Le Gouvernement émet également un avis défavorable, même s’il entend bien la préoccupation exprimée par les signataires de l’amendement. J’y ai déjà répondu, mais M. Mézard ne veut pas se laisser convaincre !
Convenez cependant que la responsabilité des procureurs généraux existe depuis 1958. En tant que chefs hiérarchiques des procureurs, les procureurs généraux sont bien ceux qui répondent de l’animation et de la coordination de l’action publique dans le ressort de la cour d’appel et plusieurs procureurs de la République relèvent de leur responsabilité. Le procureur général n’est pas un supérieur honoraire dont le rôle, certes prestigieux, se limiterait à représenter l’institution dans des événements mondains ! Il exerce réellement des responsabilités.
C’est ainsi le procureur général qui transmet le rapport annuel sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort. C’est lui qui répond de l’exécution de la politique pénale. Il ne se contente pas, à la fin de l’année, de constater ce qui s’est passé, il anime l’action des parquets tout au long de l’année. Il décline donc la politique pénale du garde des sceaux, qui, lui, reste responsable pour l’ensemble du territoire national.
Lorsque je vous ai présenté ce projet de loi, je vous ai expliqué que nous n’avions pas souhaité modifier l’ordonnance de 1958. Je pensais avoir été claire sur ce point. Il peut certes apparaître légèrement contradictoire d’accepter le lien hiérarchique entre le procureur de la République, le procureur général et le garde des sceaux et, en même temps, de travailler à renforcer l’indépendance des parquets. Malgré tout, l’institution judiciaire française reste cohérente, avec certes son architecture particulière, et nous n’avons pas voulu mettre à bas cette cohérence.
Avec ce projet de loi, nous supprimons les instructions individuelles, nous renforçons la responsabilité du garde des sceaux, donc de l’exécutif, en matière de politique pénale et nous nous référons en plus à l’article 20 de la Constitution : il ne s’agit donc pas d’une responsabilité fantaisiste ni d’une responsabilité quinquennale ; nous parlons de la responsabilité intemporelle de l’exécutif, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le garde des sceaux se réfère à l’ordonnance de 1958 pour éviter que les ressorts des cours d’appel ne deviennent des fiefs où chaque procureur général déterminerait à la fois les conditions d’accès à la justice, les orientations pénales, la politique pénale, etc.
Lorsqu’un territoire présente des caractéristiques particulières, le garde des sceaux peut diffuser une circulaire s’appliquant à ce territoire : j’en suis à ma cinquième circulaire territoriale, mesdames, messieurs les sénateurs !
Lorsque nous avons délimité les périmètres des zones de sécurité prioritaires, par exemple, nous avons déterminé des secteurs géographiques, mais nous nous sommes aussi préoccupés de la nature des contentieux. Ma circulaire pénale générale indique comment traiter l’ensemble des contentieux, comment choisir les procédures, les poursuites, etc. Toutefois, dans un même ressort de cour d’appel, les parquets peuvent être confrontés à des types de délinquance bien différents. Il revient alors au procureur général, dans le cadre strict de la circulaire générale d’orientation, d’en nuancer l’application afin que, sur l’ensemble du ressort, le traitement ne soit pas le même, puisque les délinquances ne sont pas les mêmes. Rien de plus, mesdames, messieurs les sénateurs ! Le procureur général ne va pas au-delà de la circulaire générale, mais celle-ci est pensée pour l’ensemble du territoire national et peut donc être déclinée de manière particulière pour une partie plus ciblée de ce territoire.
Je prendrai l’exemple des GLTD, les groupes locaux de traitement de la délinquance. Ce sont des structures strictement judiciaires mises en place à titre temporaire par le procureur pour associer tous les acteurs qui interviennent sur la juridiction. Ces GLTD sont autant de déclinaisons de la politique pénale ; ils permettent de consacrer un effort particulier pendant un temps donné pour combattre et éradiquer un type de délinquance particulier qui perturbe considérablement la vie d’un territoire particulier.
J’ai bien conscience d’avoir été un peu longue, monsieur le président, et peut-être même abusivement explicative !