Intervention de Luc Carvounas

Réunion du 25 juin 2013 à 21h45
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Luc CarvounasLuc Carvounas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, mes chers collègues, la création, par le bureau du Sénat, le 16 novembre 2011, d’une commission entièrement consacrée au contrôle de l’application des lois répond avant tout à une obligation démocratique qui nous incombe.

S’assurer de l’effectivité de la loi, au-delà des questions de sécurité juridique, est la première des exigences républicaines, car la loi, c’est l’égalité de tous, pour tous.

Comme le mentionnait l’éminent et regretté Guy Carcassonne lors du récent forum sur l’application des lois au Sénat, les « parlements européens qui fonctionnent de façon moderne consacrent infiniment plus de temps au contrôle qu’à la législation ».

En effet, le rôle de notre commission ne se résume pas à une « police des décrets », pour reprendre l’expression du président Assouline, et ses membres ne sont pas de simples « contrôleurs des travaux finis ».

Notre mission s’amplifie davantage avec l’évaluation législative. Et c’est d’ailleurs avec une réelle satisfaction que j’observe l’évolution très positive de l’activité de notre commission.

Je tiens à ce titre à saluer l’ensemble des rapports qui ont d’ores et déjà été produits par notre commission, sur des sujets aussi importants que l’audiovisuel public, le droit au logement, ou encore l’autonomie des universités et le Grenelle de l’environnement.

Ils démontrent d’ailleurs tout l’intérêt que notre fonctionnement démocratique trouvera à développer davantage cette activité.

Chacun pouvant constater le maquis buissonneux des lois et règlements de toutes natures, spécifique à la surproduction législative française, la nécessité de transformer le processus législatif s’impose au regard des travaux du bilan annuel de notre commission.

Car s’il est un domaine où la France est à l’abri du redressement productif, c’est bien celui de la production de normes ! Pourtant, comme le rappelait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Pour lutter contre ce phénomène, le Président de la République a récemment annoncé sa détermination à procéder à un « choc de simplification ».

Le Parlement, en lien avec le Gouvernement, a donc tout intérêt à réfléchir à de nouvelles façons de construire la législation. Elle pourrait être alors plus efficace, mieux calibrée et davantage préparée à être appliquée.

Aussi, monsieur le ministre, faisant suite à la présentation du rapport annuel par le président Assouline, je constate avec satisfaction que la mise en application des lois votées est une priorité forte du gouvernement auquel vous appartenez.

Observant que 80 % des textes adoptés sous l’actuelle législature ont été appliqués par le Gouvernement, de manière partielle ou totale, devançant parfois même le délai de six mois pour publier les textes d’application, je constate que nous sommes dans une dynamique très positive qu’il faut encourager.

En revanche, dans un esprit d’équilibre parlementaire entre les chambres, la Haute Assemblée peut regretter que seules 25 % de ses initiatives aient été appliquées sur la période 2010-2011, quand 50 % des initiatives de l’Assemblée l’étaient dans le même intervalle. Je voulais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur ce point.

De plus, toujours dans un souci de donner du sens à l’action politique et de la lisibilité à nos réformes, nous devons rester vigilants sur ce que l’on peut nommer l’« urgence à deux vitesses ».

Cela se produit lorsque le Parlement adopte des lois en procédure accélérée, mais que leur application ne se traduit pas par cette même célérité. Les parlementaires sont tout à fait en mesure de comprendre l’urgence de légiférer, mais les administrations doivent également partager ce mouvement.

Je tiens par ailleurs à saluer la grande qualité du travail méthodologique entrepris par notre commission dans son rapport annuel, ainsi que les recommandations techniques proposées pour faire évoluer positivement le contrôle et l’évaluation normative.

Je me retrouve tout à fait dans le souhait du président et des membres de notre commission de développer une véritable « culture parlementaire du contrôle et de l’évaluation ».

Ayant l’honneur de conduire un rapport sur l’application de la loi de 2009 relative au développement et à la modernisation des services touristiques, j’ai pu en faire l’expérience concrète.

J’ai pu y observer toutes les perspectives futures qui s’ouvrent à cette partie de l’activité parlementaire.

Et, en effet, ce processus tient à renforcer la qualité de la fabrique législative.

Quel est-il ? Constater l’état du droit antérieur ; vérifier son application ; définir les manquements normatifs et les insuffisances de l’action de la puissance publique ; réfléchir ensuite à des pistes d’évolution législative et réglementaire, le tout en prenant le temps de consulter et d’analyser les phénomènes que l’on étudie.

Fort de cette expérience, j’en suis convaincu, la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois est précurseur de ce que sera le Parlement de demain. Elle exercera son activité au cœur du processus législatif.

Il sera donc impératif de doter les sénateurs, comme les députés, de moyens supplémentaires, humains et matériels, afin que ce contrôle puisse s’effectuer aussi efficacement que possible. C’est un enjeu démocratique, car c’est la condition du bon fonctionnement de nos institutions.

Contrairement au « parlementaire bashing » que nous pouvons constater, ici ou là, la modernisation de la vie politique passera aussi par un renforcement de nos moyens d’action.

Dans le Parlement de demain, avec un processus législatif rénové, l’activité de contrôle et d’évaluation doit être la porte d’entrée parlementaire à toute grande réforme.

La place des études d’impact devra évoluer vers le renforcement de leur rôle dans le processus législatif, en amont, pour évaluer les répercussions futures d’une loi, comme en aval, pour contrôler son application réelle.

À ce titre, je souhaiterais que nous puissions envisager sereinement la proposition de Guy Carcassonne, lorsqu’il nous invitait à ouvrir la première étape de la discussion législative sur les études d’impact des lois. L’analyse coût-bénéfice d’une réforme et l’étude des alternatives à la loi sont une nécessité pour renforcer la performance normative et lutter contre l’inflation législative.

Enfin, nous aurons certainement à nous rapprocher davantage des membres de la Cour des comptes ainsi que de ceux du Conseil d’État. Sans leur conférer un pouvoir qu’ils n’ont pas, nous devons profiter davantage de leurs analyses pour converger ensemble vers la qualité normative.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ce débat annuel sur l’application des lois, je suis convaincu que nous sommes en train de transformer ensemble le processus de fabrique législative pour le rendre encore plus efficace.

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