La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, au cours de la séance du 18 juin dernier, il a été donné connaissance au Sénat du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2013.
Je constate que la session extraordinaire est ouverte.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, j’ai le très profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Jean-Louis Lorrain, survenu le 27 juin dernier.
Jean-Louis Lorrain fut sénateur du Haut-Rhin de 1995 à 2004, et l’était redevenu le 7 mars 2010.
Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d’ores et déjà à saluer sa mémoire.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches et au groupe UMP.
Je vous propose d’observer un instant de recueillement.
M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.
Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du même code, Mme Françoise Boog est appelée à remplacer en qualité de sénateur du Haut-Rhin Jean-Louis Lorrain, décédé le jeudi 27 juin 2013.
Le mandat de Mme Boog a débuté le vendredi 28 juin 2013, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le veut notre tradition, je voudrais revenir avec vous sur la session ordinaire qui vient de s’achever et au cours de laquelle le Sénat a beaucoup travaillé.
Nous avons en effet tenu – je vais être précis – 866 heures de séance publique, auxquelles il faut ajouter les quelque 1 337 heures de travaux des commissions et les 281 heures de travaux des délégations. Nous avons ainsi dépassé la référence de 120 jours fixée par l’article 28 de la Constitution, avec 122 jours de séance.
Ce temps a été partagé de façon équitable. Le partage défini par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’est pas tout à fait celui qui avait la préférence du Sénat ; nos collègues qui ont travaillé sur cette révision s’en souviennent. Il conduit cependant à un nouvel équilibre entre les projets du Gouvernement et les propositions de loi, mais aussi entre le temps qui est consacré à légiférer et celui qui est dévolu au contrôle.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à relever les difficultés et les lacunes d’un tel fonctionnement, qui nous conduit à traverser des périodes d’intense activité, parfois à la limite de l’acceptable pour un bon travail législatif, suivies de semaines beaucoup moins chargées, qui entraînent une faible mobilisation.
Pourtant, les projets du Gouvernement occupent près de deux tiers du temps de séance publique. Mais le troisième tiers, consacré aux propositions et aux débats souhaités par les sénateurs, s’est révélé particulièrement dense, puisque l’initiative sénatoriale a constitué 51 % des sujets mis à l’ordre du jour.
Le Sénat a ainsi examiné 48 propositions de loi, dont 35 d’initiative sénatoriale, pour seulement 35 projets de loi. Quelque 39 textes, sans compter les 34 conventions internationales, ont été définitivement adoptés par le Parlement, dont 8 propositions de lois sénatoriales portant sur des sujets très divers, tels que l’alerte dans les domaines de la santé et de l’environnement, le transfert des biens sectionaux aux communes ou la réforme de la biologie médicale.
Une loi sur cinq prend ainsi naissance au Sénat, grâce au dialogue approfondi entre les deux assemblées.
Pour que les propositions sénatoriales deviennent des lois de la République, encore faut-il que la navette suive, ce qui suppose une vigilance permanente afin d’assurer la bonne fin de la procédure législative, par exemple, pour l’introduction de la notion de préjudice écologique dans notre droit ou l’instauration d’une journée nationale d’hommage à la Résistance.
Les groupes politiques ont pris une part active dans l’inscription des initiatives sénatoriales discutées en séance plénière. Au total, 75 % des sujets ont été proposés par les groupes, 25 % par les commissions.
Au sein de ces initiatives, le pluralisme s’exprime pleinement, la répartition du temps donnant à chacun la possibilité de contribuer au débat.
Avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, la conférence des présidents a joué un rôle déterminant de pilotage de l’ordre du jour du Sénat – on pourrait dire « des » ordres du jour du Sénat –, de manière à concilier les priorités gouvernementales et l’impératif d’un débat approfondi et pluraliste.
Cet ordre du jour, loin d’être figé ou rigide, a pu évoluer au gré des priorités gouvernementales ou sénatoriales. Ainsi, le Sénat a inscrit dans une semaine sénatoriale le premier projet de loi sur la réforme territoriale et le Gouvernement a fait preuve de réciprocité pour répondre aux souhaits des sénateurs, avec des débats européens ou sur le bilan annuel de l’application des lois.
La session 2012-2013 a, d’une certaine manière, confirmé ce que j’appellerai la force du bicamérisme.
Plus de la moitié des 39 textes adoptés définitivement l’ont été au fil de la navette, et le tiers à la suite d’un accord de commission mixte paritaire. Quelque 6 lois, essentiellement de nature financière, ont fait l’objet d’une lecture définitive à l’Assemblée nationale. Certains y voient le signe d’un affaiblissement du rôle législatif du Sénat, mais c’est une situation qui est régulièrement intervenue dans notre assemblée.
Depuis 1958, au Sénat, la majorité a eu rarement les moyens de s’imposer, mais souvent l’obligation de se construire.
Dans notre assemblée, les scrutins se suivent et ne se ressemblent pas, car nos échanges permettent souvent de trouver le chemin du compromis, bien sûr lorsque la volonté existe. À cet égard, le travail accompli récemment par la commission de la culture et les différents groupes sur la refondation de l’école et l’enseignement supérieur est exemplaire.
Je tiens d’ailleurs à saluer la contribution des groupes politiques de l’opposition et de la minorité, qui ont non pas bloqué le processus, mais contribué à l’amélioration des textes, de la même façon que le Sénat de l’alternance, au lendemain du 1er octobre 2011, avait pleinement joué le jeu institutionnel.
Pour mettre en œuvre son programme, le Gouvernement a eu recours à la procédure accélérée pour 31 textes ; ce chiffre, élevé, a eu pour effet de réduire le délai moyen d’examen des textes de neuf à cinq mois.
Si cette procédure est utile pour assurer un examen rapide des textes jugés prioritaires, elle écourte prématurément le dialogue entre les deux assemblées, au risque de compromettre les chances d’un accord. C’est d’ailleurs après l’échec de la commission mixte paritaire qu’un accord a été trouvé, en nouvelle lecture, sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Afin de tenir le rythme des réformes, le Sénat est parvenu à un meilleur équilibre entre le travail qui est réalisé en commission et celui qui est mené en séance. Le travail collectif des commissions a ainsi joué un rôle essentiel pour assurer la clarté et la cohérence du débat en séance plénière.
Le temps de séance est une denrée rare et précieuse. Aussi, rien ne doit être négligé pour préparer en amont le travail au sein de l’hémicycle. Nos débats de contrôle peuvent y contribuer.
Le temps consacré à ces débats a progressé de 27 %, atteignant 205 heures, avec 47 débats d’initiative sénatoriale, dont 4 débats préalables à des réunions du Conseil européen. Le déploiement des activités de contrôle répond sans doute à une aspiration et à une nécessité démocratiques.
Ce sont au total 124 chantiers qui ont été engagés au cours de la session ordinaire, dont 62 actions conduites par les commissions permanentes, 23 par la commission des affaires européennes et 27 par les délégations et l’office.
Notre assemblée ne peut que se réjouir d’assumer avec tant de vigueur cette mission constitutionnelle. Toutefois, nous pourrons sans doute engager une réflexion sur la multiplication des activités, qui peut poser des difficultés de présence, en particulier aux groupes minoritaires, ou conduire à exiger des sénateurs des dons d’ubiquité qu’ils n’ont pas.
En effet, 124 actions de contrôle, c’est beaucoup, si l’on souhaite assurer dans la durée une prise en charge politique, matérielle et administrative. Il nous faut trouver l’équilibre pour un contrôle moins dispersé, plus efficace, plus suivi, et donner à nos travaux le meilleur impact. Les travaux transversaux conduits par les commissions et délégations constituent une voie intéressante, dont la session écoulée a confirmé le succès et la richesse.
Le contrôle de l’application des lois est ainsi le prolongement naturel de la fonction législative. Il en constitue très souvent le préalable nécessaire, comme l’illustre l’action de la commission pour le contrôle de l’application des lois, aux côtés des commissions permanentes.
Nous pouvons également nous féliciter du bilan de notre délégation à l’outre-mer, qui a, dès sa première année, engagé des travaux en prise directe avec les préoccupations de nos concitoyens ultramarins. La grande qualité du rapport commun de cette délégation et de la commission des affaires économiques sur l’impact économique de la défiscalisation vient de le confirmer.
Mes chers collègues, tout au long de la session 2012-2013, le Sénat a pleinement assumé son rôle de représentant des collectivités territoriales et a été à l’écoute des élus locaux.
Nous avons, en effet, commencé la session avec les États généraux de la démocratie territoriale, grâce auxquels nous avons renoué le fil du dialogue entre l’État et les acteurs locaux. Et nous avons presque achevé la session avec l’examen du premier volet de la réforme territoriale présentée par le Gouvernement.
Dans ce débat, même si, pour beaucoup, commencer par le volet concernant les métropoles pouvait nuire à la cohérence recherchée, le Sénat a su faire entendre sa voix. Des choix courageux ont été faits vers une plus grande lisibilité et une plus grande efficacité pour nos territoires. Cela a été possible grâce au climat de concertation et au travail de notre commission des lois.
Ce résultat montre que le pluralisme, qui suscite parfois la perplexité des commentateurs politiques, nous oblige à faire preuve d’ouverture et de pragmatisme, pour trouver ensemble les solutions les plus conformes à l’intérêt général.
À l’heure où notre pays traverse une crise sans précédent, le Sénat a consacré de nombreuses heures à l’examen de textes qui répondaient aux premières préoccupations des Français : la lutte contre le chômage et la relance de la croissance.
Les projets de loi visant à créer les emplois d’avenir et les contrats de génération, mais aussi la loi relative à la sécurisation de l’emploi, ou encore la création de la banque publique d’investissement, en sont les illustrations.
Au-delà de l’économie et de l’emploi, toutes les priorités des Français ont été au cœur de notre ordre du jour. Je pense naturellement au logement, mais aussi aux textes portant sur l’éducation.
La session 2012-2013 nous a également rappelé que les débats qui agitent la société ne mettent jamais longtemps à passer le seuil du Parlement.
Comme ce fut souvent le cas au cours de son histoire, le Sénat a été un acteur convaincu de la lutte pour l’égalité des droits. Pour preuve, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe détient un record pour cette session : 51 heures de débats en séance publique et presque autant pour les travaux des commissions.
Mes chers collègues, au cours de cette session particulièrement chargée, le Sénat a confirmé sa mobilisation et son expertise sur les sujets internationaux.
Notre assemblée s’est littéralement déployée à l’étranger. C’est ainsi que j’ai eu l’honneur de conduire l’importante délégation du Sénat invitée à commémorer le cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, le 22 janvier dernier, à Berlin.
En matière européenne, l’accord intervenu en avril 2013 sur la création d’une conférence interparlementaire associant le Parlement européen et les Parlements nationaux pour débattre des politiques budgétaires est une avancée importante, qui doit renforcer la légitimité démocratique de l’Union économique et monétaire.
Cet accord peut être considéré comme un succès pour le Sénat, car il est largement inspiré des positions que nous avons défendues lors de la négociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe. La première réunion de cette nouvelle conférence aura lieu dès l’automne prochain en Lituanie.
La session aura enfin été marquée par les débats sur la situation au Mali. L’intervention de nos forces armées dans ce pays a fait l’objet d’un premier débat dans les jours qui ont suivi le déclenchement de l’opération Serval, puis d’une autorisation de sa prolongation, conformément à l’article 35, alinéa 3, de la Constitution. La qualité des débats à cette occasion, nourrie par l’excellent travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a été saluée par l’ensemble des observateurs.
Notre mission de représentation ne saurait être accomplie sans un lien étroit avec les citoyens et les élus locaux.
Plusieurs initiatives ont contribué au cours des derniers mois à rendre le Sénat plus ouvert et plus accessible à nos concitoyens. En témoigne la présence renforcée du Sénat sur les réseaux sociaux, où des centaines de milliers d’internautes suivent aujourd’hui notre actualité.
En ce qui concerne l’audiovisuel, un contrat d’objectifs et de moyens a été conclu le 12 décembre dernier avec la chaîne Public Sénat. Parmi les 18 objectifs assignés à la chaîne, je retiendrai, notamment, celui qui consiste à améliorer l’« enracinement sénatorial » de la grille, dans le strict respect du pluralisme politique.
Toujours dans le domaine audiovisuel, un accord a été conclu avec France Télévisions, pour instaurer un rendez-vous fixe sur France 3 le jeudi à 15 heures. Ainsi les téléspectateurs peuvent-ils suivre en direct les questions d’actualité et les questions cribles, même si, il faut le reconnaître, nous avons à nous interroger pour être plus présents dans ces moments-là.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour finir, j’aimerais évoquer des questions qui touchent à l’avenir de notre assemblée.
La crise que traverse notre pays est, certes, économique ; mais nous connaissons aussi une crise politique et, j’ose le dire, morale. Les citoyens considèrent leurs institutions avec beaucoup de perplexité, parfois même avec défiance. Pour répondre à leurs interrogations, le Parlement doit se réformer.
Le premier axe de réforme, c’est celui de la représentativité. Nous devons être le fidèle reflet de la diversité des citoyens.
Le deuxième axe, c’est celui de la gestion budgétaire. Nous devons être irréprochables dans l’utilisation que nous faisons de notre dotation de fonctionnement. Pour respecter cette exigence, j’ai souhaité améliorer notre dispositif de contrôle interne, en faisant appel à l’expertise de la Cour des comptes. La convention qui lui permettra de certifier directement nos comptes sera prochainement examinée par notre bureau.
Le troisième axe, c’est celui de la déontologie. Le Sénat a joué, en la matière, un rôle précurseur, puisque nous avons publié, dès l’été 2012, sur notre site internet, les déclarations d’activités et d’intérêts de tous les sénateurs. Nous devons encore approfondir cette réflexion. C’est l’un des sujets qui nous occupera lors de cette session extraordinaire, avec l’examen des textes relatifs à la transparence de la vie publique.
Mes chers collègues, après ce bilan de la session 2012-2013, mes derniers mots, avant que nous ne reprenions le cours normal de nos travaux, seront des mots de gratitude et de reconnaissance.
Ma reconnaissance s’adresse, en premier lieu, à chacun d’entre vous, pour l’immense travail accompli au service de nos concitoyens. Je sais que l’intensité de nos travaux a exigé une mobilisation de tous les instants : soyez-en remerciés.
Vous me permettrez d’avoir une pensée particulière pour les vice-présidents du Sénat, qui ont passé de nombreuses heures, de jour comme de nuit, au plateau. Madame la présidente, messieurs les présidents, merci de votre vigilance constante, de votre patience et de votre sens de l’écoute, qualités grâce auxquelles nos travaux se sont déroulés, cette année encore, dans la sérénité et le respect mutuel.
Je tiens également à adresser des remerciements particuliers aux acteurs institutionnels de notre assemblée, qui ont la lourde tâche de faire vivre le pluralisme sénatorial au quotidien et de garantir la libre expression de chacun : les présidents des groupes politiques, les présidents des commissions, les membres du bureau et de la conférence des présidents.
Je souhaite, enfin, remercier ceux qui ont travaillé auprès de nous toute l’année et dont la contribution, invisible pour le public, est pourtant indispensable au bon déroulement de nos travaux.
Merci aux fonctionnaires du Sénat, qui nous apportent chaque jour leur appui et mettent leurs grandes compétences au service de cette institution ; merci aux collaborateurs des groupes politiques et aux collaborateurs parlementaires de leur dévouement, de leur disponibilité et du rôle essentiel qu’ils jouent auprès de chaque sénatrice et de chaque sénateur. En votre nom à tous, je leur exprime notre sincère gratitude pour le travail qu’ils effectuent à nos côtés, dans des conditions parfois difficiles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite très chaleureusement, à chacune et chacun d’entre vous, une excellente session extraordinaire et un été réparateur.
Applaudissements prolongés.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel avait été saisi le 28 juin 2013, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la représentation des Français établis hors de France.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom d’un sénateur titulaire et d’un sénateur suppléant désignés pour siéger au sein du Conseil national des professions du spectacle, conformément à l’article 1er du décret n° 2013-353 du 25 avril 2013.
Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été saisie de cette désignation.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
En application de l’article 24 de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’évolution de la constructibilité dans la zone C du plan d’exposition au bruit de l’aéroport de Roissy.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 28 juin 2013, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- l’article L. 135–1 du code de l’action sociale et des familles (n° 2013–328 QPC) ;
- l’article L. 3452–4 du code des transports (n° 2013–329 QPC) ;
- le paragraphe II de l’article 1691 bis du code général des impôts (n° 2013–330 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 29 de notre règlement.
M. le président du Sénat a dressé un bilan positif du travail de la Haute Assemblée. C'est exact : le Sénat travaille beaucoup, et ce dans un esprit d'ouverture que nous saluons tous. La question est de savoir s’il travaille dans de bonnes conditions.
L'article 29 de la Constitution dispose que « le Parlement est réuni en session extraordinaire […] sur un ordre du jour déterminé ». En réalité, mes chers collègues, ce sont non plus des sessions extraordinaires, mais des sessions qui voient s’accumuler des textes de tous ordres, examinés en toute hâte, avec un ordre du jour à géométrie variable, sans compter les lettres modificatives, expédiées alors même que la session extraordinaire n’a même pas encore été ouverte.
L’ordre du jour comporte trop de textes à examiner selon la procédure accélérée et l’on assiste à une accumulation de textes importants, en particulier de textes sur lesquels la commission des lois est saisie au fond.
Ces conditions nous paraissent peu acceptables. S'il s'agit de montrer à l'opinion publique que le Gouvernement et sa majorité travaillent, alors cette manière de faire et ce rythme déraisonnable, et même peu soutenable, en particulier pour les groupes dits « minoritaires », ne permettent plus, selon nous, la réalisation d’un travail de qualité.
Ce que nous dénoncions ici, nombreux, sous la précédente majorité, nous le dénonçons de la même manière aujourd'hui. Le Sénat est justement décrit comme une chambre de réflexion qui, par son travail, améliore la qualité des textes législatifs. Si le Gouvernement continue ainsi, c'est la justification même du bicamérisme qui sera atteinte.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. François Zocchetto, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement se fonde également sur les articles 36 et 29 du règlement du Sénat.
M. le président du Sénat a en effet salué le travail de la Haute Assemblée durant la session écoulée. De fait, il est bien légitime que les efforts des uns et des autres soient salués, mais je ne suis pas convaincu que cette ardeur qui a été la nôtre soit compatible avec notre souhait réaffirmé de lutter contre la production excessive de normes.
S'agissant de la session qui s'ouvre, et dont le qualificatif « extraordinaire » est en effet de moins en moins mérité tant ces sessions deviennent récurrentes, je voudrais souligner les quatre points suivants, qui reflètent les difficultés rencontrées par les parlementaires et par les collaborateurs du Sénat pour travailler dans les conditions qui nous sont imposées.
Premièrement, entre le 2 juillet et le 26 juillet, il est prévu, selon mes calculs, que nous étudiions quarante-deux textes. C’est trop ! Ce n'est pas sérieux, et il vaudrait mieux employer le verbe « évacuer » plutôt que le verbe « étudier ».
Deuxièmement, chacun le constatera, la charge de travail est mal équilibrée selon les semaines. Ainsi, on compte des semaines comportant des séances de nuit, cependant que nous travaillons en pointillé à d’autres moments – en quelque sorte, il s'agit de ce temps partiel auquel nous reprochons à certaines professions de recourir.
Troisièmement, des déséquilibres apparaissent à l'intérieur même des semaines de travail. L’examen de nombreux textes importants commence le mercredi soir, voire le jeudi, pour se poursuivre parfois jusqu'au samedi.
Quatrièmement, j'évoquerai moi aussi les modifications incessantes de l'ordre du jour, qui remettent en cause le calendrier fixé par la conférence des présidents. Ainsi, ces derniers jours, nous avons reçu deux lettres modificatives sans que celle-ci se soit réunie.
Vous aurez compris, monsieur le président, qu’il n'est pas possible de continuer à travailler ainsi.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L’ordre du jour appelle le débat sur la réforme de la politique agricole commune.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’apprête à vous présenter l'accord conclu la semaine dernière entre le Parlement européen, le Conseil des ministres de l'agriculture et la Commission européenne sur la réforme de la politique agricole commune.
À mon retour de Luxembourg, après plusieurs jours et nuits de négociations, j’ai constaté que nombre de nos médias s’intéressaient peu à cette question, aux enjeux de cette réforme, alors même que l'agriculture française représente 500 000 exploitants et occupe, directement ou indirectement, près d’un million d'hommes et de femmes. Aussi, je suis très satisfait que le Sénat ait organisé ce débat.
Cette réforme de la politique agricole commune est le fruit d'une réflexion qui a été engagée en 2003 à Luxembourg. L’objectif était alors de mettre en place les aides découplées à l’hectare.
Le choix a été fait de considérer que l'aide accordée aux agriculteurs devait être directement liée aux surfaces et être indépendante de leurs productions. Selon la stratégie retenue, il a été considéré qu’il ne revenait pas à l'action publique et au budget européen d'orienter les choix des exploitants agricoles. C’est ce qui a justifié le découplage.
Le risque était cependant qu’un prix élevé des céréales, en particulier, ne conduise certains agriculteurs, lorsque cela leur était possible, à renoncer à l’exploitation et à l'élevage pour se consacrer à la céréaliculture. C’est ce à quoi l’on a assisté ces dernières années.
Face à cette logique consistant à faire le choix d’une spécialisation des terres agricoles à l'échelle européenne, il a fallu engager les négociations, afin de modifier le cours de la construction de la politique agricole commune et de trouver un nouvel équilibre entre l'élevage et l'ensemble des productions à l'échelle européenne.
La France, pour sa part, est un concentré, une photographie, de l'agriculture européenne. Elle allie agriculture méditerranéenne, agriculture de moyenne montagne, agriculture de montagne, agriculture intensive, production céréalière et production laitière, polycultures et élevage. Notre pays concentre sur son territoire la diversité des agricultures européennes. Tel était l'objet du débat.
À partir de là, comment travailler ? À mon arrivée, aucune discussion n’était réellement engagée sur la réforme de la politique agricole commune, ce qui m’a fait dire que j’avais trouvé le débat en jachère. La Commission européenne avait néanmoins avancé une proposition reposant sur deux principes fondamentaux.
Le premier principe était la convergence des aides. On s’orienterait vers une aide à l’hectare de base identique à l’échelle européenne, indépendamment de la nature des exploitations.
Pour un pays comme la France, cela revient à sortir de ce que l’on appelle les droits à paiement unique, les DPU, qui sont des aides différenciées selon les régions et les orientations techniques des exploitations. Ainsi, on ferait en sorte qu’une partie des aides versées aux activités ayant les DPU par hectare les plus élevés – polyculture, élevage, exploitations laitières – serve à rééquilibrer le versement des aides, notamment au bénéfice des éleveurs du grand Massif central ou des zones méditerranéennes.
Ce débat sur la convergence, qui visait à ramener des aides, aujourd’hui différenciées, à un même niveau, était extrêmement important.
Le deuxième principe était celui du verdissement de la politique agricole commune. Il s’agissait de prendre en compte dans le premier pilier, et pas seulement dans le deuxième pilier, un certain nombre de choix stratégiques permettant à l’agriculture européenne de s’engager sur la voie de la durabilité. Pour ce faire, trois critères avaient été fixés : le maintien des prairies permanentes, la diversification des cultures, la préservation de surfaces d’intérêt écologique.
La position de la France a été claire. Nous avons soutenu cet objectif de verdissement de la politique agricole commune et, si nous n’avions pas pesé dans les débats pour défendre les propositions de la Commission européenne dans ce domaine, ce verdissement n’aurait pas été aussi important qu’il ne l’est aujourd'hui.
Le choix que nous avons fait, c’est aussi celui de ne pas laisser la question de l’environnement relever du simple arbitrage des différents États, car cela aurait pu conduire à pénaliser les pays les plus actifs en termes d’environnement, au bénéfice des moins actifs. Sans un accord sur cette question du verdissement, tel était effectivement le risque que nous courrions.
À ces deux principes, convergence et verdissement, s’ajoutent des avancées en termes de régulation. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces différents sujets.
Nous avons donc fait évoluer la situation de manière significative. Nous sommes revenus, par exemple, sur la suppression des fameux droits de plantation en viticulture, et l’accord que nous avons trouvé sur cette question est définitivement intégré à l’accord signé la semaine dernière.
M. Gérard César approuve.
Les choix que nous avons faits sur ces questions de convergence, de verdissement et de régulation remettent en question des positions qui avaient pu être prises dans les années précédentes et réorientent la construction de la politique agricole commune.
J’ajoute un point majeur au sujet de la convergence : le choix, que j’ai défendu, de maintenir le couplage des aides.
Comme je l’indiquais précédemment, il a été décidé, en 2003, de découpler les aides. Celles-ci étaient donc versées aux États sans que l’on tienne compte des productions des agriculteurs.
Cette décision faisait courir un risque majeur à l’élevage, dont la particularité est d’avoir une rentabilité du capital investi et une productivité du travail plus faibles que d’autres types d’activités, en particulier la culture céréalière. Sans compensation spécifique de ces deux éléments, on se retrouve avec des agriculteurs qui abandonnent l’élevage pour cultiver des céréales, comme cela a parfois été le cas dans le passé. D’où la nécessité de maintenir le couplage des aides et notre volonté de faire progresser le taux initial de 10 % proposé par la Commission européenne.
En mars dernier, nous étions à 12 % et, à l’issue de la négociation, nous étions à 13 %, une possibilité supplémentaire de 2 % ayant été obtenue pour la production de protéines végétales. Ainsi, nous allons pouvoir assurer une autonomie fourragère à l’Europe et, en particulier, à la France.
Dans cette négociation sur la réforme de la politique agricole commune, je me suis donc fixé pour objectif d’assurer la diversité des agricultures à l’échelle française et à l’échelle européenne, de revenir sur les choix de découplage total pour favoriser les aides couplées, en particulier en ce qui concerne l’élevage, et d’assurer le verdissement de cette politique. Je tiens effectivement à ce que les États européens soient tous sur un pied d’égalité s’agissant de l’engagement majeur que représente la durabilité de l’agriculture européenne.
Enfin, nous avons veillé à maintenir des outils de régulation, cette dernière étant indispensable dans la gestion des marchés agricoles. Je pense en particulier à l’engagement qui a été pris, sous la pression de la France, d’organiser une réunion à haut niveau sur la question de l’« après-quotas laitiers ».
J’apporterai quelques précisions complémentaires.
Pour la première fois, les GAEC – groupements agricoles d’exploitation en commun – et leur transparence seront reconnus à l’échelle européenne. Jusqu’ici, ils ne l’étaient que de manière dérogatoire. À mes yeux, il s’agit d’un enjeu majeur, car il permet de démontrer que nous avons à la fois besoin d’une agriculture économiquement compétitive et d’une agriculture où ce sont bien des paysans qui sont à la tête des exploitations.
Je l’avais dit en plaisantant : même Jacques Chirac n’a pas obtenu cette reconnaissance des GAEC et de leur transparence ! C’est fait, et c’est une avancée très importante.
Par ailleurs, nous avons aussi obtenu des avancées s’agissant des mesures agro-environnementales, les MAE, ce qui nous ouvre des possibilités en matière de politiques susceptibles d’être menées dans le cadre du deuxième pilier. Là encore, je pense à une mesure qui a été prise au bénéfice de l’élevage, à savoir le passage du plafond des indemnités compensatoires de handicaps naturels de 300 euros à 450 euros par hectare. C’est un signe adressé à l’élevage, en particulier dans les zones à handicaps naturels.
Nos axes stratégiques ont donc consisté à rééquilibrer la politique agricole commune pour donner les moyens à l’activité d’élevage, essentielle au regard de l’occupation et de l’aménagement du territoire, de se maintenir à un moment où elle connaît des difficultés, mais aussi à fixer un objectif environnemental à l’ensemble de l’Europe – faire de l’agriculture européenne une agriculture durable –, à modifier les mesures prises en matière de couplage des aides, de manière à changer la logique de la PAC, et, enfin, à traiter la question de la régulation des marchés, régulation indispensable pour permettre à l’Europe de mieux lutter contre la volatilité extrêmement importante des prix.
Enfin, c’est dans le cadre de cette réforme que, là encore pour la première fois, une mesure obligatoire d’aide aux jeunes agriculteurs est instaurée. Elle fait d’ailleurs écho aux choix qui ont été faits par le Président de la République en matière de politique à destination de la jeunesse. C’est un geste significatif puisque nous pourrons, au titre à la fois du premier pilier et du deuxième pilier, consacrer des fonds à l’installation de jeunes agriculteurs.
Favoriser l’installation des jeunes, c’est avoir confiance dans l’avenir de l’agriculture, et je crois que, sur toutes les travées du Sénat, cette belle ambition est partagée. La France demeure un grand pays agricole ; elle le sera encore demain ! §
Nous avons compris, monsieur le ministre, que les négociations ont été longues et rudes, mais que vous êtes parvenus à un certain compromis… En vérité, celui-ci ne nous satisfait qu’à moitié.
Certes, nous partons de loin ! À ce titre, quelques chiffres méritent d’être rappelés : 20 % des exploitations s’accaparent actuellement 80 % des aides directes et, en France, les 160 plus grandes exploitations touchent 123 millions d’euros par an, soit autant que les 100 000 plus petites.
Nous tenons d’abord à saluer le rôle que vous avez joué. Vous avez placé la France à la tête des pays souhaitant une régulation, en cette période où la logique libérale rejoint la logique de repli national, dans le domaine agricole comme dans de trop nombreux autres, et où une véritable construction de l’Europe s’impose. Nous notons votre ténacité à défendre le principe d’une PAC un tant soit peu régulatrice alors que bon nombre d’États, ne l’oublions pas, ne partagent pas cette position.
Nous saluons aussi le travail réalisé au regard du couplage des aides. Comme vous l’avez rappelé, le taux est porté à 13 %, alors que proposition initiale était de 10 %. S’y ajouteront 2 % supplémentaires obtenus pour la production de protéines végétales. Ce sont là des avancées.
Par ailleurs, la majoration des aides directes sur les premiers hectares de toutes les exploitations est de nature à favoriser les exploitations qui emploient. Or le volet emploi, qui est essentiel à nos yeux, a été et continue d’être mis à mal par le modèle productiviste.
Enfin, avancée également intéressante, la majoration obligatoire des aides pour les jeunes agriculteurs au sein du premier pilier complétera les soutiens existants. Il est néanmoins dommage que l’octroi de ces aides ne soit pas conditionné au fait que les projets d’installation répondent à des objectifs de création d’emplois, de protection de l’environnement et de bonne gestion des ressources naturelles. C’est regrettable car les jeunes qui s’installent peuvent éviter de s’enferrer dans un système qui a broyé une partie de la génération précédente ; d’ailleurs, nombre d’entre eux souhaitent s’engager dans une autre forme d’agriculture.
S’il existe un certain nombre de sujets de satisfaction, on reste toutefois bien loin des propositions initiales qui allaient dans le sens d’une PAC plus verte, plus juste et plus favorable aux jeunes.
Tout d’abord, le tournant vers une PAC plus verte n’est pas véritablement pris. Les quelques mesures de verdissement qui figuraient dans le projet initial et qui ont pu subsister sont laissées à l’appréciation des États membres, lesquels, pour la plupart, les rendront le moins contraignantes possible.
Quant à la rotation obligatoire des cultures, proposée par le groupe des Verts au Parlement européen, elle a été écartée d’emblée : la mesure n’a même pas été étudiée ! Pourtant, tout en favorisant le rétablissement de notre balance commerciale, elle allait dans le sens d’une réduction de notre dépendance vis-à-vis des importations de soja en provenance d’Amérique du sud, d’une amélioration de la qualité des sols et d’une réduction de l’utilisation d’intrants. Ç’aurait été une belle victoire pour le développement d’un modèle agricole plus durable ! À l’heure où l’agro-écologie fait beaucoup parler d’elle, et nous en sommes heureux, cette seule mesure concrète aurait permis d’en favoriser l’essor. Au contraire, c’est encore le lobby de l’agro-industrie qui a pesé et la monoculture va pouvoir continuer à se développer sur 75 % de la surface des exploitations.
Ensuite, cette nouvelle PAC n’est pas aussi juste qu’on aurait pu l’espérer.
La convergence des aides ne permettra pas un réel transfert au profit de l’élevage, notamment. Les gros céréaliers restent les grands gagnants. Les sommes qu’ils touchent sont d’ailleurs préservées : elles ne pourront être réduites au-delà de 30 % d’ici à 2020. Sans doute est-ce une avancée, mais on ne peut s’en satisfaire !
Quant au plafonnement des aides, le Parlement européen l’avait fixé à un niveau, déjà fort élevé, de 300 000 euros. Plus rien ne subsiste, dans l’accord, de cette mesure : elle a disparu ! Pourtant, elle ne fissurait que très à la marge le modèle agro-industriel intensif puisqu’elle ne concernait que 35 000 exploitations agricoles sur les 13 millions de fermes européennes. Les États membres ne sont tout simplement plus tenus de l’appliquer !
Cette nouvelle n’est pas vraiment rassurante. Sans plafonnement des aides, c’est la concurrence interne qui restera la règle : les plus gros pourront racheter leur voisin en faillite, et cela avec le soutien de l’argent des contribuables.
Cet accord montre surtout que nous nous éloignons de plus en plus de l’idéal de solidarité entre paysans européens qui était le fondement même de la PAC.
Cependant, la partie n’est pas totalement jouée. Compte tenu des marges de manœuvre que les États ont récupérées, la future loi sur l’avenir et la modernisation de l’agriculture sera une étape cruciale. Devant nous s’ouvre une période intéressante. Il faut que, en France, nous montrions l’exemple en favorisant la recherche et son application à travers des modes de production plus respectueux de l’environnement, créateurs d’emplois durables, générateurs de développement des zones rurales.
Va-t-on permettre que la majorité des paysans deviennent de simples sous-traitants, dépourvus de droits, de l’industrie agroalimentaire et de l’agrochimie ? Ou bien va-t-on enfin créer les conditions pour que les agriculteurs soient les moteurs d’une économie relocalisée ? L’enjeu est là !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. Dès lors que vous engagerez l’agriculture dans cette voie, nous serons avec vous.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’organisation de ce débat sur la politique agricole commune présente beaucoup d’intérêt, même si, les négociations européennes ayant abouti la semaine dernière, nous avons eu un délai très court pour le préparer et s’il reste à franchir quelques étapes institutionnelles, tant sur le cadre financier pluriannuel européen 2014-2020 que sur la PAC.
Mon collègue Gérard César rappellera dans quelques instants les orientations du groupe de travail sur la politique agricole commune auquel j’appartenais et qui a récemment adopté à l’unanimité une proposition de résolution européenne relative à ladite politique.
Pour ma part, j’interviens au nom du groupe UMP et vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Jean Bizet, très impliqué également sur ce sujet, mais qui, participant à la session annuelle de l’OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – n’a pu rejoindre notre hémicycle à temps.
Je souhaite d’abord rappeler combien la PAC représente un succès des politiques européennes. Il convient de la préserver.
C’est un succès non pas tant parce qu’elle est l’un des principaux postes de dépenses du budget européen que parce que, alors qu’elle a connu, depuis sa mise en place en 1962, plusieurs réformes et qu’elle a toujours su s’adapter aux nécessités économiques.
À l’heure où souffle parfois un vent de scepticisme sur l’avenir de l’Union européenne, il me semble indispensable de mettre en valeur ce qui répond aux attentes de nos concitoyens.
Cette PAC en constante adaptation, nous en avons encore une illustration avec la présente réforme, laquelle s’inscrit malheureusement dans un cadre budgétaire contraint.
