Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède à l'audition conjointe, sur le thème de « la coopération fiscale internationale face à l'érosion des bases fiscales », de M. Edouard Marcus, sous-directeur de la direction de la législation fiscale, Mme Ursula Plassnik, ambassadeur d'Autriche en France, et M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administrations fiscales de l'OCDE.
Nous poursuivons ce matin, à une semaine de notre débat en commission sur le projet de loi relatif à la fraude fiscale, nos travaux sur le risque d'érosion des bases fiscales.
Notre commission des finances a été parmi les tous premiers acteurs publics à s'intéresser au sujet de la fiscalité du secteur numérique. Au fil de ces travaux, nous avons été conduits à élargir notre démarche à la question de l'impôt sur les bénéfices et à ce paradoxe qui veut qu'une petite entreprise, limitée à son marché national, soit inéluctablement beaucoup plus imposée qu'un groupe international, qui a le choix de son implantation et maîtrise la localisation de ses profits.
Nous avions considéré que pour avancer sur ce sujet, il était nécessaire de faire évoluer les conventions fiscales internationales, mais cette perspective nous semblait hors d'atteinte, car requérant une unanimité improbable des États.
Puis nous avons reçu le 20 février dernier Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), que nous avons le plaisir de retrouver aujourd'hui. Vous nous avez alors convaincu qu'un mouvement s'était engagé au niveau international pour avancer sur cette question de l'érosion des bases fiscales, réunissant une très grande variété d'États, y compris les grands émergents. Ce sujet a ensuite rencontré un écho important dans l'opinion européenne, notamment au Royaume-Uni. Le bureau de la commission des finances a également eu l'occasion d'aborder ce sujet lors de son déplacement aux Etats-Unis, avec le Joint Committee on taxation du Congrès et le département du Trésor.
Monsieur Saint-Amans, vous pourrez nous présenter l'état d'avancement du projet « BEPS » (Base erosion and profit shifting - érosion des bases et transfert des profits) et si les espoirs que vous nous aviez laissés entrevoir sont toujours justifiés.
La commission des finances a également la joie d'accueillir Ursula Plassnik, ambassadeur en France de la République d'Autriche, pays dont nous connaissons l'attachement à la discipline de la zone euro et dont les positions ont un poids bien supérieur à sa démographie. Nous serions heureux que vous puissiez nous faire part de votre sentiment sur les négociations susceptibles de permettre un jour une répartition plus équitable des bénéfices taxables au sein des grands groupes.
Vous pourriez également nous parler du secret bancaire, qui est en Autriche, comme en Suisse, un principe fondamental. Comment cette culture est-elle compatible avec les nécessités de la coopération fiscale internationale et plus particulièrement avec la loi américaine dite « FATCA » (Foreign account tax compliance Act) du 18 mars 2010 ? A cet égard, rappelons que cette loi obligera les établissements bancaires à communiquer aux États-Unis l'identité des détenteurs de comptes américains au sein des banques ainsi que le montant des actifs détenus.
Sur ce sujet et pour ce qui concerne la France, la commission des finances se pose la question de la réciprocité et nous n'avons pas eu sur ce point de réponse claire, que ce soit de la part du Gouvernement ou de l'Union européenne (UE). Cette coopération est certes nécessaire mais également très intrusive. On observe là une très forte dissymétrique entre la puissance américaine et le reste du monde.
Enfin, pour compléter ces éléments, nous entendrons Edouard Marcus, sous-directeur à la direction de la législation fiscale (DLF), en charge de la prospective et des relations internationales. Vous pourrez nous éclairer sur la position française concernant le projet BEPS, sur l'accord franco-américain relatif à l'application de FATCA et sur les négociations en cours au sein de l'Union européenne (UE) afin de réviser la directive épargne. La vision de la DLF sur le bilan de la politique conventionnelle de la France nous sera également précieuse.
Je vais essayer de vous rassurer sur l'avancée des deux dossiers que sont BEPS et l'échanges en matière de renseignements.
S'agissant de BEPS, la communauté internationale avance. Le rapport que je vous avais présenté en février établit un diagnostic : il y a un problème et il faut le traiter. Nous avons avancé rapidement sur ce sujet, malgré la difficulté que peut représenter parfois le consensus. Cela est d'autant plus appréciable que les travaux du comité des affaires fiscales étaient élargis, en plus des pays observateurs, à huit pays émergents, membres du G20. Ces pays ont donné leur accord à un plan d'action, qui sera rendu public le 16 ou le 17 juillet prochain, mais dont je peux déjà vous dévoiler quelques éléments.
Tout d'abord, ce plan est ambitieux. Il a pour vocation à s'appliquer dans les dix-huit à vingt-quatre mois qui viennent. Il permet de développer les instruments juridiques nécessaires aux États pour protéger leurs bases fiscales. Il a été conçu de façon globale, de sorte que la quinzaine d'actions qu'il propose sont cohérentes les unes avec les autres.
Parmi ces actions, on peut citer l'interdiction des produits et des entités hybrides en intra-groupe, comme les obligations convertibles en actions. Ces produits permettent à une société mère qui a de la trésorerie disponible de prêter sous forme d'obligation convertible à une de ses filiales dans un pays où la fiscalité est élevée. L'intérêt versé est déductible pour la filiale, mais il est considéré comme une action dans l'État de la société mère, et donc comme un dividende exempté.
On peut citer aussi des actions sur le dispositif « sociétés étrangères contrôlées », auquel renvoie, par exemple, en France, l'article 209 B du code général des impôts, une limitation de la déductibilité des intérêts intra-groupe et une déclaration, pays par pays, des bénéfices et des résultats liés aux prix de transfert.
Bref, toute la fiscalité internationale sera couverte par ce plan, y compris les conventions fiscales, avec des dispositifs anti-abus et « anti-chalandage fiscal » (anti-treaty shopping).
Le plan prévoit également des actions transversales, notamment sur l'économie numérique, qui est un sujet très important mais très complexe, aussi bien techniquement que politiquement, du fait des intérêts particulièrement divergents des pays.
Enfin, nous souhaitons développer une convention multilatérale, qui pourrait reprendre les modifications aux modèles de conventions fiscales qui seraient jugées nécessaires. Le but est d'éviter que la définition d'un nouveau modèle de convention fiscale n'oblige un Etat à renégocier l'ensemble de ses conventions. La France aurait ainsi 110 à 120 conventions à négocier. Nous essayons de présenter une convention multilatérale qui, pour les États signataires, pourrait amender automatiquement les conventions bilatérales.
Nous observons donc bien, Monsieur le président, des avancées réelles. Je précise que ce plan d'action fait l'objet d'un consensus et sera présenté au G 20 par le secrétaire général de l'OCDE le 20 juillet prochain, au cours d'une session dédiée à l'érosion des bases. Le président russe a par ailleurs d'ores-et-déjà montré un intérêt sur le sujet et nous a exprimé son intention de l'aborder lors du G 20 de septembre.
En ce qui concerne les échanges automatiques de données, des progrès phénoménaux ont été réalisés au cours des derniers mois. Nous avons rédigé un rapport au G8, qui montre comment pourrait fonctionner une « multilatéralisation » de la loi FATCA. Un nombre important de pays ont déclaré qu'ils appliqueraient cette norme : dès l'origine, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, puis douze autres États de l'Union ainsi que treize dépendances britanniques - notamment Jersey, Guernesey, les îles Bermudes, l'Île de Man, les îles Caïman et Antigua. D'autres pays manifestent leur intérêt tous les jours, et tout dernièrement le Mexique et la Norvège. L'OCDE fera un autre rapport au G20 de juillet, sur le contenu de ce nouveau standard sur l'échange de renseignements.
Des progrès très significatifs ont également été réalisés sur l'aspect juridique de la question, avec la mise en place d'une convention multilatérale sur l'assistance administrative, qui servira de plateforme juridique pour échanger automatiquement ces renseignements. Cette convention a été signée par Singapour, par l'Autriche et par le Luxembourg, tandis que la Suisse envisage de le faire. Elle permet de faire, sur option, de l'échange automatique de renseignements. Nous développerons, d'ici la fin de l'année, un modèle d'accord pour « multilatéraliser » l'échange automatique de renseignements.
