Intervention de Raymond Vall

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Raymond VallRaymond Vall :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je voudrais saluer à mon tour le travail réalisé par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois sous l’impulsion énergique de son président, David Assouline.

Votre rapport, cher collègue, effectue une synthèse très instructive des observations de nos différentes commissions. Il met en évidence la nécessité d’un suivi attentif de l’application des lois : cette application doit être à la fois effective et conforme à la volonté du législateur.

Cette procédure de contrôle, spécifique à notre assemblée, traduit bien l’intérêt qu’attache, à juste titre, le Sénat à la mise en œuvre des textes votés par le Parlement. Malheureusement, nous connaissons tous des lois qui, faute de décrets, ne peuvent être appliquées, ou, à l’inverse, des décrets qui s’éloignent manifestement de l’intention du législateur. Il est important que nous nous saisissions de ces dysfonctionnements et que nous demandions des explications au Gouvernement. En effet, ce « service après-vote » fait partie de nos missions.

C’est la première fois que la commission du développement durable, âgée d’à peine plus d’un an, dresse un tel bilan. Notre travail de suivi ne s’est pas limité aux seuls textes législatifs dont notre commission a été saisie. Lors de la scission de l’ancienne commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons, avec M. Daniel Raoul, réalisé un travail très précis de répartition des textes entre nos deux commissions selon nos domaines de compétences respectifs.

Au total, la commission du développement durable a procédé cette année à une veille sur dix-sept lois. Trois d’entre elles ont été adoptées depuis la publication du précédent rapport sur l’application des lois.

Sur un plan quantitatif d’abord, voici quelques chiffres.

Sur les 17 lois examinées, 2 sont totalement applicables. Ainsi, toutes les mesures réglementaires d’application ont été prises pour la loi du 5 décembre 2011 relative au plan d’aménagement et de développement durable de Corse et la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

Par ailleurs, 15 lois sont partiellement applicables, dont 11 à plus de 75 %. Deux lois méritent en particulier d’être mentionnées. La première est la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ». Pour cette loi, applicable à 87 %, de nombreux textes d’application ont été publiés cette année sur les quelque 200 mesures réglementaires attendues. La seconde est la loi du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France, dont les principaux textes d’application ont été très rapidement publiés, traduisant ainsi la préoccupation largement consensuelle d’une nécessaire relance de la voie d’eau dans notre pays.

Enfin, aucune loi n’est totalement inapplicable, ce qui est naturellement satisfaisant, mais surtout bien normal.

D’une manière générale, nous avons observé une tendance à l’amélioration du taux d’application des lois votées.

Il est impossible d’établir des comparaisons chiffrées cette année, car la période de référence du rapport a été modifiée. Mais cette tendance, qui avait déjà été observée dans les deux ou trois précédents rapports, semble se poursuivre, et c’est une très bonne chose.

Une véritable prise de conscience de cette nécessité s’opère à Matignon et dans les ministères – vous nous le confirmerez, monsieur le ministre. Cette amélioration reste toutefois fragile. Les efforts accomplis par les services ministériels doivent donc se maintenir et le nouvel élan donné au suivi de ces mesures par la commission pour le contrôle de l’application des lois doit les inciter à continuer.

Trois motifs d’insatisfaction ont néanmoins été soulignés par notre commission.

Le premier, hélas récurrent, est celui du taux d’application des lois votées après engagement de la procédure accélérée. Une fois de plus, on ne constate aucune différence entre ce taux et celui qui est enregistré pour les lois pour lesquelles la procédure parlementaire normale a été suivie.

Je prendrai pour exemple une loi récente, la loi du 22 février 2012 portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports. En treize mois, seules cinq des dix mesures réglementaires prévues ont été prises, aboutissant ainsi à un taux d’application de 50 % seulement. Or cette loi, qui était attendue, revêt une importance réelle pour les ports et l’économie des territoires ultramarins.

Un deuxième sujet de préoccupation est l’insuffisance du nombre de rapports publiés sur le total de ceux que le Gouvernement doit remettre au Parlement, en application de dispositions législatives. Ainsi, sur les 40 rapports prévus par les lois dont nous avons assuré le suivi, seuls 23 avaient été publiés au 31 mars 2013. Nous attendons encore, notamment, 8 rapports dont l’élaboration est prévue dans la loi Grenelle 2 et 3 rapports issus de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

Le troisième point problématique, sans doute le plus important, est le nombre encore trop élevé de lois partiellement applicables. Il y en a 15 parmi les 17 lois dont nous avons assuré la veille.

Je ne peux pas toutes les mentionner ici, mais je voudrais évoquer quelques exemples qui me paraissent emblématiques de ce non-respect de la volonté du législateur. Nous attendons, depuis 2001, le décret permettant la création d’un fichier des bateaux de navigation intérieure. Nous attendons, depuis 2002, le décret en Conseil d’État sur la sécurité des ouvrages d’infrastructures de navigation intérieure. Plusieurs décrets d’application de la loi de 2006 concernant le transport maritime ne sont toujours pas pris. La loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est en panne.

Certes, plusieurs textes législatifs annoncés devraient permettre d’avancer sur ces sujets, par exemple dans le domaine du numérique ou dans le cadre de la réforme ferroviaire. Mais la mise en œuvre de ce que nous avons décidé voilà déjà plusieurs années n’a que trop tardé.

Comme vous le constatez, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe encore une vraie marge de progrès, notamment pour respecter la circulaire de 2008 relative à l’application des lois, dans laquelle le Gouvernement s’était engagé à respecter l’objectif consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de chaque loi.

Il me semble aussi qu’il nous revient d’être plus attentifs à ce que nous demandons lorsque nous votons la loi. En effet, il nous faut non seulement éviter d’avoir systématiquement recours aux mesures réglementaires lorsque nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord, mais aussi veiller à ne pas déterminer des normes toujours plus nombreuses et contraignantes pour nos collectivités, nos entreprises et nos concitoyens.

C’est au prix de cette exigence envers nous-mêmes que nous pourrons renforcer notre contrôle sur le Gouvernement.

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