C’est pourquoi nous comprenons parfaitement l’attitude de nos collègues eurodéputés du Parti populaire européen, qui se sont approprié les prérogatives que leur donne le traité de Lisbonne en matière de codécision et ont souhaité un budget européen plus autonome, plus flexible et révisable en cours de période.
Les négociations sur la réforme de la politique agricole commune ont donc cheminé parallèlement à celles qui ont porté sur le cadre financier pluriannuel.
Cela étant, il est fort peu probable que la nouvelle PAC entre en vigueur au 1er janvier 2014 ; ce sera plutôt aux alentours du 1er janvier 2015.
Dans ces conditions, il est très important que nos agriculteurs puissent anticiper les montants en jeu et leurs modalités d’affectation, de façon à pouvoir programmer leurs investissements et la gestion de leurs exploitations.
Si nous pouvons comprendre qu’en période de crise chacun doit faire un effort, on n’en constate pas moins que, contrairement à ce que dit le Gouvernement, l’agriculture sera fortement mise à contribution dans le nouveau cadre financier pluriannuel : moins de 50 milliards d’euros globalement, soit moins de 1 milliard d’euros par an pour la France.
À cet égard, monsieur le ministre, vous avez très habilement présenté le résultat des négociations en annonçant 1 milliard d’euros de plus sur le deuxième pilier, mais en vous gardant de préciser que c’était sur sept ans, et non annuellement.
Il convient d’ajouter que ces crédits seront affectés par la ComAgri – commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen – lors d’un vote en juillet ou en septembre, puis en séance plénière.
Nous pouvons dire que cette nouvelle PAC est, dans ses principes, plus respectueuse de l’environnement, grâce à la convergence des aides et au verdissement.
Des interrogations n’en demeurent pas moins quant à la mise en œuvre nationale de ces dispositifs, qui, dans cette PAC renouvelée, sera importante.
Par exemple, en France, les références historiques vont disparaître. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, comment va fonctionner le nouveau système d’attribution des droits à paiement de base et comment vous allez garantir qu’il n’aura pas un effet trop brutal la première année. Il est nécessaire d’encadrer la convergence interne pour éviter de trop grandes disparités, tout en ayant pour objectif la convergence définitive en 2020.
Toujours en vue de la convergence, les États auront la possibilité d’affecter une part de leur enveloppe nationale afin d’accorder un paiement supplémentaire aux 50 premiers hectares, mais il faut qu’elle remplisse son objectif de compensation de la diversité des exploitations. C’est pourquoi il est indispensable que les GAEC soient pris en considération, ce que vous avez confirmé, monsieur le ministre.
La PAC doit en effet être à même de prendre en compte les difficultés des zones de montagne et des zones défavorisées qui préservent notre élevage et sont en voie de désertification. À ce titre, ce sont bien les États membres qui peuvent octroyer un paiement supplémentaire pour les zones soumises à des contraintes naturelles.
En matière de verdissement, nous devons aussi tenir compte de la réalité des situations locales en termes de délimitation des surfaces d’intérêt biologique, notamment, dans la mesure où les États pourront adopter un système de pondération en fonction de l’intérêt écologique.
S’agissant des prairies, pour des raisons agronomiques, certains espaces ou plaines sont retournés afin de garantir une meilleure flore ; ce qui doit alors être respecté, monsieur le ministre, c’est la surface toujours en herbe de l’exploitation.
En outre, j’appelle le Gouvernement à exercer toute sa vigilance lors de l’élaboration, par la Commission, de la matrice d’équivalence des surfaces d’intérêt écologique.
De façon générale, il faut être prudent sur les niveaux de jachère, qui doivent prendre en compte, à l’avenir, la nécessité de nourrir 9 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050.
Par ailleurs, il me semble que nous devons être aussi vigilants au regard de la situation particulière des biocarburants et de la révision des normes communautaires qui leur sont applicables, car le principe de la recherche en la matière est la progressive montée en puissance, sans rupture claire entre une première et une deuxième génération. Il faudrait donc veiller à préserver la filière existante.
Enfin, tant sur le premier pilier, lorsque cela est autorisé, que sur le deuxième pilier, nous attendons que les cofinancements nationaux soient à la hauteur, dans un contexte difficile pour nos finances publiques.
S’agissant en particulier des assurances « aléas climatiques », le Gouvernement doit s’engager à avoir un cofinancement qui permette de prendre en charge 65 % du montant des primes d’assurance, et non à peine 50%, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre. Ces assurances deviennent en effet incontournables pour garantir la pérennité de nos exploitations.
Dans cette même perspective, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, si vos services et ceux de Bercy – cela vaut d’ailleurs pour tous les gouvernements – mènent une réflexion sur la possibilité d’une garantie de réassurance au lieu de continuer d’intervenir en ayant recours au Fonds national de garantie des calamités agricoles.
Enfin, monsieur, le ministre, je voudrais insister sur deux points clés pour l’avenir de notre agriculture et qui sont entièrement du ressort national.
D’une part, nous devons continuer de soutenir ce qui fonctionne, en particulier la politique d’installation des jeunes. Permettez-moi de le rappeler, 20 % des chefs d’exploitation ont moins de quarante ans dans notre pays, alors que la moyenne européenne se situe à 6 %. C’est un début de garantie pour l’avenir de notre agriculture ; préservons-le !
À cet égard, nous sommes très sensibles à ce que l’accord sur la PAC rende obligatoire l’aide directe majorée aux jeunes agriculteurs, et ce jusqu’à 2 % de l’enveloppe nationale des paiements directs.
D’autre part, nous devons veiller à ne pas alourdir la gestion des exploitations agricoles par des décisions administratives qui iraient au-delà de celles qui sont exigées par la réglementation européenne. Cela retarde le démarrage des exploitations, augmente leurs coûts de production et pèse sur leur compétitivité. J’en veux pour preuve la lourdeur des autorisations pour construire des bâtiments d’élevage ou des dispositions en préparation sur l’épandage. §
Quand le commissaire européen Dacian Ciolos se félicite d’une PAC qui réduit le rôle des autorités publiques et de l’intervention bureaucratique, il n’est pas opportun que nous faisions l’inverse à l’échelon national !
Monsieur le ministre, nous avons toujours défendu une agriculture, des exploitations et une filière agro-alimentaire compétitives. Nous continuerons de les défendre, et à plus forte raison en période de crise économique et de chômage. Du reste, si l’agriculture occupe une si large part de notre territoire, puisqu’elle couvre 60 % de notre espace, c’est bien parce qu’elle reste une activité de production permettant d’assurer à nos concitoyens une alimentation de qualité. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons ce débat aujourd’hui dans cet hémicycle quelques jours seulement après le dernier trilogue qui s’est conclu par un accord pour une nouvelle politique agricole commune à partir de 2014.
Je m’en réjouis d’autant plus que, au lendemain de cet accord, un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a lui aussi été trouvé, ce qui permet de penser que les éléments qui restaient en suspens dans les négociations de la PAC, et que M. Jean-Paul Emorine a évoqués, vont pouvoir maintenant être clarifiés.
La PAC façonne notre agriculture depuis cinquante ans ; cette politique européenne, la plus visible de l’Union, est naturellement au cœur de nos préoccupations pour nos territoires ruraux, et notre assemblée y a consacré un travail important et dense pour accompagner et nourrir la réflexion sur cette réforme qui va organiser la PAC pour les sept prochaines années.
Je formulerai quelques remarques liminaires, car cette réforme, qui se faisait pour la première fois en codécision avec le Parlement européen, démarrait sous des auspices assez pessimistes. En effet, la tendance du gouvernement précédent allait plutôt dans le sens de la baisse, d’abord sur le budget, ensuite sur les possibilités d’aides couplées, à quoi s’ajoutait l’abandon programmé des outils de régulation. Quant à la redistribution et à la dégressivité des aides, elles étaient des sujets tabous...
Monsieur le ministre, depuis votre prise de fonctions, vous avez mis tout en œuvre pour inverser cette tendance et pour aboutir dans des délais, certes courts – mais cela était nécessaire –, à une réforme pour une PAC plus équitable, plus verte et plus régulatrice.
Autant le dire, cette réforme n’était pas acquise d’avance et s’engageait mal. Mais vous avez réussi à aboutir, et cela grâce à votre excellente connaissance des dossiers de la PAC, des institutions européennes et de leur fonctionnement, et aussi grâce à la ténacité du Président de la République, François Hollande, pour sauvegarder une dotation substantielle dans le cadre budgétaire 2014-2020, puisque la France bénéficiera de 56 milliards d’euros constants sur la période de sept ans, soit 63, 7 milliards d’euros courants.
Si cette réforme de la PAC avait vocation non pas à révolutionner le système agricole européen – j’ai bien entendu que Joël Labbé le regrette, d’une certaine façon –, mais plutôt à organiser une transition vers l’agriculture de demain, elle introduit tout de même des évolutions majeures, qui vont avoir une incidence significative et durable sur l’agriculture européenne.
Les moyens dévolus à l’agriculture française restent importants, malgré la baisse globale de 12 % : elle se limitera à 2 % seulement pour notre pays.
J’en viens au contenu de cet accord.
Vous avez choisi, monsieur ministre, d’œuvrer pour une PAC plus juste, dont la priorité est une redistribution en faveur de l’élevage et de l’emploi, ce dont je ne peux que me féliciter.
La priorité donnée à l’élevage est impérative, car nos éleveurs souffrent.
J’ouvre là une parenthèse pour dire que les travaux de la mission d’information commune sur la filière viande du Sénat, que j’ai l’honneur de présider et qui va bientôt rendre ses conclusions, m’ont encore plus convaincue de l’absolue nécessité de donner la priorité à l’élevage, toutes filières confondues.
Ces dix dernières années de dérégulation, de volatilité des prix et de perte de compétitivité ont mis à mal tout notre appareil productif, avec des conséquences désastreuses sur la filière des industries agroalimentaires et sur l’emploi, conséquences que nous avons pu mesurer tout au long de nos auditions et de nos déplacements.
Je ne peux donc qu’appuyer avec force votre détermination à défendre et à soutenir l’élevage. À cet égard, les mesures introduites sous votre impulsion dans cette réforme de la PAC vont dans le bon sens. Elles nous fourniront en effet les outils nécessaires.
Tout d’abord, je salue le renforcement du taux des aides couplées, qui a été porté à 13 %, avec la possibilité d’accorder 2 % supplémentaires pour la production de protéagineux, mesure qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique des exploitations d’élevage.
Ensuite, je me félicite de la convergence des aides, avec la surprime aux premiers hectares, introduite sur votre initiative. Ce dispositif pourra être mis en œuvre par les pays qui le souhaiteront. Il sera favorable à l’élevage et aux exploitations intensives en main-d’œuvre et reconnaîtra également les actifs chefs d’exploitation. De fait, comme vous l’avez affirmé, monsieur le ministre, il ira de pair avec le principe de transparence pour les GAEC. Mme Goy-Chavent peut le confirmer : lors de nos déplacements en Saône-et-Loire et dans l’Ain, les membres de notre mission d’information ont été interrogés sur ce sujet avec une grande insistance.
Au titre du second pilier, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage pourra être poursuivi, ce qui est absolument nécessaire.
À cette mesure s’ajoute, entre autres dispositions agro-environnementales, le maintien de la prime à l’herbe, dont les modalités restent à préciser, notamment quant à la préservation des prairies permanentes. Renée Nicoux évoquera cette question tout à l'heure.
Par ailleurs, il faut souligner le renforcement des indemnités compensatoires de handicaps naturels, avec un rehaussement du plafond des aides en zone de montagne, que vous avez obtenu, étant entendu qu’il faut rester vigilant s’agissant du zonage des piémonts et des espaces défavorisés intermédiaires.
Je suis très sensible à cette réorientation et à ce rééquilibrage, qui doivent permettre de relancer les productions et les industries agroalimentaires, lesquelles constituent, je le rappelle, le premier secteur industriel de France.
La proposition de résolution européenne que nous vous avons adressée en témoigne, nous défendons une application progressive de la convergence. Cela étant, nous sommes convaincus que l’échéance doit être précisément programmée. À ce titre, le maintien d’une échéance à 2020 est satisfaisant.
Pour finir sur le sujet des aides directes, je dirai notre satisfaction concernant l’appui aux jeunes agriculteurs, qui sera lui aussi augmenté, avec une aide majorée à hauteur de 25 %, pour 2 % de l’enveloppe financière. Cette question a également été largement évoquée vendredi après-midi, au cours de la visite que notre mission d’information a effectuée dans un élevage ovin.
Autre nouveauté : le verdissement de la PAC.
Malgré les innombrables tentatives menées pour la vider de tout sens et de toute ambition, cette réforme réorientera bien le développement agricole vers plus de durabilité. Quelque 30 % des aides du premier pilier seront destinées, via un « paiement vert », à soutenir des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. De même, 30 % des soutiens au développement rural devront être dirigés vers des mesures de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique, sans le double paiement que certains espéraient.
Enfin, des avancées ont été accomplies en termes de régulation : encadrement des droits de plantation, quotas de sucre, renforcement des organisations de producteurs, notamment.
À ce propos, monsieur le ministre, je dois me faire ici l’écho de l’inquiétude des producteurs laitiers, même si je sais que vous en avez pleinement conscience.
Le rapport présenté très récemment par René Souchon au Comité des régions d’Europe contient en particulier des informations précises quant au contenu du Farm Bill américain, qui permet de rétablir une certaine régulation. À mon sens, l’Union européenne serait bien inspirée de revenir à un peu de régulation, à l’instar des États-Unis !
Certes, la réforme pour la période 2014-2020 n’est qu’une étape dans la longue histoire de la PAC. Cette dernière constitue une politique communautaire majeure, et elle doit rester telle. Cependant, la révision de la PAC répond également aux enjeux d’une agriculture à la fois productive et durable, respectueuse des territoires et de l’environnement, assurant une rémunération correcte des agriculteurs et bénéficiant d’une légitimité renouvelée aux yeux des consommateurs.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions lors des débats consacrés au projet de loi sur l’avenir et la modernisation de l’agriculture, que nous soutiendrons avec enthousiasme et conviction.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE . – Plusieurs sénateurs de l’UDI-UC applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif des négociations de la PAC, à savoir déboucher sur un consensus avant la fin de la présidence irlandaise, a certes été atteint la semaine dernière, mais il s’agit d’un consensus mou. Au demeurant, les États et les institutions européennes s’opposent toujours sur un certain nombre de sujets.
À cette situation s’ajoutent les incertitudes pesant sur le budget, qui ne sera définitivement fixé qu’à la rentrée.
Les informations assez vagues que nous avons obtenues sur le contenu de cette entente laissent place à une profonde déception et à une inquiétude certaine quant au devenir des agricultures française et européenne. En effet, le résultat des négociations montre qu’est inexistante la volonté politique de construire une politique agricole européenne fondée sur des exigences sociales, environnementales et de solidarité.
L’austérité, l’ultralibéralisme, la dérégulation ont pris le pas, occultant l’importance stratégique – tant sur le plan alimentaire que d’un point de vue économique et social – des activités agricoles ; les négociations en cours le montrent, que ce soit dans le cadre européen ou à l’échelle mondiale, avec le mandat donné à l’Union européenne pour négocier l’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus qu’un débat sur la PAC ne peut pas faire l’économie de cette question.
Lors de l’examen en commission des affaires économiques de la proposition de résolution européenne relative au mandat de négociation, le groupe CRC avait d’ailleurs défendu un amendement tendant à ce que les activités agricoles soient soustraites de l’accord, afin de préserver notre modèle agricole européen. La commission a considéré que nos craintes n’étaient pas justifiées et que ces négociations devaient « absolument inclure l’agriculture ».
Nous n’en persistons pas moins à affirmer que la fin des barrières tarifaires et non tarifaires entre l’Union européenne et les États-Unis représente un danger pour les activités agricoles, notamment pour l’élevage. Aujourd’hui, les syndicats agricoles dénoncent unanimement un tel accord. Ils s’inquiètent, en particulier, des exportations de viandes américaines. Même la FNSEA condamne « un accord contraire à l’agro-écologie ». Quand au président de la fédération nationale bovine, il dénonce le risque, pour les éleveurs français, d’une « déstabilisation d’exploitations déjà extrêmement fragiles ». Il prédit par ailleurs, « pour la filière, une baisse accrue d’activité, et, pour les consommateurs, la perte des garanties sur la qualité sanitaire et la traçabilité ».
C’est dans ce contexte, sous les pressions libérales des pays du nord, que l’Union européenne traite les productions agricoles comme de simples marchandises. À Bruxelles, pourtant, de nombreuses voix se sont élevées pour s’inquiéter des effets de la libéralisation des marchés agricoles.
Alors que les agriculteurs sont violemment exposés à la spéculation sur les marchés mondiaux et aux fluctuations des prix des matières premières, cette même Europe supprime les outils de régulation existants.
Certains pays, dont le nôtre, tentent encore de maintenir des garde-fous et, parfois, quand tout le monde se mobilise, on parvient à retarder la libéralisation et la mise à mal de pans entiers de notre agriculture et de notre patrimoine. C’est le cas pour le nouveau régime des droits de plantation de vignes, qui permettra de gérer les plantations pour toutes les catégories de vins jusqu’en 2030, avec une limite maximale de croissance annuelle des surfaces plantées fixée à 1 %, les États membres ayant toutefois la possibilité d’adopter un seuil de sauvegarde plus bas, au niveau régional ou national.
Il est essentiel de préserver le secteur viticole, qui constitue une véritable richesse pour notre pays.
M. Gérard Le Cam. C’est pourquoi, au-delà des droits de plantation, un autre combat doit être mené contre la libéralisation des contraintes œnologiques et contre le projet d’instaurer une production viticole de masse, sans identification géographique.
M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.
Monsieur le ministre, si nous saluons le courage des négociateurs face à d’autres projets encore plus libéraux, et notamment votre pugnacité au cours de ces négociations tendues, nous ne sommes, hélas, pas satisfaits de la réforme qui se dessine. La nouvelle PAC tourne le dos à la régulation, qui est un enjeu majeur pour l’agriculture. Il nous semble important de maintenir les outils de régulation de l’offre. Nous condamnons, par exemple, l’abandon des quotas laitiers en 2015 et celui des quotas sucriers en 2018.
De même, si nous saluons la convergence interne des niveaux de paiement direct et l’abandon des références historiques, nous constatons que le plafonnement des sommes perçues à 300 000 euros, sujet qui cristallise l’opposition du Royaume-Uni et de l’Allemagne, est trop élevé. Qui plus est, cette mesure est optionnelle, comme une bonne partie du dispositif.
Le report à 2019 du rendez-vous pour que les agriculteurs reçoivent en paiement direct 60 % de la moyenne nationale, étant entendu que les mieux dotés ne doivent pas perdre plus de 30 % de ce qu’ils recevaient, relativise sensiblement l’équité et la solidarité du dispositif, alors que ces principes devraient prévaloir dans une véritable politique agricole commune.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous fournir des précisions sur ce que va représenter la dégressivité au-delà de 150 000 euros par exploitation, dont 5 % devraient être reversés par les agriculteurs les mieux dotés au deuxième pilier de la PAC ? La création d’une prime aux 50 premiers hectares est tout à fait capitale, mais, là encore, tout dépend du montant de l’aide. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le nombre d’hectares concernés ? Dispose-t-on de simulations ?
Bien entendu, nous saluons le combat mené par la France, qui a abouti à ce que les jeunes agriculteurs, jusqu’à quarante ans, bénéficient d’une aide supplémentaire dans la limite de 2 % de l’enveloppe nationale des aides directes. Les jeunes se heurtent de véritables difficultés pour s’installer. La pression foncière constitue un problème général et persistant, qui est encore plus patent dans le domaine de l’agriculture biologique. Peut-être avez-vous prévu de répondre à ce problème dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.
Enfin, nous nous réjouissons des avancées obtenues sur le front du couplage des aides, enjeu fondamental pour l’élevage en France. L’augmentation du taux de couplage à 13 %, plus 2 % sur les protéines végétales, est une bonne nouvelle. Pensez-vous que cette possibilité, combinée à la diversification – deux cultures pour les exploitations de plus de 10 hectares et trois au-delà de 30 hectares, la principale pouvant couvrir 75 % des terres disponibles –, sera suffisante pour gagner en indépendance protéique ? Le volet « protéines » devra-t-il être impérativement intégré dans la rotation ?
Avant de conclure, je veux insister tout particulièrement sur l’élevage. Ce sont des milliers d’emplois qui risquent de disparaître dans ce domaine, comme dans tout le secteur agroalimentaire. Le cas des abattoirs Gad, dans le Finistère, l’illustre tristement.
Tout d’abord, il est urgent de faire cesser le dumpingsocial en Europe. Notre collègue Éric Bocquet s’est emparé de cette question, qui a donné lieu à un rapport d’information intitulé « Le travailleur détaché : un salarié low cost ? » Il y détaille les principales raisons de l’explosion qu’a connue la fraude au détachement. Depuis 2004, le secteur agricole a subi la plus forte augmentation – de l’ordre de 1 003 % – du nombre de salariés détachés, avant le bâtiment ou l’hôtellerie !
Dans ma région, les éleveurs de porcs ont évalué à 125 millions d’euros la perte annuelle pour la seule filière porcine française, du fait des distorsions de concurrence opérées sur le dos de travailleurs ! Ils dénoncent par ailleurs les problèmes d’étiquetage, question sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir lors de l’examen du prochain projet de loi relatif à la consommation.
Ils demandent, au surplus, une simplification administrative concernant les procédures appliquées aux installations classées d’élevage. Que comptez-vous faire en la matière ?
Je souligne en outre qu’il faut stopper la végétalisation de l’agriculture, qui emporte de lourdes conséquences en termes d’emploi.
Pour conclure, je dirai que les négociations sur la PAC confirment la volonté de persister dans une ligne de déréglementation et de libéralisation de l’agriculture, une ligne que nous combattons résolument. Nous sommes d’autant plus alarmés concernant l’avenir de notre agriculture que d’autres négociations, menées sous la tutelle du ministère du commerce extérieur, sont également en cours. À moyen terme, elles pourraient remettre en cause les quelques avancées que vous avez obtenues, monsieur le ministre.
Le projet de loi pour l’avenir de l’agriculture parviendra-t-il à apporter un peu de justice à ce système ? Nous le souhaitons vivement, et nous y consacrerons toute notre énergie. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous consacrons aujourd’hui à la politique agricole commune est évidemment fondamental. Toutefois, on peut regretter qu’il intervienne un peu tard au Sénat, notamment au regard du calendrier européen.
Tous les jours, dans nos départements, dans nos communes, on mesure l’impact de la PAC. L’agriculture est en effet le secteur économique dans lequel l’intégration communautaire est allée le plus loin. L’Union européenne lui consacre une grande part de ses crédits : je rappelle que la PAC représente 43 % du budget communautaire total.
Il est bon de souligner que les agriculteurs de France bénéficient d’aides extrêmement importantes. À cet égard, il faut bien distinguer deux réalités, qu’ont relevées tous les orateurs qui se sont succédé et sur lesquelles nous devons, à mon sens, nous appesantir.
Premièrement, les aides directes du premier pilier – aides couplées, découplées, ou droits à paiement unique –, constituent 70 % du budget de la PAC. Le paiement unique par exploitation est accordé aux producteurs sur la base de références historiques ou, plus généralement, selon la surface de l’exploitation.
Pour la période 2007-2013, la France est le premier bénéficiaire des dépenses relatives aux marchés agricoles. De fait, il n’est pas inutile de le rappeler, les agriculteurs français reçoivent environ 10 milliards d’euros d’aides par an, dont 85 % viennent du premier pilier. En 2010, la France a ainsi reçu plus de 19 % de l’ensemble des crédits. Elle est également l’un des plus gros financeurs de la PAC, dans la mesure où elle contribue au budget à hauteur de 21, 9 milliards d’euros.
Deuxièmement, par la politique de développement rural, deuxième pilier de la PAC, l’Union européenne cofinance des mesures qui contribuent au dynamisme socio-économique des territoires et à la préservation des paysages. Ces dispositifs représentent 25 % du budget de la PAC.
La France semble bénéficier, en matière d’agriculture, d’une position de choix, mais celle-ci doit être protégée. C’était, pour notre pays, tout l’enjeu des négociations qui se sont déroulées ces derniers jours et dont l’objet n’était rien de moins que la définition de la PAC pour les six années à venir, de 2014 à 2020.
Malheureusement, ces discussions se sont conclues sur une enveloppe en baisse de 7, 3 % par rapport à la période 2007-2013 : le nouveau budget de la PAC s’élèvera à 373 milliards d’euros. Désormais, monsieur le ministre, tout va se jouer dans la traduction nationale de ces résultats. Dès lors, jamais le débat national n’aura été aussi important pour notre agriculture.
Parmi les points qui me semblent à la fois délicats et fondamentaux, se trouve la fameuse convergence concernant la redistribution des aides. Sous la pression de certains « gros pays », comme l’Allemagne, on a opté pour l’abandon du plafonnement des aides directes, qui est donc devenu facultatif. C’est plutôt regrettable. En échange, le principe de dégressivité devrait être appliqué. Une convergence externe et interne devrait donc conduire à plus de justice. Pour le moment, cependant, il nous semble qu’un accord n’a été trouvé que sur la convergence interne.
Nous sommes favorables à une distribution plus juste des aides afin d’aider les plus petites exploitations défavorisées par rapport aux plus grandes, qui bénéficient actuellement de 80 % des aides directes. Nous n’oublions certes pas que ces grandes exploitations contribuent à l’économie et à la production de masse de ce pays, mais nous restons attachés au principe de justice.
Sur ce sujet, la notion des 50 premiers hectares n’est pas rejetée, le débat national doit s’engager ; nous sommes prêts à y prendre part de manière très ouverte. La solution se situera au point d’équilibre idoine entre l’impérieuse nécessité d’éviter la disparition fatale des agriculteurs et la préservation de la production nationale.
Je déplore cependant une orientation trop peu marquée en faveur de l’élevage, dont les perspectives sont extrêmement moroses ! Certes, le taux pour les aides couplées a été renforcé, passant de 10 % à 13 %, avec une possibilité de 2 % supplémentaires pour la production de protéines végétales, possibilité qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique de l’élevage. C’est une grande nouveauté. Cela s’accompagne d’un mécanisme de limitation des pertes, afin d’éviter des baisses trop fortes, supérieures à 30 %. Enfin, afin de favoriser l’emploi, qui concerne davantage les exploitations de petite et moyenne taille, une majoration des aides directes sur les premiers hectares serait mise en place.
Mais tout cela est insuffisant, ou au moins perfectible. Il faut absolument utiliser toutes les mesures disponibles pour accorder un soutien maximal aux exploitations d’élevage ; je pense en priorité à la filière « bovins viande ».
À l’avenir, il faudra utiliser les leviers suivants : le couplage, dont toutes les possibilités n’ont pas été exploitées, les compensations de handicaps, les mesures adaptées de soutien au titre du deuxième pilier, les mesures en faveur des bâtiments d’élevage, la préservation des niveaux des DPU des systèmes naisseurs-engraisseurs et engraisseurs.
La pleine utilisation de ces leviers vaut également pour la production laitière. Si la tendance actuelle se poursuit, le paysage de la production laitière va être totalement bouleversé dans les dix ans à venir, au point de mettre en péril l’approvisionnement de l’industrie laitière. La disparition des élevages classiques ne s’accompagne en effet d’aucune formule de remplacement. Il faut donc, dans ce domaine, lancer des signes très forts. Sur ce sujet encore, nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, en vous rappelant notamment l’engagement pris par le Président de la République lors du salon de l’agriculture.
Je souhaite ajouter quelques mots sur une filière qui est un peu oubliée dans ces négociations : la filière chevaline. (
Mes chers collègues, pour moi, ce n’est pas un sujet de plaisanterie !
Monsieur le ministre, cette filière ne doit pas être mise de côté, car elle est le support de l’activité dans beaucoup de régions, notamment dans les zones défavorisées et de montagne.
Un autre point fondamental et récurrent ne peut pas ne pas être évoqué : le verdissement. Un tiers des aides directes dépendra de la mise en œuvre de bonnes pratiques environnementales de base, et 30 % des aides indirectes, rurales, récompenseront en quelque sorte ceux qui feront plus d’efforts en faveur de la biodiversité ou du climat.
Bien entendu, une agriculture éco-responsable est souhaitable ; le groupe UDI-UC a d’ailleurs montré son intérêt pour le sujet en déposant une proposition de résolution tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur. Gardons-nous cependant des clichés et regardons objectivement la contribution de nos agriculteurs à la qualité de l’environnement et les efforts très importants de la plupart d’entre eux dans ce domaine. L’image de nos agriculteurs est trop souvent déformée et éloignée de la réalité, car ce sont eux, en vérité, les véritables protecteurs de l’environnement, comme l’indique l’évolution de la nature dans les zones de grandes déprises agricoles.
Un élément me semble indispensable s’agissant du verdissement : la prise en compte des spécificités locales et régionales. L’assolement, en particulier, n’est tout simplement pas praticable dans certaines zones ; c’est le cas de certains départements du Sud-Ouest comme les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et d’autres, où il est aujourd’hui impossible de trouver des solutions de substitution ou de complément à la culture du maïs. Il est absolument nécessaire d’adapter les exigences environnementales en fonction des départements, de leur climat, de leurs caractéristiques agronomiques, etc.
D’autres sujets nous tiennent à cœur : l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, ou ICHN, pour des raisons que vous imaginez, et la prime herbagère agro-environnementale, la PHA. Ces mesures concernent des zones fragiles et leur maintien est indispensable.
Je voudrais enfin évoquer la question des jeunes agriculteurs. Certaines avancées peuvent être saluées, comme l’obligation de majoration des paiements directs. L’installation de jeunes agriculteurs devient une nécessité absolue. De même, il est de plus en plus important de mieux les accompagner durant les années qui suivent et qui sont essentielles pour la réussite du projet, afin de les aider à faire face aux risques culturaux et aux aléas des marchés.
Monsieur le ministre, le temps de l’application de la réforme de la PAC en France est venu. La discussion nationale aura, beaucoup plus que dans les années passées, une importance considérable. Dans ce cadre, nos fonctionnaires régionaux et départementaux, notamment ceux qui sont rattachés aux directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, devront bénéficier d’une marge plus importante de responsabilité et d’initiative. L’application aveugle et rigide des dispositifs européens devient insupportable au regard des situations sur le terrain.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur la nécessité de régler les distorsions de concurrence et de favoriser le retour à la compétitivité de nos entreprises. À l’heure actuelle, des productions sont délocalisées eu égard au dumping social pratiqué naguère par l’Espagne, maintenant par l’Allemagne. Cette situation porte gravement atteinte à la production agricole de France. Nous vous mettons très solennellement en garde et nous attendons vos réponses sur ce point. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement s’est mobilisé à Bruxelles depuis un an afin de préserver et de consolider la PAC. Cette politique européenne, si essentielle pour tous nos territoires ruraux, était en effet contestée par certains de nos partenaires, notamment en raison du montant de son budget, et souffrait d’un déficit de légitimité.
II est vrai que les arbitrages antérieurs avaient été effectués au regard des seuls impératifs de compétitivité et de productivité, au détriment de la prise en compte de l’environnement, des impacts sur l’emploi et de l’équité dans la répartition des aides. On l’a dit, 80 % des aides reviennent à seulement 20 % d’agriculteurs.
Est-il normal qu’un secteur qui profite de prix mondiaux favorables, notamment ces dernières années, en tout cas dans certains domaines, touche des aides massives ? Il est parfois difficile de le justifier aux yeux de nos concitoyens. Mais de nombreux exploitants ont aussi bien du mal à comprendre pourquoi, alors qu’ils travaillent dur, ils n’arrivent pas à vivre décemment de leur activité !
Je pense en particulier aux zones d’élevage, aux Vosges, au Jura, aux Alpes, aux Pyrénées, au Massif Central…
Nouveaux sourires.
Nouveaux sourires.
M. Alain Bertrand. Aujourd’hui, une nouvelle PAC se dessine qui se veut plus juste et plus verte ; il en faut, mais pas trop ! La priorité doit être une redistribution en faveur de l’élevage, qui traverse une crise exceptionnelle. Je reconnais que cette priorité, vous l’affichez clairement, monsieur le ministre. Tout le monde s’accorde d’ailleurs sur la nécessité de conforter le secteur de l’élevage, y compris le syndicat majoritaire. Moi qui suis les comices agricoles depuis vingt-cinq ans, j’ai failli en tomber de ma chaise !
Sourires.
Certes, si les prix se tiennent, au moins pour certains– je ne parle pas du lait, bien entendu ! –, l’augmentation des charges et du coût des intrants, à quoi s’ajoutent les aléas climatiques, cause de réelles difficultés aux éleveurs. Beaucoup sont tentés de se convertir.
Loin de moi de lancer une guerre agricole en opposant les productions les unes aux autres, mais je souhaitais simplement insister sur la nécessité de rééquilibrer les aides entre productions végétales et productions animales. Il y va, ni plus ni moins, de l’existence même de l’élevage dans beaucoup de régions européennes, de la reconnaissance et de la dignité du métier d’éleveur, de l’emploi et, enfin, de la préservation de nos paysages.
Parler d’élevage, c’est épouser la cause de la ruralité, de l’hyper-ruralité et des campagnes françaises, et c’est ce que vous avez fait, monsieur le ministre. Car, derrière l’élevage, il y a la vie, la possibilité d’accueillir des populations nouvelles, de créer des emplois, bref, de préserver 80 % de notre territoire !
La convergence des niveaux d’aide et le verdissement vont dans le bon sens, mais l’Europe ne peut se contenter d’une politique passive de distribution de subventions. Notre collègue Gérard Le Cam l’a dit : il est indispensable de dépasser cette vision pour porter une conception plus volontariste de l’agriculture, axée sur la préservation des productions les plus fragiles, le soutien aux zones défavorisées et le maintien de la diversité.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu des avancées ; notre groupe tient à les saluer.
Tout d’abord, la PAC a été à peu près préservée dans la négociation budgétaire, ce qui était loin d’être acquis.
Ensuite, la majoration des aides directes sur les premiers hectares assurera une redistribution vers les exploitations « riches en emplois » et vers les petites structures. On trouve dans ces installations, en effet, des agriculteurs qui choisissent de toutes petites surfaces pour y faire, par exemple, du maraîchage ou de l’arboriculture. Il s’agit d’un instrument nouveau, qui sera appliqué avec le principe de transparence pour les GAEC, consolidé pour la première fois dans le texte européen. Les GAEC se réjouissent de cette reconnaissance, qui les sort d’une situation de quasi-clandestinité.
La priorité donnée à l’élevage apparaît aussi à travers la définition d’un taux renforcé pour les aides couplées, avec la possibilité obtenue d’accorder 2 % supplémentaires pour la production de protéines végétales. C’est une bonne chose.
Vous avez su également faire reconnaître la valeur des pratiques agronomiques et environnementales, pour peu qu’elles soient réalistes.
Cela étant, une fois les enveloppes nationales attribuées, il vous incombera, monsieur le ministre, d’utiliser les instruments de la PAC et leurs marges de subsidiarité de la façon la plus conforme à l’intérêt général.
De quelle manière envisagez-vous de mettre en œuvre la surprime sur les premiers hectares ? Allez-vous privilégier le soutien aux surfaces fourragères ? Comment apprécier le critère de non-retournement des prairies permanentes ?
La réforme laisse la faculté aux États de limiter à 30 % la perte de paiements directs pour les exploitations les mieux dotées aujourd’hui. Je comprends qu’il faille mettre en œuvre la convergence en respectant un temps de transition, mais certaines exploitations perçoivent des montants qui peuvent paraître choquants en ces temps où l’argent public se fait rare et où de petites exploitations sont à la peine. Je suis favorable au plafonnement et à la dégressivité : c’est une question de justice, mais elle n’a, hélas, pas été complètement tranchée.