J'espère pouvoir venir un jour vous exposer l'exécution de ces actions.
Merci, Monsieur le directeur, à la fois pour vos propos et pour avoir su faire bouger les choses sur ce sujet difficile, malgré la complexité du cadre multilatéral.
C'est un plaisir d'être le premier ambassadeur d'un pays de l'Union européenne à s'exprimer devant la commission des finances du Sénat.
Pour rebondir sur les derniers propos de Monsieur Saint-Amans, je souligne que l'Autriche respecte la totalité des règles de l'UE et de l'OCDE en matière de transparence et d'échange d'informations. L'Autriche souhaite tout autant que la France connaître les véritables bénéficiaires des trusts et des fondations anonymes, afin de combattre efficacement la fraude fiscale et le blanchiment d'argent. C'est d'ailleurs une initiative autrichienne qui a permis d'ajouter à la déclaration adoptée par l'OCDE en mai dernier la question des bénéficiaires effectifs des trusts. Il n'y a donc pas de divergence entre nos deux pays sur cette question.
Je voudrais profiter de cette occasion pour dissiper certains malentendus, qui ont pu s'installer en France, notamment dans certains médias : l'Autriche n'est pas un paradis fiscal. Nos taux d'imposition sont les septièmes plus élevés de l'Union européenne, la France étant quatrième dans ce classement...
Nous vous laissons volontiers cette place !
J'ajoute qu'il n'existe pas de compte anonyme en Autriche, que ce soit pour les nationaux ou les étrangers. Nous ne protégeons pas les fraudeurs, ce qui ne serait ni dans l'intérêt du fisc autrichien, ni dans l'intérêt des contribuables. Au contraire, l'Autriche participe à la lutte contre l'érosion des bases fiscales.
La coopération entre la France et l'Autriche se situe à trois niveaux.
Tout d'abord, au niveau bilatéral, je constate qu'à ma connaissance il n'y a aucun différend. Nous avons des accords de double imposition depuis longtemps, qui correspondent aux préconisations de l'OCDE. Nous nous sommes même engagés dans une collaboration plus étroite et avons prévu un échange de fonctionnaires entre nos ministères des finances respectifs, qui sera mis en oeuvre à partir de septembre.
Par ailleurs, au niveau de l'OCDE, l'Autriche respecte l'ensemble des règles de l'organisation. Nous soutenons les avancées du G 8 sur l'inclusion des territoires dépendants et associés à la Couronne britannique en matière d'échange de renseignements. Quelques uns manqueront à l'appel, mais cela reste un progrès considérable.
Enfin, au niveau communautaire, qui me semble le plus pertinent, la coopération relève de la directive épargne et de celle sur la coopération administrative en matière fiscale. La première prévoit deux systèmes : soit un échange automatique de données, soit un prélèvement à la source du contribuable. L'Autriche, tout comme le Luxembourg et la Belgique pendant un certain temps, a une préférence pour le second système. Nous effectuons donc un prélèvement à la source sur tout compte d'un citoyen européen non autrichien.
Sur le plan juridique, il n'y pas de différend entre la France et l'Autriche, et j'observe qu'il n'y en a pas non plus d'un point de vue économique. En effet, au titre de la directive épargne, l'Autriche applique un prélèvement de 35 % sur les revenus des comptes des citoyens européens non autrichiens. En 2012, elle a ainsi reversé 55 millions d'euros à ses partenaires européens, dont 391 560,92 euros à la France. Ce montant ne représente que 0,7 % de l'ensemble, ce qui montre le faible nombre de Français ayant un compte en Autriche.
Pour l'avenir, nous avons abordé tout à l'heure la question de l'échange automatique de données. L'Autriche accepte ce principe d'échange d'informations, mais avec ce que nous appelons une « conditionnalité externe ». Vous avez-vous même évoqué, Monsieur le président, l'importance de la réciprocité. Nous y accordons la même importance. C'est pourquoi il est nécessaire, à nos yeux, que la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin concluent, eux aussi, des accords avec l'UE qui aboutissent à traiter leurs banques de la même façon que les nôtres. L'Autriche a d'ailleurs soutenu le mandat de négociation donné en ce sens à la Commission européenne.
S'agissant de la directive sur la coopération administrative en matière fiscale, elle prévoyait initialement d'inclure dans cette coopération cinq produits, à partir de 2015. La commission propose désormais d'élargir ce champ à d'autres produits, et notamment aux dividendes et aux plus-values. C'est une piste de négociation qu'il faudra poursuivre.
Pour finir, j'insiste à nouveau sur le fait que l'Autriche n'est pas un paradis fiscal. Comme la France, nous luttons de façon déterminée contre la fraude fiscale, et notre pays n'a pas vocation à être inscrit sur une quelconque liste noire, qu'elle soit nationale ou internationale.
Les questions que nous évoquons aujourd'hui sont fondamentales, à la fois pour des raisons liées aux recettes publiques et à la justice fiscale, mais plus encore en raison de l'internationalisation de la vie des entreprises et des personnes. De ce point de vue, on a véritablement changé de dimension par rapport au passé.
Pascal Saint-Amans a bien résumé l'historique du projet BEPS, parti d'une initiative de la France et des Etats-Unis au sommet du G 20 de Los Cabos, en 2012. Nous suivons de près les travaux en cours, à la lumière de nos priorités, à savoir en premier lieu le renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale des entreprises et contre l'abus de droit. Il s'agit de faire coïncider, autant que possible, la base de taxation avec la réalité économique de l'activité des entreprises.
Notre deuxième priorité est la question de l'économie numérique, univers au sein duquel il est possible une forte valeur ajoutée dans des territoires sans la moindre implantation sur place. Il convient donc de trouver la façon la plus adéquate d'imposer les entreprises concernées.
Il faut donc que les Etats se mettent d'accord sur un minimum de règles partagées : là réside tout l'enjeu des négociations.
Cette démarche aura des conséquences sur nos conventions fiscales, dans notre législation mais aussi au niveau communautaire, le principe de libre circulation ne devant pas empêcher l'application de la loi fiscale. J'en profite pour indiquer que les négociations sur la notion d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) se poursuivent également au sein de l'Union européenne (UE) ; nous espérons aboutir d'ici un an, avant que le processus d'adoption communautaire se mette en marche.
A propos de FATCA, le point de départ est effectivement la loi américaine du 18 mars 2010. Cela dit, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie sont, depuis lors, passés à une autre approche avec les Etats-Unis. En effet, ce « G 5 » est entré dans une démarche partenariale ; ce ne sont plus les banques qui auront des obligations à l'égard de l'administration fiscale américaine, mais les Etats qui correspondront entre eux, dans une logique de réciprocité. Sur ce dernier point, je précise que la réciprocité est bien affirmée dans notre accord en tant que principe ; simplement, l'administration américaine ne pourra pas nous transmettre de manière automatisée certaines informations auxquelles elle n'a elle-même pas accès, à savoir les soldes des comptes bancaires. Pour tout le reste, en particulier pour tous les revenus, il y aura bien échange d'informations dans les deux sens.
Allons-nous donc appliquer FATCA quand bien même nous n'aurons pas accès à certaines informations de la part des Etats-Unis ?
Comme je vous l'ai dit, la réciprocité ne sera pas absolue au départ. Il en ira d'ailleurs de même pour les autres membres du « G 5 ».
Au bout du compte, les grandes évolutions à venir dans le domaine de l'échange automatique d'informations se feront à plusieurs niveaux : le standard sera défini par l'OCDE ; l'Union européenne organisera la coopération entre ses membres de manière contraignante, essentiellement par le biais de la future directive sur l'assistance mutuelle. A cet égard, la directive épargne, qui ne concerne que les revenus d'intérêts et assimilés, n'est pas un outil assez puissant pour avancer, ce qui n'empêche pas la France, pour le principe, de soutenir sa révision afin d'introduire, là aussi, le principe de l'échange automatique ; le « G 5 » aura le rôle d'un groupe pilote, qui montrera aux autres que cela est réellement possible.
