Le Gouvernement, en 2008, n'a pas souhaité remettre en cause, pour des raisons symboliques, la possibilité d'un départ précoce dans les régimes spéciaux. Quels sont les inconvénients de ces règles, auxquelles s'appliquent la décote et la surcote ? Permettre aux gens de liquider leur pension très tôt, moyennant décote, ne leur donne droit qu'à une retraite faible. Au bout de trente ans, ces personnes constituent la majorité des pauvres retraités.
C'est une question de mesure : on peut laisser une liberté de choix tant qu'elle reste raisonnable. Le critère de durée est plus fluide que celui de l'âge. Il faut toutefois réfléchir au degré de complexité du système et ne pas l'accentuer au travers des trois facteurs que sont l'âge, la durée et la décote. Le critère d'âge obéit d'ailleurs à une double borne : soixante-deux ans, âge minimal du départ en retraite, mais avec une décote si l'on n'atteint pas la durée de cotisation pour le taux plein, et soixante-sept ans, âge à partir duquel la décote ne s'applique plus. Toutefois, durant nos travaux, nous n'avons pas pu obtenir de chiffrage sur l'impact financier qu'aurait eu le maintien à soixante-cinq ans de l'âge de départ sans décote. Il faut donc trouver un point de compromis entre âge et durée afin d'éviter qu'il y ait trop de retraites faibles. Plusieurs pays sont confrontés à un tel cas de figure. Ainsi la Suède qui combine un âge de départ de soixante et un ans et l'existence d'une décote, réfléchit à donner plus d'importance à la durée de cotisation car le niveau des pensions liquidées est trop faible.
Nous n'avons pas travaillé sur l'hypothèse d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire ; cela n'entrait pas dans notre mandat. Est-ce pertinent ? Les actifs souhaitent avant tout une garantie sur le taux de remplacement assuré par leur retraite. Il serait très compliqué d'évaluer l'efficacité de cette solution, alors que le gain social et économique serait faible. Je ne pense pas qu'il faille lier la question des retraites à celle de la durée du travail en France.
Je regrette que mes propos dans Le Monde aient pu être mal interprétés. J'ai surtout voulu souligner que les problèmes actuels de nos régimes de retraite appelaient des réponses d'une autre nature qu'une réforme systémique. Il ne faut pas laisser croire qu'une réforme qui ne serait pas systémique serait une mauvaise réforme. C'est pourtant le sens de nombreux articles de journaux. Les Français veulent plus de lisibilité et mieux comprendre les différences entre régimes...