Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 4 juillet 2013 à 9h30
Attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public — Article 1er, amendement 1

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Il peut s’agir d’un contentieux de santé publique ou d’un contentieux de circulation routière, comme un blocage de la voie publique. Il peut aussi s’agir de contentieux particuliers qui concernent une portion de territoire. Le garde des sceaux peut donc faire des circulaires territoriales, voire des circulaires sectorielles ou thématiques.

À cet égard, M. Vial a eu le souci, hier, dans son intervention à la tribune, de présenter une demi-douzaine d’exemples. Mais, comme je le lui ai dit, toutes les situations qu’il a présentées avaient un caractère collectif et une dimension de trouble à l’ordre public. En l’occurrence, une circulaire convient parfaitement : elle permet de donner des instructions, y compris à un parquet général particulier, même si elle est diffusée partout. Elle peut en effet cibler ce ressort en précisant ce qu’il faut faire en cas de blocage des routes à l’occasion d’une grève. Par ce moyen, le garde des sceaux peut alors indiquer qu’il convient de faire diligence pour traiter le problème, ou de prendre du temps, notamment parce qu’une négociation est ouverte. Vous le voyez, il y a toujours des réponses possibles.

On peut avoir en tête, sans le dire expressément, l’intérêt supérieur de la Nation ou la lutte contre le terrorisme, comme le rapporteur l’a évoqué. Là aussi, une circulaire peut convenir, mais s’il y a une section qui fonctionne, c’est celle-là, bien qu’elle soit en compétence concurrente. Les intérêts de cette nature, qui touchent au fondement même de la société, seront toujours protégés, à moins de se trouver en présence d’un procureur ou d’un procureur général qui aurait complètement perdu la raison.

Je ne vois donc pas les situations particulières qui justifieraient des instructions individuelles, sans compter que nous avons d’autres instruments. On m’alerte sur le cas imaginable d’un procureur qui déciderait de ne pas poursuivre malgré les demandes du procureur général. Je rappelle que ce dernier peut donner des instructions individuelles et écrites qui sont versées au dossier. Si le procureur général dit de poursuivre par instruction écrite et que le procureur ne bouge toujours pas, alors, on avisera.

Imaginons que ce soit un contentieux qui fasse débat et qui agite l’espace médiatique : je veux bien imaginer qu’un procureur reste de marbre et ne bouge pas, cependant, même dans ce cas-là, le garde des sceaux n’a pas besoin de donner des instructions individuelles, puisque l’article 40 du code de procédure pénale lui permet d’introduire directement auprès du procureur un signalement sur ce fait, qui le contraindra à réagir.

Je le répète, je n’arrive pas à distinguer des cas qui justifieraient qu’on réintroduise les instructions individuelles.

En revanche, je vois bien les risques d’une telle réintroduction. Je veux bien croire que la suspicion sur la justice ne soit pas si prononcée, encore que je n’en suis pas si sûre, et que ce soit une question de moyens.

Je suis donc défavorable à cet amendement n° 1 rectifié. Mon argumentaire a été un peu long, mais, par respect pour vous, je me devais de développer notre position en faveur de la suppression des instructions individuelles, car elles contribuent à la défiance vis-à-vis de l’institution judiciaire. Une telle suppression, qui n’entraîne pas de désarmement de l’État, est sans danger. Il y aura toujours des possibilités de faire fonctionner la justice correctement.

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