Il faudra sans doute revenir sur la question des données qui devront entrer dans le champ de l'échange automatique d'informations, la problématique développée par l'Autriche devant aussi être prise en compte.
L'objectif de la France est bien que tout entre dans ce champ. La directive épargne est un élément de ce puzzle, l'accord provisoire de 2003 devant désormais être finalisé, mais elle est loin de suffire.
Je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants pour l'éclairage qu'ils nous ont apporté. Ce vaste chantier semble avancer, de manière significative, espérons-le.
J'aimerais savoir si, à l'OCDE, on sent une véritable mobilisation des États ? Tout le monde joue-t-il le jeu de manière constructive ?
Par ailleurs, Mme l'ambassadeur Plassnik et M. Marcus, pourriez-vous préciser quelles informations devraient, selon vous, entrer dans le champ de la révision de la « directive épargne » ? En particulier, à côté des modalités de l'échange d'informations bancaires entre États, cette révision doit-elle inclure l'établissement d'une plus grande transparence sur certaines structures opaques, comme les trusts anglo-saxons ? Un tel objectif vous paraît-il atteignable ? De plus, quels types de produits devraient entrer dans le périmètre de la nouvelle directive ?
D'autre part, les Etats sont-ils outillés, d'un strict point de vue technique, afin d'évoluer dans le sens de l'échange automatique d'informations ? Pourriez-vous nous détailler les contraintes en la matière et le délai objectivement nécessaire afin de pouvoir entrer dans ce nouveau moule ?
Mme Plassnik, vous avez évoqué une « conditionnalité externe » afin que la position de l'Autriche puisse évoluer sur la question de l'échange automatique d'informations. Pourriez-vous les détailler ? En outre, vous avez indiqué que le montant du prélèvement effectué en Autriche pour le compte de ses partenaires européens dans le cadre de la directive épargne s'élève à 55 millions d'euros, la France ne représentant que 0,7 % de ce total. Quels sont les pays les plus concernés ?
Enfin, M. Marcus, quel bilan pouvons-nous tirer de la mise en place d'une liste spécifiquement française d'États ou territoires non coopératifs (ETNC), au côté des listes de l'OCDE, depuis la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009 ? Ce dispositif a-t-il réellement un caractère dissuasif propre ? Pourquoi n'y a-t-il pas encore eu de mise à jour en 2013 ? L'inscription parmi les ETNC de pays théoriquement « blancs » mais, en pratique, peu coopératifs avec la France est-elle envisageable dès cette année ?
Ce débat a bien fait ressortir les principaux enjeux. Il montre, d'une part, l'ardente nécessité de la coopération internationale en matière fiscale. Je me souviens encore de l'attitude récente d'Etats comme la Belgique, le Luxembourg ou l'Autriche afin d'appliquer la directive épargne mais je vois que les choses évoluent ainsi que, d'autre part, le défi particulier que pose l'économie numérique à notre système fiscal.
Dans ces conditions, on peut se demander s'il est encore raisonnable de taxer les entreprises, tout impôt étant, en dernier ressort, acquitté par les ménages. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, je m'interroge sur la substance réelle des négociations en cours. Permettraient-elles vraiment, si elles aboutissaient, de changer la donne ou ne s'agit-il, une nouvelle fois, que « d'enfumer » les opinions publiques ?
J'ajouterai simplement deux questions afin que les intervenants puissent répondre à l'ensemble de nos interrogations.
S'agissant du projet BEPS, le G 8, dans la déclaration de Lough Erne, le 18 juin, s'est prononcé pour que les pays changent leurs lois qui permettent aux sociétés de transférer leurs bénéfices afin d'éviter l'impôt et pour que les multinationales fournissent aux administrations fiscales la liste des impôts qu'elles paient et des endroits où elles les paient. Cette déclaration matérialise-t-elle une avancée dans les négociations en cours ? De plus, Européens et Américains partagent-ils la même vision du problème ? Par exemple, s'agissant des emblématiques « GAFA » (Google, Amazon, Facebook, Apple), les États-Unis partagent-ils notre objectif de voir ces sociétés payer leurs impôts là où se trouvent leurs consommateurs, ou bien souhaitent-ils rapatrier chez eux les bénéfices de ces sociétés ?
S'agissant de la loi FATCA, où en sommes-nous de sa mise en oeuvre en France ? Quels véhicules législatifs seront utilisés, dans quel calendrier ? Continuerons-nous à exiger la réciprocité du dispositif dans le délai le plus bref, en particulier pour ce qui concerne la possibilité d'obtenir le solde bancaire des comptes américains des résidents fiscaux français ?
Pour commencer, je dirai à Jean Arthuis que oui, il y a vraiment une mobilisation générale autour des négociations en cours. Mobilisation de la part de « grands pays » qui ont un intérêt évident, comme les États-Unis, qui ont un taux d'impôt sur les sociétés de 35 % (le plus élevé de l'OCDE) sur une assiette faible, les profits des multinationales non rapatriés n'étant pas taxés, ce qui concerne quand même quelque 2 000 milliards de dollars ; nous avons d'ailleurs été entendus au Congrès il y a quinze jours au sujet de BEPS, ce qui montre que ce projet figure à l'agenda politique outre-Atlantique. Mais aussi mobilisation réelle de la part de « petits pays », qui veulent maîtriser le processus en y participant et ne pas encourir un risque de réputation, voire de rétorsions, en restant à part. Pour tout le monde, il apparaît également nécessaire de ne pas instaurer de double imposition des bénéfices à la faveur de BEPS. Donc tout le monde a intérêt à coopérer, ce qui fait que nous pouvons envisager l'adoption d'un plan ambitieux d'ici 12 à 24 mois. Celui-ci concernera aussi les pays émergents, parties intégrantes des négociations, ce qui devrait éviter la « concurrence » d'une pluralité de standards.
Pour ce qui concerne l'échange automatique d'informations, FATCA est certes, à l'origine, une législation unilatérale et extraterritoriale américaine qui vise à protéger les intérêts des États-Unis. Cependant, comme l'a montré Édouard Marcus, les avancées enregistrées par le « G 5 » sont intéressantes puisque nous nous dirigeons vers une réciprocité complète. Le débat a bien pris aux États-Unis puisqu'il s'y affirme de plus en plus l'idée de la nécessité de porter les échanges d'informations à un niveau multilatéral et donc d'aller plus loin que FATCA. Comme je vous l'ai dit, l'OCDE proposera un standard international au G 20, dont le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales concerne tout de même 120 pays. Les États-Unis auront, grâce à FATCA et à leur position, la capacité d'obtenir de la plupart des États les informations qu'ils souhaitent, ce qui servira à des pays comme la France pour obtenir ensuite la même chose de la part de tout le monde. C'est pourquoi il serait sans doute risqué de demander la réciprocité dès maintenant, sans attendre la mise en oeuvre de l'instrument américain.
Cette approche est donc à double tranchant. Au nom de la puissance américaine, accordons-leur ce qu'ils demandent puis, éventuellement, les Etats-Unis nous donneront ce qu'ils voudront bien nous donner.
La relation est juridique mais il y a une autre dimension, plus politique : l'OCDE proposera ainsi que le standard international recoupe le niveau d'information que les Etats-Unis obtiennent via FATCA. La Suisse a déjà signé un accord avec les États-Unis pour donner toutes les informations requises, sans même demander la réciprocité. De même, le Luxembourg signera prochainement lui-aussi un accord avec les États-Unis allant dans ce sens. Il s'agit de savoir si la France veut obtenir un tel niveau de renseignements. La réponse est sans doute oui. Il faut toutefois noter que l'argent français n'est pas aux États-Unis. Le plus gros enjeu pour la France se situe donc sans doute ailleurs...
