure accélérée, mais que leur application ne se traduit pas par cette même célérité. Les parlementaires sont tout à fait en mesure de comprendre l’urgence de légiférer, mais les administrations doivent également partager ce mouvement.

Je tiens par ailleurs à saluer la grande qualité du travail méthodologique entrepris par notre commission dans son rapport annuel, ainsi que les recommandations techniques proposées pour faire évoluer positivement le contrôle et l’évaluation normative.

Je me retrouve tout à fait dans le souhait du président et des membres de notre commission de développer une véritable « culture parlementaire du contrôle et de l’évaluation ».

Ayant l’honneur de conduire un rapport sur l’application de la loi de 2009 relative au développement et à la modernisation des services touristiques, j’ai pu en faire l’expérience concrète.

J’ai pu y observer toutes les perspectives futures qui s’ouvrent à cette partie de l’activité parlementaire.

Et, en effet, ce processus tient à renforcer la qualité de la fabrique législative.

Quel est-il ? Constater l’état du droit antérieur ; vérifier son application ; définir les manquements normatifs et les insuffisances de l’action de la puissance publique ; réfléchir ensuite à des pistes d’évolution législative et réglementaire, le tout en prenant le temps de consulter et d’analyser les phénomènes que l’on étudie.

Fort de cette expérience, j’en suis convaincu, la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois est précurseur de ce que sera le Parlement de demain. Elle exercera son activité au cœur du processus législatif.

Il sera donc impératif de doter les sénateurs, comme les députés, de moyens supplémentaires, humains et matériels, afin que ce contrôle puisse s’effectuer aussi efficacement que possible. C’est un enjeu démocratique, car c’est la condition du bon fonctionnement de nos institutions.

Contrairement au « parlementaire bashing » que nous pouvons constater, ici ou là, la modernisation de la vie politique passera aussi par un renforcement de nos moyens d’action.

Dans le Parlement de demain, avec un processus législatif rénové, l’activité de contrôle et d’évaluation doit être la porte d’entrée parlementaire à toute grande réforme.

La place des études d’impact devra évoluer vers le renforcement de leur rôle dans le processus législatif, en amont, pour évaluer les répercussions futures d’une loi, comme en aval, pour contrôler son application réelle.

À ce titre, je souhaiterais que nous puissions envisager sereinement la proposition de Guy Carcassonne, lorsqu’il nous invitait à ouvrir la première étape de la discussion législative sur les études d’impact des lois. L’analyse coût-bénéfice d’une réforme et l’étude des alternatives à la loi sont une nécessité pour renforcer la performance normative et lutter contre l’inflation législative.

Enfin, nous aurons certainement à nous rapprocher davantage des membres de la Cour des comptes ainsi que de ceux du Conseil d’État. Sans leur conférer un pouvoir qu’ils n’ont pas, nous devons profiter davantage de leurs analyses pour converger ensemble vers la qualité normative.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ce débat annuel sur l’application des lois, je suis convaincu que nous sommes en train de transformer ensemble le processus de fabrique législative pour le rendre encore plus efficace.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe écologiste . – Mme Cécile Cukierman applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je voudrais tout d’abord saluer la richesse des rapports et des autres interventions, qui n’est pas sans lien avec les différents forums ou colloques que nous avons organisés sur la question. Ceux qui ont participé à ce débat se sont emparés du sujet avec force.

L’application des lois est incontestablement un problème fondamental qu’il nous faut résoudre pour asseoir la crédibilité de notre démocratie parlementaire, laquelle, pour des raisons diverses, plus ou moins pertinentes – la situation économique et sociale joue évidemment un rôle, mais aussi les discours des démagogues de toutes sortes –, est souvent critiquée, voire mise en doute par nos concitoyens.

Plus on travaille dans les enceintes du Parlement à la qualité de la loi et à son effectivité, plus on renforce la crédibilité de notre démocratie.

Au regard de cet objectif de crédibilité, je ne peux que souscrire aux propos de Mme Blandin : nous devons en effet revoir notre façon d’organiser ce débat annuel.

Il doit, bien sûr, être l’occasion pour le président de la commission d’exposer le bilan de l’année, mais je vous suggère aussi qu’il permette, mieux qu’aujourd’hui, à chaque commission de suivre la trace des décrets essentiels dans son champ de compétence et de garder un œil sur le stock et les délais d’application. Le Gouvernement serait prévenu quinze jours au moins avant le débat, qui serait pour lui l’occasion d’apporter des réponses aux interpellations des sénateurs – tel décret sera publié tel jour ; tel autre est actuellement bloqué dans telle administration ou tel ministère.