Une autre question n’a pas pu faire l’objet d’un consensus et doit être réglée dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel : les taux de cofinancement des aides du deuxième pilier. Quelles sont les perspectives à cet égard ? Il ne faudrait pas qu’elles préludent à un mouvement de renationalisation de la PAC.
Enfin, la PAC doit être tournée vers les jeunes et l’avenir. Cela, vous l’avez obtenu !
J’en arrive à ma conclusion.
Malgré les insuffisances sur les mesures de régulation dans les nouvelles orientations de la PAC, qu’ils auraient souhaitées encore plus tranchantes, l’ensemble des membres du groupe RDSE saluent votre action, en particulier les avancées que vous avez obtenues sur les budgets, la convergence, l’égalité de mise en œuvre du verdissement dans chaque pays, l’obtention de mesures agro-environnementales réalistes et applicables sur le terrain, l’augmentation du plafond des aides à l’hectare pour les zones à handicaps naturels, les GAEC.
Nous nous félicitons, enfin, de la priorité véritable que vous avez accordée, monsieur le ministre, à l’élevage et donc à la vie de nos territoires ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les discussions sur la réforme de la politique agricole commune sont parvenues à leur terme, après une longue période de négociations. L’instauration du trilogue, c’est-à-dire l’implication du Parlement européen dans cette démarche, aura peut-être alourdi le processus aux yeux de certains, mais il s’agit d’un gage indéniable donné à la démocratie représentative.
Cela constitue un progrès incontestable, que nous ne pouvons que saluer.
La réforme intervient dans un contexte que chacun connaît et qu’il faut cependant rappeler : celui de la crise, ou des crises auxquelles sont confrontées plusieurs filières de la production agricole, et en particulier, cela a été souligné, les filières animales.
Depuis le printemps de l’année 2008 et la crise de la production laitière, les tensions se sont multipliées. Les raisons en sont connues : flambée des prix des céréales sur le marché mondial, aggravée parfois par la spéculation, qui pénalise directement nos productions animales ; situation chronique de sujétion des producteurs aux centrales d’achat de la grande distribution, d’ailleurs confortées par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; réponses timorées de la loi de modernisation de l’agriculture, qui n’a pas suffisamment rééquilibré ces relations ; distorsions au sein même de l’Europe, qui sont évidemment inacceptables.
Il faudra apporter des réponses à ces questions fondamentales, monsieur le ministre.
Comme d’autres, j’ai récemment été interpellé par les producteurs de ma région, grande région agricole : aviculteurs, éleveurs de vaches laitières, de porcs, etc., tous font part de leurs difficultés et, souvent, expriment leur désespérance.
La France, par la voix du Président de la République, s’était engagée à peser de tout son poids dans les négociations en cours. On peut toujours minimiser le résultat obtenu. Il n’en demeure pas moins que, sur un premier point, qui était aussi un préalable, car il conditionnait la suite, la France a obtenu, en dépit de fortes résistances, le maintien du budget de la PAC à son niveau antérieur ; cela est à porter au crédit de l’action gouvernementale. Il s’agit d’une manifestation concrète de l’importance que notre pays accorde à son agriculture, ainsi qu’à ses filières agroalimentaires.
Telle que nous l’avons vu fonctionner, la PAC antérieure a été source d’inégalités, souvent dénoncées par les agriculteurs eux-mêmes. À cet égard, je souhaite insister fortement sur plusieurs avancées qui me semblent primordiales au regard de l’équité et que notre pays pourra, devra mettre en œuvre dans l’application de la future politique agricole commune.
En premier lieu, la majoration des aides aux 50 premiers hectares est une bonne disposition. Elle favorise à l’évidence les petits et moyens producteurs, alors que ce sont a contrario les grosses exploitations qui ont bénéficié jusqu’à présent d’une sorte d’effet d’aubaine, combinant à la fois volumes et primes. Il s’est produit de la sorte une captation des aides européennes au profit – cela a été souvent dénoncé – d’une agriculture qui n’a rien à voir avec le modèle le plus répandu dans nos territoires, fait d’un tissu d’exploitations de dimension humaine.
Cette disposition sera prolongée par le taux renforcé des aides couplées, liant plus étroitement la production effective et l’attribution des droits à prime. Ce n’est pas la moindre des aberrations, en effet, que ces droits puissent être versés et perçus au nom d’une situation historique et en dehors de tout rapport avec la production.
Bien entendu, nous souscrivons pleinement à la mesure, complémentaire du dispositif existant, qui a été prise pour soutenir les jeunes agriculteurs. La volonté des jeunes de s’installer est loin de manquer, mais comment le faire dans un contexte rempli d’incertitudes et où les perspectives de rémunération sont insuffisantes, alors que le coût de l’installation est allé en augmentant ? L’avenir de l’agriculture telle que nous la voulons ne peut se concevoir qu’à travers une politique volontariste d’installation de jeunes agriculteurs. Je partage, et le groupe socialiste avec moi, votre conviction et votre ambition sur ce point, monsieur le ministre.
Un autre point a fait débat, et le fait encore : le verdissement des aides de la PAC. Cependant, la réflexion progresse la matière. En Bretagne, région que je connais bien, le concept d’« agriculture écologiquement productive » est aujourd’hui porté par les professionnels, ce qui témoigne d’une volonté de quitter la posture défensive et d’avancer positivement sur ces questions prégnantes.
Au-delà de l’agriculture elle-même, ce sujet rejoint les préoccupations sociétales sur les conséquences environnementales des activités agricoles. Bien des progrès ont été réalisés par les agriculteurs. Il n’est que de regarder sans a priori la courbe de la présence des nitrates dans les cours d’eaux bretons ; elle fait apparaître une diminution constante des taux depuis plusieurs années.
Il a manqué jusqu’à aujourd’hui une incitation financière significative pour permettre aux producteurs de faire évoluer leur modèle économique, en particulier dans cette période difficile. Permettre d’avancer sur le respect d’une meilleure agronomie et d’une meilleure prise en compte de l’agriculture dans son rapport à l’environnement ne pourra que contribuer à répondre aux attentes sur ces questions complexes et souvent polémiques.
Parallèlement, le citoyen-contribuable peut légitimement s’interroger sur les contradictions des politiques conduites, qui tendent, d’une part, à subventionner un modèle de production et, d’autre part, à financer les conséquences de ses excès.
L’application des règles de la PAC a, de fait, pu conduire à des résultats paradoxaux. Ainsi, l’approche très tatillonne de l’administration sur les surfaces primables, nées parfois de la prise en compte insuffisante dans la déclaration de la présence d’un talus, a pu déboucher sur des pénalités appliquées à l’exploitant et, l’année suivante, à la destruction du bocage, ce qui mettait un terme définitif à toute discussion éventuelle.
L’élargissement des aides à des surfaces jusqu’à présent exclues – cela concerne également les pâturages extensifs – relève manifestement de la même démarche tendant à concilier activité agricole et environnement : c’est le bon sens !
À présent, il faut que les textes soient interprétés avec intelligence. Pourriez-vous nous préciser, à ce sujet, monsieur le ministre, votre vision de l’avenir des installations ?
Je souhaite également vous alerter sur la question des outils de régulation des marchés. Dans le contexte que j’ai évoqué à titre liminaire, celui de crises récurrentes et de grande volatilité des prix, de concurrence mondiale exacerbée, l’Europe doit se donner les moyens de continuer à agir en faveur de ses productions comme d’autres pays à travers le monde le font sans beaucoup d’états d’âme, fussent-ils libéraux de doctrine.
Je veux attirer votre attention sur les conséquences économiques de certaines décisions. L’abandon des restitutions était, certes, annoncé de longue date puisque M. Barnier en avait confirmé ici même la disparition en 2008. Cependant, il y a des risques évidents d’effondrement de pans entiers de certaines économies régionales. Aujourd'hui, pour la Bretagne, deux entreprises, deux abattoirs, qui, je vous l’accorde, n’ont pas suffisamment anticipé l’échéance programmée, pourraient entraîner dans leur éventuel naufrage la perte de 4 000 à 5 000 emplois directs et indirects pour leur seul champ d’activité et, par effet domino, déstabiliser l’ensemble des entreprises de la filière.
Monsieur le ministre, face aux inquiétudes qui montent dans une région où les difficultés s’amoncellent déjà – il a été fait référence à l’abattoir Gad, avec un nombre impressionnant de suppressions d’emplois annoncées à Lampaul-Guimiliau et à Saint-Nazaire –, on est particulièrement impatient de connaître vos intentions, à un moment où débute un programme de modernisation des bâtiments de l’élevage en région.
Dans le cadre de la négociation de la future PAC, vous avez obtenu des résultats significatifs et des moyens de redonner des perspectives à l’agriculture, ou plutôt aux diverses agricultures de notre pays, qui doutent de leur avenir. Il reste à mettre ces dispositions en œuvre. Je veux donc vous exprimer tout notre soutien et vous prodiguer nos encouragements dans la poursuite de votre action. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, saluons ensemble la tenue ici, au Sénat, de ce débat sur la politique agricole commune, quelques jours après la fin des négociations européennes menées dans le cadre du trilogue entre Parlement européen, Conseil et Commission européenne. Je remercie le Président de la République et le Gouvernement d’avoir bien voulu le faire inscrire à l’ordre du jour de notre session extraordinaire.
Le Sénat a été très actif dans le suivi de la réforme de la PAC, à travers un groupe de travail associant la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques.
Au mois de mai dernier, nous avons adopté une résolution européenne exprimant globalement notre accord avec les orientations générales de la nouvelle PAC, mais réclamant une plus grande ambition régulatrice de l’Europe sur les questions agricoles.
Monsieur le ministre, le débat d’aujourd’hui fournit l’occasion de vous interroger sur les résultats de la négociation du trilogue, mais aussi d’échanger sur la mise en œuvre nationale de la nouvelle PAC, qui sera tout aussi importante pour les agriculteurs français.
Lorsqu’on évoque la PAC, la question des moyens budgétaires que l’Europe y consacre vient tout de suite à l’esprit. Et chaque réforme inquiète le milieu agricole, faisant craindre des réajustements budgétaires à la baisse d’un budget qui représente encore 43 % des dépenses de l’Union.
L’accord du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, passé entre chefs d’État et de gouvernement, réduit de manière substantielle l’enveloppe globale du budget européen pour la prochaine période. Toutefois, dans le remodelage de la maquette financière européenne, l’agriculture ne subit pas la saignée redoutée. Au final, les dépenses agricoles de l’Europe seront stabilisées en euros courants à leur niveau de 2013, dans le cadre d’un budget européen historiquement faible, avec des crédits de paiement représentant à peine 0, 95 % du PIB communautaire.
Pour la France, l’enveloppe budgétaire allouée – elle est de 56 milliards d’euros sur la période, premier et deuxième piliers confondus – est très proche de l’enveloppe de la période précédente, grâce à un bonus de près d’1 milliard d’euros obtenu in extremis sur le deuxième pilier.
Je me permets de souligner que ce résultat n’a été possible que grâce à la pugnacité de la France, de son gouvernement et du Président de la République dans la négociation. Rien n’était gagné d’avance.
Une fois le budget préservé dans ses grandes lignes, il restait à trouver un compromis sur le contenu de la future PAC. Plus juste, plus verte, mais aussi plus efficace : tels étaient les objectifs initiaux de la Commission européenne.
Le moins que l’on puisse dire est que le paquet législatif présenté par la Commission le 12 octobre 2011 est loin d’être révolutionnaire. Comme aujourd’hui, la future PAC reposera de manière principale sur les aides directes découplées, avec des mesures minimales de régulation des marchés et un deuxième pilier de la PAC plus modeste, permettant toutefois de mettre en œuvre des mesures structurelles en faveur du secteur agricole, cofinancées par les États membres.
La Commission propose de répartir les aides directes de manière plus équitable : on ne peut que s’en féliciter.
D’abord, la réforme organise une convergence progressive des aides entre États membres, ce qui était nécessaire, sans aller vers des aides identiques partout, car il subsiste d’importantes différences de niveaux de vie entre États.
Ensuite, la Commission vise à plus de justice entre agriculteurs de chaque État, en demandant la fin des références historiques. La résolution adoptée par le Sénat au mois de mai soutient cette vision, car il n’est plus possible de justifier le maintien d’écarts importants des niveaux d’aide entre exploitations voisines.
Le compromis du trilogue a assorti cette convergence de garde-fous dans les deux sens : à la fin de la période, aucun agriculteur ne pourra toucher moins de 60 % de la moyenne nationale ou régionale. De même, les États membres pourront plafonner la perte à 30 % sur l’ensemble de la période.
La possibilité de réserver 30 % de l’enveloppe des paiements directs pour bonifier les paiements sur les premiers hectares va aussi dans le bon sens, permettant de favoriser les exploitations familiales de petite taille.
La principale innovation de la nouvelle PAC résidait dans le verdissement du premier pilier. Dans sa résolution, le Sénat soutient pleinement cette orientation qui évite toute distorsion entre pays, tout en demandant des précisions, en particulier sur le non-retournement des prairies permanentes, sachant que cette question ne cesse de soulever des inquiétudes chez les éleveurs.
Au final, l’accord du trilogue paraît satisfaisant, en permettant d’apprécier le critère au niveau régional. L’exigence d’une diversité des cultures est préservée. Les surfaces d’intérêt écologique, hors prairies, sont maintenues à 5 % en 2015 et 7 % en 2019. Le non-respect du verdissement sera sanctionné, y compris sur les paiements de base. Le verdissement n’a pas été vidé de son sens, ce qu’on pouvait redouter.
Enfin, nous conservons des possibilités de couplage, dans la limite de 13 % de l’enveloppe nationale des paiements directs, auxquels s’ajoutent 2 % pour développer les protéines végétales.
Autre avancée majeure : la mise en œuvre d’une majoration des aides pour les jeunes agriculteurs au sein du premier pilier, qui viendra compléter les soutiens existants en France pour l’installation des agriculteurs au sein du deuxième pilier.
Depuis le début des travaux du Sénat sur la PAC, nous défendons une plus grande ambition régulatrice de celle-ci. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un combat de longue haleine, contre une orientation libérale qui est à l’œuvre depuis vingt ans et qui marque encore l’approche de la Commission européenne. Reconnaissons au commissaire Ciolos la volonté de changer la donne.
La possibilité, pour les producteurs, de se regrouper sur une base plus large et l’introduction d’une clause générale de perturbation des marchés permettant à la Commission européenne d’intervenir constituent de réelles avancées au sein du texte sur les organisations communes de marché.
Pour autant, la réforme de la PAC confirme le démantèlement des quotas de sucre en 2017, ne réintroduit aucune régulation de la production laitière et maintient les filets de sécurité de l’intervention à des niveaux très bas.
Dans notre résolution, nous avons proposé d’engager dès maintenant une réflexion sur l’activation contracyclique de la PAC. En effet, comment justifier que les aides soient les mêmes quand tout va bien et quand tout va mal, quand les prix des céréales sont très élevés et quand ils sont très faibles ?
Pourquoi les États-Unis pourraient-ils, avec leur Farm Bill, intervenir de manière plus massive en cas de crise des revenus agricoles, et pas l’Europe ?
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour mener ce que nous pouvons considérer au sens noble du terme comme un combat idéologique. Ce combat doit être conduit avec énergie contre certains de nos partenaires européens, qui refusent de reconnaître aux produits agricoles une dimension de marchandises « pas comme les autres » en ce qu’ils sont un élément de la souveraineté alimentaire.
Pour conclure, je constate que les contours de la future PAC sont désormais fixés. Mais il reste une étape importante : sa déclinaison nationale au sein du premier et du deuxième pilier. Mettre l’accent sur l’élevage me paraît essentiel partout où le droit communautaire nous laissera des marges de manœuvre.
Nous avons bien franchi la phase des discussions au niveau communautaire. Nous savons pouvoir compter sur vous pour réussir la mise en œuvre de la nouvelle PAC dans notre pays. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos de ma collègue Renée Nicoux, car la résolution du Sénat de mai dernier a fait largement consensus et n’appelle pas de commentaires de ma part.
Je souhaite, cependant, dans le court laps de temps qui m’est accordé, attirer votre attention sur trois points importants à mes yeux : le sort de la viticulture dans la future PAC, cher à Roland Courteau, …
… les orientations de la politique de développement rural portée par le deuxième pilier et, enfin, la nécessité d’agir pour relancer l’installation.
La viticulture, chacun le sait, revêt une importance toute particulière pour la France, mais aussi pour l’agriculture européenne dans son ensemble. Malgré une baisse de 15 % de sa production en 2012, la France est restée le premier pays producteur de vin du monde.
L’Europe assure, d’ailleurs, les deux tiers de la production mondiale. Le secteur des vins et spiritueux a dégagé à lui seul pour la France un excédent commercial qui a presque atteint les 10 milliards d’euros en 2012, ce qui n’est pas rien.
Nous enregistrons depuis plusieurs années de réels succès à l’export, avec une amélioration incontestable de la qualité de nos produits. Or deux menaces planent sur la viticulture française.
La première est celle de la suppression des droits de plantation. Décidée en 2008 dans le cadre de la réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole, cette suppression visait à libérer le potentiel de production de l’Europe, dans un contexte de hausse de la demande mondiale de vin.
Cependant, dans le même temps, elle faisait courir un grave risque de surproduction et de détournement de notoriété dans les zones d’appellation d’origine, avec, en fin de compte, une baisse générale de la qualité des vins.
Les professionnels ont été de plus en plus bruyants pour exprimer leurs craintes, que le groupe d’études Vigne et vin du Sénat a relayées.
Le groupe d’experts mis en place par la Commission européenne a travaillé tout au long de l’année 2012 pour proposer un nouveau dispositif d’encadrement des plantations.
Il a fallu que nous soyons constamment vigilants sur le sujet, devant les réticences de la Commission européenne et des pays libéraux.
Une résolution du Sénat, adoptée en février dernier, rappelait nos exigences à l’égard du nouveau système.
L’accord du trilogue de la semaine dernière nous rassure largement, avec un nouveau dispositif des droits de plantation qui durera jusqu’en 2030. Nous pouvons estimer que le taux maximal d’augmentation admissible de 1 % par an est beaucoup trop élevé, mais les États membres auront la possibilité de fixer, par bassins de production, leurs propres taux à un niveau inférieur, tous les partenaires pouvant faire entendre leur voix. Nous nous acheminons donc vers une issue heureuse d’un combat âpre, dans lequel le Sénat a pris toute sa place.
Je veux ensuite mentionner un deuxième risque pour la viticulture, qui bénéficie non pas de droits à paiements uniques, mais d’une enveloppe sectorielle destinée à la promotion et aux actions de restructuration de vignoble. Or nous souhaitons conserver cette enveloppe, car elle joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la qualité du vin français.
Disposer d’une l’enveloppe est une chose, mais l’utiliser en est une autre. Il semblerait que nous soyons sur le point de perdre 40 millions d’euros de crédits non dépensés par la France dans le cadre de son enveloppe vitivinicole. Les crédits de la vigne doivent aller aux viticulteurs ! Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ? Par ailleurs, comment expliquer cette non-utilisation des crédits ?
Je dirai un mot sur le deuxième pilier de la PAC. Qu’adviendra-t-il de lui dès lors que le verdissement est intégré au premier pilier ? La résolution du Sénat de mai dernier rappelle notre attachement à la politique de développement rural. La négociation européenne a permis de lever certaines incertitudes.
Le taux de cofinancement communautaire des actions du deuxième pilier a été légèrement augmenté, même en régions de transition. La question du taux de soutien aux régions ultrapériphériques reste cependant posée.
Le redécoupage des zones à handicaps naturels restera un exercice difficile, surtout pour les zones de piémont dont certaines pourraient sortir du zonage, et donc ne plus bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels.
Le compromis du trilogue prévoit cependant d’offrir des flexibilités. Le nouveau zonage ne s’appliquera qu’à partir de 2018. Les États membres pourront conserver un dispositif de lissage sur plusieurs années de la suppression de l’aide. Enfin, on pourra ajouter dans le zonage 10 % de surfaces ne remplissant pas les critères biophysiques pour être considérées comme zones défavorisées.
Le deuxième pilier pourra aussi être utilisé pour financer des actions de modernisation des bâtiments d’élevage et d’aide à l’investissement. C’est un point important sur lequel notre proposition de résolution mettait l’accent.
Une réflexion devra être engagée sur le maintien d’une prime à l’herbe, car l’interdiction du double paiement au titre du verdissement du premier pilier et au titre du deuxième pilier obligera à définir de manière plus stricte une aide éventuelle à l’élevage à l’herbe.
Au final, la réglementation européenne laisse de larges possibilités aux États membres sur le deuxième pilier. Ces derniers définiront eux-mêmes leur programme de développement rural et les modalités de gestion, régionale ou nationale. Le deuxième pilier pourra, notamment, être utilisé pour mobiliser des moyens en faveur de la gestion des risques en agriculture, comme l’a souligné excellemment Jean-Paul Emorine : assurances, fonds de mutualisation, assurances récolte. Je souhaite que nous soyons ambitieux en la matière, mais cela nécessitera des crédits nationaux à la même hauteur que les crédits européens. De même, il faudra impérativement prévoir la réassurance publique.
Je terminerai par la question de l’installation. Elle est essentielle pour assurer l’avenir de notre agriculture. Un seul chiffre résume l’enjeu : l’Europe compte un agriculteur de moins de trente-cinq ans pour neuf agriculteurs de plus de cinquante-cinq ans.
Certaines productions risquent de décliner faute de combattants ; je pense en particulier à l’élevage.
La future PAC donne davantage d’armes pour aider au renouvellement des générations. D’abord, dans le cadre du premier pilier, 2 % de l’enveloppe des paiements directs devraient bénéficier aux jeunes agriculteurs à travers une majoration de leurs droits à paiement de base de 25 % pendant cinq ans. Ensuite, les jeunes agriculteurs continueront à bénéficier des mesures d’aide à l’installation du deuxième pilier et de majorations d’aides servies par l’Union européenne.
Il faudra jeter toutes nos forces dans la bataille. Le renouvellement des générations en agriculture ne se règle d’ailleurs pas qu’à coup d’aides. L’accès au foncier, le financement du capital d’installation relèvent de mesures nationales, qui ont été discutées dans le cadre des assises de l’installation, lancées en octobre dernier. Nous attendons des réponses sur ce point, monsieur le ministre, et j’espère qu’elles seront positives. §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs questions ont été abordées dans ce débat.
Maintenant que le cadre européen est défini, une négociation à l’échelle nationale va s’engager, notamment en ce qui concerne la répartition des aides. Un certain nombre d’entre vous m’ont interrogé sur ce point.
Selon les pourcentages que vous retenez pour l’attribution des aides du premier pilier en vue de favoriser certaines politiques, telles que l’installation, le couplage ou encore l’aide aux cinquante premiers hectares, ce sont autant de crédits en moins pour l’enveloppe générale. La discussion va donc porter sur la capacité redistributive.
Les aides accordées à l’installation représentent 2 % du premier pilier – c’est le maximum –, soit tout de même 120 millions d’euros, ce qui est une somme importante. Il faut donc savoir quel est l’objectif en termes d’installation.
Pour ce qui concerne les aides aux cinquante premiers hectares, j’entends fixer un objectif de 30 %, soit le paiement redistributif maximum.
S’agissant de la question de la convergence, vous avez parlé d’un objectif minimum de 60 % que doit atteindre la France dans le cadre des exploitations qui sont en dessous de la moyenne. Mais on pourrait aller jusqu’à 100 %. Dans ce cas, il faudrait davantage redistribuer, en particulier dans les zones d’élevage. Quel choix faire ?
Toutes ces questions sont maintenant versées au débat. Le cadre a été fixé ; restent à définir les objectifs.
En ce qui concerne la méthode, je l’ai dit au coprésident du groupe de travail, nous aurons bientôt connaissance des chiffres. Je vais entamer les négociations avec les organisations professionnelles. L’Assemblée nationale et le Sénat seront ensuite saisis de propositions. C’est le premier débat que nous avons sur ces sujets. Nous aurons l’occasion d’en avoir d’autres par la suite, puisque c’est maintenant que débutent les discussions.
Plusieurs questions ont été posées sur les zones défavorisées. Monsieur César, vous l’avez vous-même souligné, les 10 % devront normalement nous permettre de couvrir des zones défavorisées et d’éviter d’en perdre.
En ce qui concerne l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, je confirme que le plafond a été modifié : le cofinancement a été augmenté. Cette mesure témoigne d’une stratégie, qui doit aller dans un certain sens. Mais l’enveloppe a été définie dans le cadre de la politique agricole commune par le Président de la République, et nous aurons à faire des choix sur les aides du deuxième pilier.
Prenons l’exemple de la Bretagne.
Concernant l’obligation de conditionner 30 % des aides au respect de mesures agro-environnementale – c’est un point très important –, l’investissement y a été intégré. Je pense en particulier à toutes les unités de méthanisation que l’on doit construire en Bretagne.
Certains ont évoqué le problème posé par la fermeture des abattoirs en Bretagne en raison – il faut le dire objectivement – d’une baisse de la production. Il s’agit non pas de relever cette production, mais de la stabiliser, condition indispensable à la stabilisation des outils de transformation.
Monsieur Labbé, en ce qui concerne les établissements classés, un effort s’impose dans le cadre de la simplification, non pas pour remettre en cause les objectifs environnementaux, mais pour faciliter l’installation de nouvelles porcheries afin de remplacer des structures plus anciennes.
Aussi est-il important de recréer une dynamique.
Nous devrons débattre de ces objectifs. J’attends que, sur ces questions, qui ne remettent pas en cause l’objectif de la double performance, économique et écologique, nous trouvions ensemble des accords.
Vous m’avez interrogé sur la majoration des cinquante premiers hectares et sur le plafonnement.
Le plafonnement, c’est une vieille histoire. Même Mme Fischer Boel, commissaire européenne on ne peut plus libérale du Danemark, …
… l’avait proposé. À chaque fois que j’ai eu ce débat, je l’ai toujours dit, je me suis heurté à un blocage, que vous avez évoqué : l’Allemagne, le Royaume-Uni et même l’Espagne ne veulent pas du plafonnement. La France, quant à elle, le réclame, en vain. Certains accusent l’Europe, mais elle n’y est pour rien dans ce blocage. On sait très bien qui ne veut pas ; ce n’est pas l’Europe libérale qui décide sur ce point.
En revanche, pour la première fois dans l’histoire – il faut en tenir compte ! –, sera mise en place la dégressivité des aides, avec une alternative : les cinquante premiers hectares. Je le dis à ceux qui sont très attachés au plafonnement, la redistribution avec la prime aux cinquante premiers hectares, c’est autant, voire plus, que ce qui peut être redistribué avec le plafonnement des aides. Mettons en place une solution alternative avec la dégressivité liée aux fameux 150 000 euros par exploitation.
Là aussi, le débat est ouvert : il faut faire des choix. Pour ma part, j’ai fait le mien, mais nous en débattrons. Si nous sommes favorables à la redistribution et si nous ne voulons pas que celle-ci s’opère des productions laitières vers l’élevage bovin, nous devons trouver des mécanismes pour établir un équilibre, notamment en prélevant sur les exploitations de surface moyenne. Je ne veux pas les stigmatiser, mais je pense là aux exploitations céréalières. Rééquilibrer les aides sans déséquilibrer les filières, tel est l’objectif que nous devons nous fixer, et c’est de cette manière que nous y arriverons.
J’en viens aux quotas laitiers, une question très importante. Pour la première fois, ils disparaîtront effectivement. Il faut réfléchir à ce que nous allons faire ensuite ; le débat s’ouvrira en septembre prochain. J’aurais bien sûr aimé que l’on rediscute sérieusement de la question en termes de régulation. Faudra-t-il abandonner définitivement le système des quotas et laisser chacun augmenter sa production laitière de 20 % à 30 %, au risque que le retour de cette production sur le marché européen ne déclenche une crise le jour où nous n’exporterons plus ? C’est pourquoi nous devons débattre très clairement de cette question.
La possibilité supplémentaire de 2 % pour la production de protéines végétales permet, je le répète, une redistribution dans le cadre général. Et, dans les surfaces d’intérêt écologique, j’indique à l’attention d’un certain nombre de sénateurs qui attachent une grande importance à cette question que cette possibilité concerne aussi les légumineuses et les plantes produites sans aucun engrais et le moins de produits phytosanitaires possible, comme le chanvre. Je sais qu’au Sénat vous êtes tous d’accord pour soutenir cette production…
Sourires.
Vous avez parlé des relations commerciales avec les États-Unis, qui pourraient remettre en cause les décisions prises sur le plan européen ainsi que notre conception de l’agriculture. Dans le cadre du mandat de négociation de la Commission européenne, on a beaucoup parlé de l’exception culturelle que la Commission refusait de prendre en compte, mais moins de la question agricole, notamment concernant la filière viande et les indications géographiques, qui sont pourtant des enjeux très importants.
En effet, sur ces points, les États-Unis sont aux antipodes de la France et de l’Europe : ils plaident pour la logique des marques, tandis que nous soutenons celle des appellations.
C’est une véritable bataille qui se joue aussi à l’échelle mondiale. Les Japonais prennent appui sur notre conception et les Chinois commencent à s’interroger. Nous avons donc intérêt à être convaincants et à ne pas lâcher sur cette question – ce point était l’une des lignes rouges –, qui est un élément conceptuel, dirai-je, de l’agriculture. Mais ma position est, me semble-t-il, partagée sur l’ensemble des travées de votre assemblée.
La question de la sous-consommation des crédits de l’organisation commune du marché vitivinicole est débattue depuis le début de l’année, mais elle n’entre pas dans la négociation proprement dite de la politique agricole commune.
Pour diverses raisons – réglementations, problèmes rencontrés, manque de réactivité –, les crédits n’ont pas été suffisamment consommés.
La profession demande donc d’accroître le niveau des avances pour rattraper cette sous-consommation, mais elle se heurte au blocage du commissaire à l’agriculture et de sa direction générale et, surtout, du commissaire au budget, en raison de l’absence, jusqu’à jeudi dernier, d’accord sur les perspectives financières.
J’ai demandé au Président de la République d’essayer de débloquer la question des avances lors du prochain sommet européen, en les faisant passer de 20 % à 40 %.
Je sais que cette question est très importante, mais, n’ayant pas encore le résultat de la négociation, je préfère ne pas m’engager davantage.
Je me félicite de ce débat : vous m’avez posé de nombreuses questions. Comme toujours, la Haute Assemblée est intéressée par les questions agricoles. Les interventions, qui sont à la fois techniques et de qualité, s’inscrivent dans une approche globale de l’agriculture, qui ouvre de véritables perspectives.
Lorsque viendra le moment où nous devrons faire ensemble des choix, notamment pour trouver un équilibre dans le secteur de l’élevage, j’espère qu’une large majorité s’exprimera dans cette belle assemblée qu’est le Sénat. §
Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. Le Gouvernement, s’il est sollicité, pourra répondre.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
Monsieur le ministre, dans votre intervention liminaire, vous avez évoqué à juste titre le sort des éleveurs dont les revenus sont notoirement inférieurs à ceux des céréaliers.
Lors des événements récents qui se sont déroulés dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et, surtout, la Haute-Garonne, les éleveurs de moyenne et de haute montagne ont attiré votre attention, à l’occasion de votre visite dans cette région, sur la situation qu’ils vivent.
Au-delà de leur activité, le pastoralisme, les éleveurs de montagne participent – est-il besoin de le rappeler ? – à la valorisation des paysages en termes d’aménagement du territoire et jouent également un rôle non négligeable sur le plan culturel.
Récemment, les représentants de ces éleveurs ont évoqué les conséquences des conditions climatiques : la conservation du fourrage est altérée, et ils ont en quelque sorte perdu – c’est l’expression qui est la leur – leur outil de travail puisque les zones de pâturage sont recouvertes de trente ou quarante centimètres de boue ou sont transformées en champs de pierres. Les estives sont donc plus difficiles d’accès et s’y ajoutent les pluies, mais aussi, parfois, une neige tardive, qui altèrent considérablement la qualité de l’herbe.
Monsieur le ministre, au niveau de la PAC, peut-on compter sur un assouplissement des réglementations européennes ? De plus, le Gouvernement entend-il prendre la mesure de ces événements pour tenter de sortir les éleveurs de cette situation de détresse ?
Lors de mon déplacement en Haute-Garonne, puis dans les Pyrénées-Atlantiques, j’ai pu constater par moi-même l’importance des dégâts causés non seulement par les inondations, mais aussi par les torrents d’eau qui y sont liés, lesquels étaient à la mesure des images diffusées à la télévision.
J’ai parfaitement enregistré les demandes des représentants des éleveurs. Les dérogations sur les mesures agro-environnementales européennes – c’est la France qui décide et non l’Europe ! – seront accordées.
Les dérogations sur l’accès aux estives – un sujet très technique, sur lequel les éleveurs se sont exprimés – seront également mises en œuvre. J’avais abordé cette question avec le préfet avant mon départ dans cette région.
Quant à l’attribution des primes herbagères, notamment la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, elle sera assouplie. La montée tardive en estive remettrait en effet en cause l’ICHN. C’est pourquoi nous sommes obligés de revoir tout le calendrier.
Tout ce travail est, je le répète, en cours. J’avais d’ailleurs annoncé les mesures habituelles lors de tels événements, comme celles qui sont relatives au report des cotisations sociales et des annuités de prêts. Des mesures spécifiques liées à l’agriculture de montagne seront également mises en œuvre.
J’interviens dans ce débat en tant que président du groupe d’études de l’élevage.
Les orateurs ont été nombreux à évoquer les difficultés dans lesquelles se trouve le monde de l’élevage, qui a récemment subi l’augmentation des coûts liés aux intrants et aux améliorations énergétiques, ainsi que des contraintes environnementales. Et que dire si, demain, est mise en place la taxe carbone dans les transports ? Cela alourdira encore davantage les charges des exploitations. À cela s’ajoute l’affichage environnemental. On l’a vu lorsque nous avons visité des abattoirs, les tests de dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, sont encore pratiqués en France, alors qu’ils n’existent plus dans d’autres pays. On élimine encore des parties d’animaux à risques, contrairement à ce qui se fait dans les pays voisins. Tout cela a un coût et nous conduit à nous interroger.
Monsieur le ministre, j’ai cru entendre avant-hier – j’espère me tromper ! – que votre budget serait mis à mal l’année prochaine. Cette annonce ne donne pas bon moral aux éleveurs que nous sommes.
Aussi, je veux vous faire des propositions.
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir fait entendre la voix des GAEC. Mais, étant pour une agriculture sociétariale en matière d’élevage, je propose que tous les membres de ces groupements soient pris en considération pour les cinquante hectares. Pour la transparence, certains, vous le savez, sont allés chercher des hectares bien loin. Pourquoi gâter ceux-là ? Voilà pourquoi je vous remercie de réfléchir à la possibilité de tenir compte de tous les membres d’un GAEC pour les cinquante hectares.
Par ailleurs, l’élevage est en difficulté. Certains mettent en avant les primes dont nous disposons dans les zones de montagne. Mais, en zone défavorisée, nous ne pouvons mettre la charrue. Ces zones ne pourraient-elles pas être classées davantage parmi les zones en difficultés ?
Au cours de nos différentes rencontres, a été pointée la distorsion de concurrence avec nos amis allemands. D’ailleurs, il ne me semble pas que vous ayez répondu à la question qui vous a été posée. Comment peut-on admettre que, dans leurs abattoirs, le personnel soit payé trois fois moins que chez nous ? Ce n’est pas possible.