Ainsi que l'a indiqué Édouard Marcus, la directive épargne permet une collecte modérée. Je dirais qu'elle permet de solder le passé mais son champ est très réduit. Elle ne couvre ainsi que les revenus d'intérêts, et encore lorsqu'ils ne sont pas perçus par l'intermédiaire d'une société. Or FATCA couvre de nombreux autres points, notamment les soldes des comptes bancaires, les intérêts, les dividendes ou encore l'information permettant le calcul des plus values financières. Aujourd'hui, le simple fait de constituer une société permet de contourner la directive, qui est donc une passoire.
L'Union européenne nécessite l'unanimité pour avancer, ce qui est donc souvent compliqué. Autre point, la question du reporting pays par pays tel qu'il ressort du G 8. Il représente une avancée. Le consensus faisait défaut à la base mais le Premier ministre britannique a largement contribué à le dégager. Demain, une administration fiscale pourra demander à une multinationale où sont localisés ses profits et ses impôts et, en fonction de la cohérence des réponses, évaluer le risque que représente la société. Chaque État a ses propres objectifs mais il est de plus en plus reconnu que la coopération peut profiter à tous. Il existe un intérêt commun, au-delà de nos différences nationales : la double non-imposition n'est pas acceptable.
On voit que dans une certaine conjonction des astres, le consensus global est plus facile à obtenir que l'unanimité au sein de l'Union européenne.
Vous avez raison et les deux notions sont d'ailleurs distinctes juridiquement. L'unanimité nécessite la manifestation explicite d'un accord, tandis que le consensus existe quand personne ne dit non.
Préalablement je souhaite faire une remarque politique sur les propos de Pascal Saint-Amans. Il a été fait mention des « petits pays », de manière assez négative. En tant que syndicaliste autoproclamée des PME, les « petits et moyens États », je veux réagir. Il faut que tout le monde se respecte. En matière de lutte contre la fraude fiscale, chaque État a des devoirs à faire, y compris les grands États...
Pour répondre au rapporteur général, l'Autriche utilise ce qu'elle appelle une « conditionnalité externe », qui englobe les territoires associés et dépendants à d'autres États. A nos yeux, il est indispensable que ces derniers respectent, eux aussi, les standards de l'OCDE. Cette obligation visera, par exemple, les quatorze territoires associés de la Grande-Bretagne. De même, la question de certains États fédérés américains comme le Wyoming ou le Delaware n'est posée par personne alors qu'elle le mériterait.
En matière d'échange automatique d'informations, j'indique au rapporteur général que deux difficultés apparaissent : le produit qui peut être attendu de la lutte contre la fraude et les informations nécessaires pour y parvenir. L'Autriche utilise aujourd'hui le droit communautaire, avec ses deux systèmes existants dans le domaine de l'épargne. Vous vous demandez si la France a réussi à réunir 1 % de la retenue à la source. Il nous semble que les flux vers la France sont réduits. En effet, l'Autriche, par son ministère de l'économie et des finances, a précisé qu'elle a restitué 391 560 euros à la France et 42 411 923 euros à l'Allemagne. Cette dernière représente, au total, 76 % du produit versé par l'Autriche aux Etats tiers.
En réponse au président Philippe Marini, s'agissant de la culture du secret bancaire, je relève que cette notion s'accompagne d'une certaine mystification. Il suffit de regarder la législation autrichienne en la matière. L'article 38 de la loi autrichienne relative à l'activité bancaire a valeur constitutionnelle et notre Constitution peut être changée par une majorité des deux tiers des parlementaires. Certes, cet article pose le principe du secret bancaire mais la loi prévoit aussi neuf exceptions, à l'image des informations demandées par un procureur ou dans le cadre d'une procédure pénale pour délit fiscal. Notre législation protège le secret du livret d'épargne des citoyens ordinaires et j'estime qu'il n'y a en effet pas de raison de donner des informations sur certains types de produits d'épargne.
Sur la question du rapporteur général concernant l'application des deux directives communautaires - celle sur l'épargne et celle sur l'assistance mutuelle - j'indique que l'Autriche demande, sur la base du droit communautaire mais aussi du standard OCDE sur la transparence, l'échange avec cinq États européens non membres de l'UE - la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin et Andorre - du même type d'informations qu'avec les États membres. Il faut aussi que la législation de ces pays tiers évolue de sorte que puissent être connus les véritables bénéficiaires des divers trusts, fondations ou autres qui peuvent exister chez eux. Je pense que c'est ce dont vous parliez en évoquant des « structures opaques ».
La question du champ d'application de l'échange d'informations me semble être le sujet essentiel, comme le montre FATCA. Les numéros de comptes, les contrats d'assurance-vie, leurs détenteurs, les flux, les plus-values et les soldes me paraissent correspondre aux informations pertinentes. Ce champ est ainsi celui retenu pour la future directive sur l'assistance mutuelle et sera défendu dans le cadre du « G 5 ». Quant à la réciprocité, elle doit bien sûr être le principe général, mais ses modalités d'application restent à préciser. J'appelle votre attention sur le fait que seule la transmission automatique « en masse » de soldes de comptes bancaires par les États-Unis ne sera pas possible. En revanche, nous serons fondés à demander et à obtenir le solde d'un compte bancaire dont nous aurons pu apprendre l'existence grâce au nouveau système. De plus, soyons clairs, les entreprises françaises auront intérêt à respecter FATCA : à défaut, les États-Unis appliqueront une retenue à la source fixée à 30 %.
Quel est alors l'intérêt de négocier ? Soit on estime avoir la capacité à conduire une négociation avec les États-Unis, soit on y va directement avec la corde au cou.
Nous avons intérêt à négocier surtout que nous avons déjà obtenu beaucoup. La réciprocité est quasi-totale dès aujourd'hui et sera totale demain.
Dans le cadre de la loi bancaire, un amendement a été voté par l'Assemblée nationale afin de permettre aux banques de transmettre à l'État des renseignements que celui-ci pourra ensuite retransmettre aux pays avec lesquels il aura conclu une convention de type FATCA sur une base de réciprocité. Quant à l'accord franco-américain stricto sensu, nous le signerons dans les prochains jours, après nos partenaires du « G 5 », précisément en raison de notre insistance sur la question de la réciprocité.
Il faudra une loi de ratification spécifique. En vertu de cet accord, les premières informations seront recueillies à la fin de l'année 2013 et les premières transmissions d'informations aux Etats-Unis se feront à compter du 30 septembre 2015.
Enfin, à propos des ETNC, l'existence d'une telle liste des ETNC nous est très utile. Ainsi, par le passé, elle nous a permis de signer des conventions avec de nombreux Etats. Désormais, nous nous intéressons à l'effectivité de ces dispositifs - ce dont rend compte le « jaune » sur le réseau conventionnel annexé au projet de loi de finances.
Elle le sera prochainement. Ce retard est justement dû au fait que nous examinons de manière attentive l'effectivité de la mise en oeuvre des conventions par chacun de nos partenaires.
Merci à chacun des intervenants pour cette audition vivante et substantielle.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de loi n° 1083 (AN - XIVème législature) de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012.
François Marc nous présente son rapport sur le projet de loi de règlement pour 2012.
Je n'évoquerai pas la dimension comptable de la loi de règlement, que nous avons déjà largement étudiée avec l'audition du Premier président de la Cour des comptes et l'audition des magistrats ayant réalisé à notre demande une enquête sur les engagements hors bilan de l'Etat.
En 2012, la croissance a été nulle : elle est retombée de manière imprévue et nous sommes passés d'une phase de relance, qui a permis le retour à la croissance en 2010 et 2011, à une phase de désendettement. Ce phénomène n'est pas propre à la France : le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro a crû de 1,4 % en 2011, mais diminué de 0,6 % en 2012. Nous avons donc mieux résisté que la plupart de nos voisins. C'est une caractéristique de notre économie qui, en raison de ses amortisseurs, profite également moins de la reprise. Tout le monde a été surpris par l'ampleur du retournement au cours du second semestre 2011 : à la mi-mai, la Commission européenne prévoyait encore, pour la zone euro, une croissance de 1,6 % en 2011 et de 1,8 % en 2012.
