Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis qu’elle a ratifié le traité de non-prolifération, en 1992, la France s’est toujours engagée dans une démarche volontariste en matière de désarmement nucléaire.
C’est ainsi que notre pays a démantelé son centre d’expérimentation dans le Pacifique, ainsi que son site de lancement du plateau d’Albion. Je rappelle aussi que notre arsenal, constamment réduit, a été plafonné à 300 têtes nucléaires ; aucun autre État doté de l’arme nucléaire n’a fixé un tel plafond.
Nous avons fait le choix de la stricte suffisance, ce principe garantissant toutefois notre doctrine de dissuasion.
Contrairement à ce que l’on entend parfois, on est loin du mythe de la France surarmée ! Si nous avons en effet les moyens de notre sécurité collective, notre arsenal nucléaire est calibré pour respecter nos engagements internationaux en matière de lutte contre la prolifération nucléaire.
Les États-Unis et la Russie ne peuvent pas en dire autant, avec respectivement 9 400 et 13 000 armes nucléaires. Dans ces conditions, l’appel du Président Obama, lancé il y a quelques jours, à Berlin, en faveur d’une réduction d’un tiers des arsenaux nucléaires dans le monde, n’a pas eu l’effet d’une bombe, si j’ose dire.
Le Gouvernement a d’ailleurs indiqué en retour, madame la ministre, que la France ne se sentait pas concernée par cette proposition. Sachez que je partage, avec mon groupe, cette position.
C’est avec la même bienveillance que j’aborde l’examen du projet de loi portant application du protocole tripartite relatif à l’application de garanties en France, qui nous intéresse aujourd’hui. Les orateurs précédents l’ont rappelé : ce protocole, qui complète les mesures déjà appliquées dans le cadre des accords de garanties généralisées, vise in fine à mieux contrôler l’usage des matières ou des équipements nucléaires. On ne peut que souscrire à une telle ambition, motivée par des enjeux de sécurité internationale évidents. Le transfert de technologie nucléaire à des fins civiles dans les États non dotés de l’arme nucléaire doit s’accompagner d’un régime de garanties de non-prolifération le plus complet possible.
Or, comme vous le savez, mes chers collègues, l’AIEA a besoin de davantage de latitude pour remplir la mission que lui confie l’article III du TNP : il s’agit de vérifier que l’énergie nucléaire n’est pas détournée de ses applications pacifiques vers un usage militaire. Les cas iranien et nord-coréen, souvent cités, ont illustré les limites du contrôle de l’AIEA, s’agissant des activités clandestines d’enrichissement d’uranium.
Le système de garanties renforcées, proposé dans le protocole additionnel, permet à l’Agence de dépasser le simple contrôle comptable des matières nucléaires déclarées. En s’intéressant à tous les aspects du cycle du combustible, de la production et des stocks de matières nucléaires, des activités de retraitement et des éléments d’infrastructure appuyant ce cycle, l’AIEA peut surveiller la nature des activités nucléaires engagées dans le cadre des coopérations entre les États parties au TNP. C’est un progrès décisif auquel la France s’est ralliée en 1998.
Il est temps aujourd’hui de compléter notre droit interne, car notre pays s’est conformé dans les faits au protocole additionnel que le Parlement a ratifié en 2003 à l’unanimité, sans avoir depuis lors sécurisé le cadre juridique de son application.
Dans cette perspective, la commission a adopté le projet de loi élaboré sous l’ancienne majorité, après l’avoir amendé. Sans bouleverser les dispositions du texte initial, monsieur le rapporteur, vous avez fait adopter, sous la haute autorité du président Carrère, quelques modifications, à mon sens pertinentes.
Je pense notamment aux modalités d’intervention du juge dans le cas d’une opposition totale ou partielle à la vérification, ou encore à la distinction, pour l’application de sanctions pénales, entre le défaut de déclaration et l’obstacle à l’inspection.
Mes chers collègues, l’approbation de ce texte apportera la sécurité juridique dont notre pays a besoin pour exporter, dans la transparence, sa grande expertise en matière de production thermonucléaire.
Au-delà de la nécessité interne d’application du protocole additionnel, le texte a une portée symbolique en ce qu’il confirme l’attitude responsable de la France à l’égard de la non-prolifération.
On peut toujours estimer que ce n’est pas suffisant, surtout si l’on est sensible au discours « abolitionniste », certes bien intentionné, mais empreint d’utopie.