Le débat serait ainsi plus vivant et nous aurions vraiment le sentiment d’être utiles, en mettant un petit coup de « pression », comme vous le disiez, monsieur Collin, sur le Gouvernement, et même parfois en l’aidant à retrouver la trace de certains décrets…

Nous pourrions aussi faire en sorte que, tout au long de l’année, au-delà de nos travaux – rapports sur le fond en binômes, travail de contrôle effectué tout au long de l’année par chaque commission permanente –, il soit possible d’interpeller le Gouvernement sur un certain nombre de décrets que l’on souhaiterait voir paraître, à l’occasion de séances dédiées ou simplement par la voie d’un échange entre le Gouvernement et la commission sénatoriale, qui autoriserait une approche moins formelle mais plus dynamique de notre mission.

Bien sûr, il nous faudra pour cela encore plus de moyens – je ne vous l’apprends pas, mes chers collègues : il faut des moyens pour travailler ! Lorsque cette commission s’est installée, on m’a dit : « Commence avec très peu, trace le chemin et les moyens viendront… » C’est précisément ce que nous avons fait : nous avons travaillé avec les moyens du bord, sans pleurnicher.

Aujourd’hui, nous constatons avec satisfaction que cette culture du contrôle et de l’évaluation est en train de gagner du terrain. Les parlementaires et les pouvoirs publics dans leur ensemble sont de plus en plus convaincus de l’utilité de cette démarche.

Je réitère donc mon optimisme. Mais nous ne devons pas lâcher prise, car la fonction de contrôle parlementaire, si elle aide bien sûr la démocratie, est aussi dérangeante. C’est un surcroît de travail pour les parlementaires, mais aussi, souvent, une épine dans le pied de ceux qui gouvernent, parce qu’on vient leur demander des comptes. Il se trouve toutefois que, aujourd’hui, Gouvernement et parlementaires sont disposés à s’engager dans cette démarche.

Je voulais enfin vous remercier, monsieur le ministre, et remercier aussi les administrateurs de ma petite commission, ou plutôt les quelques administrateurs qui travaillent pour cette grande commission ! C’est en effet sur eux que repose en grande partie ce travail gigantesque. Vous avez salué ce rapport, mes chers collègues ; il est avant tout le fruit du travail très approfondi qu’ils ont accompli.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC . – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies

Je commencerai par répondre à la proposition du président Assouline, ce qui excusera peut-être mon absence de réponse à certaines questions ou l’inconsistance de certains de mes propos.

Il faut dire que l’exercice auquel je me livre ce soir est particulier. Je pourrais me contenter de propos généraux et m’appuyer sur vos interventions de qualité, mesdames, messieurs les sénateurs, mais ce n’est évidemment pas la réponse que vous attendez, puisque vous avez tous ou presque cité des exemples précis qui vous tiennent à cœur.

Même si le ministre chargé des relations avec le Parlement est, par définition, capable d’un regard d’ensemble sur les textes en discussion, vous comprendrez que je me trouve dans une situation singulière et qu’il me faudrait probablement plusieurs heures pour reprendre la genèse de l’ensemble des textes réglementaires dont vous vous préoccupez de la parution.

Pour que cette rencontre annuelle ne soit pas marquée du sceau de l’insatisfaction, le Gouvernement accepte la suggestion du président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois : nous pourrions ainsi recevoir, dans un délai de quinze jours, non pas le recueil exhaustif des textes relevant de la commission – je ne vois pas quelle serait alors la différence avec le rapport –, mais une sorte de catalogue de préoccupations, hiérarchisées. Cela permettrait au Gouvernement de savoir ce qui paraît urgent à la commission, et de vous faire ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, des réponses plus utiles.

Pour ce soir, j’ai sélectionné un certain nombre de questions et vais tenter de leur apporter une réponse.

Monsieur le président de la commission des affaires économiques, vous avez marqué votre préoccupation pour la loi du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d’ordre cynégétique. Le projet de décret, dont je ne rappelle pas le contenu par souci de concision, a obtenu un avis favorable du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage le 11 avril 2013 ; il a été transmis au Conseil d’État le 11 juin dernier. Ces informations devraient vous satisfaire, monsieur Raoul.

Vous m’avez aussi interrogé sur l’application d’un texte plus complexe, la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale. Sur les dix-huit articles de ce texte qui comportent des dispositions de fond, quatre ne sont pas encore entièrement entrés en vigueur, faute de décret d’application.

Pour ce qui est du premier décret en Conseil d’État, qui doit toiletter le code de la propriété intellectuelle pour tenir compte de la création, par l’article 1er de la loi, d’une instance nationale des obtentions végétales, le projet sera transmis au Conseil d’État au mois de juillet, à l’issue des consultations des parties intéressées, qui sont toujours en cours.

Les dispositions du deuxième décret, qui concerne l’application de l’article 16 de la même loi, ont été intégrées dans le projet de décret à l’instant évoqué. Elles seront donc aussi transmises au Conseil d’État au mois de juillet.