Alors que la loi de finances initiale tablait sur une croissance de 1,75 %, l'estimation a été révisée à 1 % dès la fin octobre. Entre ces deux dates, l'agence Moody's avait dégradé la note de la France et le spread de taux avec l'Allemagne s'était creusé de manière vertigineuse pour dépasser 200 points de base à la mi-novembre. L'hypothèse de croissance a ensuite été abaissée à 0,5 % dans la loi de finances rectificative de mars puis à 0,3 % dans celle de l'été, avant d'être constatée à zéro à l'issue de l'exercice.
Le climat des affaires, c'est-à-dire de la confiance des entrepreneurs, s'est dégradé de manière quasi-continue entre l'été 2011 et l'automne 2012. Son évolution reflète comme en miroir celle du marché du travail, en baisse à compter du second semestre 2011. En 2012, 51 000 emplois ont été détruits, augmentant le taux de chômage de 0,8 point sur l'année.
La croissance nulle s'explique en outre par la baisse de la consommation, celle des investissements et la diminution des stocks. Seul le commerce extérieur a contrebalancé ces évolutions, la contraction de la demande intérieure limitant les importations.
Les tentatives manquées de retour à l'équilibre de nos finances publiques sont nombreuses. Les dernières programmations tendent toutes vers l'équilibre à l'horizon 2017, mais nous avons en 2012 remonté la pente un peu moins vite qu'en 2011, et moins vite que prévu : pour la première fois depuis 2010, nous nous sommes écartés de la programmation de 0,3 point. Cela s'explique par des éléments exceptionnels comme la recapitalisation de Dexia.
Soulignons l'importance du creux de 2009-2010 : la crise nous a précipités dans une crevasse plus longue et plus profonde que la précédente de 2003. Le retour de la croissance qui doit favoriser le retour à l'équilibre de nos comptes publics se fait attendre : d'abord, car le contexte international est globalement déprimé ; ensuite, car nous ne pouvons plus engager une relance budgétaire comme en 2009 ; enfin car cette crise a sans doute détruit des capacités de production, avec la baisse des investissements et du capital humain. On connaît le niveau élevé du chômage, en particulier des jeunes.
Le déficit public, qui devait être de 4,5 % du PIB, s'est donc finalement établi à 4,8 %, contre 5,3 % en 2011. Cette amélioration résulte d'un ajustement structurel important, dont les effets ont été limités par l'impact négatif de la conjoncture économique et par des éléments exceptionnels.
Notre capacité à atteindre l'objectif à moyen terme (OMT) n'est toutefois pas compromise.
Le solde structurel s'est établi à 3,9 % en 2012, soit un écart de 0,3 % par rapport à la loi de programmation, correspondant à la révision de la hausse du solde de 2011, « reporté » sur 2012. On peut déplorer le niveau élevé du déficit structurel, mais le Gouvernement rappelle que, depuis 2002, il s'est élevé en moyenne à 4,5 %. L'ajustement structurel accompli en 2012 est en outre très important puisqu'il s'élève à 1,1 point de PIB. C'est moins qu'attendu, mais tout de même conséquent.
La dette publique, sans surprise, a augmenté et passé en 2012 le cap de 90 %, en atteignant 90,2 % du PIB. La semaine dernière, l'Insee a indiqué qu'elle se situait à 91,7 % à la fin du premier trimestre 2013. Son poids devrait diminuer à partir de 2015.
S'agissant de l'Etat, le déficit budgétaire s'améliore - modestement - de 4 %, soit 3,5 milliards d'euros, pour s'établir à 87,15 milliards d'euros en 2012, grâce à la maîtrise des dépenses de l'Etat, dont la baisse est historique, et la progression des recettes fiscales, dont la faible croissance spontanée est compensée par le produit des mesures votées à l'été 2012.
Le taux de couverture des dépenses du budget général par les recettes est passé de 69,1 % à 70,6 %. Mais nous sommes loin de retrouver les niveaux d'avant 2007, proches de 85 %.
Les recettes fiscales nettes ont progressé de 13,4 milliards d'euros en 2012. Cette augmentation résulte en totalité des mesures nouvelles, car l'évolution spontanée a été négative, ce qui veut dire qu'à législation constante, les recettes n'auraient pas rapporté autant en 2012 qu'en 2011. Le manque à gagner s'élève à environ 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, principalement au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, dont la chute des recettes en fin d'année demeure pour partie inexpliquée. Le rendement de la TVA reste difficilement compréhensible en 2013 également, comme le montrent les chiffres d'avril ou de mai.
Les dépenses de l'Etat, mieux maîtrisées, ont été réduites par rapport à 2011. Les deux normes, « zéro volume » et « zéro valeur », ont été durcies au cours des dernières années et renforcées par l'inclusion de certaines dépenses jusqu'ici non prises en compte. Elles ont été plus que respectées en 2012 puisque les dépenses ont baissé sur les deux périmètres. Cette performance historique s'explique d'abord par une stricte maîtrise de l'exécution, grâce notamment à la mise en réserve supplémentaire de 1,5 milliard d'euros de crédits à l'été pour gager le dérapage de certaines dépenses ; ensuite, pour la norme zéro volume, par une charge de la dette inférieure de 2,5 milliards d'euros aux prévisions, grâce à des taux eux-mêmes plus faibles qu'escompté.
Enfin, pour l'ensemble des administrations publiques, la dépense n'a augmenté que de 0,7 % en volume, hors éléments exceptionnels, contre 0,9 % en 2011 et 1,7 % en moyenne sur les cinq années précédentes.
La charge de la dette de l'Etat a été pratiquement stable entre 2011 et 2012, à 46,3 milliards d'euros. Il y a eu compensation entre un effet volume, entraînant un alourdissement de la charge, et un effet taux, favorable - sur les émissions à moins d'un an, 0,08 % en moyenne, sur les titres moyen et long terme, 1,86 %, contre 2,8 % en 2011.
Cette marge offerte risque cependant de se réduire progressivement, ce qui rendrait à l'avenir le pilotage de l'exécution plus exigeant.
Notre rapporteur général a sélectionné, parmi les observations de la Cour des comptes, celles qui servent son propos, en ignorant l'essentiel.
De gros efforts ont été faits sur les dépenses publiques, dites-vous : la Cour des comptes révèle pourtant que les dépenses publiques ont progressé de 2 % dans toute l'Europe, mais de 4 % chez nous. Les mesures nouvelles introduites dans la loi de finances rectificative ont rapporté treize et quelque milliards d'euros, dites-vous encore : c'est justement le produit attendu de la TVA sociale que vous avez abrogée... On ne peut soutenir qu'alourdir de 22 milliards d'euros les prélèvements sur les entreprises n'a pas d'effets sur la TVA. De fait, c'est la principale touchée.
Je regrette en outre que notre rapporteur général passe sous silence les dossiers emblématiques de l'année passée. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui ambitionne de diminuer les charges des entreprises de 6 %, reste, cela va sans dire, l'alpha et l'oméga du retour à la compétitivité. En 2013, ses effets seront nuls. Quant à 2014 et 2015, la Cour des comptes estime son impact non pas à 10, ni 20, ni même 30 milliards d'euros, mais seulement 7 ! En réalité, derrière les grands discours sur la compétitivité, les charges des entreprises ne seront amoindries que de 2 %.
Autre dossier brûlant : la Banque publique d'investissement (BPI). Celle-ci regroupe trois entités, dont Oséo qui fonctionnait pourtant bien jusqu'à ce jour. Les modalités et délais fixés pour sa création ne lui permettent toujours pas d'être opérationnelle. Les 20 à 40 milliards d'euros prévus pour relancer l'investissement des petites et moyennes entreprises sont à rapporter aux 1 000 milliards d'euros d'investissement que les banques françaises financent chaque année... Ne perdons pas de vue ces ordres de grandeur.