Ma question concerne l’ensemble du Gouvernement et plus particulièrement le ministre des affaires européennes et vous-même : peut-on accepter pour nos arboriculteurs, nos maraîchers et nos éleveurs une telle concurrence de l’Allemagne ? Telles sont mes inquiétudes, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes nombreux à vouloir intervenir. C’est pourquoi je vous demande de ne pas dépasser le temps de parole de deux minutes qui a été fixé.
La parole est à M. le ministre.
Je constate, monsieur le sénateur, que vous avez beaucoup d’inquiétudes.
Vous avez évoqué la question de la distorsion de concurrence. Je rappelle que les questions sociales, à l’échelle européenne, sont de la responsabilité des États. Je pourrais d’ailleurs vous dire : qu’est-ce qui a été fait durant toutes ces années ?
Pour résoudre ce problème, il faut, d’une part, revoir la directive relative au détachement des travailleurs, qui, aujourd’hui, par un recours abusif, permet de faire des choses qui ne devraient pas être acceptées. Cela relève de la responsabilité européenne ; il faut trouver un accord.
D’autre part, il faut intervenir sur les conditions sociales de la production dans les abattoirs en Allemagne. Or, jusqu’à nouvel ordre, ni le sénateur que vous êtes ni le ministre que je suis ne peut décider à la place des institutions allemandes.
Un vote doit avoir lieu en septembre prochain sur le salaire minimum. Le débat qui a été engagé par le parti social-démocrate n’a pas été fermé par Mme Merkel. Le problème que vous posez peut être réglé en partie de cette manière. Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question : si j’étais ministre allemand, je pourrais vous répondre, mais je suis ministre français ! D’ailleurs, je ne suis ministre que depuis un an. Or que s’est-il passé au cours des dix dernières années ?
Ne nous renvoyons donc pas la balle ! Cette question relève de la liberté démocratique d’un pays, et j’espère que les élections feront bouger les choses. L’idée d’un salaire minimum en Allemagne a l’air de progresser. Tant mieux !
Cette distorsion de concurrence existe en Allemagne parce qu’il n’y a pas de convention collective dans le secteur agro-alimentaire, contrairement aux autres branches industrielles, et c’est ce qui pose problème.
Concernant vos inquiétudes relatives au budget de l’agriculture, celui-ci connaîtra en effet une baisse de 5 %. À l’instar d’autres budgets, nous devons bien sûr consentir un effort. J’ai intégré cette dimension en m’efforçant de réduire au minimum l’impact que cette diminution pourra avoir sur les agriculteurs et l’agriculture.
Dans le débat budgétaire national et européen, nous avons cherché à trouver un équilibre. Il s’agit d’assumer la réduction des dépenses publiques, tout en préservant l’intérêt des agriculteurs français. Cela dépend à la fois de ce que l’on obtient à l’échelle européenne et de ce que l’on fait au niveau national. Il ne faut pas être inquiet. Certes, nous n’aurons pas autant de crédits que nous en avons eus auparavant, mais nous devons poursuivre l’objectif que nous nous sommes fixé ensemble, à savoir préserver l’élevage, la diversité des agricultures et les revenus des agriculteurs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe à ceux qui ont salué les résultats obtenus dans le cadre des négociations sur la réforme de la politique agricole commune.
Ces négociations ont été l’occasion pour le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, et par votre intermédiaire, monsieur le ministre, de défendre notre modèle agricole, mais aussi d’exprimer notre volonté commune de tenir compte à la fois des besoins des exploitations et de leurs exploitants et des exigences en matière de développement durable.
Je reviendrai plus particulièrement sur deux points qui ont été développés par un certain nombre d’intervenants, notamment socialistes : le premier est relatif aux avancées clairement apparues – et je m’en félicite – en matière d’élevage ; le second a trait aux droits de plantation. Cela ne saurait vous étonner puisque je représente un département, la Dordogne, où l’élevage comme la viticulture sont très présents.
Concernant les droits de plantation, une demande particulièrement forte des viticulteurs, il y a également eu de véritables avancées, comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Gérard César.
Néanmoins, demeure pour moi une inquiétude, liée non pas à la PAC, mais à l’implantation dans mon département de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO
M. le ministre acquiesce.
J’aimerais donc avoir quelques réponses sur ce point, monsieur le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, je vais prendre pour acquis la partie de votre intervention concernant la PAC
Sourires.
Le directeur de l’INAO a proposé un projet de réorganisation. Comme dans d’autres domaines, on s’efforce de maintenir l’institution, de lui donner tous les moyens lui permettant d’assumer sa tâche, qui est très importante – comme je l’ai d'ailleurs souligné tout à l’heure à propos des indications géographiques protégées, les IGP, et des appellations d’origine –, tout en examinant la possibilité d’améliorer, au niveau de sa présence territoriale, le fonctionnement et l’efficacité.
J’ai parfaitement entendu que ce sujet avait mobilisé la Dordogne, le Maine-et-Loire, l’Aube…
… et l’Aude. J’ai donc proposé au directeur de l’INAO d’étudier avec lui le projet qu’il a réalisé en toute objectivité, afin de voir comment il était possible d’obtenir une meilleure efficacité de gestion – je suis obligé de le formuler ainsi ! –, en maintenant la présence de cette institution sur le terrain. On le sait, la référence de l’INAO compte beaucoup dans toutes les régions où les produits de qualité sont importants. J’ai enregistré votre demande, et je vais m’en occuper.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde, avant moi, a rappelé l’importance de la PAC pour la France, et je ne peux personnellement que souscrire à ces propos.
Élue du département de l’Ain où l’agriculture joue un rôle prépondérant avec plus de 5 000 exploitations, je veux avant toute chose saluer le travail considérable des agriculteurs et des agricultrices qui participent, par leur engagement, au développement territorial et au rayonnement de la France à l’international.
Tout d’abord, parce que les jeunes agriculteurs représentent l’avenir, j’aimerais revenir sur les mesures qui les concernent.
Comme l’a souligné mon collègue Jean-Jacques Lasserre, une partie des mesures proposées dans la réforme de la PAC va dans le bon sens. C’est le cas, par exemple, de l’obligation de majoration des paiements directs pour les jeunes installés ou encore la possibilité pour les États de mettre en place des aides couplées à hauteur de 13 % du montant du premier pilier.
Mais, monsieur le ministre, quand allez-vous appliquer ce taux de majoration maximum pour les jeunes dans le premier pilier et augmenter le montant des aides à l’installation dans le deuxième pilier ? D’autres vous parleront certainement des normes.
Je souhaite aborder un autre sujet, très important pour l’agriculture française, celui des GAEC, les groupements agricoles d’exploitation en commun.
Les dernières négociations ont permis leur reconnaissance, notamment en termes de transparence, et je me réjouis de cette avancée, demandée depuis longtemps par la France, qui va leur permettre de bénéficier de la majoration pour les cinquante premiers hectares. Mais les inquiétudes sur le terrain sont grandes, comme l’a relevé notre collègue Gérard Bailly.
Enfin, je suis, pour ma part, particulièrement inquiète quant au niveau et au modèle de redistribution du soutien direct. La convergence des aides prévue à partir de 2015 serait une forme d’uniformisation par le bas. Elle pourrait entraîner une baisse du soutien à l’hectare pour nos agriculteurs et pénaliser alors les plus fragiles d’entre eux.
On ne peut, monsieur le ministre, leur infliger cela et imaginer que l’aide attribuée au titre des droits à paiement unique, les DPU, par hectare ne s’élève qu’à 250 euros. Cette aide pourrait, au contraire, être augmentée pour les 50 premiers hectares et, en contrepartie, diminuée au-delà de 300 hectares, par exemple. Cela permettrait d’équilibrer la demande de la France à l’égard de l’Union européenne et ainsi de soutenir notre agriculture.
Monsieur le ministre, quel est votre avis sur ces différentes questions ?
Madame la sénatrice, vous avez soulevé plusieurs questions. J’en retiendrai deux.
Vous m’avez tout d’abord interrogé sur l’installation. Celle-ci nécessite que l’on y investisse des moyens. L’Europe a ouvert la possibilité d’une politique d’installation à l’échelle européenne qui pourrait s’appuyer sur le premier pilier, sachant que des pays comme la France en particulier avaient une politique d’installation sur le deuxième pilier. Comme je l’ai dit lors du dernier congrès des jeunes agriculteurs, on utilisera les deux piliers.
À partir de là, on calculera ce qui est nécessaire. Vous avez évoqué une mise en place des aides couplées à hauteur de 13 % du montant du premier pilier. Mais tout ce que l’on prendra sur l’enveloppe du premier pilier, c’est autant de redistribution générale sur tous les hectares qu’il faudra faire !
On va donc procéder à un arbitrage entre le premier et le deuxième pilier pour l’installation, en augmentant les aides consacrées à celle-ci, afin d’aller au-delà des 6 000 installations observées aujourd’hui, avec un objectif de 10 000 installations. Nous devons donc calibrer notre mesure par rapport à l’objectif d’installation et non pas l’inverse : il ne s’agit pas d’injecter de l’argent et de regarder ensuite ce qui se passe ! Nous devons avoir cette ambition pour les jeunes agriculteurs, ainsi que pour tous ceux qui s’intéressent à l’installation.
Vous m’avez également interrogé sur le soutien direct, en envisageant une augmentation des aides pour les 50 premiers hectares et une diminution au-delà de 300.
Nous avons réalisé, pour différentes exploitations, un grand nombre de calculs et de simulations – Luc Maurer, conseiller technique au sein de mon cabinet, peut l’attester –, auxquels l’École polytechnique a d'ailleurs été très largement associée, et avons examiné les conséquences qui en découlaient. Les 50 premiers hectares ont un effet redistributif au sein des exploitations jusqu’aux 100 premiers hectares, mais cela baisse ensuite. C’est donc par rapport au choix que l’on fera sur la majoration que l’aide sera ensuite déclinée sur la totalité des autres hectares. Par un jeu assez simple et mécanique, plus la majoration sera importante sur les premiers hectares, moins vous aurez d’aides sur les suivants.
Le débat ne porte pas sur la fourchette 50 hectares-300 hectares ou sur les exploitations au-delà de 300 hectares pour redistribuer à celles de 50 hectares. D'ailleurs, dans la mesure où les exploitations de plus de 300 hectares ne sont pas très nombreuses en France, vous n’auriez pas beaucoup d’aides à redistribuer. La question qui se pose est celle de la majoration à appliquer sur les 50 premiers hectares et les conséquences qui en découlent sur les suivants, sachant que la redistribution s’effectue du premier jusqu’au centième hectare, quelle que soit l’exploitation, qu’elle soit d’élevage ou céréalière, ce qui est intéressant. Elle permet de concentrer des aides là où il y a le plus d’emplois, et c’est surtout cela qui est important.
Je rappelle – ces chiffres vous seront d'ailleurs transmis – qu’une unité de travail annuel, une UTA, dans le secteur de l’élevage représente entre 53 et 54 hectares. En céréales, la même unité de travail avoisine 200 hectares. Avec les exploitations de 50 hectares, on touche donc exactement une UTA dans le secteur de l’élevage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays est le deuxième producteur européen de lait, avec une collecte annuelle de plus de 20 milliards de litres. Le prix du lait en France, environ 30 centimes d’euros par litre, pourtant supérieur à la moyenne européenne, n’est pas suffisant pour couvrir les coûts de production et surtout rémunérer correctement nos producteurs. Et la volatilité dont vous avez parlé n’aide pas.
La dérégulation de la production laitière a des effets catastrophiques, avec, notamment, l’abandon, en 2015, des quotas laitiers, qui avaient été mis en place en 1984 pour réguler la production. Ces derniers ont eu l’avantage de maintenir un prix du lait pendant un quart de siècle environ.
Les laiteries poussent les producteurs à augmenter leurs volumes de lait dans les zones de production intensive, là où les vaches mangent plus de grains ou de farines végétales que d’herbe. Ce système alimentaire accroît pourtant les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre.
Les différents acteurs de ce secteur dans le Morbihan m’ont présenté des leviers qu’il serait possible d’actionner, parmi d’autres, bien entendu.
Ainsi, la révision du mode de fixation du prix du lait, indexé sur le prix des marchés en aval, devrait être redéfinie, afin d’éviter le décalage dans le temps du mode de calcul.
De plus, il pourrait être envisagé la mise en place de la contractualisation, puisqu’elle permettrait aux producteurs un meilleur amortissement des investissements et un financement plus pérenne de leurs exploitations.
Les laitiers bretons et leurs collègues de l’ensemble du territoire français attendent des actes forts du Gouvernement et de l’Europe également.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour rassurer, consolider et développer la filière laitière française ? Quelle nouvelle gouvernance souhaitez-vous mettre en place pour l’après-quota ?
Monsieur le sénateur, vous avez concentré votre intervention sur la question laitière.
Je l’ai dit, on a commencé à débattre de l’après-quota, mais les discussions n’ont pas abouti. En effet, certains pays du Nord ont très clairement fait le choix de sortir des quotas et ne veulent pas y revenir. On est donc obligé de penser l’après-quota sans quotas, mais avec des systèmes de régulation permettant d’éviter, comme je l’ai expliqué tout à l'heure, que chacun ne soit tenté – je le sens bien ! – par la conquête des marchés internationaux. Le jour où se poserait un problème sur le marché international, la production excédentaire reviendrait sur le marché européen, ce qui entraînerait une crise extrêmement profonde.
Comment éviter que tout le monde ne parte à la conquête des marchés internationaux sans aucune coopération ni régulation à l’échelle européenne ? Telle est la question qui, selon moi, se pose.
Des échanges de courriers ont eu lieu, et nous avons fait des propositions plus techniques. Comme nous l’avons d’ailleurs fait pour ce qui concerne la réforme de la PAC, nous nous efforçons de trouver des alliés, de convaincre d’autres pays. Nous travaillons sur une plateforme, afin de pouvoir, au mois de septembre prochain, débattre non pas de ce qui serait simplement la position de la France, mais de ce qui pourrait être la position de dix, douze ou treize pays. Voilà ce que nous allons faire.
Sur la question des prix et sur les mesures que nous envisageons, la modification de la loi de modernisation de l’économie, la LME, adoptée par l’Assemblée nationale et dont le Sénat sera saisi, intègre, cette fois-ci, dans la négociation commerciale, l’évolution des coûts de production, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.
En effet, lorsque les coûts de production augmentent, vous ne renégociez rien du tout. Le prix de vente, qui a déjà été décidé, reste inchangé. Cela conduit au traditionnel effet de ciseaux que l’on observe aujourd’hui dans le secteur de l’élevage et qui remet en cause le rebut.
Concernant les contrats laitiers eux-mêmes, nous allons revoir, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, l’organisation de la filière et la manière de présenter ces contrats.
Premièrement, il importe d’intégrer dans ces contrats les coûts de production. Deuxièmement, il faut réfléchir à l’introduction de clauses de sauvegarde. Troisièmement, il faut envisager des clauses spécifiques pour les jeunes agriculteurs, qui méritent peut-être plus d’attention que les autres.
Nous devons également examiner l’organisation des producteurs. Peut-elle être plus transversale ? Peut-elle aller au-delà d’une laiterie ? Dès lors, comment fait-on ? Tous ces sujets seront débattus dans le cadre de ce projet de loi.
J’ajoute que, pour la première fois, le ministre s’est engagé dans une discussion globale sur le lait. Un médiateur a été nommé, qui a obtenu 25 euros de plus pour les mille litres de lait de vache. J’attends que toutes ces mesures soient appliquées de manière correcte. Certains, en effet, viennent me dire que cette mesure ne s’applique pas, mais ce n’est pas le ministre qui l’applique. Ce n’est pas moi qui paie les éleveurs, ce sont les transformateurs.
La grande distribution a accepté, sous notre pression, 25 euros dans l’Orne. En Basse-Normandie, où je me suis rendu dernièrement, des problèmes d’application se posent, en particulier dans des laiteries organisées en coopératives.
Vous le confirmez, monsieur Lenoir. Il faut effectivement le dire, pour pouvoir faire pression.
Cela vaut également pour la production laitière caprine. Le médiateur, qui a fait un excellent travail, a proposé 60 euros pour les mille litres de lait, et cette mesure s’applique. J’ai constaté que deux ou trois coopératives se sont déjà engagées.
Nous devons en tout état de cause être vigilants sur l’application de ces mesures.
Nous allons appliquer ce système de médiation à la filière porcine française pour essayer de débloquer une situation qui le mérite.
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est, là encore, un système nouveau, qui permet de répondre aux questions que vous vous posez.
Applaudissements
Monsieur le ministre, un cycle de négociations relatif à la PAC vient de s’achever sur un accord intervenu le 26 juin dernier, qui doit encore recevoir l’approbation du Parlement européen en septembre prochain. Vous avez, à juste titre, salué cet accord.
Il semble en effet que la réforme prévue pour la période 2014-2020 amorce une redistribution plus équitable des aides non seulement entre les régions, mais également entre les exploitants agricoles. C'est, en tout cas, ce que nous souhaitons, car nous devons tourner définitivement le dos à des systèmes qui créent souvent des effets d’aubaine, dont bénéficient certaines grandes exploitations, au détriment des agriculteurs les plus fragiles.
C’est l’une des raisons qui expliquent le déficit de légitimité dont souffre la PAC. Je ne sais pas si cette énième réforme permettra de reconquérir le cœur des agriculteurs, mais certaines mesures ont reçu un écho favorable – je pense notamment à l’option de soutien couplé ou aux mesures pour le développement rural.
En revanche, je m’inquiète, comme nombre de mes collègues, de l’absence de régulation de la production laitière, une filière en souffrance. Les exploitations ont entrepris des investissements importants, ce qui entraîne une nette augmentation du taux d’endettement des éleveurs. Malgré cet effort, la productivité laitière s’est dégradée en raison du rapport entre le coût des intrants et le prix à la production. Les réformes conduites entre 1992 et 2008 ont limité les possibilités d’intervention publique en matière de régulation des marchés.
Concernant le lait, le bilan de santé de la PAC a supprimé les quotas à l’horizon 2015. Une conférence consacrée à l’après-quota doit se tenir en septembre prochain. Avez-vous, monsieur le ministre, quelques pistes – vous en avez déjà évoqué certaines – pour rassurer les éleveurs quant à l’avenir de leur filière, s’agissant en particulier de la politique des prix ?
Monsieur le sénateur, votre question est à peu près identique à celle qui vient de m’être posée sur les objectifs européens pour l’après-quota. Nous avons déjà lancé des initiatives, et nous allons continuer à le faire pour aborder cette discussion en position de force. Pour cela, nous devons trouver une position commune avec un certain nombre de pays.
Par ailleurs, je l'ai dit, nous avons engagé une nouvelle formule : la médiation. Nous devons maintenant être capables tous ensemble de la faire appliquer, et je le dis d'autant plus volontiers que c'est le médiateur qui a négocié et fait tout le travail.
Pour notre part, nous avons poussé en particulier la grande distribution à débloquer les prix, puisque c'est bien là que les choses se jouent.
Nous avons également modifié la LME, en prévoyant la possibilité d'intégrer les coûts de production, un point important.
Et, plus globalement, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, nous allons essayer d’améliorer le système de la contractualisation, en gardant comme objectif la préservation du pouvoir des producteurs à l’égard non seulement des industriels privés, mais aussi des coopératives, auxquelles les contrats ne s'appliquaient pas jusqu'à présent. Il n'y a pas de raison que cela ne change pas. Quant aux garanties de collecte, ce n'est pas simplement l’assurance d’une collecte : il faut aussi que des garanties soient apportées. Toutes ces questions seront discutées.
En ce qui concerne le lait, il est vrai que nous connaissons aujourd'hui une phase de transition extrêmement difficile à gérer pour les agriculteurs. Nous savons que nous allons sortir des quotas laitiers. D’ailleurs, leur niveau a été tellement relevé qu'ils n'ont plus aucun lien avec les prix.
Les prix du lait, comme ceux des céréales d'ailleurs, dépendent aussi des prix mondiaux, et c'est ce qui est le plus difficile. Ce qui se passe dans l'hémisphère sud a une influence directe sur les prix : une sécheresse en Nouvelle-Zélande provoque une augmentation du prix de la poudre de lait, quoi que l’on fasse en Europe, que la production augmente ou baisse. Il en va de même pour les céréales : une sécheresse aux États-Unis a des conséquences sur leur prix sans qu'on ait la capacité de réguler quoi que ce soit. Il s’agit d’un véritable problème.
Dans la phase que nous connaissons actuellement, nous avons besoin de construire un cadre qui puisse offrir aux producteurs laitiers davantage de visibilité et de stabilité. §
Monsieur le ministre, vous le savez, l’avenir de la viticulture passe par des mesures dynamiques et de reconquête des marchés.
Cependant, il n’est pas pensable, dans le même temps, d’accepter que les pouvoirs publics français condamnent la consommation de vin parce qu’elle serait dangereuse.
Je veux parler ici des différents rapports publiés récemment qui ont fortement ciblé le vin et les produits vitivinicoles. Augmentation massive de la fiscalité sur le vin, interdiction de la publicité sur internet, interdiction de l’affichage sur la voirie et les lieux publics : les mesures préconisées pourraient fragiliser l’un des secteurs les plus dynamiques de notre économie.
La fiscalité dite « comportementale » en matière de consommation de vin n’a pas vraiment de sens aujourd’hui, car elle vise indistinctement toutes les consommations, sans faire de différence entre consommation abusive et consommation modérée. Les pays de l’Europe du Nord qui l’ont appliquée n’ont pas enrayé pour autant le phénomène d’alcoolisation massive des jeunes, le fameux binge drinking.
Nous souhaitons que la question de la consommation de vin soit abordée de manière non pas idéologique, mais pragmatique et responsable, en lien avec les professionnels, de façon à mettre en œuvre des actions concrètes de prévention, d’éducation et de communication responsable. Nous souhaitons que le Conseil de modération et de prévention, au sein duquel M. Courteau et moi-même siégeons et qui est aujourd’hui en sommeil, reprenne toute sa place.
Monsieur le ministre, quelles actions allez-vous mener d’ici à la réunion du comité interministériel du 10 juillet prochain relative à la validation du plan de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ?
Enfin, je veux évoquer les inquiétudes, dont je vous ai déjà fait part, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu au salon Vinexpo, provoquées par la décision de la Commission européenne de lutter contre le dumping chinois sur les exportations de panneaux solaires en Europe. Pékin a annoncé hier l’ouverture officielle de l’enquête sur les éventuelles subventions et pratiques de dumping touchant les exportations de vins européens en Chine. Ce pays passe des menaces aux mesures de rétorsion. Nous avons dans le Bordelais – ce n’est pas la seule région touchée – la preuve formelle que certains importateurs chinois ont déjà pris des mesures coercitives, qui se concrétisent par l’arrêt des commandes depuis un mois. Seules les commandes prépayées partent vers la Chine.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le ministre, je vous demande de respecter le temps qui vous est imparti pour répondre à l’orateur.
Monsieur César, vous avez soulevé la question de la fiscalité comportementale. J'ai déjà dit ce que j’en pensais. Le Sénat a d’ailleurs publié un rapport sur ce thème.
Pour ma part, je n'y suis pas favorable.
Le vin en France n'est pas à l'origine du phénomène que vous avez évoqué, le binge drinking, qui vient d'autres pays. On ne peut donc pas établir de lien entre les deux.
Il faut arrêter de présenter les choses de cette manière puisque nous sommes tous attachés à la culture du vin.
Pour illustrer la « Marque France », ont été utilisées non seulement de belles réalisations de notre histoire industrielle, comme Airbus, mais aussi des images de vaches – j'ai d'ailleurs noté qu’il s’agissait de Normandes, et pas de Bretonnes pie noir !
Sourires.
Nous devons assumer le fait qu’une consommation de vin de qualité n'est pas, et ne doit pas être, un élément qui conduit à l'alcoolisme. Nous sommes bien évidemment tous d'accord sur ce point, et c'est la position que je défends. Je l'ai dit publiquement lors du salon de l'agriculture Aquitaine qui s’est tenu en Gironde, et je continuerai de le faire. C'est clair et net ! §
J’en viens à la Chine. Lors du salon Vinexpo, j'ai eu l'occasion de discuter, avec l'ensemble des représentants de FranceAgriMer pour la viticulture, de cette question extrêmement délicate, qui concernait à l’origine les panneaux solaires et qui touche aujourd’hui le vin.
Deux stratégies sont envisageables.
La première consiste à trouver une solution, comme l'avait souhaité le Président de la République, pour que les pays européens parlent d’une même voix…
… et que les négociations priment sur les menaces. C'est ce que nous sommes en train de faire.
La Chine avait choisi au départ de viser les importations de vin, donc les pays du Sud, puis les voitures, l’Allemagne ne voulant pas de mesures de rétorsion. Une volonté de négociation s’est manifestée : nous devons aller en ce sens.
Si la procédure est déclenchée, nous devrons nous organiser pour y répondre. Nous avons réuni au ministère de l’agriculture l'ensemble des professionnels. Nous allons nous mettre en ordre de marche aux niveaux financier et technique, dans la plus grande transparence. Nous n’avons rien à craindre : il n'y a pas de subventions anti-dumping pour le vin.
Monsieur le ministre, je souhaite exprimer ici toute ma satisfaction.
C'est en effet avec grand plaisir que nous avons appris que le trilogue entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen était parvenu à un accord dans le cadre de la future PAC pour maintenir le système de régulation des plantations de vignes jusqu'en 2030. Je veux vous remercier non seulement pour le travail que vous avez accompli, mais aussi pour avoir su porter et faire entendre la voix de la France et du monde viticole.
Voilà une grave erreur, voire une faute majeure, commise en 2008, qui est aujourd’hui – enfin ! – réparée. Le groupe d'études de la vigne et du vin du Sénat s'en réjouit, comme pourra vous le confirmer son président, notre collègue Gérard César. Il en va de même pour l’ANEV, l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, qui avait mobilisé en 2012 plus de 2 000 communes pour le rétablissement des droits de plantation.
Saluons également l’action forte du Parlement européen, mais aussi le soutien actif de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes du Sénat.
Monsieur le ministre, lorsque nous vous avons alerté, vous nous avez écoutés et, surtout, entendus, et vous avez agi avec succès.
Cela dit, je souhaite revenir sur la question des aides à l’hectare, qui sont indispensables à la survie des viticulteurs de certaines zones françaises, comme le Languedoc-Roussillon ou l'Aude en particulier – ce n’est pas Marcel Rainaud qui me démentira ! §
En effet, les revenus à l’hectare en viticulture sont extrêmement variables d’un vignoble à l’autre, et cette culture est peut-être, dans certains cas, le dernier rempart avant la friche.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez demandé aux services de votre ministère d’expertiser deux pistes : le recours à l’article 38 dans le cadre du premier pilier de la PAC et, dans le cadre du deuxième pilier, les mesures agro-environnementales qui peuvent bénéficier aux viticulteurs. Pouvez-vous, aujourd’hui, nous en dire plus sur ces expertises ?
Concernant l’implantation de l’INAO à Narbonne, je reprends à mon compte les remarques formulées par notre collègue Claude Bérit-Débat et qu’approuve certainement également notre collègue Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, comme pour les menaces qui pèsent sur le vin, nous vous faisons là aussi entièrement confiance.
M. Robert Tropeano applaudit.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé la position que nous avions adoptée sur la plateforme vitivinicole en matière de droits de plantation, un point très important. Nous l'avons fait dans le souci de trouver un accord général, qui a d'ailleurs poussé la Commission européenne à faire des propositions et à trouver maintenant un accord au niveau européen. Cela s'est fait avec l'appui du Sénat, de l'Assemblée nationale et, ne l’oublions pas, du Parlement européen, …
… qui a été extrêmement allant sur cette question. Cette conjonction est une bonne manière de négocier à l'échelle européenne : lorsqu’on s’allie au lieu de revendiquer ou de critiquer, cela donne des résultats !
Ensuite, en ce qui concerne les aides à l’hectare pour la vigne, je sais que la demande est importante dans le Languedoc-Roussillon. Je l’ai dit à plusieurs reprises, cette question soulève plusieurs problèmes.
Si l’on accorde de telles aides, alors il faut les donner à tout le monde.
Si je pouvais le faire, je le ferais, mais ce n’est pas le cas !
Cela signifie donc qu’il faudrait distribuer des aides à l'hectare à tous les vignobles français, …
Oh ! quand même…
Voilà le problème auquel je suis confronté. J’ai donc été obligé de faire un autre choix.
Si l’on distribue des aides à l'Aude – allons jusqu'au bout de la logique –, celles-ci seront fixes. Or il n’est absolument pas certain qu’elles permettront de faire face, demain, à une crise ou à des problèmes économiques. J’en veux pour preuve les aides versées à d'autres productions, qui n’ont pas pour autant permis de régler tous les problèmes.
C'est la raison pour laquelle l’OCM vitivinicole m’a semblé être la meilleure solution pour répondre à notre double préoccupation.
La première, c'est de pouvoir faire de la promotion sur le marché européen : nous avons obtenu ce droit dans la négociation. Nous allons pouvoir nous atteler à reconquérir en partie le marché européen, qui a connu une baisse du niveau de consommation de vin.
La seconde, c'est de se positionner sur les marchés émergents. En effet, au-delà des questions que soulève la mondialisation des échanges, il faut bien voir que la France représente une image du vin. À un moment où la consommation mondiale de vin tend à s’accroître, notre pays doit prendre toute sa place sur ce marché, ne serait-ce que parce que c'est économiquement, mais aussi culturellement, important pour nous. Les questions de la promotion et de l’organisation vitivinicole sont donc très importantes.
Quand on connaît l'histoire de la viticulture de l'Aude, on ne peut qu’être frappé, comme je l’ai été lors de la visite d’une coopérative à Narbonne, par la reconversion menée par ce département pour produire des vins qui, maintenant, s’exportent, avec toutes les conséquences qui en découlent. Nous avons besoin de soutenir de telles stratégies. Si nous revenons au système des aides à l’hectare, nous n’en serons plus capables. L’OCM vitivinicole nous en offrira la capacité, à condition que ceux qui en profitent le plus soient bien ceux qui en ont le plus besoin. Tel est l'objectif que nous nous sommes fixé.
Monsieur le ministre, la montagne, ce ne sont pas seulement la neige, les cols du Tour de France ou les grands espaces, ce sont aussi les pâturages et les éleveurs qui y vivent. Permettez-moi de relever que j’étais l’un de ceux-là il y a un certain nombre d'années.
L'agriculture de montagne doit être identifiée positivement, en raison de la qualité de ses produits, mais aussi négativement, au travers de ses handicaps. Il s’agit non pas, monsieur le ministre, d’opposer l'agriculture de montagne à l'agriculture de plaine ou à l'agriculture céréalière, mais simplement de prendre en compte ses handicaps.
Vous le savez, la géographie, la topographie, le climat et les divers surcoûts qu’ils entraînent sont indiscutables. Demander la compensation des handicaps est non pas un privilège, mais un rapprochement des coûts de compétitivité.
Les agriculteurs de montagne souhaitent une politique d’installation incitative, un soutien à la modernisation des bâtiments d’élevage, des aides à l'investissement et à l’agroalimentaire – particulièrement pour les circuits courts – ainsi que, dans le cadre de la réforme de la PAC, un renforcement du dispositif de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels.
Monsieur le ministre, je résumerai en quelques mots la situation, que vous connaissez déjà. Les organisations agricoles, quelles qu’elles soient, insistent sur trois priorités : un paiement vert mutualisé et non individualisé, un taux de couplage activé au maximum pour toutes les productions animales en danger et, enfin, une politique ambitieuse pour les zones les plus défavorisées. Elles appellent aussi de leurs vœux une simplification administrative et une politique européenne cohérente.
Je sais, monsieur le ministre, qu’il y a le vouloir et le pouvoir, qui se décline aux niveaux financier et réglementaire. Pensez-vous que l’agriculture de montagne puisse encore être fondée à espérer, comme elle le fait depuis des dizaines d’années ? §
Monsieur le sénateur, l'agriculture de montagne est un élément de l'aménagement du territoire, et la compensation des handicaps est la condition du maintien de cette agriculture. C'est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, les plafonds concernant l'indemnité compensatoire de handicaps naturels seront augmentés, conformément à nos objectifs.
De même, on tiendra compte du pastoralisme. Aussi, le couplage des aides a été augmenté pour intégrer des aides découplées à l'échelle de l'Europe – je pense à la prime nationale à la vache allaitante.
Toutes ces mesures s’inscrivent dans la stratégie qui est la vôtre et que je partage. Il faut en effet demeurer très soucieux de l'agriculture de montagne, dont dépend notre capacité à occuper l'ensemble de notre espace.
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
Monsieur le ministre, lors du Grenelle II, j’avais défendu et fait voter à l'unanimité un amendement, repris par la commission mixte paritaire, indiquant que les ruminants devaient être essentiellement nourris à l'herbe !
C’est à partir d'une nourriture faite de fourrage et d'herbe que nous obtenons la meilleure production de viande et de lait. Les nappes phréatiques s'en trouvent protégées. Et avec des animaux nourris à l'herbe, jamais nous n’aurions connu la crise de la vache folle ! Entre un bel herbage et une auge contenant une farine à la qualité incertaine, pour ne pas dire médiocre, une vache choisira l’herbe.
Je voudrais cependant savoir, monsieur le ministre, si le dispositif prévu dans cet amendement, qui a été adopté, a quelques chances d'être appliqué, ce qui serait une bonne chose pour tous les éleveurs de montagne, particulièrement les éleveurs d'ovins, qui ont généralement les revenus les plus faibles.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP . – M. Joël Labbé applaudit également.
Elle est, bien entendu, en lien avec la prairie ! Je partage votre approche. Dans le verdissement de la politique agricole commune, une partie est consacrée aux prairies permanentes.
À ce propos, je réponds à la question de savoir si l'on peut prendre en compte le fait que les lignes puissent bouger un peu pour ce qui concerne les prairies permanentes. Je réponds par l'affirmative. §Nous le ferons à l'échelon national ou régional. Cette discussion, pour laquelle je suis d'ailleurs prêt à partager l'avis que vous avez formulé, se fera à l'échelle de la région. Nous ne sommes donc pas complètement corsetés, ce qui est très important.
J’en reviens à la question de l'herbe, qui fait partie intégrante du verdissement de la politique agricole commune. Après avoir déposé un amendement et porté l’idée de la production à l'herbe, vous en trouvez la réalisation avec les 30 % des aides du premier pilier consacrées au verdissement, dont le versement implique la préservation des prairies permanentes, c'est-à-dire des herbages. §
Monsieur le ministre, nous en avons parlé tout à l’heure, l'élevage constitue un enjeu majeur pour l'ouest de la France, où l'inquiétude laisse souvent la place au découragement, voire au désarroi.
Les responsables agricoles de mon département de l'Orne – j’en parlerai spécifiquement, avec le soutien de mon collègue Philippe Bas, de la Manche – me demandent de vous dire deux choses.
En premier lieu, vous devez être extrêmement ferme dans la négociation que vous menez. J’attire votre attention sur ce point, la convergence des aides aura un impact très négatif pour les régions situées à l'ouest de la France. Dans mon département, nous estimons la perte à environ 30 % au cours des cinq ans à venir et les nombreuses petites exploitations, de 40 à 50 hectares, situées dans le bocage – celles de la Manche et du Calvados sont aussi concernées –, verront leurs droits à paiement unique diminuer bien plus fortement que les exploitations plus importantes, notamment céréalières. Les représentants du monde de l'élevage poussent véritablement un cri d'alarme.
