Intervention de Philippe Marini

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrôle de l’application des lois est bien entendu une tradition de notre assemblée, et la commission des finances s’efforce d’y participer.

Nous assurons, comme vous le savez, le suivi d’un grand nombre de textes réglementaires, parallèlement à notre activité de contrôle budgétaire.

Au cours de la période sous revue, soit de juillet 2011 à septembre 2012, la commission des finances a été concernée par 9 lois nouvelles, qui, cette fois-ci, ont toutes été des lois de finances et auxquelles correspondaient 118 mesures d’application. En ajoutant les textes prescrits par des lois antérieures, et non encore publiés, on constate que notre contrôle a porté sur 197 mesures attendues, issues de 21 lois.

Il convient de mettre en avant, à partir de ces premiers éléments, quelques données quantitatives, qui rejoignent les constats globaux formulés par le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois.

En premier lieu, le taux de publication des mesures prévues par les textes examinés au fond par notre commission s’améliore : il s’établit à 76 % pour les lois nouvelles et à 68 % pour l’ensemble des textes dont nous assurons le suivi.

En second lieu, il semble que les textes « sortent » plus vite que ce n’était le cas auparavant. Concernant les lois adoptées pendant la période sous revue, 2011-2012, 62 % des textes réglementaires ont été pris dans le délai de six mois prévu par la circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2004.

Néanmoins, ces chiffres doivent être interprétés avec quelques précautions car, bien sûr, toutes les mesures ne se valent pas en importance et tous les retards ne présentent pas les mêmes inconvénients.

Certaines lois peuvent aussi être considérées comme étant en attente de mesures d’application alors que les textes non pris sont simplement devenus sans objet. La question qui se pose est donc celle du délai dans lequel les mesures sans objet devraient être abrogées.

En outre, certains décrets peuvent ne pas sortir parce que le législateur, lui-même, tergiverse. Il en est allé ainsi des décrets devant préciser les modalités de mise en œuvre des fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Prévus par la loi de finances pour 2011, ces décrets ont été publiés seulement deux ans et demi plus tard, en avril 2013 ! Entre-temps, le Parlement avait décidé de repousser la création de ces fonds.

Dans d’autres cas, le législateur peut avoir exprimé une volonté claire, mais les mesures ne sont pas mises en œuvre. Il convient bien évidemment de s’interroger sur ce type de situations.

Je relève par exemple l’absence d’application de l’article 242 septies du code général des impôts, issu de l’article 101 de la loi de finances pour 2011 et de l’article 85 de la loi de finances pour 2012, dont l’objet était de renforcer la transparence de la défiscalisation des investissements réalisés outre-mer en prévoyant de réglementer les cabinets de défiscalisation.

L’exercice de cette profession devait être soumis à la signature d’une charte de déontologie. De plus, l’article de la loi disposait que les cabinets déclarent annuellement à l’administration fiscale les opérations réalisées, de façon à améliorer le suivi de cette dépense fiscale, notamment s’agissant des investissements hors agrément. Enfin, l’article prévoyait une mise en concurrence des cabinets de défiscalisation dans le cas de certains investissements exploités par des sociétés majoritairement détenues par une personne publique.

Il y a unanimité, mes chers collègues, sur la nécessité de mieux encadrer et de rendre transparente l’activité de ces cabinets de défiscalisation. Pourtant, deux ans et demi plus tard, l’exigence de signer une charte de déontologie comme la mise en concurrence de ces cabinets pour certains investissements ne sont toujours pas appliquées. Certains interlocuteurs me disent que le décret n’est plus nécessaire, d’autres le réclament. Quoi qu’il en soit, il faut que ces mesures s’appliquent ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, je me permets de vous signaler tout particulièrement ce cas de figure.

Inversement, nous pouvons parfois nous réjouir de constater que les textes les plus politiques reçoivent une mise en œuvre rapide. Ainsi, les deux premiers collectifs budgétaires de 2012, adoptés juste avant et juste après les élections présidentielle et législatives, ont tous deux reçu une application rapide et pratiquement intégrale.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, je me réjouis que le contrôle de l’application des lois devienne aussi plus qualitatif.

À cet égard, j’ai le souvenir d’avoir élaboré, en 2004, un rapport intitulé La loi de sécurité financière : un an après, rapport dans lequel je me livrais à un bilan de l’application de cette loi. C’était une initiative quelque peu isolée, du fait du temps disponible au sein de la commission, mais, aujourd’hui, cette démarche se développe, voire se généralise et c’est une excellente chose.

C’est pourquoi il est utile, chacun s’en rend compte, de disposer d’une commission chargée du contrôle de l’application des lois et, me rapprochant de ma conclusion, je me permettrai de m’arrêter un instant sur le caractère exemplaire, à mes yeux, des suites données au rapport que cette commission a réalisé sur la suggestion de notre commission des finances : il s’agit du rapport de Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier sur la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui comprenait notamment vingt propositions pour approfondir la réforme de 2010.

Dix de ces propositions concernaient les procédures de surendettement et, pour la plupart, elles ont été traduites dans des amendements adoptés, à l’Assemblée et au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi bancaire.

Dix autres propositions étaient relatives au secteur du crédit à la consommation. Plusieurs ont déjà été intégrées dans le projet de loi relatif à la consommation actuellement en débat à l’Assemblée nationale, notamment concernant la déliaison des cartes de fidélité et des cartes de crédit, la rémunération des vendeurs, ou encore la poursuite des travaux du Comité de suivi de la réforme de l’usure.

J’espère donc que le deuxième rapport suggéré par notre commission des finances, consacré au régime de l’auto-entrepreneur, connaîtra le même succès…

Pour conclure, je mentionnerai le fait que les rapports demandés au Gouvernement dans les différentes lois ne sont pas toujours rendus dans les temps, voire pas rendus du tout.

Il faut convenir qu’il est souvent pratique, pour trouver une issue à une discussion, de prescrire un rapport. Mais c’est une potion, si j’ose ainsi m’exprimer, monsieur le ministre, dont il ne faut certainement pas abuser. Il faut tâcher de résister à la tentation de demander l’établissement de rapports pour des effets de séance, lorsqu’on recherche une sortie qui contente tout le monde au détour d’un débat difficile. Mais les rapports sont plus légitimes lorsque notre assemblée, par exemple, pense qu’ils permettront de faire progresser la réflexion sur un sujet et d’initier de nouvelles mesures.

Plusieurs rapports significatifs sont actuellement en souffrance.

L’exemple de l’article 79 de la loi de finances pour 2013 est assez caricatural. Cet article dispose que « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mai 2013, le rapport mentionné à l’article 110 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 étudiant l’opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer ». C’est une idée ancienne des commissions des finances des deux assemblées et il est regrettable que nous n’ayons pas de données pour entrer véritablement dans ce débat.

Il y a aussi le sujet difficile du Crédit immobilier de France, l’article 108 de la loi de finances pour 2013 demandant la remise, avant le 30 mars 2013, d’un rapport sur les résultats de l’examen de la situation de cet établissement.

Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour relayer ces attentes. Je remercie vivement la commission compétente pour l’organisation de ce débat et, surtout, je vous remercie, mes chers collègues, de votre patience et votre indulgence à l’égard de propos qui, j’en ai conscience, sont quelque peu arides. §

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