Nous pensons que la loi de finances rectificative a eu des effets négatifs. On invoque souvent la macroéconomie, et l'on oublie de se préoccuper de l'impact des multiples petites décisions sur les entreprises : sans revenir sur les déclarations incroyables relatives à la taxation à 75 % des entrepreneurs, notez l'incohérence qu'il y a à créer une BPI et simultanément à rendre les intérêts d'emprunt des entreprises non déductibles. Après les pigeons, vous avez les dindons : les personnes d'un certain âge qui souhaitent transmettre leur entreprise familiale - dont on dit que ce sont les plus solides - se verront, tous prélèvements pris en compte, ponctionnées à près de 60 %.
Et nous sommes les dindons de la farce ! Vous nous annoncez donc un vote négatif sur ce projet de loi de règlement ?
Nous n'avons que les mots de croissance, croissance nulle ou décroissance à la bouche. Changeons nos éléments de langage : il serait plus clair vis-à-vis de l'opinion publique de parler de l'évolution de notre produit intérieur brut, qui peut être inférieur ou supérieur à celui de l'année précédente.
Évoquant les recettes fiscales supplémentaires, vous faites références aux mesures introduites dans la loi de finances rectificative de l'été 2012. Espérons qu'elles soient pérennes.
S'agissant de la maîtrise des dépenses et de la norme « zéro volume », lorsque vous prenez en compte les pensions et la charge de la dette, il ne s'agit que d'une économie de 100 millions d'euros.
Nous venons d'entendre un représentant de l'OCDE. Je souhaite qu'au-delà des comparaisons avec les années précédentes, l'on puisse comparer nos niveaux de dépenses publiques, d'endettement, de prélèvements obligatoires, avec ceux de nos partenaires de l'OCDE. De tels tableaux nous seraient utiles pour nous situer.
La charge de la dette s'est stabilisée à 46,3 milliards d'euros en 2012, et les mesures d'économie prises par l'Etat continueront de porter leurs fruits. Néanmoins, l'exécution budgétaire se traduit par une progression de la dette : pourriez-vous préciser les parts respectives de l'Etat, des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale dans cette évolution ?
Pourquoi n'avoir pas, en vertu de la convention signée en décembre 2012 avec EDF, constaté la dette de l'Etat envers l'opérateur ? Le ministre du budget nous a dit être attaché aux droits constatés : je cherche vainement les 4,9 milliards d'euros correspondants. Il ne s'agit certes pas de tout faire porter sur l'exercice 2012, mais de donner une idée de la dégradation du patrimoine de l'Etat. D'aucuns ont suggéré de créer une taxe pour rembourser cette dette au fil du temps, mais cela n'apparaît guère conforme à l'exigence de sincérité des comptes publics. Peut-être le rapporteur général peut-il nous éclairer sur ce point.
L'année 2012 a été de transition. Le taux de croissance escompté initialement était de 1,75 % : il a été de zéro. Personne, ni à droite ni à gauche, ne l'avait anticipé. Le Gouvernement a donc élaboré un collectif destiné à trouver les recettes nécessaires. Mon analyse est aussi neutre que possible.
Le CICE et la BPI sont absents du budget pour 2012 : je n'ai pas conséquent rien à répondre. Nous verrons comment les choses s'engagent en 2013 et surtout en 2014. Les entreprises bénéficieront pleinement du CICE en 2014. Cette année, nous sommes dans la phase de préfinancement de la part de la BPI ou, rappelons-le, des banques.
La conditionnalité est stricte, si bien que les banques n'accordent guère de financements.
Les dossiers sont certes complexes à monter car ils requièrent une attestation fiscale. Mais d'après les banques elles-mêmes, les entreprises qui n'ont pas recours au dispositif sont celles qui ont suffisamment de trésorerie.
La BPI fonctionne bien. La mise en place des comités dans les régions a fait l'objet d'un intérêt marqué de la part de tous les acteurs locaux.
Monsieur Emorine, nous tâcherons de rassembler des éléments de comparaisons internationales que vous demandez.
La dette publique a bondi en 2012 de 85 % à 90 % du PIB. Cette évolution vient principalement de l'Etat : sa part est passée de 66,7 % à 70,9 %, celle des administrations locales de 8,3 % à 8,5 % et celle des administrations de sécurité sociale de 10,2 % à 10,3 %.
Enfin, monsieur Arthuis, vous n'avez pu obtenir la réponse du ministre lui-même à votre question - récurrente - et je crains de ne pouvoir être plus explicite...
La création de la BPI entraîne des coûts imprévus - je ne parle pas des honoraires dont on connaîtra sans doute un jour le montant global. Pour rassembler les actions de CDC Entreprise, la BPI a dû racheter des actions gratuites distribuées à certains de ses cadres. Le rapporteur général le sait aussi, qui siège comme moi à la commission de surveillance de l'institution. Or cette dépense de 7 millions d'euros n'était pas prévue.
Le président Arthuis souligne les ambiguïtés de cette construction : la BPI a été annoncée comme le Messie par certains, elle a suscité le scepticisme chez d'autres. Nous la jugerons sur ses réalisations.
Il faudra d'abord se demander comment des actions gratuites ont pu être distribuées à des cadres de la Caisse des dépôts et consignations pour des missions qui relèvent largement de l'intérêt général. Seconde question, le montant : comment expliquer que certains d'entre eux gagnent de telles sommes en si peu de temps ?
Votre acuité d'esprit, en tant que membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, est salutaire. J'ignore comment cette commission fonctionne aujourd'hui. J'y ai siégé pendant huit ans et j'ai parfois éprouvé le sentiment d'être enseveli sous une avalanche de papier efficacement conçue pour dissimuler les vrais sujets stratégiques.
Vous vous sous-estimez !
A nous désormais de corriger les dysfonctionnements relevés par Jean Arthuis, qui a raison de souligner qu'il y a urgence à revoir certains éléments du fonctionnement et du secteur public, comme du secteur privé. L'autorégulation ne se suffit jamais à elle seule.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi n° 710 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement du budget et d'approbation des comptes pour l'année 2012.
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur général, préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2014.
Après le règlement de l'exercice 2012, voici un rapport tourné vers l'avenir ; il est la contribution de notre rapporteur général au débat d'orientation des finances publiques qui aura lieu demain après-midi au Sénat.
Le rapport du Gouvernement préalable au débat d'orientation contient peu de nouveautés, deux mois après le programme de stabilité. Il a d'ailleurs, disons-le, perdu de l'intérêt maintenant que ce dernier est devenu un élément clef du semestre européen et fait l'objet d'un débat au Parlement au moment de sa transmission, fin avril.
La dégradation des conditions économiques a conduit le gouvernement à repousser à 2014 le retour du déficit public sous les 3 % de produit intérieur brut (PIB). Toutefois, l'effort structurel sur l'ensemble de la période de programmation est plus élevé et permet d'aboutir à un excédent structurel.
Du fait de l'écart - de 0,3 % du PIB - au solde structurel prévu en loi de programmation lors de l'exercice 2012, le Gouvernement a réactualisé la trajectoire des finances publiques. Si le solde structurel prévisionnel pour 2013 est dégradé de 0,2 point de PIB, l'objectif de déficit effectif reste identique, à 3,7 % du PIB en 2013, et la date de retour à moins de 3 % est maintenue à 2014.
La réalisation de l'objectif à moyen terme (OMT) n'est pas compromise, mais l'exigence devient plus forte dans un calendrier plus resserré. La croissance a été nulle ou quasi-nulle en 2012 et le sera en 2013, ce qui pèse sur l'exécution. Cela n'est pas spécifique à la France, puisque les Etats de la zone euro sont, en moyenne, en nette récession sur ces deux années.
Le programme de stabilité 2013-2017 prévoit un effort structurel sans précédent de 1,9 point de PIB, dont 1,5 en recettes, 0,4 en dépenses. Grâce à quoi le Gouvernement prévoit un reflux du déficit effectif à 3,7 % du PIB et du déficit structurel à 2,2 % du PIB, soit un écart de 0,6 point de PIB à la loi de programmation.