En second lieu, concernant le recouplage, nous vous demandons de donner la priorité à l'élevage, qui se trouve en grande difficulté à cause des charges alimentaires. Vous l'avez bien compris : c'est ce qu’on dit les manifestants, le 23 juin dernier, sur le pavé parisien. L’ensemble de la filière est menacé.
Tout à l'heure, vous avez eu raison de dire que moins de bovins, moins d'animaux, c'est moins de travail pour les abattoirs. Or les abattoirs connaissent aujourd'hui une forte diminution de leur chiffre d'affaires, et c'est l'ensemble de la filière qui se trouve ainsi touché.
Devant cette situation, quel message adressez-vous, monsieur le ministre, au monde de l'élevage pour lui donner de l'espoir ? §
Monsieur le sénateur, vous avez posé la question essentielle que j’ai évoquée tout à l'heure de manière un peu technique : la convergence, telle qu’elle a été proposée par la Commission européenne, aboutissait à transférer les aides concernées du Grand Ouest et de la polyculture élevage vers le grand bassin allaitant et vers la Méditerranée, si bien que ceux qui, en termes de DPU, se situaient en dessous de la moyenne, en voyaient le montant augmenter, et inversement pour ceux qui se situaient au-dessus de la moyenne. Pour leur part, les céréaliers, qui se trouvaient dans la moyenne, voyaient leurs DPU inchangés. Je ne les dénonce pas, mais il fallait essayer de régler ce problème.
Pour éviter une perte majeure pour l'élevage laitier, on a relevé les DPU pour les cinquante premiers hectares. Si l'on rajoute ainsi 30 %, vous avez une partie de la réponse puisqu'une baisse de 30 %, vous l'avez dit vous-même, est anticipée par ailleurs.
Pour limiter la perte, qui a été évoquée, il ne faut pas considérer le total des aides sur tous les hectares : la perte est plus importante lorsque des DPU très élevés sont concentrés sur peu d'hectares. Par exemple, les exploitations de pruneaux d'Agen bénéficient de 3 000 à 4 000 euros par hectare, alors qu’il ne s’agit pas de grandes surfaces.
La limitation de la perte aura son sens, car elle s'effectue non pas au regard de la base et de la surface, mais à destination de ceux qui avaient des DPU élevés, ce qui nous ramène à notre propos de tout à l'heure.
Si l’on ajoute les indemnités compensatoires de handicaps naturels, qui seront versées dans un certain nombre de zones en Normandie, …
… ainsi que la prime herbagère agro-environnementale, dont nous verrons comment elle pourra être intégrée pour former un système simple, nous irons dans le sens de l'herbe et de l'élevage, particulièrement dans les zones que vous avez évoquées. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Monsieur le ministre, la PAC fait peser de lourdes menaces sur l’élevage dans la mesure où elle laisse en l’état la répartition des aides au travers des DPU.
Le risque de clivage atteint son paroxysme puisque, en matière de revenus, les céréaliers et les éleveurs ne jouent pas dans la même cour. Les premiers bénéficient du marché mondial et de prix ayant sensiblement progressé, en dépit des inflexions récentes. En revanche, les éleveurs sont soumis à l’impérialisme de la grande distribution, qui, sous l’étendard de la défense des consommateurs, tire les prix vers le bas, alors même que ces derniers doivent faire face à une hausse des tarifs des aliments, à base de céréales, que consomment leurs animaux.
Au surplus, notre compétitivité est en cause. C’est si vrai que, contre toute attente, l’Allemagne vient de détrôner la France dans la plupart des productions. N’est-il pas temps de rechercher les raisons de cette rétrogradation ? Faut-il rappeler, monsieur le ministre, que l’heure de travail d'un ouvrier dans un important abattoir de porcs, en Mayenne, comparée à ce qui se pratique chez notre voisin allemand, revient à dix euros de plus ?
Dans ces conditions, au-delà de l’élevage, ce sont les emplois dans l’industrie agroalimentaire qui vont disparaître. Tous les indices confirment en effet une tendance dont je récuse la fatalité : au niveau des exploitations agricoles, le basculement de l’élevage vers les céréales ; au niveau des entreprises de transformation, la fermeture d’abattoirs et de laiteries, ainsi que la suppression d'emplois.
Si la PAC nécessite des inflexions significatives, l’urgence appelle, certes, la recherche de convergences entre l’Allemagne et la France, notamment la fixation d’un salaire minimum, comme vous l’avez relevé précédemment.
Mais la France ne peut attendre de l’Europe qu’elle mette en œuvre des réformes structurelles que les gouvernements successifs n’ont pas eu le courage de décider : réduction des charges sociales, taxation des produits et non plus de la production – permettez-moi d'évoquer la TVA sociale, dite encore TVA « compétitivité » ou « anti-délocalisation » –, abrogation des 35 heures, simplification des normes et accélération des procédures de délivrance des autorisations de construire des structures d’élevage.
Les éleveurs ont besoin de perspectives claires et encourageantes. La disparition de l’élevage, c’est la perte d’emplois et la disparition du bocage. §
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les 35 heures, mais, pour les éleveurs, …
Voilà ! Votre propos devait sans doute concerner les salariés.
Concernant la question de la compétitivité, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi s'applique en particulier, je l’ai dit, dans les industries de main-d'œuvre, ce qui est le cas des abattoirs.
La masse salariale est la base sur laquelle on applique ce crédit d’impôt, qui débouche sur une baisse des coûts de production de 4 % la première année et de 6 % la deuxième. Vous le savez, il sera financé en partie par des économies sur la dépense publique et en partie par de la TVA ; ce point fera l'objet d’un débat qui sera prochainement engagé au Sénat et dans le cadre de la loi de finances.
Nous partageons donc cet objectif, dont personne ne nie la nécessité de gagner en compétitivité. Concernant l'écart de rémunération au niveau du SMIC, nous sommes favorables à sa diminution, mais elle dépendra du vote des Allemands. En revanche, concernant la directive relative au détachement des travailleurs, nous devons œuvrer au niveau européen, car il est difficile d’accepter l’application qui en est faite actuellement.
Ensuite, vous avez dit que l'élevage et les céréales formaient deux mondes ayant des équilibres distincts. Dans un certain sens, c'est vrai, mais on peut, dans un autre sens, le contester : le lait fait aussi l'objet d'un marché international, certaines de nos grandes entreprises exportent du lait en poudre. Il demeure, certes, un énorme désavantage en termes de rentabilité du capital investi et de productivité du travail au détriment de l'élevage. Je le disais tout à l'heure, une unité de travail annuel dans l'élevage représente 55 hectares, contre 200 hectares, voire plus, pour les exploitations céréalières. La productivité y est donc beaucoup plus importante.
Il faut donc compenser la rentabilité du capital et la productivité.
Ensuite, interviennent les équilibres de marché, et je ne me plains pas du fait que le marché des céréales se porte bien. Tant mieux si les céréaliers trouvent des débouchés ! Un rééquilibrage en amont s'impose cependant.
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
La réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole, intervenue en 2008, prévoyait la libéralisation des droits de plantation à compter du 1er janvier 2016.
La suppression de cet outil essentiel de régulation du secteur du vin a provoqué de vives inquiétudes dans l’ensemble de la filière viticole française, qui redoutait en particulier de perdre la maîtrise de l’offre et de subir une dévalorisation des zones d’appellation, ainsi qu’une baisse des prix.
Cette situation explique la forte mobilisation des élus des territoires concernés en faveur du maintien de ce régime d’encadrement des plantations de la vigne.
Monsieur le ministre, grâce à la détermination et au volontarisme dont vous avez fait preuve sur ce dossier, l’Europe est revenue sur cette décision.
Le système actuel sera remplacé par un mécanisme de gestion des autorisations de plantation applicable jusqu’en 2030, avec une limite de plantation fixée à 1 % du vignoble par an. Ces autorisations ne seront pas cessibles et seront accordées sur demande, avec une validité de trois ans.
Nous disposons pour les dix-sept années à venir d’une structure permettant de réguler le marché du vin. C’est là l’élément essentiel. Désormais, tout le débat va porter sur la manière dont nous allons gérer ce dispositif.
Pouvez-vous nous en dire plus aujourd’hui, monsieur le ministre ?
Tout d’abord, quelle instance décidera de la répartition entre les régions de production, les appellations et les groupements de producteurs ?
Ensuite, la viticulture sera-t-elle éligible au nouveau régime de paiement de base, comme l’envisageait la Commission européenne, ou aux soutiens pour certaines productions qui connaissent des difficultés ?
Enfin, ne pourrait-on pas envisager la gestion de ces autorisations par le service public des douanes ?
Monsieur le sénateur, j’ai déjà évoqué la question des droits de plantation, je n’y reviendrai donc pas.
J’ai également répondu précédemment s'agissant des dotations de base à l’hectare, qui sont souvent évoquées, en particulier pour le Languedoc. Je ne peux prévoir, je le répète, de mesures spécifiques pour le Languedoc. En revanche, nous devons définir une stratégie globale, en particulier pour que le Languedoc continue sur la voie de la formidable mutation qu’il a engagée.
Voilà pourquoi il est extrêmement difficile de cibler les DPB, les droits à paiement de base, à un endroit. J’ai fait le choix, et je l’assume, de conserver l’OCM vitivinicole.
Il est intéressant de s’interroger sur la gouvernance. J’ai rencontré, à cet égard, le conseil spécialisé de FranceAgriMer. Il va falloir voir comment les choses fonctionnent et comment les améliorer, mais c’est autour de cette instance que s’organiseront le développement, la mise en perspective et l’utilisation des fonds de l’OCM vitivinicole.
Monsieur le ministre, vous connaissez la situation du secteur agroalimentaire en Bretagne. Des emplois sont menacés dans la production de porc, de volaille, mais aussi, plus récemment, de saumon.
Je me suis rendu dernièrement dans un abattoir de volailles moderne et dont la situation sociale est correcte. Les personnels du comité d’entreprise présents nous ont fait part de leur satisfaction de travailler dans cette usine et m’ont demandé une entrevue parce qu’ils se sentaient de nouveau menacés par le problème des restitutions. Cette entreprise avait anticipé la baisse des restitutions, mais il semble que des éléments nouveaux soient intervenus. J’aimerais donc savoir si des décisions récentes ont été prises en la matière.
Le second volet de ma question concerne plus précisément la production porcine. Nous avons rencontré des producteurs qui nous ont dit être limités par la question des zones d’excédent structurel en azote, les ZES. Ainsi, dans certains cantons, les producteurs ne peuvent ni augmenter la taille de leurs élevages ni rapatrier ceux qu’ils possèdent sur d’autres territoires.
Cette décision est essentiellement liée à des questions environnementales et à la problématique des algues vertes, à laquelle nous devons être très vigilants. Pour autant, quelles dispositions pouvons-nous prendre pour atteindre l’objectif de 25 millions d’unités que vous avez fixé à l’échelon national ? En sachant que nous en sommes aujourd'hui à moins de 22 millions d’unités, il faudra sans doute lever quelques verrous, sans pour autant porter atteinte à l’environnement.
Concernant la question de la filière porcine en Bretagne, je l’ai dit, j’ai une stratégie, qu’il va falloir mettre en œuvre : la prise en compte de l’azote total.
La Bretagne abrite des zones d’excédent en azote organique et continue, dans le même temps, à acheter et à épandre de l’azote minéral, ce qui est impensable. L’enjeu consiste à adopter une stratégie globale pour avoir la possibilité d’utiliser la production excédentaire comme fertilisant. C’est ainsi que l’on pourra sortir de la controverse sur les algues vertes, qui dure depuis trente ans.
Le débat sur l’environnement ne débouche sur rien, puisqu’il y a toujours des algues vertes. Je suis sûr que ma stratégie peut réussir. L’azote organique pourra être employé comme fertilisant ; la méthanisation permettra, de surcroît, de valoriser une partie en énergie, le méthane. Les règlements concernant l’emploi du digestat comme fertilisant devraient sortir d’ici à quelques semaines. Nous aurons donc le paquet global.
Ensuite, il convient d’établir une stratégie globale qui soit applicable en Bretagne et qui vaut d’ailleurs pour la France. À titre expérimental, compte tenu des difficultés que connaît cette région, il faut ouvrir une perspective intégrant parfaitement la question écologique, sans oublier la dynamique économique. Les fermetures successives du groupe Doux, de l’abattoir Gad et de l’entreprise Saumon PC à Poullaouen, que je connais bien, commencent à peser lourd sur le moral des Bretons. Voilà qui expliquent, monsieur le sénateur, l’objectif de l’azote total, la question de l’enregistrement entre l’autorisation et la déclaration, ainsi que la perspective de la double performance économique et écologique.
Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur la compétitivité. Je comprends tout à fait que les primes de la PAC soient un outil de redistribution qui tienne compte des handicaps naturels et de production. Si l’agriculture française perd des places dans la compétition mondiale, comme l’a souligné notre collègue Jean Arthuis, notre industrie agroalimentaire reste exportatrice, et j’espère que cela durera.
Ma question est très simple : envisagez-vous, dans le cadre de la convergence nationale, de faire en sorte de sauvegarder la compétitivité de notre agriculture ?
La sauvegarde de la compétitivité de l’agriculture, vous en conviendrez, monsieur le sénateur, est une affaire compliquée : il y a des enjeux en termes de coûts et hors coûts, des stratégies de qualité, d’entrée de gamme, des produits AOC qui s’exportent… Bref, la compétitivité est le fruit de multiples composantes.
J’ai été interrogé sur les abattoirs, mais ces derniers relèvent de l’industrie plus que de l’agriculture. §Soyez objectifs ! Les 35 heures concernent les salariés, pas les agriculteurs. La compétitivité de l’agriculture intègre toute une série de stratégies dont une partie est effectivement liée aux coûts. Il a fallu attendre longtemps – nous n’avons pas eu la majorité pendant dix ans – pour que de véritables mesures de compétitivité soient prises avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Certes, mais elles ont le mérite d’exister ! Garantir la compétitivité, c’est garantir les potentialités de l’agriculture française : dans ses circuits courts, régionaux, nationaux, dans sa capacité à exporter… Nous avons toutes les cartes, nous devons toutes les valoriser, et non pas une plus qu’une autre : tel est l’enjeu !
Monsieur le ministre, j’étais avec les éleveurs de mon département sur le pavé parisien voilà une quinzaine de jours, et je veux vous faire part à la fois de mes inquiétudes et de mes attentes tant sur les négociations européennes que sur la question de l’élevage, dont il a été fortement question au cours de ces échanges.
S’agissant des négociations européennes, les agriculteurs sont pragmatiques ; ils savent bien que ces négociations sont extraordinairement difficiles et ont compris que les résultats obtenus, s’ils ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, ont au moins permis de limiter les dégâts. Cependant, les négociations en cours actuellement sur la convergence interne et externe, sur le verdissement, les inquiètent parce qu’elles interféreront avec leurs choix d’exploitation. En outre, s'agissant notamment de la convergence externe, elles peuvent avoir un effet sur les crédits disponibles de la politique agricole commune pour l’agriculture française et nous faire descendre au-dessous de la diminution de 3 % annoncée par le Président de la République.
En ce qui concerne l’élevage, je veux revenir sur deux points qui ont été abordés.
D’une part, la situation des producteurs de lait est aujourd’hui plus difficile encore qu’en 2008-2009 parce qu’elle est plus structurellement affectée par la crise en raison de la dégradation de leur compte d’exploitation liée aux éléments que vous avez vous-même rappelés : l’aggravation des coûts et les prix du lait, qui sont aujourd’hui tributaires à la fois de la conjoncture internationale et de la marge insuffisamment bien répartie entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
À cet égard, j’attends du Gouvernement, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, qu’il permette de mieux encadrer la répartition de la marge.
D’autre part, je veux revenir sur le problème des abattoirs. Nous ne pouvons pas laisser se développer une concurrence déloyale avec l’Allemagne, en nous résignant à accepter les pratiques qui y ont cours aujourd’hui.
Pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ? Vous découvrez les effets du libéralisme ?
S'agissant de la question des abattoirs, vous me demandez ce que le Gouvernement compte faire, au motif que l’on ne saurait accepter la fatalité. Mais je vous rappelle tout de même que cette situation ne date pas d’hier ! J’espère que les propositions des socio-démocrates allemands trouveront un écho auprès de Mme Merkel. C’est ce qui semble se passer, et je m’en réjouis. Mais ce seront les socialistes allemands qui auront fait bouger les choses ! Sur ce point, soyons clairs entre nous !
En ce qui concerne l’élevage, il est vrai que des menaces pèsent sur le budget de manière globale. Nous avons sauvé un budget qui était largement entamé et menacé. Il n’a malheureusement pas été augmenté, mais je n’ai jamais dit le contraire. Au regard du contexte, le Président de la République et moi-même nous sommes efforcés de maintenir un budget, qui diminue de 12 % à 13 % à l’échelle européenne, mais qui ne baisse que légèrement au niveau français, grâce à la compensation opérée sur le deuxième pilier.
Afin que les choses soient claires – vous serez d'ailleurs saisis de ces questions –, je vous livre les objectifs concernant les deux premiers piliers, calculés en euros courants et non en euros constants, l’inflation n’étant pas intégrée.
Sur le premier pilier, en 2013, l’année de référence, nous avons reçu 8 milliards d'euros. En année moyenne, entre 2014 et 2020, nous toucherons 7, 7 milliards d'euros. Sur le deuxième pilier, nous avons reçu, en 2013, 1, 3 milliard d'euros. En année moyenne, entre 2014 et 2020, nous percevrons 1, 4 milliard d'euros. Le total s’élève, en 2013, à 9, 3 milliards d'euros et atteindra, en année moyenne, 9, 1 milliards d'euros. La baisse, légère, est liée au contexte. Nous avons donc sauvé l’essentiel.
Maintenant, nous devons répartir intelligemment ces aides, sans déséquilibrer les filières : c’est tout l’objet du débat qui va s’ouvrir ! Toutes les filières ont droit à un avenir. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue et ami Alain Bertrand a, à juste titre, souligné les aspects positifs de la réforme de la PAC et salué l’action du Gouvernement et du Président de la République.
Pour ma part, j’exprimerai les regrets du groupe du RDSE quant à l’insuffisance des mesures de régulation. Sur ce point, il nous est proposé de poursuivre le mouvement libéral engagé depuis la réforme de 1992.
La PAC doit aussi être une politique économique orientée vers la stabilisation des marchés, si l’on veut assurer aux producteurs des prix rémunérateurs, selon leur revendication : « des prix, pas des primes. »
Les agriculteurs européens, acteurs clés de la sécurité alimentaire et de la compétitivité agroalimentaire, ne doivent pas être la variable d’ajustement de marchés agricoles instables, à mesure que la disparition des mécanismes de régulation accentue la spéculation.
Toutes les grandes puissances de la planète ont renforcé, à l’instar des États-Unis, des filets de sécurité efficaces pour les revenus de leurs agriculteurs.
L’argument de la compatibilité avec les règles de l’OMC ne tient donc pas !
Hormis la reconnaissance et le renforcement du rôle des interprofessions dans la structuration des filières, les mesures proposées ne sont que le prolongement du filet de sécurité existant.
Nous avons une vive inquiétude quant à la disparition des quotas laitiers en 2015, dont vous avez parlé, monsieur le ministre. La contractualisation, censée être une mesure de substitution, démontre ses insuffisances. Il est donc nécessaire de l’adosser à des mesures de gestion de l’offre.
Aussi, nous devons engager une réflexion sur la pertinence d’aides contra-cycliques.
S’agissant des questions liées à la régulation, on peut considérer, à juste titre, que ce que nous avons obtenu n’est pas suffisant.
Toutefois, je veux vous rappeler que nous partions d’une situation telle que même les filets de sécurité étaient remis en cause ! De plus, concernant la question des interprofessions, la règle posée à l’échelle européenne n’était pas gagnée d’avance. Nous pourrons malgré tout nous appuyer sur un certain nombre de règles inscrites dans l’organisation commune de marché unique.
J’ai parfaitement conscience des difficultés que vous avez soulevées. J’aurais souhaité que l’on puisse aller plus loin sur la question du lait, comme sur un certain nombre d’autres questions. Mais, pour ce faire, il faut trouver des majorités, ce qui est extrêmement difficile, même au Parlement.
Nous avons donc été obligés de nous battre pour inverser la tendance au libéralisme affichée depuis plusieurs années et éviter l’abandon d’un certain nombre de mécanismes. Nous avons maintenu ces derniers et avons même pu en rajouter quelques-uns au travers des interprofessions, des droits de plantation et des quotas sucriers.
Si la situation dans laquelle nous nous trouvons n’est pas, à mes yeux, satisfaisante, elle constitue tout de même une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour réguler et éviter par trop l’apparition de crises déstabilisatrices. §
Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la politique agricole commune.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant application du protocole additionnel à l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998 (projet n° 328 [2006-2007], texte de la commission n° 622 rectifié, rapport n° 621).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est aujourd’hui soumis vient compléter la loi autorisant la ratification du protocole additionnel à l’accord entre la France, Euratom et l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, pour l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998.
Ce texte a pour objectif de rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations du protocole additionnel et d’instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect de ces obligations.
Au sein du régime de garanties de l’AIEA, le protocole additionnel, dont le modèle a été adopté en 1997 à l’issue d’une réflexion lancée en 1991 après la découverte, en Irak, du programme nucléaire militaire clandestin, vient renforcer l’efficacité des accords de garanties existants. Il vise à accroître la capacité de cette agence à détecter des activités nucléaires clandestines dans les États non dotés de l’arme nucléaire, les ENDAN.
Il permet à l’AIEA d’obtenir de la part des États des informations supplémentaires, notamment sur les activités de ces derniers dans le domaine minier, le développement du cycle du combustible nucléaire et l’acquisition de certains équipements pouvant constituer des indices quant à la mise en place d’un programme nucléaire militaire. Il permet également de mener des vérifications plus étendues sur le territoire des États concernés via un dispositif d’accès « complémentaire ».
Conçu à l’origine pour les États non dotés de l’arme nucléaire, le modèle de protocole additionnel adopté en 1997 a également servi de base pour la négociation de protocoles additionnels spécifiques aux États dotés de l’arme nucléaire.
La France, déjà signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, et d’un accord de garanties avec l’AIEA et Euratom en 1978, a signé un protocole additionnel à ce dernier le 22 septembre 1998. Elle a ratifié cet instrument - entré en vigueur le 30 avril 2004 - après autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat par la loi n° 2003-376 du 24 avril 2003.
Cet engagement de la France dans le cadre du protocole additionnel témoigne du soutien politique et technique constant de notre pays aux efforts de renforcement des garanties, en contribuant notamment à l’universalisation du protocole additionnel et à faire en sorte que la conjonction d’un accord de garanties généralisées et d’un protocole additionnel devienne le standard de la vérification pour tous les États non dotés de l’arme nucléaire. La France a souhaité accompagner cette démarche internationale de promotion du protocole additionnel.
Enfin, l’adoption par notre pays de cet instrument permet aussi, à un niveau plus technique, d’accroître la capacité de l’AIEA à détecter des activités nucléaires clandestines dans les ENDAN.
En effet, en signant et en ratifiant le protocole additionnel, la France a pris deux séries d’engagement.
En premier lieu, elle fournit une large gamme d’informations supplémentaires portant sur les activités menées par des personnes publiques ou privées en coopération avec des ENDAN concernant tous les aspects du cycle du combustible nucléaire, ainsi que sur les exportations de certains équipements et de matières non nucléaires vers de tels États.
En second lieu, elle accorde un droit d’accès plus étendu aux inspecteurs de l’AIEA. Il s’agit d’un droit d’accès dit « complémentaire » à des emplacements indiqués par la France, afin de résoudre une question relative à l’exactitude et/ou l’exhaustivité des informations fournies au titre du protocole ou pour résoudre certaines contradictions concernant ces informations.
De même, l’AIEA peut avoir accès à d’autres emplacements, afin de prélever des échantillons pour recueillir d’éventuels indices quant à des activités nucléaires clandestines menées par des États non dotés de l’arme nucléaire ou avec eux.
Il convient de noter que cet accès peut, à la demande de la France, être réglementé pour empêcher la diffusion d’informations sensibles du point de vue de la prolifération, respecter les prescriptions de sécurité ou de protection physique ou protéger des informations sensibles du point de vue commercial.
Le projet de loi d’application du protocole additionnel aujourd’hui soumis à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, est nécessaire pour rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations de cet instrument international et instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect.
Plus précisément, ce projet de loi d’application définit l’obligation pesant sur les personnes physiques ou morales de transmettre des informations à l’autorité administrative compétente, ainsi que la nature des informations à transmettre. Il comporte également des dispositions visant à organiser le déroulement des vérifications internationales en France.
Enfin, il donne aux autorités françaises les moyens juridiques adaptés pour résoudre les difficultés éventuelles de mise en œuvre du protocole additionnel : des sanctions pénales sont prévues en cas de défaut de déclaration, par les exploitants, des renseignements demandés ou en cas de refus opposé par toute personne à la venue des inspecteurs chargés d’effectuer des contrôles internationaux.
L’adoption de ce projet de loi permettra la finalisation du dispositif légal national visant à aider l’AIEA à détecter des activités nucléaires clandestines dans un ENDAN et, par conséquent, contribuera au renforcement du régime international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires.
Le Gouvernement a déposé quatre amendements au texte adopté par la commission des affaires étrangères, le 4 juin dernier.
L’article 11 prévoit que le résultat des opérations de vérification est consigné dans un procès-verbal. Or il n’est pas possible, pour des raisons juridiques et pratiques, de prévoir la consignation des résultats des opérations à l’issue de la vérification. Les résultats des accès complémentaires sont élaborés non pas par le chef de l’équipe d’accompagnement, mais par l’AIEA elle-même, dont c’est la responsabilité. Par ailleurs, ils sont connus dans certains cas, non pas directement après la vérification, mais plusieurs jours après, notamment lorsque des analyses en laboratoire sont nécessaires.
Il est, en revanche, souhaitable d’assurer une traçabilité des opérations effectuées par l’AIEA : tel est l’objet du document spécifique qui sera remis à l’exploitant.
En outre, nous vous proposerons de supprimer, à l’article 12, certaines dispositions superflues, car elles relèvent du droit commun ou sont de nature réglementaire.
Nous souhaitons également modifier le champ d’application de cet article, afin de prendre en compte tous les cas d’opposition possibles à un contrôle réalisé par un inspecteur international.
De plus, nous vous proposerons d’amender l’article 14, afin de ne pas faire peser sur le chef d’équipe d’accompagnement une responsabilité en matière de sécurité, de sûreté nucléaire et de radioprotection lors des accès complémentaires, qui doit rester du seul ressort de l’exploitant. En effet, seul ce dernier connaît de manière précise son installation et tous les risques inhérents, ainsi que les prescriptions applicables. Cette responsabilité de plein droit découle notamment de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
Concernant les sanctions prévues à l’article 20 en cas d’obstacle à l’accomplissement d’un contrôle réalisé par un inspecteur international, nous souhaitons ramener la peine d’emprisonnement maximale de cinq ans à deux ans et supprimer le principe d’une peine plancher.
En effet, les peines minimales n’existent plus dans notre code pénal depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994.
En outre, avec une peine maximale de deux ans, cet amendement tend à maintenir une cohérence avec la peine d’emprisonnement de deux ans prévue en cas d’entrave à l’exercice du contrôle national des matières et installations nucléaires et à rester en phase avec les peines prévues par nos principaux partenaires européens : deux ans au Royaume-Uni, six mois en Suède, un mois en Belgique et aucune peine en Allemagne et en Slovaquie notamment. Enfin, cet amendement vise à fixer à 200 000 euros le montant maximum de l’amende encourue.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le projet de loi portant application du protocole additionnel aujourd’hui soumis à votre approbation. §
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si la volonté politique donne naissance au droit, c’est son contrôle et sa sanction qui le nourrissent.
Tel est l’objet du projet de loi n° 328 portant application du protocole additionnel à l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998, qui permet de renforcer notre engagement international pour lutter contre le développement de programmes nucléaires clandestins.
Mes chers collègues, je présenterai mes observations en deux temps, m’attachant à démontrer l’apport du protocole additionnel, puis celui du projet de loi, puis j’évoquerai les seize amendements déposés sur le texte qui nous est soumis.
En ce qui concerne le protocole, je rappelle, à titre liminaire, que celui-ci vient compléter le mécanisme de garanties international prévu par l’accord avec la Communauté européenne de l’énergie atomique, la CEEA, et l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, qui a été mis en œuvre dans le cadre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, de 1968.
Ces garanties visent, au premier chef, les États non dotés de l’arme nucléaire, les fameux ENDAN, afin de s’assurer qu’ils ne détournent pas les matières ou les équipements nucléaires de leur usage pacifique.
La France, qui figure parmi les cinq États officiellement dotés de l’arme nucléaire – officieusement, il y en a d’autres, on le sait –, a souhaité conclure un tel accord sur une base volontaire pour participer à la démarche internationale de non-prolifération.
Elle a donc signé avec l’AIEA un protocole additionnel à l’accord en 1998, qui a été ratifié en 2003. Ce nouvel instrument permet de détecter de manière plus efficace d’éventuelles activités nucléaires militaires clandestines menées dans un État non doté de l’arme nucléaire.
Ainsi, il impose la transmission à l’AIEA de renseignements supplémentaires sur les activités menées avec les ENDAN et pas seulement la transmission d’informations sur la comptabilisation des matières nucléaires, prévue par l’accord de garanties et qui est déjà, vous le savez, dépassée.
En effet, le mécanisme déclaratif des matières nucléaires par les États a véritablement atteint ses limites. Il s’est révélé insuffisant pour détecter certains programmes militaires clandestins. Il importe de pouvoir croiser les informations provenant de différentes sources, dont la France, avec les renseignements fournis parallèlement par les ENDAN.
Cela permet non seulement de vérifier la sincérité des déclarations faites par ces États, mais également d’identifier la nature des technologies que ceux-ci cherchent à acquérir, ainsi que leur niveau de maturité. Pour ce faire, il faut déclarer plus que les matières nucléaires.
C’est pourquoi les nouvelles obligations imposées par le protocole sont de deux ordres.
La première obligation consiste à transmettre des informations à l’AIEA sur les activités menées en relation avec un État non doté de l’arme nucléaire, lorsque celles-ci interviennent en appui du cycle du combustible.
Je vous le rappelle, mes chers collègues, ce cycle concerne non seulement la transformation des matières nucléaires, la fabrication du combustible et le traitement des déchets, mais également les activités de fabrication et d’exploitation liée aux réacteurs. La production de boulons pour des centrifugeuses, par exemple, doit être vérifiée.
Le champ des opérations visées comprend, notamment, les activités de recherche et développement, publiques comme privées, liées au cycle du combustible nucléaire, celles de fabrication de certains équipements et matières non nucléaires, énumérées en annexe du protocole, les importations et exportations de certains déchets ou équipements lorsqu’elles sont réalisées en dehors de la Communauté, depuis ou vers un État non doté de l’arme nucléaire.
La seconde obligation consiste à accorder un droit d’accès dit « complémentaire » aux inspecteurs de l’AIEA. Ce droit, qui s’exerce dans le cadre des vérifications prévues par le protocole, est complémentaire, car il s’ajoute au droit d’inspecter, déjà inscrit dans l’accord de garanties.
D’une manière générale, les obligations inscrites dans le protocole couvrent donc un champ d’application plus large que celui de l’accord de garanties. Ainsi, les minerais, en amont du cycle du combustible, et les déchets, en aval de celui-ci, sont concernés par sa mise en œuvre.
Mes chers collègues, vous constaterez que l’approche du protocole est également beaucoup plus dynamique et qualitative que celle de l’accord de garanties. Il s’agit de permettre à l’AIEA d’avoir une vision d’ensemble du cycle du combustible nucléaire, pour avoir connaissance non seulement de la détention par un État non doté de l’arme nucléaire de ces matières nucléaires brutes, mais également de la production et de la transformation de ces matières pour des applications nucléaires et non nucléaires, aux différents stades du cycle.
J’en viens au second point relatif à l’apport de ce projet de loi.
Le protocole est entré en vigueur en 2004. Depuis cette date, la France fournit à l’AIEA les renseignements requis par ce texte. Le comité technique Euratom, chargé de son application, recueille auprès des différentes personnes concernées les renseignements prescrits par l’accord.
Deux raisons conduisent aujourd’hui le Gouvernement à traduire ses engagements internationaux au niveau interne. Elles tiennent toutes deux en un mot : la sécurité, aussi bien juridique qu’internationale.
Le premier motif, celui de la sécurité juridique, réside dans la nature et la portée particulièrement large de l’obligation déclarative et du droit d’accès complémentaire. Ces obligations ont été créées à l’échelle internationale entre la France et l’AIEA. Elles doivent donc logiquement être complétées en droit interne.
Au-delà des exploitants nucléaires, toute personne, publique ou privée, est susceptible d’être concernée et de devoir procéder à ces déclarations ou d’accorder un droit d’accès aux inspecteurs.
À titre d’illustration, une entreprise qui exporterait vers un État non doté de l’arme nucléaire des éléments nécessaires à la construction d’une centrifugeuse – j’en reviens à mon exemple des boulons – et pouvant servir à enrichir l’uranium doit en informer les autorités françaises, afin que celles-ci puissent communiquer ce renseignement à l’AIEA.
Un directeur de laboratoire de recherche et développement travaillant en coopération avec un tel État doit autoriser l’accès des inspecteurs de l’AIEA à ses locaux, afin qu’ils vérifient la nature de ces recherches. En effet, il ne sait pas si des éléments de recherche sont transmis à des ENDAN.
Ce droit n’a, d’ailleurs, pas encore été mis en œuvre. C’est pourquoi il est souhaitable de l’inscrire expressément dans notre dispositif législatif et d’en préciser les modalités. Le projet de loi vise ainsi à compléter les stipulations du protocole, en prévoyant une autorisation du président du tribunal de grande instance en cas d’opposition totale ou partielle à la vérification.
La commission a étendu cette autorisation judiciaire en cas de refus d’accès aux représentants de l’AIEA dans le cadre d’une inspection.
En outre, toute obligation n’a de portée effective que lorsqu’elle est sanctionnée. Le projet de loi a également pour objet de prévoir une sanction pénale pour prévenir ou condamner tant le refus de transmettre les informations que celui d’accorder l’accès aux inspecteurs de l’AIEA, dans les conditions fixées par le juge judiciaire. Refuser l’accès des inspecteurs aux locaux signifie qu’on leur cache quelque chose. Quand on ne cache rien, il n’y a pas de raisons de le leur refuser !
D’autres pays, comme les États-Unis, la Suisse, le Royaume-Uni, la Belgique ou l’Espagne ont d’ailleurs prévu de telles sanctions.
La seconde raison qui me conduit à vous proposer d’adopter le présent projet de loi, mes chers collègues, tient au contexte international. La lutte contre le détournement de l’usage pacifique de la technologie nucléaire constitue, en effet, une priorité.
Les incertitudes relatives à l’état d’avancement dans la maîtrise de ces technologies et de leur utilisation par l’Iran et la Corée du Nord, par exemple, conduisent les puissances occidentales, dont la France, à vouloir renforcer la capacité de l’AIEA à disposer d’informations supplémentaires de nature à lui permettre de lutter contre les activités clandestines en ce domaine.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la traduction en droit interne de notre engagement international est essentielle, d’autant qu’elle aura également, nous l’espérons, valeur d’exemple.
