Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’apprête à vous présenter l'accord conclu la semaine dernière entre le Parlement européen, le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission européenne sur la réforme de la politique agricole commune.
À mon retour de Luxembourg, après plusieurs jours et nuits de négociations, j’ai constaté que nombre de nos médias s’intéressaient peu à cette question, aux enjeux de cette réforme, alors même que l'agriculture française représente 500 000 exploitants et occupe, directement ou indirectement, près d’un million d'hommes et de femmes. Aussi, je suis très satisfait que le Sénat ait organisé ce débat.
Cette réforme de la politique agricole commune est le fruit d'une réflexion qui a été engagée en 2003 à Luxembourg. L’objectif était alors de mettre en place les aides découplées à l’hectare.
Le choix a été fait de considérer que l'aide accordée aux agriculteurs devait être directement liée aux surfaces et être indépendante de leurs productions. Selon la stratégie retenue, il a été considéré qu’il ne revenait pas à l'action publique et au budget européen d'orienter les choix des exploitants agricoles. C’est ce qui a justifié le découplage.
Le risque était cependant qu’un prix élevé des céréales, en particulier, ne conduise certains agriculteurs, lorsque cela leur était possible, à renoncer à l’exploitation et à l'élevage pour se consacrer à la céréaliculture. C’est ce à quoi l’on a assisté ces dernières années.
Face à cette logique consistant à faire le choix d’une spécialisation des terres agricoles à l'échelle européenne, il a fallu engager les négociations, afin de modifier le cours de la construction de la politique agricole commune et de trouver un nouvel équilibre entre l'élevage et l'ensemble des productions à l'échelle européenne.
La France, pour sa part, est un concentré, une photographie, de l'agriculture européenne. Elle allie agriculture méditerranéenne, agriculture de moyenne montagne, agriculture de montagne, agriculture intensive, production céréalière et production laitière, polycultures et élevage. Notre pays concentre sur son territoire la diversité des agricultures européennes. Tel était l'objet du débat.
À partir de là, comment travailler ? À mon arrivée, aucune discussion n’était réellement engagée sur la réforme de la politique agricole commune, ce qui m’a fait dire que j’avais trouvé le débat en jachère. La Commission européenne avait néanmoins avancé une proposition reposant sur deux principes fondamentaux.
Le premier principe était la convergence des aides. On s’orienterait vers une aide à l’hectare de base identique à l’échelle européenne, indépendamment de la nature des exploitations.
Pour un pays comme la France, cela revient à sortir de ce que l’on appelle les droits à paiement unique, les DPU, qui sont des aides différenciées selon les régions et les orientations techniques des exploitations. Ainsi, on ferait en sorte qu’une partie des aides versées aux activités ayant les DPU par hectare les plus élevés – polyculture, élevage, exploitations laitières – serve à rééquilibrer le versement des aides, notamment au bénéfice des éleveurs du grand Massif central ou des zones méditerranéennes.
Ce débat sur la convergence, qui visait à ramener des aides, aujourd’hui différenciées, à un même niveau, était extrêmement important.
Le deuxième principe était celui du verdissement de la politique agricole commune. Il s’agissait de prendre en compte dans le premier pilier, et pas seulement dans le deuxième pilier, un certain nombre de choix stratégiques permettant à l’agriculture européenne de s’engager sur la voie de la durabilité. Pour ce faire, trois critères avaient été fixés : le maintien des prairies permanentes, la diversification des cultures, la préservation de surfaces d’intérêt écologique.
La position de la France a été claire. Nous avons soutenu cet objectif de verdissement de la politique agricole commune et, si nous n’avions pas pesé dans les débats pour défendre les propositions de la Commission européenne dans ce domaine, ce verdissement n’aurait pas été aussi important qu’il ne l’est aujourd'hui.
Le choix que nous avons fait, c’est aussi celui de ne pas laisser la question de l’environnement relever du simple arbitrage des différents États, car cela aurait pu conduire à pénaliser les pays les plus actifs en termes d’environnement, au bénéfice des moins actifs. Sans un accord sur cette question du verdissement, tel était effectivement le risque que nous courrions.
À ces deux principes, convergence et verdissement, s’ajoutent des avancées en termes de régulation. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces différents sujets.
Nous avons donc fait évoluer la situation de manière significative. Nous sommes revenus, par exemple, sur la suppression des fameux droits de plantation en viticulture, et l’accord que nous avons trouvé sur cette question est définitivement intégré à l’accord signé la semaine dernière.