En 2013, l'ajustement structurel repose principalement sur les recettes ; 1,5 point de PIB représente un peu plus de 30 milliards d'euros. Toutefois, le niveau des recettes est exposé à deux risques. D'abord, les aléas macroéconomiques : si le PIB reculait de 0,1 % en 2013, au lieu de croître de 0,1 % comme prévu, les recettes seraient moindres de 2 milliards d'euros et le déficit effectif s'établirait à 3,8 %. Avec un recul de 0,3 %, qui correspond aux prévisions du Consensus Forecasts, ce serait 4 milliards d'euros de recettes en moins, et un déficit effectif légèrement supérieur à 3,9 %. Il ne s'agit là que d'une projection mécanique, non d'une prévision.
Le second risque concerne, l'élasticité des recettes fiscales. Dans son rapport sur La situation et les perspectives des finances publiques publié en juin 2013, la Cour des comptes identifie des risques dont l'impact peut s'élever jusqu'à 6 milliards d'euros. Pour rappel, l'élasticité de la TVA prévue en loi de finances initiale pour 2012, proche de 1, a finalement été mesurée à -0,8. Rien ne permet d'affirmer que ces phénomènes se reproduiront en 2013 : il est très difficile d'établir des prévisions d'élasticité des recettes à ce stade de l'exécution.
Le rendement de la TVA est en hausse de 1,5 % en mai 2013, sur un an, et celui de l'impôt sur les sociétés progresse de 15,4 % sur la même période. Le ministre du budget l'a dit ici : mai a été porteur de bonnes surprises, avril beaucoup moins.
Les objectifs de dépenses apparaissent réalistes. Le programme de stabilité prévoit un effort structurel en dépenses de 0,4 point de PIB en 2013, ce qui correspond à une croissance en volume des dépenses publiques de 0,9 %. La Cour des comptes estime que « le risque pesant sur les perspectives de dépenses du programme de stabilité est limité et pourrait être pour une large part neutralisé par les économies plus importantes sur les dépenses de santé et la charge d'intérêt ». S'agissant du budget de l'Etat, elle considère que la réserve de précaution, qui a été augmentée de 2 milliards d'euros, couvrirait les éventuels dérapages. Le seul véritable risque réside donc dans une éventuelle révision de grande ampleur du budget européen.
Sur les dépenses soumises à la norme « zéro valeur », la Cour des comptes voit un risque de dérapage essentiellement sur les dépenses de personnel liées à l'intervention au Mali et les dépenses sociales de guichet relatives aux contrats aidés. Le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne a déjà été majoré de 0,8 milliard d'euros, mais pourrait l'être encore de 1,8 milliard en cours d'année. Au total, le risque sur les dépenses est compris entre 1,9 et 4,7 milliards d'euros. Dans le bas de cette fourchette, la réserve de précaution, augmentée de 2 milliards d'euros en début d'année, couvrirait les dérapages ; dans le haut, la question d'un collectif pourrait être posée à l'automne.
En 2014, l'effort structurel, qui portera à 70 % sur les dépenses, atteindra 1 point de PIB et le solde structurel sera ainsi ramené à un déficit de 1,2 point de PIB, soit presque aussi bien que la prévision de la loi de programmation ; le solde effectif sera de 2,9 %. Cela ne sera possible que si les prévisions de recettes sont respectées cette année, faute de quoi il faudrait accroître sensiblement le niveau de l'effort prévu. Dans le même temps, l'effort structurel en recettes devrait s'élever à 0,3 point de PIB, soit 6 milliards d'euros, portant sur les retraites, la fraude et le recouvrement, les dépenses et les niches fiscales. A cela devrait s'ajouter 8 milliards d'euros de mesures, pour compenser la perte de ressources due au CICE et la fin de plusieurs mesures temporaires.
L'effort structurel en dépenses est inédit. Il repose sur la limitation de la croissance en volume des dépenses publiques à 0,4 %, soit 14 milliards d'euros d'économies, dont 8,5 sur les dépenses de l'Etat incluses dans le périmètre zéro valeur, 2,6 sur l'Ondam et les tarifs de santé, 1 sur les pensions, en application de l'accord de mars 2013 et 1,1 sur la branche famille, dans le cadre de la rénovation de la politique familiale.
Un mot sur la sensibilité de la trajectoire des finances publiques à la conjoncture. Le Haut Conseil des finances publiques a mis en évidence les incertitudes sur les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent la trajectoire. Nous avons tenté de mesurer les conséquences d'une dégradation imprévue de la conjoncture, selon deux scénarios. Le premier est fondé sur une hypothèse de recul du PIB de 0,1 % en 2013 conforme à la prévision de l'Insee et de la Commission européenne, puis une croissance de 0,8 % en 2014, conforme à la prévision de l'OCDE. Le second scénario retient les hypothèses de croissance du Consensus Forecasts de juin 2013, soit un recul du PIB de 0,3 % en 2013 et une croissance de 0,6 % en 2014. A compter de 2015, la croissance effective est dans les deux cas supposée converger vers la croissance potentielle. Dans le premier scénario les recettes publiques en 2013 seraient inférieures de 2 milliards d'euros à la prévision, et dans le second d'environ 4 milliards d'euros. Je le répète, c'est une analyse de risques, non une prévision.
L'effort structurel prévu mettrait fin dès 2015 au déficit excessif au sens du pacte de stabilité et de croissance, conformément aux recommandations de la Commission européenne du 29 mai 2013. Même si la conjoncture se dégradait, nous pourrions satisfaire les exigences européennes.
Du fait des efforts programmés sur la période, une dégradation des conditions économiques provoquerait une augmentation momentanée du déficit effectif et du niveau de la dette mais celle-ci amorcerait tout de même sa décroissance à partir de 2015.
Venons-en au projet de loi de finances pour 2014. Les dépenses soumises à la norme « zéro valeur » seront réduites de 1,5 milliard d'euros. État, collectivités territoriales et opérateurs seront tous mis à contribution, à hauteur respective de 0,2 milliard d'euros, 0,8 et 0,5. Quant aux dépenses relevant de la norme « zéro volume », elles baisseront de 2,8 milliards d'euros par rapport à la programmation et de 0,1 milliard d'euros par rapport à 2013.
La doctrine du Gouvernement sur l'emploi public est connue : stabiliser les effectifs de l'État et de ses opérateurs entre 2012 et 2017. Les 4 278 créations d'emplois dans l'Éducation nationale de même que les postes supplémentaires au sein des opérateurs sont gagées. Au total, le solde, Etat et opérateurs compris, affichera une baisse de 1 451 équivalents temps plein (ETP) en 2014 avec 13 158 ETP supprimés dans les ministères non prioritaires.
Grâce à des redéploiements entre missions, le Gouvernement financera les politiques prioritaires, en tenant compte de la dynamique des dépenses de guichet, dont celles de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». La contrainte est forte et nous en avons conscience ; il demeure que des arbitrages sont pris pour tenir les engagements. Pour en connaître le détail et savoir la hiérarchisation des priorités au sein des ministères, il faudra attendre le projet de loi de finances.
Enfin, les objectifs et indicateurs envisagés pour le prochain budget marquent une stabilisation rassurante du dispositif de performance. Même remarque pour les ajustements dans la maquette budgétaire. S'agissant de la fusion des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », nos rapporteurs spéciaux, notre président et moi-même avons été consultés en juin et avons donné notre accord sous réserve de la fusion des deux programmes de la sécurité civile. Nous aurons ainsi une maquette budgétaire plus lisible et plus facile à interpréter.
Pour conclure, mon appréciation est plutôt positive : le Gouvernement se donne les moyens de satisfaire aux engagements qu'il a pris devant l'Union européenne, en répondant à l'attente qui s'est manifestée de le voir mettre l'accent sur les économies de dépenses.
J'adresse mes félicitations au rapporteur général pour cet exposé. Je connais la difficulté de la tâche : concilier la réalité des chiffres avec la nécessaire solidarité politique. Les chiffres et les clefs d'analyse que vous nous avez donnés constitueront un patrimoine commun à partir duquel il nous sera loisible de bâtir nos interprétations. Car la vertu des chiffres est d'autoriser plusieurs lectures, n'est-ce pas ?