Pour ce qui concerne les amendements, j’exposerai dans le cours du débat la position de la commission. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je profite de l’examen en séance publique de l’accord passé entre notre pays, Euratom et l’Agence internationale de l’énergie atomique pour souligner le travail essentiel, réalisé à l’échelon international, en matière de lutte contre les risques de prolifération nucléaire. Je sais que nous comptons parmi nous des collègues, fort respectables au demeurant, dont la sensibilité sur ce point est grande. Aussi, je veux tenter, si cela est possible, de les rassurer, en leur disant que les efforts de l’AIEA dans ce domaine reçoivent tout notre soutien.
Le texte dont nous allons aborder la discussion porte, en effet, sur l’application de garanties qui permettent de fournir des informations sur la détention de matières nucléaires contrôlées dans le cadre d’une inspection internationale. Ces obligations ont pour objet de renforcer l’efficience du système et d’accroître la capacité de l’AIEA à détecter d’éventuelles activités nucléaires clandestines menées dans un État non doté de l’arme nucléaire.
Sans aborder ici la question de la Corée du Nord, qui est un sujet de préoccupation majeure, je veux dire quelques mots sur l’Iran, après la diffusion, le 22 mai dernier, du rapport trimestriel du directeur général de l’AIEA sur la mise en œuvre – en l’occurrence, il s’agirait plutôt de l’absence de mise en œuvre – par ce pays de son accord de garanties.
Nous ne pouvons qu’être extrêmement préoccupés par les faibles avancées que connaissent les négociations avec l’Iran. La récente élection présidentielle a fait naître un léger espoir de progrès, dont seul l’avenir nous dira s’il était fondé.
Pour l’instant, je ne peux que constater que l’Iran poursuit avec détermination le développement de son programme nucléaire et que ce pays continue à refuser la coopération avec l’AIEA sur les aspects militaires. Le rapport du directeur général souligne que les activités de l’Iran sont en contradiction flagrante avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil des gouverneurs de l’AIEA.
Les blocages persistants qu’oppose l’Iran aux discussions empêchent l’AIEA de mener à bien sa mission. Les informations, l’accès aux sites, aux personnes et aux documents, absolument nécessaires à son contrôle, lui sont, en effet, refusés. Ces manœuvres ont clairement pour objet de diminuer la capacité de vérification de l’AIEA, alors même que le développement du programme nucléaire iranien rend les contrôles plus nécessaires que jamais.
L’Iran devrait prendre conscience que son manque de transparence et sa volonté d’obstruction jouent contre son intérêt et ne peuvent que tendre au renforcement, cela a été décidé encore récemment, des sanctions prises par l’ONU comme par l’Union européenne.
Cette évidence n’est cependant pas partagée par les autorités iraniennes. En effet, le rapport du directeur général de l’AIEA souligne à la fois la progression extrêmement préoccupante du chantier du réacteur à eau lourde d’Arak, qui pourrait permettre à l’Iran de produire du plutonium, et l’accroissement continu de ses stocks d’uranium enrichi à 3, 5 % et à 20 %, grâce à l’installation de nouvelles batteries de centrifugeuses.
Dans les zones plus que jamais fragiles que sont le Moyen-Orient et le Proche-Orient, l’accession de l’Iran à la puissance nucléaire militaire ne peut être tolérée. Outre le fait qu’elle se traduirait immédiatement par la mise en place de programmes de prolifération dans d’autres États de la région, elle risquerait de conduire à un embrasement généralisé.
Ce simple exemple, que souligne, du reste, l’excellent rapport de notre collègue Robert del Picchia, montre l’importance des garanties et des possibilités de vérification et d’inspection accordées à l’AIEA.
Je tenais donc, mes chers collègues, à souligner cet aspect très positif du texte qui vous est proposé. Aussi, je vous demande de lui réserver le meilleur accueil possible. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est destiné à adapter notre législation pour préciser les modalités d’application d’un protocole visant à renforcer les moyens mis à la disposition de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour lutter contre la prolifération nucléaire.
Ce protocole additionnel vise à rendre plus efficaces les contrôles dans ce domaine en fournissant à l’AIEA des informations supplémentaires. Pour que celles-ci puissent être recueillies, le protocole impose aux États signataires, dont la France, de nouvelles obligations assorties de sanctions pénales. Ces obligations consistent pour l’essentiel à transmettre des données particulières sur les opérations menées en matière nucléaire et à accorder aux inspecteurs de l’AIEA un droit d’accès dit « complémentaire » ; pour que la France puisse y satisfaire, il est nécessaire de compléter notre droit interne.
Qu’il s’agisse de la capacité à identifier la nature et la localisation des activités liées au cycle du combustible nucléaire, des conditions d’accès aux sites accordées aux inspecteurs ou encore de la volonté politique de sanctionner la violation des engagements d’un État, les mesures prévues par ce protocole contribueront incontestablement à améliorer le fonctionnement de l’AIEA.
J’ajoute que cette adaptation législative est opérée dans le cadre des règles d’un État de droit comme la France, et avec toutes les garanties de respect des libertés publiques. En outre, le travail de notre rapporteur et de notre commission a permis d’apporter au projet de loi des précisions nécessaires.
Enfin, dans un contexte international où des risques très réels existent que certains pays utilisent les technologies nucléaires à des fins militaires, je conçois tout à fait qu’il faille renforcer la capacité de l’AIEA à disposer d’informations lui permettant de lutter contre les activités clandestines.
Cette volonté de traduire en droit interne notre engagement international dans le domaine de la lutte contre la prolifération nucléaire montre la détermination de notre pays.
À cet égard, toutefois, je regrette que, dans la lutte contre la prolifération et pour le désarmement nucléaires, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, sous l’impulsion du Président de la République, ne mette pas en œuvre de nouvelles orientations qui trancheraient nettement avec les politiques précédentes.
De fait, le principal obstacle à la non-prolifération réside dans le sentiment légitime des pays émergents et des pays du Sud non dotés de l’arme nucléaire que les grandes puissances ne tiennent pas leurs engagements en matière de désarmement. Certains de ces pays continuent même de s’opposer au renforcement des instruments de vérification du nucléaire civil par l’extension du protocole additionnel que nous avons signé.
La lutte contre la prolifération, sur laquelle insistent beaucoup les grandes puissances nucléaires, et notre pays tout particulièrement, ne peut être crédible et légitime que si elle s’accompagne d’un réel effort de ces puissances pour mettre en œuvre l’article VI du Traité de non-prolifération, qui stipule que celles-ci s’engagent à « poursuivre de bonne foi des négociations [de] désarmement nucléaire ». En effet, le TNP établit un lien indissociable entre le régime de non-prolifération et le mouvement vers le désarmement nucléaire.
Aujourd’hui, à l’approche de la neuvième conférence d’examen du TNP, prévue en 2015, notre pays devrait jouer, dans le désarmement nucléaire multilatéral, un rôle dynamique et déterminant à la hauteur de sa place dans le monde.
En particulier, il est impératif de préserver le TNP des dangers qui le menacent car il est le seul instrument juridique international propre à garantir aux États qui renoncent à l’acquisition de l’arme nucléaire la possibilité d’accéder en toute sécurité au nucléaire civil. Pour cela, nous devons être porteurs de propositions ambitieuses et constructives. En effet, c’est d’abord aux pays dotés de l’arme nucléaire de donner l’exemple, en montrant concrètement que le régime de non-prolifération et le mouvement vers le désarmement nucléaire vont de pair.
De même, il est nécessaire de parvenir à un accord d’ensemble sur le désarmement nucléaire, tout en empêchant, comme le visent les États-Unis et la Russie, une compensation sous la forme d’armements conventionnels, chimiques et biologiques.
Or, si l’on doit reconnaître que le président Obama a consenti certains efforts dans cette direction, encore qu’ils soient ambigus, il faut mesurer avec lucidité que les États-Unis restent, avec la Russie, la principale puissance nucléaire pour ce qui est des stocks ; sur ce plan, ils se placent très loin devant la France, la Chine et le Royaume-Uni.
Cessons pourtant de nous satisfaire de la position exemplaire qu’aurait notre pays en matière de réduction de son arsenal nucléaire ; cessons aussi de reprendre à notre compte l’idée que notre force de dissuasion serait l’assurance vie de la Nation.
Nous devons changer d’orientation et prendre des initiatives fortes pour que les États s’engagent à mettre fin à la modernisation de leurs armes et de leurs vecteurs.
Ainsi, nous pourrions à nouveau montrer l’exemple en interrompant notre programme de missile stratégique M51, qui est davantage un héritage de la guerre froide qu’un instrument de défense adapté aux menaces d’aujourd’hui.
En somme, nous souhaitons que, d’ici à la prochaine conférence d’examen du TNP, notre pays participe plus activement aux efforts de désarmement en proposant d’entrer dans un processus de négociation sur son armement nucléaire, avec un calendrier contraignant. Ainsi, la France donnerait un nouveau signe concret de bonne volonté et montrerait aux pays sceptiques que nous n’en restons pas aux seules réductions de notre potentiel nucléaire militaire.
Madame la ministre, je pense que vous êtes globalement d’accord avec ces orientations ; je souhaite qu’elles se traduisent désormais en actes. Quant au projet de loi que vous présentez, dans la mesure où il est un nouvel exemple de la volonté de notre pays de consolider le régime de non-prolifération nucléaire, le groupe communiste, républicain et citoyen le votera avec enthousiasme.
M. le président de la
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis plus d’un demi-siècle, la société internationale cherche à encadrer le risque particulier que les armes nucléaires entraînent par nature.
Durant ce demi-siècle, ce risque a profondément changé. Le danger ne réside plus dans une escalade militaire désordonnée et disproportionnée entre des États rivaux, avec pour seul mot d’ordre la « destruction mutuelle assurée » – pour reprendre une expression qui fait froid dans le dos ! Pourtant, comme l’histoire nous l’a prouvé à plusieurs reprises, la menace n’a pas disparu, même si le désarmement fait progressivement son œuvre ; elle a simplement changé de forme : le risque contemporain du nucléaire militaire, c’est d’abord le risque de prolifération.
L’armement nucléaire demeure, aujourd’hui encore, un outil de sanctuarisation des territoires, de prestige et de leadership politique ; il est officiellement réservé aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu’à quelques autres États.
En dépit de sa faible portée opérationnelle, si l’on peut dire, au regard des dégâts irréparables provoqués par sa mise en œuvre, le feu nucléaire demeure un objectif cardinal pour de très nombreux États, qui n’ont de cesse de chercher à en maîtriser le processus de développement. Les cas iranien et nord-coréen nous le rappellent régulièrement ; mais combien d’autres États cherchent aussi les moyens de se doter de l’arme nucléaire ?
Le problème se complique dès lors qu’entre en jeu le nucléaire civil. La question de la prolifération se pose alors en ces termes : comment aider un État à se développer sur le plan économique grâce à l’énergie nucléaire civile, s’il peut ensuite la détourner pour développer un programme d’armement militaire ? En d’autres termes, il s’agit de savoir comment assurer la coexistence des deux piliers essentiels d’un régime de contrôle des armements : la lutte contre la prolifération et la coopération internationale.
Ce dilemme se pose à toutes les puissances nucléaires, y compris, bien évidemment, à la France ; il comporte aussi des enjeux économiques qu’il ne faut pas sous-estimer.
Notre position de puissance nucléaire civile et militaire nous expose à notre propre responsabilité quant aux outils que nous avons à notre disposition pour lutter contre la prolifération. Fort heureusement, comme tous les orateurs précédents l’ont souligné, l’ordre juridique international ne laisse pas les puissances nucléaires seules face à leurs responsabilités morales, politiques et historiques. Il prévoit un régime de lutte contre la prolifération dont le Traité de non-prolifération est la clef de voûte et l’Agence internationale de l’énergie atomique la cheville ouvrière.
Pourtant, du fait même de la transformation du risque nucléaire, il est périodiquement nécessaire de compléter le TNP par des protocoles permettant aux États d’adapter leurs moyens d’action aux nouveaux visages de la prolifération.
Ce régime de lutte contre la prolifération a connu des succès manifestes. Alors qu’en 1960 le président Kennedy prévoyait qu’il y aurait près d’une vingtaine de puissances nucléaires en 1970, elles ne sont aujourd’hui que huit ! De fait, de nombreux pays ont abandonné leur programme nucléaire ; je pense notamment au Brésil et à l’Argentine, sans oublier l’Afrique du sud qui a démantelé l’ensemble de ses installations après la fin de l’apartheid.
Sans doute ces succès étaient-ils symptomatiques d’une confiance renouvelée dans la sécurité collective et dans la volonté unanime de maintenir la paix dans un contexte de sortie de la guerre froide. Or il me semble que nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un deuxième âge nucléaire, dans lequel certains États à la marge – je ne dis pas marginaux – entretiennent des relations avec des groupes terroristes ou autres. D’aucuns vont même jusqu’à évoquer la possibilité d’un détournement de matière fissile par des acteurs non étatiques ; on peut imaginer tous les scénarios catastrophes car, souvent, la réalité dépasse la fiction.
Un tel phénomène laisse craindre le pire ; il impose aux États dotés de l’arme nucléaire et aux États dotés d’un programme nucléaire civil de faire preuve d’une attention renouvelée.
Le protocole dont ce projet de loi vise à assurer le respect par la France complète le mécanisme de garanties internationales prévu par l’accord avec l’ex-Euratom et l’AIEA et mis en œuvre dans le cadre du traité de non-prolifération de 1968.
Comme Mme la ministre, M. le président de la commission et les autres orateurs l’ont déjà signalé, il cible en premier lieu les États non dotés de l’arme nucléaire, afin qu’ils ne détournent pas les matériaux à usage civil à des fins militaires ; il impose notamment la transmission à l’AIEA de renseignements supplémentaires et prévoit un élargissement du champ des contrôles, ainsi que du droit d’accès des inspecteurs de l’AIEA aux installations.
Ce dernier aspect me paraît spécialement important, compte tenu de ce qui s’est passé ces dernières années dans certains pays : de fait, le rôle des inspecteurs a souvent été au cœur d’interprétations polémiques, certains États cherchant à le restreindre. Le diable étant toujours dans les détails, fixer de manière plus précise et plus prescriptive le rôle des inspecteurs marquera assurément un progrès. En particulier, ils pourront procéder à des contrôles à tous les stades du cycle nucléaire ; cette mesure qui est un « plus » vient combler un vide juridique correspondant au cas dans lequel un État s’oppose à une vérification ou à une inspection.
Une entreprise, pas plus qu’un chercheur, ne saurait se livrer à des activités clandestines ou manquer de surveillance et de vigilance sans craindre d’être rappelée à l’ordre et sanctionnée par le juge judiciaire.
À ce stade, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer à mon tour le travail accompli par notre collègue Robert del Picchia – remarquable travail d’amélioration du texte – et par notre commission, monsieur le président Carrère, qui a permis de préciser la rédaction de ce projet de loi sans en dénaturer l’esprit.
Je ne doute pas que ce texte sera utile dans la préparation de la prochaine révision du traité de non-prolifération, qui aura lieu en 2015, et que Mme Demessine a évoquée il y a quelques instants.
Madame le ministre, mes chers collègues, c’est seulement en permettant à l’AIEA de devenir un véritable gardien du nucléaire civil en même temps qu’une véritable police de la prolifération que nous parviendrons à dépasser le conflit lancinant entre les puissances nucléaires et celles qui cherchent à développer leurs programmes civils ; c’est la condition de toute politique partagée et assumée de réduction du nucléaire militaire dans le monde.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC accorde un soutien plein et entier au projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Applaudissements au banc des commissions . – M. Alain Dufaut applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis qu’elle a ratifié le traité de non-prolifération, en 1992, la France s’est toujours engagée dans une démarche volontariste en matière de désarmement nucléaire.
C’est ainsi que notre pays a démantelé son centre d’expérimentation dans le Pacifique, ainsi que son site de lancement du plateau d’Albion. Je rappelle aussi que notre arsenal, constamment réduit, a été plafonné à 300 têtes nucléaires ; aucun autre État doté de l’arme nucléaire n’a fixé un tel plafond.
Nous avons fait le choix de la stricte suffisance, ce principe garantissant toutefois notre doctrine de dissuasion.
Contrairement à ce que l’on entend parfois, on est loin du mythe de la France surarmée ! Si nous avons en effet les moyens de notre sécurité collective, notre arsenal nucléaire est calibré pour respecter nos engagements internationaux en matière de lutte contre la prolifération nucléaire.
Les États-Unis et la Russie ne peuvent pas en dire autant, avec respectivement 9 400 et 13 000 armes nucléaires. Dans ces conditions, l’appel du Président Obama, lancé il y a quelques jours, à Berlin, en faveur d’une réduction d’un tiers des arsenaux nucléaires dans le monde, n’a pas eu l’effet d’une bombe, si j’ose dire.
Le Gouvernement a d’ailleurs indiqué en retour, madame la ministre, que la France ne se sentait pas concernée par cette proposition. Sachez que je partage, avec mon groupe, cette position.
C’est avec la même bienveillance que j’aborde l’examen du projet de loi portant application du protocole tripartite relatif à l’application de garanties en France, qui nous intéresse aujourd’hui. Les orateurs précédents l’ont rappelé : ce protocole, qui complète les mesures déjà appliquées dans le cadre des accords de garanties généralisées, vise in fine à mieux contrôler l’usage des matières ou des équipements nucléaires. On ne peut que souscrire à une telle ambition, motivée par des enjeux de sécurité internationale évidents. Le transfert de technologie nucléaire à des fins civiles dans les États non dotés de l’arme nucléaire doit s’accompagner d’un régime de garanties de non-prolifération le plus complet possible.
Or, comme vous le savez, mes chers collègues, l’AIEA a besoin de davantage de latitude pour remplir la mission que lui confie l’article III du TNP : il s’agit de vérifier que l’énergie nucléaire n’est pas détournée de ses applications pacifiques vers un usage militaire. Les cas iranien et nord-coréen, souvent cités, ont illustré les limites du contrôle de l’AIEA, s’agissant des activités clandestines d’enrichissement d’uranium.
Le système de garanties renforcées, proposé dans le protocole additionnel, permet à l’Agence de dépasser le simple contrôle comptable des matières nucléaires déclarées. En s’intéressant à tous les aspects du cycle du combustible, de la production et des stocks de matières nucléaires, des activités de retraitement et des éléments d’infrastructure appuyant ce cycle, l’AIEA peut surveiller la nature des activités nucléaires engagées dans le cadre des coopérations entre les États parties au TNP. C’est un progrès décisif auquel la France s’est ralliée en 1998.
Il est temps aujourd’hui de compléter notre droit interne, car notre pays s’est conformé dans les faits au protocole additionnel que le Parlement a ratifié en 2003 à l’unanimité, sans avoir depuis lors sécurisé le cadre juridique de son application.
Dans cette perspective, la commission a adopté le projet de loi élaboré sous l’ancienne majorité, après l’avoir amendé. Sans bouleverser les dispositions du texte initial, monsieur le rapporteur, vous avez fait adopter, sous la haute autorité du président Carrère, quelques modifications, à mon sens pertinentes.
Je pense notamment aux modalités d’intervention du juge dans le cas d’une opposition totale ou partielle à la vérification, ou encore à la distinction, pour l’application de sanctions pénales, entre le défaut de déclaration et l’obstacle à l’inspection.
Mes chers collègues, l’approbation de ce texte apportera la sécurité juridique dont notre pays a besoin pour exporter, dans la transparence, sa grande expertise en matière de production thermonucléaire.
Au-delà de la nécessité interne d’application du protocole additionnel, le texte a une portée symbolique en ce qu’il confirme l’attitude responsable de la France à l’égard de la non-prolifération.
On peut toujours estimer que ce n’est pas suffisant, surtout si l’on est sensible au discours « abolitionniste », certes bien intentionné, mais empreint d’utopie.
« Désinventer le nucléaire », pour reprendre une expression consacrée, apparaît en effet comme un horizon lointain, pour ne pas dire impossible. Pour autant, et comme le propose mon collègue Jean-Pierre Chevènement, il est toutefois souhaitable de tendre vers une « zone de basse pression nucléaire », en consolidant le régime de non-prolifération, à l’instar du protocole additionnel, ou encore en relançant le processus de ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, qui n’est toujours pas entré en vigueur depuis son adoption en 1996.
Madame la ministre, le RDSE compte sur votre détermination et celle du Gouvernement pour œuvrer en ce sens. La diplomatie est aussi une arme… de persuasion. En attendant, mon groupe apportera son soutien au projet de loi qui nous occupe ce soir.
MM. Yvon Collin, Gilbert Barbier et Jean-Marie Bockel applaudissent.
M. André Gattolin applaudit.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, Mme Leila Aïchi, qui a suivi ce dossier, ne pouvant être présente, j’en serai le modeste et fidèle porte-parole, au nom du groupe écologiste.
Tout d’abord, je rappellerai, s’il en était besoin, qu’à l’instar de leur opposition au nucléaire civil, l’engagement des écologistes pour le désarmement nucléaire est bien connu. Pourtant, il n’en demeure pas moins un état de fait : notre industrie de recherche et développement nucléaires figure parmi les trois premières mondiales. Ce statut confère à notre pays une responsabilité particulière en matière de contrôle des activités et des évolutions de la filière nucléaire civile.
Faciliter le contrôle par l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, de toute activité susceptible d’aboutir à la délivrance d’informations à un État non doté de l’arme nucléaire, ou ENDAN, est donc du devoir de notre pays. C’est là tout l’objet du présent projet de loi, qui vise à transposer en droit interne les dispositions du protocole du 22 septembre 1998, entré en vigueur en 2004. Le groupe écologiste, qui s’inquiète de la prolifération nucléaire ne peut que saluer, madame la ministre, cette initiative.
M. André Gattolin applaudit.
Plusieurs aspects du présent protocole additionnel nous semblent aller dans le bon sens. Premièrement, l’amélioration du renseignement sur les activités en lien avec le cycle nucléaire répond aux limites de l’accord tripartite avec la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’AIEA de 1978.
Deuxièmement, le champ de contrôle est élargi à la quasi-totalité des opérations du cycle du combustible nucléaire : transformation, enrichissement, fabrication, retraitement, etc. On regrettera toutefois que les activités de remballage et de conditionnement aient été exclues du champ d’application de ce projet de loi. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement sur ce sujet.
Par ailleurs, le présent texte tend à préciser que l’ensemble des personnes, et non les seuls exploitants nucléaires, sont dorénavant concernées par l’obligation d’information. Ce point nous semble particulièrement important, puisque, désormais, le vendeur du moindre composant, en lien, aussi indirect soit-il, avec une activité d’enrichissement, devient une source d’information.
Nous saluons, enfin, l’apport d’un dispositif pénal, qui donnera une meilleure efficacité aux mécanismes de contrôle. Nous nous réjouissons également de l’amendement déposé par M. le rapporteur, Robert Del Picchia, visant à durcir la peine en cas de comportement hostile à la vérification.
En dépit des améliorations que comporte ce texte, il demeure néanmoins insuffisant dans sa portée et ses moyens. Nous regrettons en effet que sa portée ait été compromise par l’insertion d’un certain nombre de clauses qui permettent de limiter l’accès et les modalités de contrôle des inspecteurs de l’AIEA.
Ceux-ci peuvent ainsi se voir refuser une vérification au motif de la « protection des informations exclusives ou sensibles du point de vue industriel ou commercial ». Cette limitation, suffisamment imprécise pour être fréquemment opposée aux inspecteurs de l’Agence, annule, selon nous, tout le bénéfice du texte.
Enfin, au-delà de la seule lutte contre la prolifération nucléaire, les écologistes rappellent leur attachement à une maîtrise globale des armements. Légiférer pour mieux adapter le protocole de 1998 à notre droit était, certes, nécessaire. Mais, pour nous écologistes, l’urgence est à la relance des négociations sur les traités internationaux de contrôle de l’armement : où en est la France dans les négociations sur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et sur le Traité dit cut off ? Surtout, qu’attend le Gouvernement français pour ratifier le Traité sur le commerce des armes ?
Pour l’ensemble de ces raisons, Leila Aïchi, moi-même et le groupe écologiste s’abstiendront, à regret, sur ce texte.
M. André Gattolin applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous occupe est un projet de loi attendu depuis fort longtemps et dont les enjeux sont primordiaux pour la sécurité internationale. L’un des défis majeurs auxquels nous devons faire face est sans aucun doute celui de la prolifération des armes nucléaires.
La lutte contre cette prolifération ne peut être effective sans la prise en compte du détournement de matières nucléaires, de celui de l’usage pacifique de l’atome et des technologies inhérentes.
Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Robert del Picchia, rapporteur de ce texte, pour son excellent travail de fond et la rédaction de ses amendements de précision et de clarification, travail mené avec notre commission des affaires étrangères, dont je salue également le président.
La France, en tant qu’État doté de l’arme nucléaire, s’est engagée à lutter contre la prolifération nucléaire. À ce titre et depuis 1981, elle est partie à un accord avec l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, et la Communauté européenne de l’énergie atomique, la CEEA. L’« Accord » est un traité tripartite, qui met en place un système de garanties international, reposant sur une « offre volontaire de garanties » de la part de la France.
Le 22 septembre 1998, la France a signé à Vienne un protocole additionnel à l’Accord de 1981, protocole additionnel ratifié en 2003. Il tend à renforcer l’efficacité du système de garanties international, en permettant à l’AIEA d’obtenir des informations comptables sur la détention de matières nucléaires dans le cadre d’inspections prévues dans le texte.
En outre, le protocole, entré en vigueur en 2004, est déjà appliqué par la France. En cela, le projet de loi qui nous est soumis ne devrait pas rencontrer de difficultés. Il est en effet des sujets, tels que la non-prolifération nucléaire, qui doivent transcender la logique des partis et les polémiques politiciennes.
En ce qui me concerne, je me réjouis que ce protocole impose de nouvelles obligations aux personnes dont les activités relèvent du domaine du cycle du combustible nucléaire et qui sont en relation avec des États non dotés de l’arme nucléaire.
Je pense que nous touchons ici au cœur de la problématique de non-prolifération nucléaire, entre les États dotés de l’arme nucléaire, l’AIEA et les États ayant renoncé à l’arme nucléaire, mais qui refusent également que celle-ci soit disséminée. Ce qui les unit, c’est la ratification du TNP, le Traité de non-prolifération nucléaire. C’est un bien commun, qui permet à tous de profiter de l’usage pacifique de l’atome. Nous avons tous en mémoire le discours de Eisenhower, alors Président des États-Unis, lors de la séance plénière de l’Assemblée générale des Nations unies du mardi 8 décembre 1953, plus connu sous la formule « Atoms for peace ».
Ce furent là les prémices fondamentales d’un système, qui, s’il n’est pas parfait et connaît des difficultés, doit être à tout prix préservé et sans cesse actualisé du fait de l’avancée des technologies en matière de recherche nucléaire et de la montée de certaines revendications belliqueuses de la part d’États ne respectant ni les institutions onusiennes ni le concept de dissuasion.
Le cas de l’Iran, de la Corée du Nord ou encore du Pakistan sont significatifs à plus d’un titre. L’exemple du réseau clandestin pakistanais est le plus connu en matière de prolifération. Il restera dans les mémoires comme le réseau clandestin international mis en place par le père de la bombe nucléaire pakistanaise, le docteur Abdul Qadeer Khan.
Ce dernier est parvenu à acheminer tous les matériaux et équipements nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires sans que les experts internationaux en exportations duales, ni même les fournisseurs, ne soupçonnent les véritables finalités de ces activités, du fait du nombre, de la diversité et de l’implantation géographique des intermédiaires.
Ce programme clandestin n’a pu être découvert qu’à la suite des révélations de la Libye sur son propre programme nucléaire, auquel, vous le savez, elle a renoncé depuis lors.
C’est en cela, mes chers collègues, que le projet de loi sur le protocole est une avancée puisqu’il concerne toute personne liée au cycle du combustible nucléaire. La France devra dorénavant fournir à l’AIEA des informations sur la production de la matière – je pense ici aux mines d’extraction –, sur les usines de concentration, sur les exportations et sur les importations vers ou depuis un État non doté de l’arme nucléaire, et cela même si l’uranium ou le thorium n’ont pas encore atteint le stade de pureté ou de composition propre à la fabrication de combustible nucléaire.
Ces informations permettront un « contrôle de finalité » de l’AIEA, sans pour autant entraver l’action des États non dotés parties au TNP, dans l’usage pacifique des technologies nucléaires.
En cela, ce protocole a le mérite de réussir une équation difficile : assurer les conditions d’exercice des missions de l’AIEA, telles que la non-prolifération nucléaire, qui fait l’objet des protocole additionnel et projet de loi, la promotion de l’utilisation pacifique des technologies, la sûreté nucléaire en prévention des catastrophes naturelles et la radioprotection, la sécurité nucléaire avec l’objectif de prévention du terrorisme nucléaire depuis le 11 septembre 2001 ; et ce sans léser ni « démotiver » les États non dotés qui ont fait le choix du TNP, et qui ont signé les accords bilatéraux de garanties généralisées. Sur ce point, le projet de loi définit très clairement les champs d’application, notamment dans le titre Ier, relatifs aux activités de coopération entre la France et les ENDAN.
Je tiens par ailleurs à remercier le rapporteur et la commission des affaires étrangères pour leurs amendements visant à clarifier, sur le plan législatif, la définition des personnes menant des activités dans le cycle du combustible. Seront concernées toute personne morale ou physique. C’est important, car cela permet d’anticiper les potentielles évolutions du marché du cycle du combustible.
Je ne m’étendrai pas sur le titre III du projet de loi, car il touche au cœur de la vérification et des inspections inhérentes aux missions et aux statuts de l’AIEA.
Ainsi, la France, en tant que pays doté de l’arme nucléaire, joue pleinement son rôle quant à la prévention de la non-prolifération, puisqu’elle devient un pays « source » d’information sur les ENDAN pour l’AIEA.
Je tiens à rappeler que cela est possible précisément parce que notre pays demeure l’un des leaders mondiaux de la filière nucléaire civile en termes tant de sécurité que de gestion et de prévention.
Enfin, la France, en tant que puissance militaire nucléaire, se présente, en ratifiant ce protocole, comme un exemple sur la scène internationale.
Ce projet de loi s’inscrit dans une démarche globale qui permet à l’AIEA tant d’exercer pleinement ses prérogatives que d’assurer l’efficacité du TNP et donc, à terme, de continuer d’assurer sa crédibilité, quarante-cinq ans après sa création.
C’est donc pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera ce texte, déjà approuvé par notre commission des affaires étrangères.
Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
TITRE Ier
DÉFINITIONS
Pour l'application de la présente loi :
1° Les mots et expressions : « activités de recherche-développement liées au cycle du combustible nucléaire », « uranium fortement enrichi », « échantillonnage de l'environnement dans un emplacement précis », « matière nucléaire », et « installation » ont le sens qui leur est donné par l'article 17 du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application des garanties en France, signé le 22 septembre 1998 à Vienne et publié au Journal officiel de la République française du 29 juin 2004, ci-après dénommé le protocole additionnel ;
2° Les mots : « l'Agence » désignent l'Agence internationale de l'énergie atomique ;
3° L'expression « État non doté d'armes nucléaires », ci-après dénommé « ENDAN », désigne tout État autre qu'un État doté d'armes nucléaires, au sens de l'article 9 du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, fait à Washington, Londres et Moscou le 1er juillet 1968 et publié au Journal officiel de la République française du 25 septembre 1992 ;
4° Les expressions : « activités en coopération avec un ENDAN » ou : « activités de coopération avec une personne établie dans un ENDAN » désignent toute action menée avec ou dans l'intérêt d'un ENDAN ou d'une personne établie dans un ENDAN qui :
a) Soit, pour l'ensemble des activités définies par la présente loi, conduit à un transfert à un ENDAN ou à l'acquisition par un ENDAN de connaissances ou de technologies nucléaires ;
b) Soit, dans le cas des activités de développement du cycle du combustible nucléaire, mentionnées au II de l'article 2, est de nature à modifier les caractéristiques du cycle du combustible ou à en changer la capacité de production ;
c) Soit, s'agissant des activités mentionnées à l'article 4, conduit à une production résultant des activités de fabrication énumérées à l'annexe I du protocole additionnel.
5° (nouveau) L’expression : « Autorité administrative » désigne l’autorité chargée du suivi de la mise en œuvre par la France du protocole additionnel ;
6° (nouveau) L’expression : « Personne » désigne toute personne publique ou privée, physique ou morale, soumise aux obligations prévues dans la présente loi.
L'amendement n° 8, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, ci-après dénommé « TNP »
Vous avez la parole pour présenter cet amendement, monsieur Desessard. Peut-être pouvez défendre en même temps l’amendement n° 7 ?
Nouveaux sourires.
L’amendement n° 8 est un amendement de coordination. En effet, plusieurs des amendements que le groupe écologiste a déposés font référence au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires du 1er juillet 1968, publié au Journal officiel du 25 septembre 1992, communément appelé TNP. Les références à ce traité que nous souhaitons introduire dans le présent projet de loi risqueraient d’en alourdir la lecture. C'est pourquoi nous proposons de recourir à cette formulation abrégée « TNP ».
L'amendement n° 7, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
1° Après les mots :
activités en coopération avec un ENDAN
insérer les mots :
ou avec un État non signataire du TNP
2° Après les mots :
activités en coopération avec une personne établie dans un ENDAN
insérer les mots :
ou dans un État non signataire du TNP
3° Après les mots :
dans l'intérêt d'un ENDAN
insérer les mots :
ou d'un État non signataire du TNP
4° Après les mots :
ou d'une personne établie dans un ENDAN
insérer les mots :
ou dans un État non signataire du TNP
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
conduit à un transfert à un ENDAN ou à l'acquisition par un ENDAN
par les mots :
conduit à un transfert ou à l'acquisition par un ENDAN ou par un État non signataire du TNP
La parole est à M. Jean Desessard.
Sourires.
Ces amendements ont le même objet, à savoir étendre le champ d'application du protocole additionnel. En effet, le terme ENDAN, mentionné aux articles 1er, 2, 4, 5, 6, 8 et 9 désigne uniquement les États non dotés de l'arme nucléaire signataires du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP. Or ce traité n'a pas été signé par tous les États : on compte à ce jour trois États non signataires, à savoir l'Inde, le Pakistan et Israël. La Corée du Nord, quant à elle, s’en est retirée en 2003.
Ces états ont prouvé qu'ils avaient développé l'arme nucléaire, à l'exception d'Israël, qui ne l'a jamais reconnu. Pour y parvenir, ils ont été aidés par des États dotés de l'arme nucléaire.
Aussi, cet amendement vise à étendre les dispositions du protocole aux autres États non dotés de l'arme nucléaire qui n'auraient pas signé ce traité, mais qui pourraient se livrer à des activités de prolifération.
Il est bon que ces amendements aient été présentés en même temps : nous pouvons ainsi gagner du temps et aborder plus rapidement les points importants.
L'amendement n° 7, quant à lui, est le premier d'une série d'amendements qui visent à élargir les dispositions du protocole aux États non signataires du TNP, par exemple l'Inde, pays avec lequel, du reste, la France a passé des accords dans le domaine du nucléaire civil. Tous ces amendements vont au-delà du texte du protocole additionnel, dont l'objet est d'organiser les obligations de déclaration des activités que la France mène en coopération avec les États non dotés de l'arme nucléaire signataires de ce TNP. Ces coopérations sont étroitement encadrées par des accords qui permettent de garantir que les activités menées à ce titre ont un objet strictement pacifique. Cet élargissement ne me paraît donc pas utile. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les autres amendements de la série.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable. En effet, pour des raisons de cohérence, le terme « TNP » devrait être mentionné dans le reste du projet de loi. Or ce n’est pas le cas. À cette raison s’ajoutent les raisons évoquées par M. le rapporteur.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
I. - Toute Personne qui mène, en coopération avec un ENDAN ou une personne établie dans un ENDAN, des activités de recherche-développement liées au cycle du combustible nucléaire, mettant en jeu ou non des matières nucléaires, fournit chaque année à l'Autorité administrative une déclaration comportant les renseignements suivants :
a) Pour les activités qui sont financées, soumises à approbation ou contrôlées par l'État, ou qui sont exécutées pour son compte : une description générale de ces activités, quel que soit le lieu où elles sont menées, ainsi que des renseignements indiquant leur emplacement ;
b) Pour les activités qui ne sont pas financées, soumises à approbation ni contrôlées par l'État ni exécutées pour son compte : une description générale des activités menées en France qui se rapportent directement à l'enrichissement, au retraitement de combustible nucléaire ou au traitement de déchets de moyenne activité ou de haute activité contenant du plutonium, de l'uranium fortement enrichi ou de l'uranium 233, ainsi que des renseignements indiquant l'emplacement de ces activités.
