Intervention de André Gattolin

Réunion du 4 juillet 2013 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2012 — Rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur le projet de loi de règlement est pour nous tous l’occasion de porter un regard rétrospectif sur l’année budgétaire 2012. Cet exercice d’approbation des comptes publics est salué par le groupe écologiste, car, comme vous le savez, en matière de finances comme dans les autres domaines de la vie publique, la transparence est pour nous une question essentielle.

L’année 2012 n’a pas été banale : la France ayant élu une nouvelle majorité parlementaire, cela a été une année de transition. À cette occasion, un tournant a été pris. Je pense notamment à la rupture avec la révision générale des politiques publiques, que nous critiquions très fortement, tant les dégâts causés par cette réforme drastique ont été importants dans tous les secteurs.

Depuis, la RGPP a été remplacée par la politique de modernisation de l’administration publique, dont nous attendons que l’exécution soit plus flexible. Afin de mesurer l’efficacité de nos politiques publiques, de nouvelles normes comptables internationales vont d’ailleurs être mises en place. Membre de la commission des affaires européennes, je suis particulièrement sensible à cet enjeu qui, malgré des apparences très techniques, est hautement démocratique.

M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, a tenu à alerter les élus sur ces normes qui sont tout à la fois complexes, instables et assez inadaptées au secteur public et aux spécificités des comptes publics, puisqu’elles émanent d’organismes privés. De ce point de vue, il nous paraît peu légitime, voire pas du tout, de les appliquer aux budgets des États. Je referme la parenthèse, mais j’attends du Gouvernement qu’il s’engage à veiller à l’adoption de normes véritablement adaptées aux spécificités des politiques publiques, au cœur desquelles se trouve la notion d’intérêt général.

Monsieur le ministre, vous avez invoqué la faiblesse de la croissance pour justifier une partie des résultats de l’année 2012, notamment en termes de recettes. Il suffit de reprendre les discours des écologistes, notamment ceux de Jean-Vincent Placé, notre chef de file en matière de finances, pour comprendre que miser sur une hausse de la croissance était assez illusoire.

Depuis longtemps, nous nous gardons de céder aux sirènes du traditionnel dogme productiviste de la « croissance à tout prix ».

Les facteurs de la croissance sont d’ailleurs en train d’évoluer sous nos yeux, prenant des formes qui échappent aux critères habituels d’évaluation du PIB. Je pense notamment à la consommation collaborative et aux indices alternatifs de développement.

Si l’on ne peut ou ne veut compter sur la croissance dans le contexte actuel, il faut en effet maîtriser les dépenses. Encore faut-il faire les bons arbitrages.

Parlons tout d’abord du positif.

Je tiens à féliciter le Gouvernement pour son soutien affirmé aux PME, notamment via la création de la Banque publique d’investissement, la BPI. Cela étant, en matière de politique économique, vous connaissez la position très critique de mon groupe à l’égard de la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Je me réjouis également que l’une des priorités du Gouvernement soit de compenser les charges transférées dans le cadre de la décentralisation et d’accompagner l’investissement, notamment en milieu rural.

Je me félicite aussi que l’État ait versé une dotation de 25 millions d’euros au titre de sa participation au fonds de soutien aux collectivités locales ayant contracté des emprunts toxiques.

Je m’interroge toutefois sur les conséquences de la réforme territoriale en cours sur les finances des collectivités locales. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, sans anticiper sur le débat sur l’orientation des finances publiques, nous en dire quelques mots ?

Enfin, je salue l’attribution de crédits supplémentaires à la mission Sécurité, notamment pour la création des zones de sécurité prioritaires, dispositif qui accorde une plus grande place à la prévention.

J’en viens maintenant aux arbitrages un peu plus polémiques. Sans surprise, je vais vous parler d’écologie. L’actuel gouvernement ne semble pas vouloir véritablement la valoriser, malgré son intérêt au regard du développement de l’emploi et du dynamisme économique de la France. Le budget de l’écologie subit une baisse constante de ses crédits. Le rapport annuel de performances 2012 témoigne d’un manque d’ambition évident pour les secteurs liés à l’écologie ; je ne parle même pas du budget de 2014… Mon collègue Jean-Vincent Placé aura l’occasion de revenir sur cette question lors du débat sur l’orientation des finances publiques.

Malgré l’affichage d’une volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’amorcer la transition énergétique, je constate que rien n’est fait pour promouvoir le ferroviaire, les voies navigables, la biodiversité et les politiques énergétiques de substitution.

En matière d’arbitrages, nous pourrions également évoquer le budget de la défense. Le rapport annuel de performances du ministère de la défense reste encore très flou. Rappelons d’ailleurs que l’une des réserves substantielles émises par la Cour des comptes concerne les actifs et les passifs de ce dernier.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous semblez valoriser les gels et les surgels qui ont été effectués. Je tiens à vous alerter sur les risques que fait courir cette méthode en termes de dégradation indifférenciée des politiques publiques, alors qu’il faudrait définir des priorités et cibler les secteurs dans lesquels les économies peuvent être réalisées.

J’ai beaucoup évoqué les dépenses, mais n’oublions pas une chose concernant les recettes : je crois que les électeurs qui ont voté pour l’actuelle majorité ne sont pas foncièrement réticents à l’idée de contribuer à l’effort public, autrement dit à « payer des impôts », si, et seulement si, ils bénéficient en contrepartie d’un système de solidarité et de services publics d’une qualité irréprochable. C’est sur cette exigence que nous devrions nous concentrer dans les mois et années à venir.

L’année 2012 a marqué une rupture, mais également, d’étrange façon, une continuité, avec une hausse de la TVA, un accroissement de la rigueur, des discours réitérés sur la compétitivité et la flexibilité…

Le gouvernement actuel a, selon M. Moscovici, fait le choix de « ne pas ajouter l’austérité à la récession », afin de ne pas accroître le risque d’effet récessif.

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