Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2012 a été particulière à bien des égards, notamment parce que le budget a été préparé et voté par une majorité différente de celle qui en a poursuivi et terminé l’exécution, ce qui n’a pas été une tâche facile !
Par ailleurs, l’exécution budgétaire de 2012 est marquée par une transparence accrue. En effet, s’il s’agit de la septième année de certification des comptes de l’État par la Cour des comptes, qui en garantit la sincérité et la régularité en application de la LOLF, c’est la première fois que le Haut Conseil des finances publiques s’est prononcé sur le respect de la trajectoire de solde structurel.
Dans son avis du 23 mai dernier, cette nouvelle institution indépendante a souligné que l’écart de 0, 3 point constaté par rapport à l’objectif fixé en loi de programmation pour le solde structurel ne peut pas être qualifié d’« important » au sens de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Ce constat implique que la procédure de correction des écarts prévue par la loi organique et le traité budgétaire européen n’a pas à être déclenchée. C’est un signal positif quant à la qualité des prévisions et au sérieux de l’exécution qui caractérisent désormais nos textes financiers.
J’en viens maintenant aux améliorations qui sont perceptibles dans l’exécution du budget de 2012.
Tout d’abord, la Cour des comptes a formulé sept réserves, identiques à celles de l’année précédente, mais dont seulement cinq sont désormais qualifiées de « substantielles ». Faut-il rappeler que treize réserves avaient été exprimées en 2006, à l’occasion de la première certification ? Les progrès réalisés sont donc loin d’être négligeables, même s’il reste, nous en convenons, beaucoup à faire. D’ailleurs, après s’être inquiétée du ralentissement des efforts d’amélioration de la qualité des comptes en 2011, la Cour des comptes a constaté « un véritable redémarrage des chantiers » en 2012.
Cependant, malgré ces quelques points positifs, les principaux résultats de l’exécution budgétaire pour 2012 nous donnent peu de raisons d’être optimistes.
Tout d’abord, même si le déficit budgétaire a été réduit de 3, 57 milliards d’euros, il reste très élevé ; surtout, le rythme de sa diminution s’est nettement ralenti. Il est vrai que la dégradation de la conjoncture économique a été bien plus importante que l’on pouvait l’imaginer. Faut-il rappeler que l’hypothèse de croissance qui sous-tendait le budget de 2012 a dû être revue à la baisse à deux reprises, pour être finalement fixée à zéro ? Didier Migaud nous a fait part de son inquiétude à ce sujet lorsque nous l’avons auditionné, monsieur le président de la commission des finances. Il a souligné que « cette réduction du déficit est insuffisante pour enrayer la progression de la dette et sortir l’État de la zone dangereuse dans laquelle il se trouve ».
En outre, malgré les nouveaux prélèvements et les augmentations d’impôts décidés par les majorités précédente et actuelle – chers collègues de l’opposition, permettez-moi de vous rappeler, avant que vous ne montiez sur vos grands chevaux, que vous décidé 15 des 22 milliards d’euros de hausses d’impôts de 2012 –, le faible dynamisme de certaines recettes est très préoccupant.
Le rendement des principaux prélèvements, comme l’impôt sur les sociétés ou la TVA, est même en diminution. De plus, sur les 5, 7 milliards d’euros de recettes de TVA qui manquent par rapport aux prévisions, la non-perception de 1, 3 milliard d’euros reste inexpliquée.
Monsieur le ministre, vous avez considéré, devant notre commission des finances, que cette part inexpliquée de la diminution des recettes n’est pas significative au regard des masses concernées : elle ne représenterait que 1 % du produit total de la TVA. Le caractère erratique et incertain des recettes de TVA, qui persiste manifestement en 2013, me semble néanmoins très préoccupant.
Enfin, dans le domaine qui nous donne des raisons d’espérer, c’est-à-dire la maîtrise des dépenses de l’État, la Cour des comptes nous invite une fois de plus à faire preuve de la plus grande prudence. En effet, si nous pouvons nous réjouir que les dépenses d’intervention aient été réduites de 2, 5 % ou que la masse salariale ait été quasiment stabilisée en valeur, la réduction des dépenses en 2012 résulte surtout de l’annulation de crédits « gelés ».
En outre, l’année 2012 a été caractérisée par des dépenses exceptionnelles très importantes, de l’ordre de 9 milliards d’euros, qui ont été réalisées en dehors des normes de dépenses « zéro volume » et « zéro valeur », ce qui pose manifestement question. Ces dépenses exceptionnelles ont contribué à la recapitalisation de Dexia, d’une part, et à la participation de la France aux mécanismes de soutien aux États de la zone euro en difficulté, d’autre part.
En matière de dépenses, comme l’a souligné la Cour des comptes, la France – quelle que soit la majorité en place – a tendance à trop mettre l’accent sur les moyens alloués aux politiques publiques et pas assez sur les résultats obtenus. Si la France se classe au deuxième rang des pays de l’OCDE en termes de niveau de la dépense publique par rapport au PIB, elle arrive rarement en tête de classement au regard du critère de l’efficacité de celle-ci.
Le Gouvernement a mis en place la MAP, la modernisation de l’action publique ; c’est une démarche importante, mais n’oublions pas qu’il y a urgence à réaliser des réformes structurelles ambitieuses et courageuses pour redresser durablement nos finances publiques et éviter ainsi un emballement de la dette qui pèserait sur les générations futures.
Si personne ne doit nous dicter le contenu de ces réformes, il ne faut pas pour autant en tirer prétexte pour s’arrêter en chemin au lieu d’aller de l’avant. La France a besoin de ces réformes ; les générations futures nous seront reconnaissantes du courage dont nous aurons fait preuve en les engageant dès aujourd’hui.
L’exécution du budget de 2012 a donc été marquée par de nombreuses incertitudes et difficultés, difficultés qui persistent d’ailleurs en 2013 et pourraient rendre nécessaire l’élaboration d’un collectif budgétaire, monsieur le ministre.
Les augmentations de prélèvements ayant déjà lourdement pesé sur le moral des ménages et des entreprises et affecté tant la consommation que l’activité économique, qui n’étaient déjà guère florissantes, il est désormais indispensable, pour réduire le déficit, de centrer nos efforts sur les dépenses –mais j’anticipe ici sur le débat sur l’orientation des finances publiques que nous aurons tout à l’heure.
Parce que nous soutenons fermement la politique économique mise en place par le Gouvernement pour gagner la bataille de la croissance et de l’emploi, la grande majorité des membres du RDSE approuvera le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.