Pour l'application du b du I, le traitement de déchets de moyenne activité ou de haute activité n'englobe pas le réemballage des déchets ou leur conditionnement, sans séparation d'éléments, en vue de leur entreposage ou de leur stockage définitif.
II. - Toute Personne qui mène ou envisage de mener des activités de coopération avec un ENDAN ou une personne établie dans un ENDAN se rapportant au développement du cycle du combustible nucléaire et soumises à approbation de l'État, y compris des activités de recherche-développement liées au cycle du combustible nucléaire, fournit chaque année à l'Autorité administrative une déclaration comportant une description générale de ces activités prévues pour les dix années à venir.
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
en coopération avec un ENDAN ou une personne établie dans un ENDAN
par les mots :
en coopération avec un ENDAN, un État non signataire du TNP, une personne établie dans un ENDAN, ou une personne établie dans État non signataire du TNP
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
des activités de coopération avec un ENDAN ou une personne établie dans un ENDAN
par les mots :
des activités de coopération avec un ENDAN, un État non signataire du TNP, une personne établie dans un ENDAN, ou une personne établie dans État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 3, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement vise à compléter le champ des obligations déclaratives auxquelles sont soumises les personnes menant des activités de recherche-développement liées au cycle du combustible nucléaire.
Dans son titre II, le protocole définit le champ des activités et des personnes soumises à obligations déclaratives auprès de l'autorité administrative. L'article 2 définit le type d'informations qui doivent être transmises. L'alinéa 4 précise que les activités de réemballage ou de conditionnement des déchets, sans séparation d'éléments, ne sont pas comprises dans le champ des activités soumises à obligations déclaratives. Cette limitation nous semble injustifiée. Aussi, cet amendement vise à supprimer cet alinéa.
Pour le groupe écologiste, les activités de recherche-développement liées au cycle du combustible nucléaire doivent faire l'objet d'un encadrement maximal. Il ne nous semble pas opportun d'exclure une quelconque activité du champ de contrôle de l'Agence.
M. André Gattolin applaudit.
L'objet du projet de loi est bien de fournir à l'autorité administrative les éléments suffisants pour établir la déclaration de la France au titre du protocole additionnel. Le modèle de protocole additionnel prévoit dans son article 2, de manière extrêmement détaillée, les renseignements à fournir. Le b 2 de cet article dispose : « Aux fins du présent paragraphe, le “traitement” de déchets de moyenne ou de haute activité n’englobe pas le réemballage des déchets ou leur conditionnement, sans séparation d’éléments, en vue de leur entreposage ou de leur stockage définitif. » Cette information supplémentaire à laquelle conduirait l'adoption de cet amendement est donc inutile et même non souhaitée par l'AIEA elle-même. Les activités visées – réemballage et conditionnement – ne sont pas pertinentes du point de vue de la prolifération.
Pour ces raisons, mon cher collègue, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut je demanderai à notre assemblée de le rejeter.
Pour les raisons qu'a indiquées M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable. J'ajoute, monsieur le sénateur, que votre proposition va bien au-delà du b de l'article 2 du protocole additionnel.
J'apprécie la courtoisie de M. le rapporteur et de Mme la ministre, mais je maintiens mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Toute Personne qui mène, dans les installations ou parties d'installations désignées comme devant faire l'objet d'inspections périodiques de l'Agence, conformément au paragraphe a de l'article 78 de l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application des garanties en France, signé à Vienne le 27 juillet 1978 et publié au Journal officiel de la République française du 30 septembre 1981, ci-après dénommé l'accord de garanties, des activités d'exploitation consistant notamment en des opérations de manutention, de transformation, de conditionnement, d'entreposage ou de stockage de matières nucléaires, communique à l'Autorité administrative, à la demande de cette dernière, les renseignements prévus à l'alinéa ii du paragraphe a de l'article 2 du protocole additionnel. –
Adopté.
(Non modifié)
Toute Personne qui mène des activités spécifiées à l'annexe I du protocole additionnel en coopération avec une personne établie dans un ENDAN déclare chaque année à l'Autorité administrative la production liée à cette coopération, pour chacun des lieux où sont menées ces activités.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après les mots :
dans un ENDAN
insérer les mots :
ou dans un État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 4.
L'article 4 est adopté.
Toute Personne qui exporte ou importe, vers ou depuis un ENDAN, des déchets de moyenne activité ou des déchets de haute activité contenant du plutonium, de l'uranium fortement enrichi ou de l'uranium 233, pour lesquels les garanties ont été levées en application de l'article 11 de l'accord de garanties, communique, au titre de chaque année, à l'Autorité administrative des renseignements relatifs à ces exportations ou importations, comportant notamment les données d'identification desdits déchets, leur quantité, leur provenance ou leur destination et la date ou, le cas échéant, la date prévue de leur expédition.
L'amendement n° 11, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après les mots :
un ENDAN
insérer les mots :
ou un État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 5.
L'article 5 est adopté.
Toute Personne qui exporte à partir du territoire français vers un ENDAN des équipements fabriqués dans le cadre des activités visées à l'annexe I du protocole additionnel, ainsi que des équipements et matières non nucléaires qui sont mentionnés dans la liste figurant à l'annexe II du protocole additionnel, communique, au titre de chaque trimestre, à l'Autorité administrative des renseignements pour chaque exportation, comportant les données d'identification, la quantité, le lieu où il est prévu de les utiliser dans l'État destinataire et la date ou, le cas échéant, la date prévue de l'expédition.
À la demande de l'Autorité administrative, toute Personne qui importe en France en provenance d'un ENDAN des équipements et matières mentionnés au premier alinéa du présent article communique à l'Autorité administrative des renseignements sur ses importations, permettant à l'Agence de contrôler les renseignements déclarés par l'ENDAN relatifs à ses exportations vers la France.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Après les mots :
un ENDAN
insérer les mots :
ou un État non signataire du TNP
II. - Alinéa 2
1° Après les mots :
en provenance d'un ENDAN
insérer les mots :
ou d'un État non signataire du TNP
2° Après les mots :
par l'ENDAN
insérer les mots :
ou l'État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 6.
L'article 6 est adopté.
Les renseignements figurant dans les déclarations mentionnées aux articles 2 à 6 sont destinés à être communiqués par l'Autorité administrative à l'Agence.
L'Autorité administrative peut exiger des Personnes soumises aux obligations déclaratives instituées par les articles 2 à 6 les précisions ou explications sur les renseignements qui sont nécessaires à la mise en œuvre du protocole additionnel. –
Adopté.
TITRE III
VÉRIFICATION INTERNATIONALE
CHAPITRE IER
Domaine de la vérification internationale
(Non modifié)
L'Agence peut mener, dans les lieux mentionnés dans les déclarations transmises en application du I de l'article 2, de l'article 4 et du deuxième alinéa de l'article 6, une vérification ayant pour but soit de s'assurer de l'exactitude et de l'exhaustivité des renseignements communiqués, soit de résoudre une contradiction relative à ces renseignements.
Au cours de la vérification, les inspecteurs de l'Agence sont autorisés à :
a) procéder à des observations visuelles ;
b) prélever des échantillons de l'environnement ;
c) utiliser des appareils de détection et de mesure des rayonnements ;
d) examiner les pièces relatives à la production et aux expéditions, utiles au contrôle de l'application des garanties dans un ENDAN ;
e) recourir à d'autres mesures arrêtées, dans les conditions prévues au a de l'article 6 du protocole additionnel, par l'Autorité administrative et publiées au Journal officiel de la République française.
L'Autorité administrative peut également autoriser les inspecteurs de l'Agence à prendre des photographies.
L'amendement n° 13, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
ou dans un État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et des vidéos
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement vise à rendre plus efficace le dispositif prévu à l'article 8 en donnant la possibilité aux inspecteurs de l'Agence de réaliser des vidéos lors du contrôle d'un site.
Au titre de sa compétence de vérification internationale, l'Agence peut en effet missionner des inspecteurs sur place afin de vérifier l'exactitude des informations qui lui sont fournies par les personnes. Ainsi, l'article 8 définit le type de vérifications auxquelles les inspecteurs de l'Agence sont autorisés à procéder. Ils peuvent notamment effectuer des observations visuelles, prélever des échantillons de l'environnement ou utiliser des appareils de mesure des rayonnements.
L'autorité administrative peut également les autoriser à prendre des photographies afin d'appuyer leur mission de vérification.
Le format vidéo permet une meilleure retransmission de la réalité et constitue donc un complément pertinent à la photographie.
Permettre à l'autorité administrative d’autoriser les inspecteurs à prendre des vidéos, comme y tend cet amendement, améliorerait les moyens de vérification internationale de l'Agence.
M. André Gattolin applaudit.
Cela fera plaisir à M. Desessard, la commission émet un avis favorable. Le recours à la vidéo en complément des photographies renforcera effectivement la capacité de contrôle des inspecteurs de l'Agence. Je tiens d’ailleurs d’inspecteurs eux-mêmes qu'ils utilisent déjà la vidéo. Nous procédons en quelque sorte à une régularisation.
Votre plaisir sera double, monsieur Desessard, puisque le Gouvernement émet également un avis favorable.
Sourires.
L'amendement est adopté.
L'article 8 est adopté.
(Non modifié)
Dans le but d'accroître sa capacité à détecter des activités nucléaires clandestines dans un ENDAN, l'Agence peut procéder à une vérification en tout lieu, autre que ceux visés à l'article 8, dont le périmètre est proposé par l'Agence et accepté par l'Autorité administrative. Les activités menées par l'Agence dans ce lieu sont limitées à la prise d'échantillons dans l'environnement et au recours à d'autres mesures arrêtées, dans les conditions prévues au b de l'article 6 du protocole additionnel, par l'Autorité administrative et publiées au Journal officiel de la République française.
L'amendement n° 14, présenté par Mmes Aïchi, Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après les mots :
dans un ENDAN
insérer les mots :
ou dans un État non signataire du TNP
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 9.
L'article 9 est adopté.
CHAPITRE II
Exécution de la vérification internationale
Section 1
Modalités d'accès aux locaux et installations
La vérification internationale est faite par des inspecteurs de l'Agence, habilités par celle-ci et agréés par l'Autorité administrative.
L'Autorité administrative désigne une équipe d'accompagnement aux fins de veiller à l'exécution de la vérification internationale dans les conditions prévues par la présente loi.
Le chef de l'équipe d'accompagnement représente l'État auprès des inspecteurs de l'Agence et de la Personne soumise à la vérification internationale. –
Adopté.
La vérification internationale, dans les cas définis aux articles 8 et 9, ne peut intervenir qu'après un préavis d'au moins vingt-quatre heures notifié par l'Agence à l'Autorité administrative. L'accès aux lieux non ouverts au public est possible de 8 h à 20 h et à tout moment lorsque l'activité professionnelle est en cours.
Avant le début des opérations, le chef de l'équipe d'accompagnement remet à la Personne un avis de vérification internationale. Cet avis précise l'objet des vérifications envisagées.
Les opérations de vérification sont exécutées en présence de la Personne ou de son représentant dans les conditions prévues aux dispositions des articles 10 à 18. Leurs résultats sont consignés dans un procès-verbal selon des modalités définies par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 26.
Les procès-verbaux établis en application du présent article ne sont pas opposables aux Personnes lorsqu'elles font l'objet de poursuites pénales.
L'amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
Leurs résultats sont consignés
par les mots :
Les opérations sont consignées
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Les résultats des accès complémentaires seront élaborés par l’Agence internationale de l’énergie atomique et communiqués aux autorités françaises dès que possible et, en toute probabilité, dans les jours suivant la réalisation effective de l’accès complémentaire. Dès lors, le procès-verbal élaboré par le chef de l’équipe d’accompagnement à la fin de l’accès complémentaire ne pourra en aucun cas mentionner les résultats de cet accès.
Il est en revanche souhaitable d’assurer une traçabilité des opérations effectuées par l’AIEA au cours de l’accès complémentaire et de les recenser dans un document spécifique qui sera remis à l’exploitant. Tel est l’objet de cet amendement.
L’argument du Gouvernement est d’ordre pratique et de bon sens : on ne pourra évidemment consigner des résultats dont on ne disposera pas immédiatement, lors de la vérification. Toutefois, nous demeurons sensibles à la mention des résultats, dont certains, sans doute pas tous, peuvent être immédiatement constatés. Un relevé des seules opérations peut paraître trop limitatif.
Aussi, je suggère la rédaction suivante : « Dans l’attente des résultats définitifs, les résultats immédiatement disponibles et les opérations effectuées sont consignés ». Si l’amendement était ainsi rectifié, la commission émettrait un avis favorable.
Madame la ministre, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Je l’accepte, monsieur le président, et je rectifie donc ainsi l’amendement.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 15 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
Leurs résultats sont consignés
par les mots :
Dans l'attente des résultats définitifs, les résultats immédiatement disponibles et les opérations effectuées sont consignés
Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.
L'amendement est adopté.
L'article 11 est adopté.
En cas d’opposition totale ou partielle à toute vérification prévue au Titre III de la présente loi ou à toute inspection internationale, effectuée au titre des engagements internationaux souscrits par la France et relatifs à l’application des garanties, de la part de la Personne visée par ladite vérification ou inspection, l’Autorité administrative peut solliciter du président du tribunal de grande instance, ou du juge délégué par lui, l’autorisation de procéder à cette vérification ou inspection.
Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel sont situés les lieux ou locaux concernés.
Le magistrat vérifie que la demande comporte toutes les justifications utiles. Il autorise la vérification ou l’inspection par une ordonnance motivée indiquant les éléments de fait et de droit au soutien de la décision, l’adresse des lieux concernés et les noms et qualités des agents habilités à y procéder.
La vérification est réalisée sous l’autorité et le contrôle du juge qui l’a autorisée. Ce dernier désigne l’officier de police judiciaire territorialement compétent chargé d’assister aux opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
En cas d’opposition partielle ou totale à une vérification internationale prévue au présent titre ou à une inspection internationale prévue par le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique ou par l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France, signé à Vienne le 27 juillet 1978, l’autorité administrative peut solliciter du président du tribunal de grande instance l’autorisation de faire procéder à cette vérification ou cette inspection.
Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux concernés.
Le président du tribunal de grande instance statue par une ordonnance sur requête, conformément aux articles 493 à 498 du code de procédure civile.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Cet amendement a pour objet à la fois de préciser et de simplifier la rédaction de l’article 12.
Il s’agit tout d’abord d’indiquer les instruments internationaux sur le fondement desquels les inspections internationales peuvent être conduites.
Les termes « de la part de la personne visée par ladite vérification ou inspection » sont supprimés. Ils viendraient en effet réduire le champ d’application des textes internationaux concernés. L’accord de garanties, le protocole additionnel et le traité Euratom évoquent en effet, d’une manière générale, les cas où la France n’est pas en mesure de garantir l’accès immédiat des lieux aux inspecteurs ou les cas d’opposition, sans précision sur l’origine de cette opposition. Il convient ainsi de prendre en compte tous les cas d’opposition possible, que celle-ci vienne de l’exploitant ou de l’extérieur.
Il est également proposé de supprimer les mots « ou du juge délégué par lui ». L’article R. 213-6 du code de l’organisation judiciaire prévoit déjà que le président du tribunal de grande instance peut déléguer à un ou plusieurs juges du tribunal les fonctions juridictionnelles qui lui sont spécialement attribuées.
Les troisième et quatrième alinéas sont remplacés par une référence aux ordonnances sur requête prévues par le code de procédure civile. Celui-ci définit, dans ses articles 493 à 498, une procédure adaptée en cas d’opposition à une vérification ou une inspection internationale : le juge statue immédiatement sur le siège – la requête peut même être présentée à son domicile en cas d’urgence – et l’ordonnance est motivée. Il paraît difficile de conserver les dispositions prévoyant que la vérification internationale s’effectue ensuite sous le contrôle du juge : l’office du juge s’achève en principe avec le prononcé de l’ordonnance et l’exécution de la décision revient à l’autorité administrative. En cas d’opposition persistante, il conviendra de mettre en œuvre les dispositions répressives de l’article 20 du projet de loi.
La commission est d’accord sur les quatre premiers points, estimant que le Gouvernement a mieux expliqué ses positions. Sur le cinquième, elle propose d’ajouter, à la fin de la rédaction présentée, une phrase toute simple : « L’autorité administrative est chargée de l’exécution de la décision. »
Une telle phrase n’est pas obligatoire, mais cette précision pourrait être apportée dans la loi. Nous n’allons pas nous battre toute la nuit si elle pose problème. C’est une simple proposition.
Madame la ministre, consentez-vous à la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
Le Gouvernement ne souhaite pas procéder à la rectification proposée par M. le rapporteur, tout simplement parce que l’autorité administrative, au sens du projet de loi, est le comité technique Euratom. Ce dernier ne peut assurer l’exécution de la décision prononcée par le juge.
Souhaitez-vous néanmoins présenter un sous-amendement tendant à intégrer cette modification, monsieur le rapporteur ?
Il s’agissait simplement d’une précision que nous souhaitions apporter, ayant lu, dans l’objet de l’amendement n° 18, que l’exécution de la décision est du ressort de l’autorité administrative. Si, en définitive, cela aboutit à quelque chose qui n’est pas trop précis, je retire ma proposition.
Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 18 en son état actuel.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.
Section 2
Limitations d'accès et modalités de contrôle
Les droits de l'Agence de mener une vérification internationale ne font pas obstacle à ce que l'accès des inspecteurs de l'Agence aux zones, locaux, documents, prélèvements ou données, concernés en application des articles 8 et 9, soit limité, à l'occasion d'une vérification, en vue :
a) de la protection des informations sensibles du point de vue de la prolifération des armes nucléaires et des intérêts de la défense nationale ;
b) du respect des prescriptions de sûreté ou de protection physique ;
c) de la protection des informations exclusives ou sensibles du point de vue industriel ou commercial ;
d) de la protection des informations relevant de la vie privée des personnes.
Le chef de l'équipe d'accompagnement, en liaison avec la Personne soumise à la vérification internationale, veille au respect des dispositions convenues à cet effet entre l'Autorité administrative et l'Agence.
L'amendement n° 6, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement a une très grande importance pour nous, et pour notre position à l’égard de ce projet de loi, car il tend à déterminer la fiabilité des contrôles.
Nous voulons supprimer l’alinéa 4 de l’article 13. En effet, cet alinéa nous pose problème en ce qu’il annihile totalement les avancées du protocole additionnel.
L’objectif du texte est en effet de maximiser l’information concernant les activités en lien avec les ENDAN, mais aussi d’améliorer la capacité de vérification internationale. Or l’article 13 prévoit de nombreuses situations restreignant le droit de vérification internationale de l’Agence.
Certaines de ces limitations peuvent être justifiées. Ainsi, nous acceptons parfaitement la restriction relative à la « protection des informations sensibles du point de vue de la prolifération des armes nucléaires et des intérêts de la défense nationale » car il ne s’agit pas que les activités de l’Agence soient contre-productives. Le « respect des prescriptions de sûreté » semble aussi aller de soi, de même que la « protection des informations relevant de la vie privée des personnes », principe auquel les écologistes sont très attachés.
Pourquoi en revanche opposer, dans l’alinéa 4 de cet article, la « protection des informations exclusives ou sensibles du point de vue industriel ou commercial » à la mission de vérification internationale ?
Rappelons que la compétence de l’Agence en matière de vérification internationale relève de la sécurité des personnes. Un enjeu de protection d’informations industrielles ou commerciales, même sensibles, ne peut en aucun cas y être supérieur. Cette objection, selon nous, n’a donc pas lieu d’être.
Au travers de cet amendement, le groupe écologiste entend donc confirmer le principe selon lequel un motif d’ordre commercial ne peut en aucun cas être supérieur à l’objectif de maintien de la sécurité des personnes et de l’environnement. §
Cet amendement concerne le c de l’article 13, qui prévoit de limiter l’accès et les modalités de contrôle de l’Agence afin de protéger des informations exclusives ou sensibles du point de vue industriel ou commercial. Cette exclusion est pourtant tout à fait conforme au texte de l’article 7, alinéa a du protocole additionnel.
Cet alinéa prévoit : « À la demande du pays signataire, l’Agence prend des dispositions afin de réglementer l’accès en vertu du présent protocole pour empêcher la diffusion d’informations sensibles du point de vue de la prolifération, pour respecter les prescriptions de sûreté ou de protection physique ou pour protéger des informations exclusives ou sensibles du point de vue commercial. Ces dispositions n’empêchent pas l’Agence de mener les activités nécessaires pour donner l’assurance crédible qu’il n’y a pas de matières et d’activités nucléaires non déclarées dans l’emplacement en question, y compris pour résoudre toute question concernant l’exactitude et l’exhaustivité des renseignements visés à l’article 2 ou toute contradiction relative à ces renseignements. »
Cette limitation aux informations sensibles du point de vue industriel ou commercial me paraît donc totalement justifiée. Voilà pourquoi, malgré l’importance que le groupe écologiste accorde à cet amendement, nous émettons sur celui-ci un avis défavorable.
Pour les raisons qui viennent d’être évoquées, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
(Non modifié)
Au cours de la vérification internationale, les inspecteurs de l'Agence, les accompagnateurs et, le cas échéant, les autres personnes désignées par le juge en application de l'article 12, se conforment aux prescriptions de sécurité, de sûreté nucléaire et de radioprotection en vigueur dans les lieux auxquels il leur est donné accès.
Le chef de l'équipe d'accompagnement veille au respect de ces prescriptions, en liaison avec l'exploitant soumis à la vérification internationale et sur la base des informations que celui-ci lui communique.
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Le présent amendement a pour objet de replacer les obligations édictées par les textes dans le domaine de la sûreté nucléaire ainsi qu’en matière de santé et de sécurité au travail sur la seule personne de l’exploitant de l’installation concernée, exerçant par ailleurs les fonctions de chef d’établissement ou d’entreprise, et d’éviter ainsi que les responsabilités corrélatives ne soient en tout ou partie indûment reportées sur le chef de l’équipe d’accompagnement.
L’amendement du Gouvernement est motivé par des considérations tout à la fois juridiques et pratiques. Sur un plan juridique, les arguments reposent sur la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, à laquelle il a été fait allusion. Sur un plan pratique, l’accompagnement pourrait être effectué notamment par un personnel de l’IRSN ou du comité technique Euratom ; il pourrait alors ne pas disposer de tous les éléments lui permettant de veiller au respect des prescriptions.
Aussi, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 14 est adopté.
Les membres de l’équipe d’accompagnement et, le cas échéant, les autres personnes désignées par le juge en application de l'article 12, sont tenus de garder secrète toute information dont ils sont dépositaires soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, soit en raison de l'application de la présente loi. –
Adopté.
Le chef de l'équipe d'accompagnement, s'il a connaissance d'informations sensibles telles que mentionnées à l'article 13, prend, en liaison avec la Personne, toutes dispositions pour empêcher leur diffusion et assurer leur protection. –
Adopté.
(Non modifié)
Le chef de l'équipe d'accompagnement s'assure qu'aucun document, prélèvement, donnée, ou autre type d'information sans rapport avec les raisons de la demande d'accès n'est rendu accessible aux inspecteurs de l'Agence. Il veille à ce qu'aucune information nominative relative à la vie privée des personnes ne soit communiquée aux inspecteurs de l'Agence. –
Adopté.
(Non modifié)
Sous réserve que les dispositifs de transmission protègent la confidentialité des informations, les inspecteurs de l'Agence peuvent librement communiquer avec le siège et les bureaux régionaux de l'Agence ou transmettre à ceux-ci, automatiquement ou non, des informations fournies par les dispositifs de confinement et de surveillance ou de mesure tels que ceux mis en place dans les installations ou parties d'installations désignées, conformément au paragraphe a de l'article 78 de l'accord de garanties, comme devant faire l'objet d'inspections périodiques de l'Agence. –
Adopté.
TITRE IV
DISPOSITIONS PÉNALES
CHAPITRE IER
Sanctions pénales
Le fait de ne pas transmettre à l’Autorité administrative les renseignements et informations mentionnés aux articles 2 à 6 est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 €. –
Adopté.
Le fait de faire obstacle à l'accomplissement de la vérification internationale ou de l’inspection internationale par les inspecteurs de l'Agence autorisée par le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué est puni de deux ans à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 € à 200 000 €.
L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le fait de faire obstacle à l’accomplissement de la vérification internationale ou de l’inspection internationale autorisée par le président du tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l’article 12 de la présente loi est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 euros.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Nous proposons de supprimer les mots : « par les inspecteurs de l’Agence » dès lors que l’inspection internationale mentionnée à l’article 12 peut être menée en application du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique et n’impliquer aucun inspecteur de l’AIEA.
Il est également proposé de supprimer les mots : « ou du juge délégué par lui », comme ils l’ont été au travers de l’amendement que nous avons présenté à l’article 12.
Afin de rester en cohérence avec les principes du code pénal, les seuils de peine d’emprisonnement et d’amende ont été supprimés. Par ailleurs, le plafond d’emprisonnement devrait être ramené à deux ans, ce qui correspond au plafond d’emprisonnement applicable en cas d’entrave à l’exercice du contrôle national des matières et installations nucléaires – article L. 1333–12 du code de la défense.
Notre objectif, lorsque nous avions modifié le texte le 4 juin dernier, était de durcir les sanctions.
En tant que rapporteur, et la commission m’avait suivi, je partais du principe qu’il est plus grave de refuser une inspection que de ne pas déclarer ses activités, car ce refus signifie que l’on peut cacher quelque chose ou que l’on ne veut pas transmettre certains éléments.
C’est la raison pour laquelle nous avions adopté un élargissement de la peine maximale d’emprisonnement dans cette fourchette de deux à cinq ans et de l’amende maximale dans la fourchette de 75 000 à 200 000 euros.
Le Gouvernement nous propose de revoir ce dispositif.
Je crois que les deux premières raisons évoquées dans l’objet du présent amendement sont tout à fait justifiées.
L’inspection internationale peut en effet être menée en application du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique et n’impliquer aucun inspecteur de l’AIEA. Il convient donc de supprimer cette mention.
Il en va de même pour la référence au juge délégué par lui, qui est la procédure de droit commun. Nous sommes d’accord sur ce point.
En revanche, on pourrait être plus réservé sur le fait de prévoir deux ans d’emprisonnement. Notre intention était bien d’adopter une mesure dissuasive. Toutefois, en demandant au Gouvernement que toute la sévérité requise soit employée, nous sommes sensibles à l’argument de cohérence avec des principes du code pénal et des dispositions du code de la défense. Nous protestons souvent contre la complexité juridique de l’amoncellement de dispositions différentes. Un peu de cohérence rend la loi et son application sans doute plus lisibles.
C’est pourquoi la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée.
L'amendement est adopté.
(Non modifié)
Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents des douanes peuvent rechercher et constater les infractions aux prescriptions de la présente loi ainsi qu'aux dispositions réglementaires prises pour son application. Les agents des douanes agissent à l'occasion des contrôles qu'ils effectuent en application du code des douanes et disposent des pouvoirs d'investigation qui leur sont conférés par ce code.
À l'occasion de la recherche de ces infractions, les officiers et agents de police judiciaire et les agents des douanes peuvent se faire présenter les pièces justificatives des déclarations prévues aux articles 2 à 6. –
Adopté.
(Non modifié)
Sans préjudice des dispositions pénales dont l'application serait justifiée par la nature des informations en cause, le fait, pour une personne mentionnée à l'article 15, de révéler une information protégée au titre de la présente loi est puni des peines prévues par l'article 226–13 du code pénal. –
Adopté.
CHAPITRE II
Responsabilité pénale des personnes morales
(Non modifié)
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121–2 du code pénal, des infractions prévues aux articles 19, 20 et 22.
Les peines encourues pour les personnes morales sont :
1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131–38 du code pénal ;
2° Les peines prévues aux 2° et 9° de l'article 131–39 du code pénal. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131–39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. –
Adopté.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER ET DISPOSITIONS DIVERSES
CHAPITRE IER
Dispositions générales relatives à l’Outre-mer
Sous réserve des dispositions de l'article 25, la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. –
Adopté.
(Non modifié)
Pour l'application de la présente loi à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mots : « tribunal de grande instance » sont remplacés par les mots : « tribunal de première instance ». –
Adopté.
CHAPITRE II
Dispositions diverses
(Non modifié)
Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente loi –
Adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Le projet de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (projet n° 502 [2011 2012], texte de la commission n° 471, rapport n° 470).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, dite convention OSPAR, a été signée à Paris le 22 septembre 1992. Elle est née de la fusion de la convention d’Oslo en 1972, traitant de la prévention de la pollution marine par les opérations d’immersion et de la convention de Paris traitant des rejets d’origine tellurique.
Ratifiée par tous les États riverains de l’Atlantique du Nord-Est – Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède et Islande – auxquels il faut ajouter le Luxembourg, la Finlande, la Suisse et la Communauté européenne, elle est entrée en vigueur en mars 1998.
L’objet de cette convention dédiée à la prévention de la pollution marine est de fédérer les moyens de connaissance et d’action des parties contractantes pour assurer, dans un esprit de développement durable, la meilleure conservation possible de l’espace marin couvert par la convention, qui représente 13, 5 millions de kilomètres carrés, soit 4 % des océans de la planète.
Jusqu’en 2007, la convention OSPAR ne prenait pas en compte les nouveaux enjeux environnementaux en matière de climat et, par extension, le caractère stratégique en Europe, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, des capacités de stockage de CO2 d’origine anthropique du sous-sol de l’Atlantique Nord-Est, historiquement exploité par la Norvège et le Royaume-Uni pour en extraire des ressources pétrolières et gazières.
Or la lutte contre le changement climatique est un enjeu crucial du XXIe siècle, qui passe avant tout par le déploiement des énergies non carbonées, et d’abord des énergies renouvelables, par l’accomplissement d’efforts en matière d’efficacité énergétique et, en complément, par le développement de technologies spécifiques telles que le captage à la source et le stockage des flux de CO2 en grande partie responsables de l’évolution du climat.
En Europe, la région de la mer du Nord, d’une part, rassemble de gros émetteurs de CO2, notamment dans le secteur de la production d’électricité et, d’autre part, recèle des capacités de stockage abondantes et connues sous la mer. Ces capacités sont suffisantes pour stocker, pendant des décennies, une large part des émissions des pays développés qui l’entourent et font de la région, sur l’initiative de la Norvège, une pionnière dans le déploiement des technologies de captage et de stockage de CO2.
Face à ces nouveaux enjeux, la convention OSPAR a fait l’objet de modifications lors de la réunion annuelle de la commission OSPAR qui s’est tenue à Ostende, en Belgique, du 25 au 29 juin 2007.
Ces modifications adoptées par consensus le 27 juin 2007 autorisent sous condition le stockage sûr et pérenne des flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin.
Elles déclinent les amendements apportés en 2006 au protocole de Londres de 1996 et à la convention de 1972, afin d’autoriser et de réglementer le stockage des flux de CO2 issus de procédés de captage dans les formations géologiques du sous-sol marin.
Les amendements visés, qui tendent à fixer un cadre légal pour la mise en œuvre de cette technologie qui contribue à la lutte contre le changement climatique, tout en apportant des garanties de protection pour le milieu marin de l’Atlantique Nord-Est, font l’objet du projet de loi de ratification soumis à votre approbation.
L’annexe II concerne la prévention et la suppression de la pollution par les opérations d’immersion et d’incinération.
Quant à l’annexe III, elle a trait à la prévention et la suppression de la pollution provenant de sources offshore telles que les plates-formes d’exploitation des hydrocarbures.
Je veux rappeler, pour y insister, un élément central de notre débat, qui rejoint une préoccupation centrale de M. le rapporteur exprimée en commission des affaires étrangères. La ratification de ces amendements n’autorise pas, , la mise en exploitation de sites de stockage. Elle établit en revanche un socle contraignant sur lequel reposent les décisions et lignes directrices OSPAR, qui visent à garantir que les stockages seront pérennes et sûrs et n’entraîneront pas d’effets contraires pour le milieu marin, la santé de l’homme et les autres utilisations légitimes de la zone maritime. Les contrôles sont nombreux.
Au premier rang, les amendements étudiés ainsi que les décisions associées insistent sur le principe de l’autorisation préalable pour chaque site de stockage.
Les États parties ne pourront prendre la décision de délivrer un permis de stockage que si un processus d’évaluation et de gestion des risques complet et probant a été réalisé à la satisfaction de l’autorité compétente de l’État concerné.
Bien entendu, la convention prévoit qu’aucun déchet ni aucune substance ne soient ajoutés au flux de CO2 en vue de leur élimination.
L’autorisation d’exploitation qui serait éventuellement délivrée devrait être conforme aux lignes directrices OSPAR pour l’évaluation et la gestion des risques du stockage des flux de CO2 dans les structures géologiques.
Ces lignes directrices veillent à ce que soit prise en compte, préalablement à la délivrance du permis, notamment, la mise en place d’un plan de surveillance pendant et au-delà de la période d’injection afin de suivre la migration du CO2 dans le sous-sol et d’anticiper d’éventuelles irrégularités telles que des fuites.
Je veux souligner, pour conclure, que la conférence ministérielle de la commission OSPAR qui a eu lieu à Bergen du 20 au 24 septembre 2010 a rappelé la nécessité d’une ratification de ces amendements par les parties dans les meilleurs délais. Ces derniers ont déjà été approuvés et sont entrés en vigueur en 2011 à la faveur de leur ratification par la Norvège, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, l’Union européenne et, tout récemment, la Suède.
La France, partie contractante et État dépositaire de la convention OSPAR, a participé à la négociation de ces amendements et a approuvé leurs résultats. Elle a de surcroît autorisé l’approbation de ces amendements par l’Union européenne.
La ratification de ces amendements par la France relève tout d’abord d’une mise en cohérence des règles de droit applicables. La directive européenne du 23 avril 2009, entrée en vigueur le 25 mars 2011, qui encadre les travaux de recherche et les opérations de stockage géologique sûr et pérenne de CO2, en vue de lutter contre le changement climatique, comprend dans son champ d’application le territoire maritime couvert par la convention OSPAR.
Depuis, l’Union européenne, partie à la convention OSPAR, a ratifié ces amendements le 23 juillet 2011.
Dans ce contexte juridique, vous comprendrez donc que la ratification des amendements aux annexes II et III de la convention OSPAR permet de rétablir la cohérence juridique entre le droit communautaire et le droit international applicable en droit interne.
La ratification de ces amendements relève enfin d’une nécessaire cohérence entre les engagements et les actes de la France. En complément des mesures en faveur de l’efficacité énergétique et de la promotion des énergies renouvelables, la France souhaite que soit évalué le potentiel des technologies de captage et de stockage.
Aussi, depuis plusieurs années, elle a pu apporter son soutien à nos nombreux projets, y compris des projets pilotes de captage et d’injection de CO2 à terre.