Le troisième projet de décret, qui concerne les dispositions de l’article 2 créant une procédure d’agrément des laboratoires, est en cours de rédaction, après une première phase de consultations bilatérales. Il fera l’objet, au mois de septembre, d’une consultation plus large de l’ensemble des parties prenantes, puis sera transmis au Conseil d’État pour publication avant la fin de l’année 2013.

Enfin, le quatrième projet de décret concerne l’article 18 de la loi. Le Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux a présenté des propositions à cet effet le 18 juin. Les options proposées vont être présentées aux parties prenantes pour identifier les mesures adaptées, qui figureront dans le décret. Ce dernier devrait être publié au premier trimestre 2014.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Mme la présidente de la commission des affaires sociales a posé, quant à elle, une question, reprise par Mme Dini, portant sur la loi du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.

La Commission consultative d’évaluation des normes a rendu, le 4 avril 2013, un avis favorable sur le décret. Celui-ci est actuellement soumis à l’avis du Conseil d’État. Celui-ci, saisi le 6 juin 2013, devrait se prononcer dès réception de l’accord écrit du ministère de l’intérieur, cosignataire du décret. Dans ce but, des travaux techniques avec le ministère de l’intérieur sont en cours de finalisation. Vous avez eu raison d’attirer notre attention sur l’importance de ce décret. La réponse que je vous apporte aujourd’hui est un peu plus précise que celles que le Gouvernement avait pu donner aux questions écrites que vous avez mentionnées.

En ce qui concerne le texte relatif aux recherches impliquant la personne humaine, que vous avez évoqué, madame la présidente, la question est plus complexe.

Plusieurs sources laissent à penser que le projet de règlement européen sur les essais cliniques de médicaments pourrait être publié avant la fin de l’année 2013. Bien que la loi soit, sur le fond, en cohérence avec l’esprit du projet de règlement, le texte établi à l’échelle européenne s’étant largement inspiré des contributions de la France dans les groupes de travail ad hoc, les deux textes s’écartent sur certaines modalités de mise en œuvre, qui font que des dispositions du projet de décret seraient incompatibles avec le futur règlement européen. Ce dernier fait déjà l’objet d’une phase pilote mise en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, à laquelle bon nombre de promoteurs adhèrent.

En conclusion, il pourrait se révéler préférable de surseoir temporairement à l’adoption du décret, dans l’attente de la publication du règlement européen, faute de quoi, et compte tenu de la hiérarchie des normes, le décret risquerait d’être supplanté par le règlement.

J’en viens aux questions posées par Mme la présidente de la commission de la culture, relatives, notamment, à la rémunération pour copie privée. Seul l’article 3 de la loi du 20 décembre 2011 n’a pas encore été mis en œuvre. Le décret d’application relatif à l’information des acquéreurs de supports d’enregistrement soumis à la rémunération pour copie privée a été soumis à la consultation des professionnels. Le projet de décret a été notifié le 25 mars 2013 à la Commission européenne, qui peut donc demander des modifications jusqu’au 26 juin 2013, c’est-à-dire demain !

La saisine du Conseil d’État devrait être opérée dans les plus brefs délais. Le commissaire à la simplification a également été saisi. Un arrêté fixant le contenu de la notice affichée dans les points de vente a été élaboré et sera publié de manière concomitante. Le décret devrait sortir le 1er janvier 2014.

Les questions que vous avez posées sur la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs m’amènent à formuler deux remarques.

D’une part, après le vote de cette loi et afin d’en respecter l’article 1er, le Comité national olympique et sportif a adopté sa charte éthique. La mesure réglementaire est donc devenue sans objet. La base sera abrogée par un prochain texte.

D’autre part, en ce qui concerne l’article 8, le projet de décret a fait l’objet d’une saisine pour avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés au mois de mai 2012. L’avis de l’Autorité de régulation des jeux en ligne et du Comité national olympique et sportif a été formellement sollicité. Le Conseil d’État sera saisi du projet dès que l’ensemble des avis auront été rendus, a priori d’ici à la fin du mois de juillet.

Je ferai parvenir à M. le président de la commission du développement durable ainsi qu’à M. le président de la commission des finances le texte des réponses qu’il m’est possible de leur faire.

M. le président de la commission des lois a posé des questions sur la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines. Le projet de décret a été rédigé et sera prochainement soumis aux intersyndicales des praticiens hospitaliers.

Un élément de contexte explique le temps pris pour préparer ce projet de décret. Les intersyndicales des praticiens hospitaliers ont exprimé de vives oppositions à l’égard de ce texte, cela a été rappelé, et sont intervenues avec beaucoup d’efficacité pour que le principe qui y est inscrit ne soit pas traduit de manière réglementaire. Un moratoire a été décidé. Le risque est que le projet de décret, qui vient d’être rédigé, rouvre le débat sur les autres expertises. Vous le savez, en la matière, il est toujours compliqué de savoir dans quelles conditions les expertises judiciaires sont possibles.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

J’ai répondu à Mme Dini, qui avait posé la même question que Mme David, sur l’enfance en danger.

