Intervention de Muguette Dini

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, le 6 décembre 2011, notre commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois se constituait.

Contrairement au travail que nous faisons aujourd’hui, son rôle ne se limite pas à lister les textes d’application publiés pour chaque loi promulguée. Il consiste également à contrôler, avec les acteurs de terrain, l’application concrète d’une loi, d’en apprécier les avancées mais aussi d’identifier ses dysfonctionnements et ses limites.

En tout cas, telle fut la démarche qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons adoptée dans le cadre de notre rapport d’information sur la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ». Avec un taux de plus de 90 %, la mise en application de cette loi a été bien maîtrisée par le Gouvernement.

Lors de nos auditions et déplacements, nous avons constaté les avancées importantes permises par la loi en matière de crédit à la consommation et de traitement du surendettement des particuliers. Malgré tout, nous avons relevé quelques insuffisances, d’où nos 20 recommandations visant à compléter et améliorer la loi Lagarde.

J’ai eu le plaisir de voir plusieurs d’entre elles intégrées au titre VI du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, par le Gouvernement et par voie d’amendement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. D’autres de ces recommandations pourront améliorer – je travaille en ce sens – le projet de loi relatif à la consommation. Nous avons donc le sentiment d’avoir été utiles dans notre contrôle.

Je souhaite souligner un autre exemple positif en matière d’application des lois, même s’il a été long à se mettre en place : je veux parler du dépistage précoce des troubles de l’audition.

Cette disposition a été adoptée, après de longs et vifs débats, dans le cadre du PLFSS pour 2012. Il convient de noter qu’elle n’est pas soumise à la publication d’un texte réglementaire. En effet, conformément aux termes du texte de loi, chaque agence régionale de santé, ARS, doit élaborer, en concertation avec les associations et les professionnels de santé concernés par les troubles de l’audition, un programme de dépistage. Après des débuts très laborieux, voire anarchiques, ce travail de concertation est lancé. Il porte sur l’élaboration d’un cahier des charges national, qui comportera des informations méthodologiques, et sur les dispositifs d’appareillage.

Les ARS auront, elles, le choix entre deux tests.

Quant au financement, il a été affecté dans le cadre du forfait périnatalité, dont un peu plus de 18 euros par naissance, qui permettront aux maternités d’acquérir le matériel nécessaire au dépistage.

Les professionnels de santé concernés estiment que, dans trois ans, ce dépistage sera effectif sur tout le territoire. Il aura quand même fallu quatre ans pour l’application totale de cette loi.

Je poursuivrai mon propos par deux exemples négatifs, dont l’un a été évoqué par Mme Annie David, présidente de notre commission des affaires sociales.

Le premier a trait aux lois votées qui restent inappliquées faute de textes d’application publiés par le Gouvernement. C’est le cas de loi du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.

Ce texte est venu corriger une insuffisance de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui consacre le rôle de chef de file du président du conseil général. La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, placée sous son autorité, analyse les informations qui lui parviennent et diligente les enquêtes sociales afin de déterminer si les enfants sont en danger ou risquent de l’être.

Or cette cellule se heurte à des difficultés lorsqu’une famille titulaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance déménage dans un autre département. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune coordination interdépartementale n’a été prévue, d’où des ruptures, soit dans la prise en charge de l’enfant, soit dans l’évaluation des informations préoccupantes.

La loi du 5 mars 2012 comble ce vide juridique et organise la transmission des informations entre départements. Un décret en Conseil d’État doit définir les modalités de cette transmission interdépartementale, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Cette loi, adoptée à l’unanimité dans les deux assemblées parlementaires, comporte un article unique, mais, bien que parue au Journal officiel du 6 mars 2012, elle reste à ce jour lettre morte !

Nous sommes plusieurs parlementaires à avoir interpellé sur ce point, au travers de questions écrites, Mme la ministre chargée de la famille. En réponse, le 17 janvier 2013, voilà donc bientôt six mois, elle a indiqué que « le projet de décret d’application de cette loi [était] actuellement soumis à la procédure consultative ».

Dois-je rappeler que la loi du 5 mars 2007 prévoyait déjà un tel texte, mais que celui-ci n’a jamais vu le jour ? La protection de l’enfance a-t-elle si peu d’importance ? Au moment où de nombreux cas de dysfonctionnement sont évoqués dans la presse, ne pourrait-on pas, au moins, apporter une réponse à celui-là ?

Le second exemple de dysfonctionnement dans l’application des lois que je souhaite pointer du doigt est celui d’une application qui ne correspond pas à la volonté du législateur, en particulier lorsque le texte résulte d’une proposition de loi.

L’application de la loi du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistantes maternelles, ou MAM, en est une parfaite illustration. Dans l’esprit de la loi, les MAM sont le prolongement du domicile des assistantes maternelles. Toutefois, cette volonté se trouve bafouée par une administration tatillonne, éloignée des réalités que vivent nos concitoyens.

Dans un premier temps, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur a classé les MAM en « établissements recevant du public de quatrième catégorie ». Jean Arthuis et moi-même avons vivement réagi à cette décision, qui condamnait les MAM existantes à fermer et interdisait l’ouverture de toute nouvelle structure. Nous avons ainsi obtenu que les MAM bénéficient d’un cadre plus souple grâce à un classement en cinquième catégorie.

Si les normes de protection contre l’incendie doivent impérativement être appliquées, il en va autrement des normes d’accessibilité aux personnes handicapées. En effet, aux termes de l’article R. 111–19–1 du code de la construction et de l’habitation, les MAM doivent être accessibles aux personnes handicapées, « quel que soit leur handicap ». Or, je le rappelle, les MAM accueillent des assistantes maternelles et des enfants !

Là encore, une telle exigence réglementaire est inapplicable à l’aménagement intérieur des MAM et ignore totalement la réalité de l’activité d’une assistante maternelle. Il est aberrant d’imposer que l’aménagement intérieur des MAM soit accessible aux adultes handicapés : en effet, c’est inutile pour les assistantes maternelles, car aucune personne en fauteuil roulant ne recevra jamais l’agrément de services chargés de la protection maternelle et infantile, la PMI, pour garder des enfants ; s’il s’agit des parents, il suffit simplement d’aménager le lieu d’accueil de la MAM, pour qu’un parent handicapé puisse y amener son enfant.

Les MAM sont un dispositif de garde des jeunes enfants innovant et souple. Leur coût est raisonnable pour les parents et nul pour les collectivités locales, mais les mesures d’application de cette loi freinent le développement de ces structures, au moment même où le Gouvernement dit vouloir créer de nouvelles places d’accueil.

En conclusion, mes chers collègues, je dresserai un bilan en demi-teinte : je reconnais des progrès dans le cadre de l’application des lois que nous votons, mais beaucoup reste à faire pour que ces mesures deviennent des réalités dans la vie de nos concitoyens.

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