Intervention de Yvon Collin

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, au nom des membres du RDSE, je me réjouis bien sûr de la tenue de ce débat sur le bilan de l’application des lois.

Je rappellerai que, sur mon initiative et celle de mon groupe, le Sénat avait débattu, début 2011, de l’édiction des mesures réglementaires d’application des lois.

À cette occasion, nous avions déjà constaté – hélas ! – un vrai décalage entre l’objectif de rééquilibrage des institutions en faveur du Parlement et la mise en application par le Gouvernement de la volonté exprimée par les deux assemblées parlementaires au travers du vote de la loi.

Nous avions également relevé qu’il n’existait pas de véritable contrainte pour obliger le pouvoir réglementaire à s’acquitter de sa mission dans des délais raisonnables.

Il existe bien la circulaire du 29 février 2008 sur « le délai des six mois », qui précise en préambule que « Veiller à la rapide et complète application des lois répond à une triple exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ».

Il y a aussi le fameux article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, qui fait obligation au Gouvernement de publier des rapports sur la mise en application de chaque loi six mois après l’entrée en vigueur de celle-ci.

Toutefois, ces deux instruments ne peuvent en aucun cas conduire le Parlement à enjoindre le Gouvernement de respecter un délai.

Si l’on souscrit naturellement au principe intangible de séparation des pouvoirs et de l’architecture institutionnelle qui en découle, on peut, en revanche, regretter que le Parlement, qui vote souverainement la loi et exprime ainsi la volonté générale, voie ses actes législatifs contrariés par les retards du pouvoir réglementaire.

C’est ce constat qui avait conduit le RDSE à déposer une proposition de loi tendant à reconnaître la présomption d’intérêt à agir des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière d’excès de pouvoir.

Ce texte, débattu en séance publique, le 17 février 2011, a pu apparaître comme trop avant-gardiste au gouvernement de l’époque qui en avait tout simplement demandé et obtenu le rejet. Toutefois, son examen a eu le mérite de rappeler, dans un relatif consensus, la nécessité d’améliorer encore les moyens de contrôle du Parlement sur l’exécutif. C’est donc sous les fleurs que ce texte avait été enterré !

Depuis, – je le concède – on observe une nette amélioration du rythme d’application des lois. Du côté gouvernemental, les ministères s’évertuent, depuis quelques années, à redresser le taux d’applicabilité des lois. La notion d’obligation de résultat a, enfin, pris sens. Notre collègue rapporteur David Assouline l’a bien exposé. Je dois dire, d’ailleurs, que l’excellent travail de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois contribue à la prise de conscience générale, et je félicite la commission, ainsi que son président.

Elle a émis de nombreux rapports, générant une forme de pression – si j’ose dire. Les résultats de tous ces efforts, vous les connaissez, mes chers collègues. D’une seule phrase, je rappellerai que le pourcentage global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 a atteint 66 %, un chiffre à mettre en rapport avec la moyenne des années précédentes qui oscillait entre 30 % et 40 %.

C’est un progrès incontestable, monsieur le ministre. Au regard des données concernant l’actuelle législature, il semblerait que l’on s’oriente vers encore plus de célérité pour l’application des lois. C’est une bonne chose, et je vous en félicite.

Je m’en félicite aussi, même si, à titre personnel, je déplore que quelques-unes de mes attentes ne soient toujours pas satisfaites. Je pense, en particulier, à deux textes que j’ai fait adopter, avec le soutien de mon groupe, et dont tous les décrets d’application ne sont pas encore parus. Il s’agit de la loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs ainsi que celle, plus ancienne, du 10 mars 2010 relative au service civique.

Comme l’a rappelé notre collègue rapporteur, la mise en application des mesures issues d’initiatives parlementaires ne souffre plus d’un traitement discriminatoire. On peut, là aussi, s’en féliciter.

C’est pourquoi je compte sur vous, monsieur le ministre, pour faire le nécessaire, car je suis très attaché à ces deux textes importants, qui touchent la jeunesse, grande priorité de M. le Président de la République et du Gouvernement.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, un autre volet du contrôle, celui de l’évaluation. Le processus normatif doit être en effet apprécié jusqu’à son aval. Au bout de la chaîne, c’est, bien entendu, la qualité ou la pertinence de la loi qui sont visées. Là aussi, il faut bien le reconnaître, des démarches ont été conduites pour obliger à la production d’une loi à la fois utile et intelligible.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le Gouvernement a mis en place plusieurs instruments destinés à rationaliser la production normative. Dans cette perspective, le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, a lancé quarante évaluations de politiques publiques. J’appartiens moi-même au comité de pilotage pour l’évaluation de la politique de développement agricole. Des premières réunions auxquelles j’ai pu assister, il ressort que les acteurs visés par cette politique, en l’occurrence, les agriculteurs, se plaignent surtout de la multiplication des normes ; ce n’est pas le seul domaine – nous le savons –, et cela a été dit. Je pense que cette remarque vaut, d’ailleurs, pour tous les secteurs de l’action publique. Je citerai ainsi les collectivités locales, soumises à 400 000 normes de toutes natures, excusez du peu !

Nous le savons, cet emballement normatif est, avant tout, le fruit de l’inflation législative. Si celle-ci connaît un certain tassement depuis deux ans, les lois contiennent de plus en plus d’articles – 20 articles en moyenne dans les années 1990, contre près de 40 articles depuis une décennie –, donc autant de textes réglementaires en plus. Sur ce point, l’exécutif tout autant que le pouvoir législatif doivent faire preuve de responsabilité. En effet, comme le relevait déjà le Conseil d’État en 1991 : « Quand le droit est bavard, le citoyen ne lui prête qu’une oreille distraite ». §

Mes chers collègues, il est certain que nous avons bien progressé s’agissant du contrôle et de l’évaluation des lois. Parallèlement, un équilibre doit être recherché entre la volonté réformatrice du Gouvernement, les prérogatives du Parlement et l’attente légitime de nos concitoyens en faveur d’un droit quantitativement raisonnable §

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