Intervention de Xavier Pintat

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 juillet 2013 : 1ère réunion
Application de garanties en france — Protocole additionnel à l'accord entre la france la communauté européenne de l'énergie atomique et l'agence internationale de l'énergie atomique - examen des amendements au texte de la commission

Photo de Xavier PintatXavier Pintat, co-président du groupe de travail :

Je voudrais faire deux observations liminaires.

La première remarque est que nous avons souhaité être à la fois ambitieux mais aussi réalistes et que nous nous sommes efforcés de ne pas avoir une approche trop « franco-française », puisque nous sommes allés à Berlin, à Londres et à Bruxelles afin d'écouter nos partenaires et les responsables européens et confronter avec eux nos opinions.

Ma deuxième observation concerne l'Allemagne. Etant moi-même d'une génération marquée par la réconciliation franco-allemande, parlant l'allemand et connaissant bien ce pays, je pense que nous ne mesurons pas assez en France combien le « pacifisme » et le rejet de la chose militaire ont imprégné les esprits en Allemagne ces soixante dernières années, comme nous avons pu encore le constater lors de notre déplacement à Berlin et lors de nos discussions avec les représentants du gouvernement, mais aussi et surtout avec les parlementaires membres de la commission de la défense du Bundestag.

J'en viens maintenant aux propositions de notre groupe de travail, qui s'étagent sur trois domaines temporels : les propositions à court terme, à long terme et à moyen terme.

À court terme, c'est-à-dire dans l'optique du Conseil européen de décembre, nous nous sommes fondés sur les trois « corbeilles », les opérations, les capacités et la base industrielle, définies par les chefs d'Etat et de gouvernement en décembre 2012, auxquelles nous avons ajouté une quatrième portant sur les aspects institutionnels.

Sur le plan opérationnel, il s'agit avant tout à nos yeux de conforter la place des aspects militaires au sein de l'« approche globale », face à la tentation de certains de nos partenaires européens de mettre l'accent sur le volet civil de la gestion des crises.

Ainsi, nous préconisons notamment de renforcer l'efficacité des opérations militaires de l'Union européenne grâce à la mise en place d'un véritable quartier général européen permanent, susceptible de planifier et conduire les opérations, ou de faciliter le déploiement des groupements tactiques européens.

Afin de remédier aux lacunes capacitaires des Européens, il nous paraît indispensable que les chefs d'Etat et de gouvernement adoptent lors du Conseil européen de décembre une « feuille de route » en matière de partage et de mutualisation des capacités les plus critiques, en particulier en matière de ravitaillement en vol, de soutien des A400M, de drones, de l'espace militaire ou encore de cyberdéfense. Pourquoi ne pas envisager également de rapprocher les règles d'engagement des soldats européens agissant en opérations extérieures, en supprimant les limitations d'emploi, les fameux caveats lorsque des soldats européens sont déployés sous la bannière de l'OTAN ou de l'Union européenne, voire d'aller vers un statut juridique commun ?

En matière de consolidation de la base industrielle et technologique européenne de défense, nous formulons plusieurs recommandations : le regroupement des industriels européens sur une base volontaire, la fusion de l'OCCAr et de l'AED au sein d'une agence européenne de l'armement, une plus grande ouverture des financements européens en matière de recherche et développement en matière de défense une action européenne en faveur des PME de défense, et l'exclusion explicite de la défense dans le cadre du futur accord de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

A ces trois volets, nous avons souhaité en ajouter un quatrième, portant sur les aspects institutionnels, avec notamment :

- l'élaboration d'une véritable stratégie européenne de sécurité, à partir d'une analyse partagée des risques et des menaces, ainsi que d'une stratégie spécifique à l'égard de la Russie ;

- l'« institutionnalisation » du Conseil des ministres de la défense, doté d'une présidence stable qui serait exercée par un « ministre européen de la défense ».

Afin de conjurer le risque qu'en décembre « la montagne n'accouche d'une souris », et pour que cette approche « pragmatique » ne soit pas synonyme d'un manque d'ambition et d'une absence de vision, il nous a semblé souhaitable d'aller plus loin.

A long terme, nous plaidons ainsi pour une relance du projet politique européen qui permettrait de réconcilier l'Europe avec ses citoyens et au sein duquel la politique étrangère et la défense occuperaient une place centrale, avec la croissance et l'emploi, le renforcement de la gouvernance économique, la culture et l'éducation.

Afin d'enrayer la tendance actuelle à la « démilitarisation » de l'Europe, il nous paraît aussi impératif de faire preuve de pédagogie à l'égard des citoyens et des jeunes générations en particulier et de renforcer la place des Parlements nationaux afin qu'ils débattent ensemble des questions de défense à l'échelle européenne.

A moyen terme, afin de faciliter le passage de l'Europe de la défense à une authentique défense européenne, nous préconisons la mise en place d'un « groupe pionnier » pour permettre aux pays qui le souhaitent et le peuvent d'aller plus vite et plus loin en matière de défense.

Ce groupe pionnier, que nous avons proposé d'appeler « Eurogroupe de la défense », serait d'abord fondé sur les capacités expéditionnaires de la France et du Royaume-Uni, mais en associant l'Allemagne. Il aurait pour vocation de permettre à l'Union européenne d'intervenir militairement hors de son territoire, y compris lorsque les Etats-Unis ne souhaiteront pas s'engager, de rééquilibrer l'Alliance atlantique, et d'aller vers une authentique défense européenne, c'est-à-dire une défense du territoire et des populations de l'Europe.

On pourrait ainsi partir du traité franco-britannique de défense, et en particulier de la mise en place du corps expéditionnaire conjoint, en l'ouvrant progressivement à l'Allemagne et à d'autres partenaires européens, comme l'Italie, la Pologne et l'Espagne, sans oublier les « petits pays », comme la Suède ou la Belgique, qui pourraient être associés sur une base géographique ou de spécialisation thématique comme la cyber défense pour l'Estonie.

C'est au sein de cet « Eurogroupe » de défense, que les Etats participants pourraient développer une plus grande cohérence de leurs moyens opérationnels, capacitaires et industriels, avec l'élaboration - qui ferait sens au sein de cet « Eurogroupe » - d'un authentique « Livre blanc » européen, et se doter d'une force expéditionnaire, avec un quartier général de planification et de conduite des opérations, doté de moyens propres de renseignement.

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