Intervention de Pascal Saint-Amans

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 juillet 2013 : 1ère réunion
La coopération fiscale internationale face à l'érosion des bases fiscales — Audition de M. édouard Marcus sous-directeur de la direction de la législation fiscale Mme Ursula Plassnik ambassadeur d'autriche en france et M. Pascal Saint-amans directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'ocde

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économiques :

Je vais essayer de vous rassurer sur l'avancée des deux dossiers que sont BEPS et l'échanges en matière de renseignements.

S'agissant de BEPS, la communauté internationale avance. Le rapport que je vous avais présenté en février établit un diagnostic : il y a un problème et il faut le traiter. Nous avons avancé rapidement sur ce sujet, malgré la difficulté que peut représenter parfois le consensus. Cela est d'autant plus appréciable que les travaux du comité des affaires fiscales étaient élargis, en plus des pays observateurs, à huit pays émergents, membres du G20. Ces pays ont donné leur accord à un plan d'action, qui sera rendu public le 16 ou le 17 juillet prochain, mais dont je peux déjà vous dévoiler quelques éléments.

Tout d'abord, ce plan est ambitieux. Il a pour vocation à s'appliquer dans les dix-huit à vingt-quatre mois qui viennent. Il permet de développer les instruments juridiques nécessaires aux États pour protéger leurs bases fiscales. Il a été conçu de façon globale, de sorte que la quinzaine d'actions qu'il propose sont cohérentes les unes avec les autres.

Parmi ces actions, on peut citer l'interdiction des produits et des entités hybrides en intra-groupe, comme les obligations convertibles en actions. Ces produits permettent à une société mère qui a de la trésorerie disponible de prêter sous forme d'obligation convertible à une de ses filiales dans un pays où la fiscalité est élevée. L'intérêt versé est déductible pour la filiale, mais il est considéré comme une action dans l'État de la société mère, et donc comme un dividende exempté.

On peut citer aussi des actions sur le dispositif « sociétés étrangères contrôlées », auquel renvoie, par exemple, en France, l'article 209 B du code général des impôts, une limitation de la déductibilité des intérêts intra-groupe et une déclaration, pays par pays, des bénéfices et des résultats liés aux prix de transfert.

Bref, toute la fiscalité internationale sera couverte par ce plan, y compris les conventions fiscales, avec des dispositifs anti-abus et « anti-chalandage fiscal » (anti-treaty shopping).

Le plan prévoit également des actions transversales, notamment sur l'économie numérique, qui est un sujet très important mais très complexe, aussi bien techniquement que politiquement, du fait des intérêts particulièrement divergents des pays.

Enfin, nous souhaitons développer une convention multilatérale, qui pourrait reprendre les modifications aux modèles de conventions fiscales qui seraient jugées nécessaires. Le but est d'éviter que la définition d'un nouveau modèle de convention fiscale n'oblige un Etat à renégocier l'ensemble de ses conventions. La France aurait ainsi 110 à 120 conventions à négocier. Nous essayons de présenter une convention multilatérale qui, pour les États signataires, pourrait amender automatiquement les conventions bilatérales.

Nous observons donc bien, Monsieur le président, des avancées réelles. Je précise que ce plan d'action fait l'objet d'un consensus et sera présenté au G 20 par le secrétaire général de l'OCDE le 20 juillet prochain, au cours d'une session dédiée à l'érosion des bases. Le président russe a par ailleurs d'ores-et-déjà montré un intérêt sur le sujet et nous a exprimé son intention de l'aborder lors du G 20 de septembre.

En ce qui concerne les échanges automatiques de données, des progrès phénoménaux ont été réalisés au cours des derniers mois. Nous avons rédigé un rapport au G8, qui montre comment pourrait fonctionner une « multilatéralisation » de la loi FATCA. Un nombre important de pays ont déclaré qu'ils appliqueraient cette norme : dès l'origine, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, puis douze autres États de l'Union ainsi que treize dépendances britanniques - notamment Jersey, Guernesey, les îles Bermudes, l'Île de Man, les îles Caïman et Antigua. D'autres pays manifestent leur intérêt tous les jours, et tout dernièrement le Mexique et la Norvège. L'OCDE fera un autre rapport au G20 de juillet, sur le contenu de ce nouveau standard sur l'échange de renseignements.

Des progrès très significatifs ont également été réalisés sur l'aspect juridique de la question, avec la mise en place d'une convention multilatérale sur l'assistance administrative, qui servira de plateforme juridique pour échanger automatiquement ces renseignements. Cette convention a été signée par Singapour, par l'Autriche et par le Luxembourg, tandis que la Suisse envisage de le faire. Elle permet de faire, sur option, de l'échange automatique de renseignements. Nous développerons, d'ici la fin de l'année, un modèle d'accord pour « multilatéraliser » l'échange automatique de renseignements.

J'espère pouvoir venir un jour vous exposer l'exécution de ces actions.

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