Cela va dans le sens de l’engagement international de la France pour la lutte contre les changements climatiques.
La France, qui se propose d’accueillir la vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015, doit avoir un comportement exemplaire en la matière.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle la ratification des amendements aux annexes II et III de la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, dite OSPAR, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation. §
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, en remplacement de Mme Leila Aïchi, rapporteur.
Quinze États européens et l’Union européenne sont signataires de la convention OSPAR, qui a pour objet la préservation de l’environnement marin dans l’Atlantique du Nord-Est.
Dans sa rédaction initiale, cette convention interdisait l’immersion des déchets et autres matières. Or, récemment, le stockage du CO2 a donné lieu à de nouveaux développements, notamment sur plan géologique. La commission OSPAR a donc, par consensus, adopté des modifications au texte initial en autorisant, sous certaines conditions, le stockage sûr et permanent des flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin, tout en respectant les principes de garantie de la protection de la mer, si tant est que ces derniers puissent être toujours respectés.
Ce sont ces modifications, lesquelles prennent la forme de deux amendements, qui sont aujourd’hui soumises à l’approbation du Sénat.
Le premier amendement concerne l’annexe II de la convention, relative à la prévention et la suppression de la pollution par les opérations d’immersion ou d’incinération : au paragraphe 2 de l’article 3, dans la liste des déchets ou autres matières pouvant faire l’objet d’une autorisation d’immersion, sont ajoutés, sous certaines conditions, les flux de dioxyde de carbone résultant des processus de captage du dioxyde de carbone en vue de son stockage.
Le second amendement porte sur l’annexe III de la convention OSPAR, relative à la prévention et à la suppression de la pollution provenant de sources offshore : à l’article 3, sont ajoutés deux paragraphes qui traitent, dans les mêmes conditions que celles de l’annexe II modifiée, du stockage de CO2 à partir d’exploitations offshore.
Concrètement, comment cela se passerait-il ?
Tout d’abord, cette méthode nécessite que le CO2 soit capté sur son lieu d’émission et acheminé jusqu’à son lieu de stockage. Le transfert est assuré par canalisation, par navire, ou par combinaison de l’un et de l’autre, jusqu’à une plate-forme à partir de laquelle l’injection dans le sous-sol pourra être réalisée. Trois espaces de stockage géologique sont possibles : premièrement, les gisements d’hydrocarbures matures, deuxièmement, les aquifères salins profonds et, troisièmement, les veines de charbon inexploitées.
Le stockage doit préalablement faire l’objet d’un permis pour une formation géologique précise et pour une qualité de flux de CO2 clairement identifiée. La qualité de ce flux doit répondre à des contraintes réglementaires : il doit être majoritairement composé de dioxyde de carbone, et aucun déchet ni aucune autre matière ne peut y être ajouté en vue de son élimination.
En Europe, les projets de stockage offshore concernent essentiellement la mer du Nord, dans des formations géologiques ayant contenu des hydrocarbures et dans des aquifères profonds. En Norvège, les projets opérationnels de Snøhvit et de Sleipner permettent respectivement de stocker annuellement environ 0, 7 mégatonne et une mégatonne de CO2.
Cette technique est récente, et le recul dont nous disposons n’est donc pas très significatif. Néanmoins, les études réalisées en la matière s’accordent à conclure que plusieurs tonnes de CO2 pourraient être épargnées à l’atmosphère grâce à cette technique – 30 % à 40 % selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, 20 % des réductions d’émissions de dioxyde de carbone mondiales souhaitées d’ici à 2050 selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA. En termes de capacités de stockage, on parle de gigatonnes disponibles pour le stockage du CO2.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’un remède miracle : ne croyez pas que j’en sois rendu là ! Des limites et interrogations existent : outre des coûts pour l’heure peu attractifs, la principale interrogation est celle des possibles fuites de CO2, car même si le processus est très surveillé, il n’est pas pour autant exempt de risques !
Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons bien conscience que ce procédé masque plus qu’il ne résout réellement le problème du changement climatique.
Néanmoins, il est indéniable que la lutte contre les émissions de CO2 doit demeurer une priorité nationale et internationale. Toute mesure allant dans ce sens doit donc être encouragée.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est très favorable à cette approbation. Nos discussions en commission, qui ont suivi l’exposé de notre rapporteur, Mme Leila Aïchi, l’ont montré : la grande majorité de ses membres considèrent cette possibilité comme une avancée et l’ont saluée. C’est pourquoi la commission vous recommande, mes chers collègues, d’autoriser la ratification de cette convention. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en ce début de soirée autorise l’approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques.
Nous allons donc nous prononcer sur ce qui semble être, de prime abord, une simple convention internationale. Pourtant, et notamment à la vue des enjeux introduits par les amendements aux annexes II et III de la convention, il s’agit d’un sujet majeur, et ce moins par la dimension diplomatique que par l’impact environnemental que ces amendements sont susceptibles d’engendrer.
Si l’on peut se réjouir que cette convention soit examinée dans le cadre d’une procédure normale – et non simplifiée –, je regrette qu’elle n’ait été abordée que sous l’angle du ministère des affaires étrangères – avec tout le respect que je lui dois – et, aujourd’hui, en présence de Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
En effet, cette convention touche d’abord et avant tout la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est. Cette zone de 13, 5 millions de kilomètres carrés est aussi sensible – c’est un euphémisme – que stratégique, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, géographiquement, les pays riverains de cette zone, tels le Canada, le Danemark, la Norvège, la Russie et les États-Unis, sont engagés dans une coopération destinée à empêcher toute internationalisation des enjeux arctiques.
De son côté, l’Union européenne a défini une politique fondée sur ces trois axes majeurs que sont la protection et la préservation de l’Arctique, la promotion de l’exploitation durable, en accord avec les populations locales, et la contribution à une meilleure gouvernance.
Stratégiquement parlant, il n’aura échappé à personne qu’en termes de ressources énergétiques l’Arctique est et sera de plus en plus convoitée, à mesure que les ressources en énergies fossiles diminueront. Les réserves pétrolières de cette zone représenteraient 13 % des ressources mondiales encore non découvertes, et les réserves de gaz naturel atteindraient 30 % de ces ressources mondiales. Elles sont situées essentiellement en Russie et en Alaska.
En matière environnementale, l’Arctique est unique sur le globe, de par sa composition physique qui fluctue entre l’hiver et l’été. L’hiver, la moitié de sa superficie est composée de la banquise. Or, depuis les années 2000, on observe que la fonte des glaces augmente considérablement et que la banquise se réduit considérablement. Entre 1979 et 2000, la superficie de la banquise est passée de 6, 5 à 3, 4 millions de kilomètres carrés. Aussi, la fonte des glaces en été se révèle désormais plus importante que la reconstitution de la banquise en hiver.
Au sujet de ce phénomène, on a assisté à de nombreuses polémiques, opposant de nombreux experts. Certains d’entre eux vont jusqu’à prétendre que ces bouleversements sont totalement indépendants des émissions de gaz à effets de serre.
Certes, nous ne sommes pas là pour consacrer un débat de fond à cette question, car nous ne sommes ni des scientifiques, ni des climatologues, ni des océanographes. Mais nous n’en devons pas moins assumer les responsabilités qui résultent des choix politiques que nous soutenons.
Pour ma part, je me contenterai d’observer les faits, car eux sont là : on ne peut nier que cette résorption importante de la banquise est plus qu’inquiétante. À cet égard, je me référerai au discours, si souvent cité, qu’a prononcé Jacques Chirac en septembre 2002 lors du Sommet de la Terre à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
Cette fonte de la banquise met en péril un écosystème des plus fragiles, unique par sa diversité végétale et animale. Rappelons-nous que c’est pour lutter contre ces phénomènes qu’a été conclue, en 1972, la convention d’Oslo pour la prévention de la pollution marine par les opérations d’immersion. En 1974, son champ d’action a été élargi aux rejets d’origine tellurique et à l’industrie pétrolière par la convention de Paris.
La convention OSPAR de 1992, c’est – passez-moi l’expression – la fusion et l’actualisation de ces deux conventions. C’est la coopération de quinze États du bassin versant de l’Atlantique du Nord-Est et de l’Union européenne destinée à protéger cette zone. Toutefois, selon moi, il est important de nous rappeler que cette zone représente non pas un « poumon vert » de la planète mais un « poumon blanc » pour l’humanité, parce que l’Atlantique nord absorbe le dioxyde de carbone atmosphérique, en particulier les émissions issues des activités humaines. En effet, l’Atlantique nord constitue une zone de stockage naturel du CO2 anthropique.
Selon une récente étude franco-espagnole menée conjointement par le CNRS et l’Instituto de Investigaciones Marinas, l’Atlantique nord constitue aujourd’hui l’un des principaux réservoirs de CO2 anthropique.
Pour comprendre le mécanisme de « stockage naturel », il est impératif de prendre en compte la circulation océanique entre les hémisphères Nord et Sud. L’absorption du CO2 s’opère grâce aux courants qui transportent en surface les eaux chaudes vers les hautes latitudes, et en profondeur les eaux froides vers le sud. Les scientifiques nomment « circulation atlantique méridienne » ce mécanisme qui crée un puits océanique de carbone.
Or cette circulation permettant l’absorption de nos émissions de CO2 subit un fort ralentissement, ce qui contribue au réchauffement climatique.
Ainsi, mes chers collègues, vous me permettrez d’exprimer une certaine perplexité quant à ce projet de loi…
… qui amende une convention censée à l’origine protéger ce « poumon blanc » qu’est cette zone de l’Atlantique Nord-Est.
En effet, initialement, l’annexe II de la convention tendait à supprimer les pollutions produites par les opérations d’immersion ou d’incinération en mer de déchets et d’autres matières, et l’annexe III tendait à supprimer les pollutions de source offshore. Enfin, l’ajout à l’annexe V interdisait l’immersion de déchets en mer.
Or, depuis 2007, des négociations ont été engagées quant à la possibilité de stocker les flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol sous-marin. Ces discussions se fondent sur les avancées technologiques concernant les possibilités de stockage du CO2. La première méthode repose sur le transport par canalisations à l’état liquide nécessitant des installations de compression sur le site d’émission et de captage avant expédition du CO2 capté par canalisation. Aussi, la qualité du flux doit être majoritairement constituée de dioxyde de carbone.
Le transport est effectué par navire à l’état liquide du CO2 après son acheminement par canalisation vers un terminal portuaire. Ce mode est utilisé pour les très longues distances.
Or il est capital que ces navires, de type semi-pressurisé et dont les caractéristiques sont proches de celles des grands pétroliers, offrent des garanties maximales en matière de sécurité.
Les exemples de pollutions marines suite à des naufrages ne manquent pas. Cela doit nous inspirer la plus grande prudence et la plus grande rigueur. Le naufrage du navire indien MOL Comfort, le 20 juin dernier, alors qu’il transportait 1 700 conteneurs, dont 1 500 tonnes de fioul de propulsion, en constitue un exemple de plus, illustrant la vétusté de bon nombre des porte-conteneurs ou des supertankers affrétés par des armateurs qui ne respectent pas toujours les normes et la législation en matière de sécurité et de contrôle.
Moins récemment, mais de manière plus catastrophique, le naufrage de l’Erika et le procès qui a suivi nous rappellent que les risques écologiques méritent que l’on travaille véritablement à mettre en place des politiques rigoureuses, notamment en matière de sécurité.
Le premier amendement à la convention concerne l’annexe II de la convention relative à la prévention et à la suppression de la pollution par les opérations d’immersion ou d’incinérations. À l’article 3, paragraphe 2, les flux de CO2 résultant des processus de captage du CO2 en vue de son stockage sont ajoutés à la liste des déchets ou autres matières pouvant faire l’objet d’une autorisation d’immersion.
Le second amendement porte sur l’annexe III de la convention OSPAR relative à la prévention et à la suppression de la pollution provenant de sources offshore. Est ajouté à l’article 3, paragraphe 2, le stockage de CO2 à partir d’une exploitation offshore.
Parallèlement, le texte précise que des autorisations spécifiques seront accordées, et que les opérateurs seront tenus de vérifier la qualité des flux de CO2 injectés dans les structures géologiques. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car c’est un minimum compte tenu des risques d’infiltration et de fuites qui pourraient intervenir.
Je sais, mes chers collègues, que certains pays parties à la convention, en particulier le Royaume-Uni et les Pays-Bas, développent des programmes de stockage en mer du Nord. L’Union européenne, depuis 2000, finance également 49 projets dans le cadre de ses programmes de recherche et développement. Des projets similaires ont reçu le feu vert de l’administration Obama, lesquels promettent un stockage équivalant à 500 années d’émission de CO2.
Je suis consciente que ces programmes sont aussi des moteurs pour l’innovation et de futurs marchés, dont nous ne pouvons nous désintéresser.
Toutefois, je souhaite que ces nouveaux procédés de stockage de déchets ne soient pas un « bon à polluer davantage ». Ces technologies nous offrent aujourd’hui un sursis. Celui-ci doit nous conduire à nous engager chaque jour un peu plus non pas dans le développement d’énergies renouvelables, mais dans la production effective d’énergies non polluantes.
Cependant, alors que, dans cette assemblée, nous avons adopté en mai dernier l’inscription du préjudice écologique dans notre droit commun, il ne s’agirait pas de jouer aux apprentis sorciers, pour reprendre l’expression de l’un de mes collègues lors du vote en commission.
Aussi, vous me permettrez d’exprimer quelques regrets. Alors que notre assemblée législative a accueilli, en 2011, un groupe parlementaire animé par la défense de l’écologie et que, par ailleurs, nous avons désormais une commission dédiée au développement durable, peut-être aurait-il été judicieux que cette commission soit saisie pour avis, même s’il s’agit d’une convention internationale, d’autant plus que » ce texte n’était pas soumis à la procédure simplifiée.
Sur un tel sujet, lourd de tels enjeux, il me paraît primordial que le Parlement puisse être informé le mieux possible. Notre commission travaille beaucoup, sur de multiples sujets, et je tiens en remercier le président Carrère. Elle ne peut cependant couvrir et traiter tous les enjeux de ce texte. Je trouve donc dommageable que les spécialistes de la commission du développement durable de notre assemblée ne se soient pas saisie des questions que pouvait soulever ce projet de loi.
Bien sûr, beaucoup me répondront qu’une étude d’impact a été réalisée par le ministère des affaires étrangères et européennes en 2012, et que les ordres du jour sont saturés. Mais, quitte à débattre, nous aurions pu le faire d’une façon différente, qui aurait fait honneur à la Haute Assemblée.
Enfin, si le groupe UMP votera ce texte, nous souhaiterions obtenir quelques informations complémentaires du Gouvernement. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure ce texte souscrit au principe de précaution qui prévaut dans notre droit commun ? De même, dans quelles mesures ces futurs stockages seront-ils contrôlés par les instances internationales ? Enfin, et parce que, pour les responsables politiques que nous sommes, il importe autant de prévoir que de guérir, quelles sont les modalités prévues en cas de fuite de CO2 dans les structures géologiques ?
Je vous remercie dès à présent de vos réponses et vous confirme le vote positif du groupe UMP. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si je suis une experte, mais je fais partie de la commission du développement durable…
La convention OSPAR, signée par la France en 2004, a pour objet la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est. Elle a été ratifiée par tous les pays riverains et, plus généralement, l’ensemble de la Communauté européenne.
Cette convention a ainsi permis utilement de fédérer les moyens de connaissance et les actions de ces pays, afin d’assurer la meilleure conservation possible de cet espace marin unique et précieux, dans une perspective de développement durable. Les sénateurs du groupe CRC soutiennent pleinement cet objectif.
Cependant, il est question aujourd’hui d’amender cette convention afin de garantir la possibilité de mise en œuvre de procédés de captage-stockage de CO2, qui n’était pas autorisée initialement lors de la signature de cette convention.
Pour tout dire, nous sommes extrêmement réservés sur une telle possibilité. Nous sommes tout d’abord dubitatifs sur la forme, parce que ce projet, qui émane du précédent gouvernement, n’a pas, depuis, fait l’objet d’une nouvelle expertise approfondie, au regard, notamment, de l’évolution des savoirs dans ce domaine.
De plus, l’adoption d’un tel texte intervient dans une actualité particulière, voire sensible, en ce qui concerne la gestion des ressources du sous-sol. En effet, alors que la pression des lobbies autour de la reprise de l’exploitation des hydrocarbures de roche bat son plein, nous attendons la réforme annoncée du code minier, censée assurer une meilleure préservation de notre sous-sol.
Il semble donc, même si son objet est spécifique et relève de conventions internationales, que le présent projet de loi s’insère dans une problématique plus large, extrêmement sensible. Nous aurions ainsi souhaité que l’ensemble de ces questions fassent l’objet d’un examen concomitant permettant d’avoir une vision globale et cohérente.
Enfin, sur le contenu même de ces amendements à la convention OSPAR, nous ne pouvons qu’exprimer une grande réserve.
La méthode suscite, en effet, un certain nombre de questions, comme en témoignent les prises de positions diverses des experts, des écologues ainsi que des ONG. Notons également que l’ADEME a rendu, le 19 mars dernier, un avis particulièrement réservé, dans lequel elle fait part des incertitudes concernant les risques et les impacts environnementaux et sanitaires à maîtriser, et s’interroge sur les capacités réelles de stockage géologique.
Nos interrogations sont de trois ordres.
Tout d’abord, cette technique est récente.
De fait, cette technologie de captage-stockage ne sera disponible à grande échelle qu’en 2030, au plus tôt.
En attendant, que se passe-t-il ? Pour nous, cet horizon est bien trop lointain, au regard de l’urgence climatique. Nos émissions de gaz à effet de serre doivent en effet baisser à partir de 2015. Si nous voulons limiter à deux degrés le réchauffement du climat, cela implique, selon les experts du GIEC, une stabilisation des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2015, suivie d’une réduction de 50 % d’ici à 2050. Dans ce cadre, le stockage n’apparaît pas comme une véritable solution prometteuse.
D’abord, cette technologie est trop énergivore. Le captage et le stockage du carbone consomment en effet une quantité importante d’énergie. Pour compenser ces pertes, il faudrait, par exemple, construire de nouvelles centrales thermiques. §Nous nous trouvons donc dans une spirale qui, sous couvert d’objectifs louables, contribue en réalité à produire des émissions de gaz carbonique.
Ensuite, le captage et le stockage sont trop coûteux. Force est de constater que les sommes colossales investies dans la recherche sur le développement de ces nouvelles technologies seraient en réalité plus utiles si elles étaient consacrées au développement des énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique.
Il est particulièrement révélateur, à ce titre, que les pétroliers préfèrent investir dans les projets de recherche concernant ces techniques, plutôt que dans le développement de nouvelles énergies propres. Il ne faudrait pas que le captage-stockage de CO2 contribue, en réalité, à rendre plus acceptable sur le plan environnemental des activités industrielles polluantes.
Enfin, cette technologie est trop risquée. Ce n’est pas un point mineur, il est impossible de garantir un stockage sûr et permanent du CO2. Les risques de fuites existent, même si personne ne peut les quantifier avec précision aujourd’hui.
Il est certain que toute fuite, y compris en milieu marin, aura des conséquences sur l’environnement, le climat et la santé humaine. Certains évoquent des destructions d’écosystèmes, d’autres une accélération de l’acidification des océans... §En tout cas, cette technique est simplement contraire à l’idée même de la convention OSPAR, dont l’objectif est la protection des milieux marins.
Plusieurs rapports ont estimé que le développement d’une filière de captage et stockage du carbone ralentissait la transition énergétique dans la mesure où cette méthode « conforte aussi l’utilisation des énergies carbonées dans les pays qui les importent ».
Une fois de plus, nous laissons faire et ensuite nous tenterons de réparer. Prévenir plutôt que réparer, telle devrait être notre conduite en toute circonstance, singulièrement dans une démarche de développement durable.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe CRC s’abstiendront sur ce projet de loi. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre le réchauffement climatique, et donc contre les émissions de CO2, est et doit demeurer une priorité nationale et internationale. Personne ici, je crois, ne dira le contraire.
C’est pourquoi, en complément du développement des énergies non carbonées et des efforts en matière d’efficacité énergétique, les techniques de captage et de stockage du dioxyde de carbone peuvent jouer un rôle important et ne doivent pas être négligées.
Aussi, dans le prolongement des accords internationaux conclus dans ce domaine, et en cohérence avec eux, des initiatives visant à soutenir la filière de captage et de stockage de CO2 ont vu le jour au niveau européen et en France.
La convention OSPAR, pour Oslo Paris – il m’a fallu du temps pour résoudre cette énigme ! §–, dont la France est signataire, avec quinze pays européens, a pour but de protéger le milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est.
Ratifiée le 22 septembre 1992 et entrée en vigueur le 25 mars 1998, elle a été l’objet d’une adaptation progressive visant à prendre en compte les nouveaux enjeux de la lutte pour la protection de l’environnement.
La commission OSPAR a souhaité rendre possible l’enfouissement des flux de CO2 d’origine anthropique dans les importantes capacités qu’offrent les sous-sols de l’Atlantique du Nord-Est. Les modifications apportées au texte initial, et adoptées par consensus par la commission OSPAR, autorisent donc leur stockage sûr et permanent dans les structures géologiques du sous-sol marin.
C’est sur les deux amendements relatifs aux annexes II et III de la convention OSPAR que nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui.
Il s’agit d’une avancée importante, qui offre une solution durable aux problèmes de stockage des gaz à effet de serre. En effet, les études menées par le gouvernement écossais et des industriels norvégiens font état de très larges capacités de stockage, permettant d’accueillir les émissions de CO2 sur plusieurs décennies. En Europe, les projets Snøhvit et Sleipner sont déjà opérationnels dans la mer du Nord et permettent de stocker annuellement environ une mégatonne de CO2.
À l’heure actuelle, la France ne fait pas partie des pays disposant des ressources de stockage les plus importantes et accessibles. Elle ne sera donc probablement pas la première bénéficiaire des retombées de ces projets. Pour autant, les enjeux économiques n’en sont pas moins importants. Car nombre d’entreprises françaises sont considérées comme des partenaires incontournables dans le domaine de la fabrication des procédés de captage du CO2 ou de l’expertise géologique. Elles ne doivent pas être oubliées.
Par ailleurs, au regard des considérations écologiques d’acidification des océans en cas de fuite, le projet de loi n’offre pas un « chèque en blanc » aux industriels. Il prévoit des garde-fous : toute autorisation d’injection s’accompagne d’un programme de surveillance mis en place par l’opérateur et contrôlé par une autorité administrative indépendante. Le stockage doit préalablement faire l’objet d’un permis pour une formation géologique précise et pour une qualité de flux de CO2 clairement identifiée. Cette qualité doit répondre à la contrainte réglementaire selon laquelle le flux doit être majoritairement composé de dioxyde de carbone : aucun déchet, ni aucune autre matière ne peut y être ajouté en vue de son élimination. Ce texte est donc créateur d’un cadre juridique strict et protecteur en matière de stockage offshore du CO2.
Néanmoins, il faut le reconnaître, le projet de loi ouvre une possibilité supplémentaire de stockage qui demeure peu intéressante, économiquement parlant, à l’heure actuelle. Malgré des coûts difficilement évaluables, le surcoût d’une chaîne complètement offshore serait, selon une étude menée par la Zero Emissions Platform, de l’ordre de quarante et un euros par tonne de CO2, quand l’émission d’une tonne se facture environ cinq euros sur le marché du carbone. Le différentiel est important. Cependant, tout laisse à penser que le prix de la tonne de CO2 sur le marché augmentera dans les années à venir. §On va donc ouvrir les possibilités de stockage sous-marin, permettant de créer un cadre juridique stable, ce qui est nécessaire pour engager les projets de recherche et développement, bref pour préparer l’avenir, anticiper et rester compétitifs dans le futur.
Dans ces conditions, sortons de l’orthodoxie, qui nous paralyse, nous tétanise et, surtout, nous fait prendre un retard considérable que nous paierons – cher, très cher – le moment venu.
Mes chers collègues, nos sous-sols offrent des solutions énergétiques nombreuses, qui – il ne s’agit évidemment pas de nier les risques que peuvent présenter certaines techniques – méritent de faire l’objet d’un débat dépassionné concernant leur utilisation, a fortiori si l’indépendance énergétique demeure un enjeu stratégique pour notre pays.
C’est bien dans une telle perspective que se situe la question présente du traitement des gaz à effet de serre. C’est pourquoi les membres du RDSE apporteront leur soutien au projet de loi. §
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, en tant qu’écologiste, je ne vous étonnerai pas en vous disant que la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète sont des enjeux fondamentaux devant guider toutes les grandes décisions que nous avons à prendre.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a trait à la convention OSPAR, dont l’objet est la préservation de l’environnement marin dans l’Atlantique du Nord-Est. Il est à noter que le champ d’application géographique de la convention englobe la majeure partie de l’Atlantique du Nord-Est et donc une partie de la zone Arctique, un milieu particulièrement fragile, qu’il convient de protéger prioritairement. Plus de 13 millions de kilomètres carrés, soit 25 fois la surface de la France, sont concernés.
Dans sa version initiale, la convention interdisait l’immersion en mer des déchets et autres matières. Or, comme cela a été rappelé, les développements technologiques en matière de stockage, notamment géologique, de CO2 ont poussé la commission OSPAR à autoriser, sous certaines conditions, « le stockage sûr et permanent des flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin ».
L’enjeu du vote de ce soir est donc d’autoriser ou pas le captage et le stockage du carbone – CSC– dans le sous-sol de la mer du Nord à partir d’exploitations offshore.
Concrètement, cela signifie qu’il faudra capter le CO2 sortant des cheminées des centrales installées sur terre, en faire un flux concentré, qui sera ensuite transporté, via des gazoducs ou d’autres équipements divers, jusqu’à des sites de stockage en profondeur dans l’espace maritime.
Si la lutte contre le changement climatique justifie que soient sérieusement étudiées les potentialités de cette technologie, il faut aussi relever que l’industrie minière prône activement la généralisation d’une telle technologie pour justifier la construction de nouvelles centrales thermiques au charbon.
Soyons donc prudents et accordons-nous pour reconnaître que cette technologie est encore très immature.
Trop peu d’études existent sur les effets de chacune des quatre étapes nécessaires, à savoir le captage, le transport, l’injection et le stockage.
Certes, et M. le président Carrère l’a rappelé, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, estime que plusieurs tonnes de CO2 pourraient être épargnées à l’atmosphère grâce à cette technique : cela représenterait potentiellement jusqu’à 30 % à 40 % des émissions globales de CO2. Pour sa part, l’Agence internationale de l’énergie parle, et ce n’est pas contradictoire, d’un potentiel de captation de 20 % des émissions de dioxyde de carbone mondiales d’ici à 2050.
Cependant, ce que ces études n’évoquent pas, ce sont les risques, pourtant bien réels, que la technologie comporte. En l’état, ils nous semblent peu acceptables.
Géologiquement, la taille particulièrement vaste des cavités qui seraient employées pour le stockage, notamment des anciennes cavités de forage pétrolier ou gazier sous-marins, ne permet pas de garantir leur étanchéité. Une fuite massive de CO2 entraînerait l’acidification des eaux et une destruction de la faune marine intégrée à l’écosystème.
Dans un tel cadre, il serait impossible de garantir un stockage sûr et permanent du CO2. Un taux de fuite, même relativement peu élevé, pourrait remettre en question tous les efforts faits en vue d’atténuer les causes anthropiques du changement climatique.
De plus, une telle technologie consomme entre 10 % et 40 % de l’énergie produite par une centrale dont on parviendrait à capter les émissions de CO2.
L’adoption du captage et stockage du carbone à grande échelle risquerait donc d’annuler les gains acquis par les efforts d’efficacité énergétique et d’accroître la consommation de matières fossiles.
Autre conséquence, et non des moindres, le coût de fonctionnement des centrales augmenterait sensiblement, faisant ainsi augmenter celui de l’électricité. Comme cela a été rappelé, le prix du carbone et du stockage carbone est particulièrement élevé.
De plus, même avec des investissements très importants, la technologie ne sera disponible à grande échelle, au plus tôt, qu’en 2030.
M. le président de la commission des affaires étrangères le conteste.
Le développement d’une filière de captage et de stockage du carbone risque ainsi de ralentir la transition énergétique que nous devons mener, en confortant l’utilisation des énergies carbonées.
En réalité, les véritables solutions pour limiter les conséquences des changements climatiques sont l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Il est possible de réduire de manière importante la demande énergétique par le biais de mesures d’économies drastiques de notre consommation d’énergie.
En outre, les potentialités des énergies renouvelables, comme le vent, les marées, la biomasse ou encore l’énergie solaire, sont loin d’avoir été pleinement exploitées à ce jour.
Vous l’aurez compris, les écologistes sont réservés quant à l’idée d’investir massivement dans une telle technologie au détriment – compte tenu du contexte budgétaire, le problème se pose en ces termes – d’une véritable lutte contre l’accroissement des émissions de CO2 résultant de l’activité humaine.
Aussi, et je tiens à le rappeler, si les écologistes ne sont pas hostiles au développement d’une recherche technologique permettant d’atténuer les effets des énergies carbonées, notre préférence va très nettement à une action réduisant celles-ci en amont, plutôt qu’à une action visant à en limiter les conséquences a posteriori. Si j’étais facétieux, je dirais qu’il ne faudrait pas qu’OSPAR devienne « OSCOUR » ! §
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du soutien apporté par, je l’espère, la majorité d’entre vous.
Je voudrais répondre à certaines interrogations et aux doutes qui ont été exprimés sur la pertinence de la technique de captage et stockage de CO2 prévue dans les amendements de la convention OSPAR.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, la convention, qui est dédiée à la prévention de la pollution marine, répond à un impératif de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique. Elle s’inscrit dans une politique globale, défendue à l’échelle européenne. Je vous rappelle d’ailleurs que l’Union européenne et de nombreux voisins de la France ont déjà ratifié ces amendements. Nous souhaitons donc – j’espère que ce souhait est partagé sur toutes les travées – que la France demeure à la pointe lors des négociations internationales sur le climat, auxquelles elle prend toute sa part. C’est pourquoi elle propose notamment la vingt et unième Conférence des parties à la convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques, en 2015.
Dans ce contexte, il ne serait pas pertinent d’opposer le développement de nouvelles technologies, comme le captage et le stockage de CO2, et la priorité accordée aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. À mon sens, ces trois éléments font partie de la même politique. Le Gouvernement, sous l’impulsion du ministère de l’écologie, poursuit sans relâche l’objectif d’un déploiement constant des énergies non carbonées.
Certains orateurs ont relevé que ces technologies n’étaient pas sans risque, en évoquant notamment les risques de fuite dans le milieu marin. La question est, je le crois, tout à fait légitime.
Cependant, plusieurs mesures contenues dans les amendements à la convention OSPAR eux-mêmes concourent à la prévention de tels risques.
D’abord, il y a une sélection du site géologique de stockage, qui repose sur des études géologiques très poussées. Ensuite, l’opérateur est tenu de faire un suivi pendant la durée des opérations de stockage, puis, au-delà de cette période, pendant des décennies, afin de s’assurer de sa stabilité ; il doit aussi constituer une garantie financière avant le début des injections. Enfin, l’État suit ces activités et peut effectuer des contrôles.
Sélection du site de stockage, surveillance permanente par l’opérateur, suivi des activités par les services de l’État et garantie financière sont des éléments clés pour prévenir les risques de fuite et, le cas échéant, en traiter les conséquences, tout en veillant à ce que les coûts incombent effectivement à l’opérateur.
Madame Garriaud-Maylam, pour la France, le dossier de demande d’autorisation est instruit par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. L’autorisation est délivrée après avis du préfet maritime par le préfet désigné par le ministre chargé des mines pour l’examen de la demande de titres. Ce préfet en assure également la surveillance administrative.
Par conséquent, au terme de la phase d’injection, qui peut durer plusieurs décennies, il y a également une période de surveillance de l’évolution de l’environnement et de la formation géologique sur plusieurs décennies. Elle est à la charge financière de l’opérateur, ce qui peut apporter une garantie supplémentaire.
Pour terminer, je vous précise qu’il n’existe à ce jour aucun projet français de stockage de CO2, même si le droit national le prévoit et le permet. En Europe, les projets de stockage offshore concernent essentiellement la mer du Nord ; M. le président Carrère a d’ailleurs fait référence à un projet opérationnel en Norvège. Le Royaume-Uni ou encore les Pays-Bas développent des initiatives en ce sens. Mais l’heure n’est pas au déploiement industriel de ces technologies ; elle est à l’évaluation et à la démonstration.
Aussi il convient que ces étapes soient menées afin d’apporter tous les éclairages techniques, économiques et sociaux sur la base desquels le recours éventuel au captage et stockage du carbone, le CSC, comme outil de lutte contre le changement climatique pourrait être organisé.
En autorisant l’approbation de ces amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ferez en sorte que la France prenne place dans cette réflexion.
Applaudissements au banc des commissions.
Je remercie l’ensemble des orateurs de leurs interventions, longues et intéressantes.
Madame Garriaud-Maylam, je vous le demande avec gentillesse et courtoisie : qui était premier ministre, qui était Président de la République au moment de la négociation des modifications à la convention OSPAR, à Ostende, en 2007 ? Faut-il vous le rappeler ? Je ne le pense pas, pas plus que je ne dois sans doute vous rappeler que le coup d’envoi – j’ai le document sous les yeux, je le tiens à votre disposition – a été donné à Paris le 18 avril 2012… Il s’agissait du même Premier ministre et l’un de mes proches était alors ministre d’État, ministre des affaires étrangères, je veux parler d’Alain Juppé.
Tout cela pour vous dire que l’on aurait pu y réfléchir ensemble auparavant et apporter certaines modifications de bon sens, notamment celles que vous avez suggérées dans votre excellente intervention, à laquelle je souscris.
De plus, je sais pour l’avoir appris – car il m’a fallu apprendre tout cela - que le droit européen prime le droit national. Dès lors que les États membres avaient décidé de modifier la convention OSPAR, il n’était plus possible d’amender au-delà de ce qui avait déjà été admis. Nous avions donc cette difficulté.
Enfin, chère collègue, pour moi, le courage consiste à chercher la vérité et à la dire. Je vous rappelle donc, toujours avec beaucoup de courtoisie, que tous les commissaires UMP ont voté ce texte, en commission !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam s’exclame.
Je me reconnais beaucoup dans l’excellente intervention de Mme Didier, et je n’en suis pas le moins du monde chagriné.
Sourires.
Bien sûr, les négociations ont pris beaucoup de temps de 2007 à 2012, puis il a fallu attendre les ratifications, mais certains pays vont entrer rapidement dans la phase d’expérimentation, ce qui nous permettra d’avancer.
Notre excellent ami Jean-Claude Requier a raison lorsqu’il évoque les coûts : 5 euros pour produire une tonne de CO2, contre 41 euros pour neutraliser cette même tonne de CO2. Bien évidemment, ces tarifs devront évoluer, notamment en matière de neutralisation, grâce à une rationalisation des procédés. Pour ma part, je suis favorable, je le dis très clairement à Jean-Claude Requier, à ce que l’on fasse payer davantage les pollueurs, à qui il n’en coûte que ces 5 euros aujourd'hui.
En répondant à Évelyne Didier sur l’échéance de 2030, j’ai également répondu à André Gattolin, dont j’apprécie l’intervention mesurée, même si je connais la sensibilité et le tropisme de notre collègue.
M. André Gattolin sourit.
Cela étant dit, mes chers collègues, bien évidemment, la commission des affaires étrangères vous demande d’autoriser l’approbation des amendements à cette convention.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Est autorisée l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques, adoptés à Ostende le 27 juin 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.
Le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.