L’expertise dont a fait montre Yves Rome dans son intervention fait que je ne me sens pas capable d’entrer en concurrence avec lui, surtout sur un sujet qui lui tient si particulièrement à cœur. Il voulait, je pense, éclairer le Sénat sur un autre aspect du contrôle de l’application des lois. J’en profite pour souligner le travail remarquable qu’il a effectué sur le programme national en faveur du très haut débit.

M. Collin a posé des questions relatives au service civique. Le dispositif applicable dans les territoires d’outre-mer a fait l’objet de dispositions spécifiques, prises par voie réglementaire. Ce texte a été complété par un arrêté de janvier 2011 et explicité par une circulaire des outre-mer du 22 mars 2011. En Nouvelle-Calédonie, et dans les autres collectivités d’outre-mer, les discussions au plan local sont toujours en cours. Toutefois, le dispositif du service civique a pu se développer grâce à des mesures transitoires et locales, fondées sur des dispositifs applicables à l’ex-volontariat civil à l’aide technique, aussi bien en matière d’exonération de taxes que de régime local de sécurité sociale et de couverture complémentaire, ou encore de régime de retraite.

Monsieur Lenoir, les exemples que vous avez cités relèvent d’expériences partagées. Vous êtes revenu sur le sujet des lois de simplification pour nuancer ce qui en avait été dit, relevant à juste titre qu’elles avaient pu être dévoyées. Je le crois profondément, mais, monsieur le sénateur, la responsabilité de cette situation est largement partagée.

Je puis dire, pour avoir assisté aux débats sur la quatrième loi dite « de simplification », présentée par M. Warsmann, que l’on avait atteint là les limites du raisonnable. Son examen prenait place en fin de législature. Je pense ne pas être caricatural en disant que ce texte a fini par n’être plus qu’une compilation de toutes les initiatives qui n’avaient pu trouver place auparavant, faute de vecteur adéquat.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Je me souviens avoir vu arriver en discussion, en pleine nuit, toute une partie du code du tourisme relatif au tourisme de plein air, soit cinq pages représentant une quinzaine d’articles ! Le texte n’avait jamais pu être inscrit à l’ordre du jour et l’on avait ainsi voulu l’agréger à celui qui était alors en discussion. Et je pourrais multiplier les exemples.

Je l’ai dit, nous avons un problème global, celui du bon véhicule législatif, par exemple pour abroger des lois. La précaution prise par le Gouvernement, ou l’exécutif en général, de ne plus mettre dans le circuit législatif des textes de ce type s’explique par le fait que, puisque l’on peut y traiter de tout, il est difficile de prétendre qu’ils sont des cavaliers législatifs ! Et c’est effectivement ce qui se passe ! La finalité est donc dévoyée ou détournée. Voilà pourquoi nous sommes privés de véhicules législatifs de ce type, …

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

… qui seraient pourtant nécessaires pour traiter les questions dont nous discutons.

L’exécutif et le législatif devraient donc se doter d’un « code de bonne conduite », pour qu’un texte d’abrogation de lois ne serve pas à tout autre chose.

J’ai connu, autrefois – c’est le privilège de mon ancienneté au Parlement –, ces fameux textes portant diverses dispositions…

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

… d’ordre social, en effet, ou d’ordre économique et financier qui, au fond, étaient très utiles. Aujourd’hui, ils ne font plus partie de la pratique parlementaire. Je constate cependant qu’ils nous permettaient de compléter heureusement notre arsenal législatif de dispositions qui n’exigeaient pas un texte législatif spécifique.

Dans tous les cas, le Gouvernement est, bien sûr, disposé à améliorer encore les conditions du travail qui trouve son aboutissement en séance publique, comme ce soir, mais il est aussi décidé à être au rendez-vous du contrôle de l’application des lois.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrôle de l’application des lois est, il est vrai, tout à la fois l’objectif et la responsabilité des parlementaires, mais convenez que, si la démarche a pour résultat que les lois sont mieux appliquées, c’est parce que ce n’est pas moins l’objectif et la responsabilité du Gouvernement. Or permettre à l’exécutif et au législatif de mieux travailler ensemble, c’est les aider à atteindre leur objectif commun : mieux travailler pour les Français !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec le débat sur le bilan annuel de l’application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 26 juin 2013, à quinze heures et le soir :

Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de séparation et de régulation des activités bancaires (643, 2012-2013).

Rapport de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des finances (681, 2012-2013).

Texte de la commission (n° 682, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 26 juin 2013, à zéro heure quarante-cinq.