« Un effort de 1,5 point de PIB en recettes fragilisé par les aléas économiques », je retiens cette formulation très objective. S'il vous semble trop tôt pour vous prononcer sur l'opportunité d'un collectif budgétaire, nous ne saurions exclure un recadrage. Du reste, le ministre du budget a produit des dénégations trop fortes pour sonner juste...
Je remercie le rapporteur général de son objectivité. Je note une certaine dichotomie. D'une part, un discours, qui s'adresse à Bruxelles, sur l'effort sans précédent de réduction des dépenses publiques - et le moindre coup d'oeil dans le rétroviseur doit inciter à l'humilité car nous avons été loin d'être exemplaires par le passé. De l'autre, la réalité des réformes structurelles, qu'on ne voit pas venir. Or nous sommes au pied du mur et, ce matin, la ministre à la condition féminine...
annonçait vouloir augmenter le nombre de places en crèches collectives.
Et chacun sait qu'il vaudrait mieux multiplier les maisons d'assistantes maternelles !
Monsieur le président, je m'efforce de convaincre... Cette vision de la petite enfance est par trop parisienne. Mais revenons aux réformes structurelles. Le Gouvernement ne touche pas aux régimes spéciaux de retraite, ni à la durée du temps de travail, il n'annonce aucune réforme de fond. Bref, l'effort, pour être crédible, devra être plus sérieusement détaillé.
Un sujet qui m'est cher, la compétitivité. Si je critique le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), je le considère comme un signal positif à deux égards : pour la première fois, un gouvernement de gauche reconnaît l'existence d'un problème de charges sociales pour les entreprises et il ne s'interdit pas une hausse de la TVA. Fort bien, mais allons jusqu'au bout du chemin en taxant les produits plutôt que la production. Hier, nous discutions avec Stéphane Le Foll du coût d'un ouvrier dans les abattoirs : dix euros de plus en France qu'en Allemagne. Moyennant quoi, l'Allemagne nous a dépassés. Nous ne pouvons plus continuer ainsi à moins, naturellement, que cela soit un choix politique...
Au tour de Francis Delattre de se mettre en jambes pour la séance publique !
Je m'en tiendrai à de petites questions ponctuelles. Le CAS « Pensions » afficherait une réduction de 0,8 milliard d'euros; le rapporteur spécial que je suis a pourtant déjà eu vent de tensions... Le CICE, qui relève chez moi de l'obsession, est financé par une augmentation de la TVA et d'autres économies. C'est-à-dire ? Ces économies sont-elles comprises dans les 14 milliards prévus ? J'en doute. Enfin, la Défense verrait ses pertes de crédit compensées par des ressources extrabudgétaires. Lesquelles ?
Je rends également hommage au rapporteur général pour l'honnêteté de son propos. J'en retire la conclusion suivante : la visibilité à court terme, très faible, fragilise les prévisions à moyen terme. Dans Ouest France, le président de la République déclarait lundi dernier qu'une accentuation de la pression fiscale n'était pas d'actualité. M. Eckert, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, a fait d'intéressantes déclarations qui vont dans le sens contraire. Quelle est la position du rapporteur général de la commission des finances du Sénat ?
La baisse de 1 milliard d'euros des crédits alloués à la branche famille s'inscrit, avez-vous dit, dans le cadre de la rénovation de la politique familiale. Pour ma part, j'observe que le déficit de 2 milliards d'euros de la branche s'explique largement par des charges indues. Surtout, ces dépenses sont d'investissement davantage que de fonctionnement, et cette « rénovation » n'est peut-être pas une priorité.
Le CICE est en 2013 une possibilité offerte aux entreprises mais il atteindra son régime de croisière en 2014. Nous pourrons alors mesurer ses effets et le regarder pour ce qu'il est. Si le nombre réduit d'entreprises, hormis les grandes, qui y ont recours cette année est un peu surprenant, cela reste une mesure excellente sur le fond : 20 milliards d'euros, ce n'est pas rien.
Méfions-nous de réduire le débat sur la compétitivité au coût du travail. Regardez l'Espagne et le Portugal : le prix à l'heure y est faible et, pourtant, ces deux pays connaissent de grandes difficultés. Le coût du travail est, parmi d'autres, un des éléments concurrentiels d'une économie. Avec un coût salarial équivalent au nôtre, l'Allemagne fait mieux parce qu'elle vend des process industriels au monde entier, y compris à la France. Les entreprises européennes concurrentielles sont toutes équipées par elle. La démonstration vaut pour le temps de travail : l'Allemagne avait adopté les 32 heures avant que nous passions aux 35. Son atout, ce sont aussi ses sous-traitants, de taille supérieure aux nôtres, qui développent leurs propres process industriels quand la concentration des PME dans le secteur automobile français a commencé il y a peine quatre ans.
Certes, mais négliger ce facteur de compétitivité est commode ! Vous n'enrayerez pas la progression du chômage en restant dans le politiquement correct. L'Allemagne a eu M. Schröder, qui a pris des décisions que ni la droite ni la gauche françaises n'ont été capables d'envisager. Méfions-nous des tabous : il faut absolument basculer le financement de la sécurité sociale sur les produits. En continuant à en faire peser le poids sur la production, nous nous rendrons collectivement complices des délocalisations. Si je ne m'abuse, on travaille 40 heures dans la fonction publique allemande et, bientôt, dans la fonction publique européenne. Et l'Union a adopté cette mesure avec l'appui de la France.
L'ampleur de l'appel aux financements de la Banque publique d'investissement (BPI) n'est pas un bon indicateur pour le CICE. Entre autres raisons, parce que la BPI exige des intérêts pour assurer le portage. Il n'est pas gratuit et ceux qui peuvent s'en passer n'y recourent pas ! J'ajoute que les grandes entreprises demandent désormais à leurs sous-traitants de baisser leurs prix en leur expliquant que le coût du travail a diminué...
Je n'ai pas dit le contraire mais nous sommes loin du choc de compétitivité : Louis Gallois parlait de 30 milliards d'euros, vous en prévoyez 10 cette année et le double l'an prochain. Osons les 50 milliards !
A Dominique de Legge, je répondrai que nous apportons notre soutien clair, net et précis à la stratégie du Gouvernement : restaurer la confiance, relancer la croissance et dégager des résultats budgétaires. La Cour des comptes a jugé que la hausse de 2 milliards d'euros de la réserve de précaution suffira à couvrir les dérapages. Ne soyons pas plus royalistes que le roi ! En tout état de cause, je ne suis pas favorable à un réajustement sur les recettes en cours d'année.
Monsieur Arthuis, le Gouvernement a choisi la voie de la concertation préalable pour les réformes structurelles. Des mesures ont été prises, sur la politique familiale et la compétitivité ; d'autres viendront, notamment sur les retraites. Soit, certains auraient souhaité qu'elles interviennent plus tôt. Quoi qu'il en soit, le train est en marche et les effets se feront sentir à partir de 2015.
Un des moteurs de l'économie est la démographie. La France a la chance d'avoir un taux de natalité très fort. En Suède et au Danemark, où il est extrêmement bas, le grand sujet des dernières élections législatives était l'accueil du jeune enfant, les crèches...
Les crèches familiales, les assistantes maternelles ou encore les maisons d'assistantes maternelles... Nous savons tout cela grâce au cumul des mandats.
J'indique à Francis Delattre que le CAS « Pensions » enregistre une augmentation moins importante que ne le prévoyait la programmation pluriannuelle, et pas une baisse de ses dotations budgétaires : une hausse de 400 millions d'euros est bien prévue. Les ressources extrabudgétaires dont disposera la Défense consistent en des cessions immobilières, dont le produit reviendra à 100 % à l'armée, et dans la vente de fréquences hertziennes.
En résumé, un collectif budgétaire n'apparaît pas nécessaire pour l'instant. J'ai néanmoins voulu, dans mon exposé, me livrer à une analyse des risques.
A l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. François Marc, rapporteur général, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.