Intervention de Philippe Marini

Réunion du 4 juillet 2013 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2012 — Rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président de la commission des finances :

Or vous ne voulez pas le faire et vous prétendez que votre démarche est transparente !

Il n’y a pas si longtemps, l’alpha et l’oméga de la gestion sérieuse des finances publiques étaient d’atteindre un objectif de 3 % de déficit à la fin de l’année 2013. Vous vous êtes targué d’avoir obtenu de la Commission européenne un sursis de deux années. À mon sens, l’octroi de ce sursis est la plus mauvaise nouvelle que la France aurait pu recevoir, mais, dans vos prévisions officielles, vous annoncez toujours un objectif de déficit de 3 % à la fin de l’année 2014.

Or les estimations plutôt bien argumentées issues des travaux de la Cour des comptes et même les propos très sérieux du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale convergent vers une prévision de déficit à 3, 5 % du PIB à la fin de 2014. Monsieur le ministre, si vous êtes transparent, il faut nous dire quel est votre objectif de déficit public ! Là aussi, je relève une lacune dans votre transparence, ou plutôt des « noyaux d’opacité », si vous me permettez cette image.

Enfin, en matière de maîtrise des dépenses publiques, des efforts ont bien entendu été faits, en particulier à la fin du quinquennat précédent ; ils se poursuivent, c’est tout à fait logique, et nous devons les assumer, les uns et les autres. Mais que nous dit l’exécution de l’année 2012 ? La progression en volume des dépenses publiques a été de 1 %, pour un objectif de 0, 4 %. Le fait de se situer à 1 % révèle en soi un réel effort, mais vous nous dites que vous parviendrez en 2014 à limiter cette progression à 0, 5 %. Très sincèrement, je ne suis pas aussi sûr que vous que la manière dont vous devrez procéder et la répartition de cet effort soient très convaincantes ou transparentes.

Il semble clair que l’État, qui, certes, s’efforce de contenir ses dépenses, exporte une part très significative, bien plus que proportionnelle, de cet effort sur ses opérateurs, mais aussi sur les collectivités territoriales. Nous devons le constater, car ce point mérite d’être discuté.

Le dernier point au sujet duquel vous invoquez la transparence est le rendement des recettes publiques, en lien direct avec les estimations du contexte économique. Alors que la conjoncture financière est difficile et que l’état des marchés est aléatoire – malgré les efforts de la Banque centrale européenne et de son gouverneur, que nous devons remercier particulièrement –, le retour sur les marchés des pays périphériques de l’Europe est sans doute plus difficile qu’on ne le croyait il y a quelques semaines. Des interrogations très lourdes pèsent sur la situation du Portugal et de la Grèce. Dans un tel cadre, l’intérêt de notre pays ne serait-il pas d’assumer de manière plus claire l’état de ses finances publiques et, surtout, de ne pas rester dans le flou ? Ne prenons-nous pas des risques supplémentaires quant à l’appréciation des investisseurs et des agents économiques du monde sur notre monnaie et sur la solidité des titres représentatifs de notre dette publique, en biaisant un peu, par habileté, et en évitant la démarche de transparence par excellence qui consisterait à présenter et assumer, dans un contexte économique nouveau, une loi de finances rectificative ?

Certes, la technicité de nos finances publiques rend encore plus complexe que par le passé leur examen par le Parlement. Il convient de rappeler à l’ensemble de nos collègues que nous travaillons à présent dans un cadre dont nous nous sommes dotés nous-mêmes, à la suite de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et que nous avons décliné grâce à une loi organique que l’opposition, monsieur le ministre, malgré toutes les critiques très cruelles et très injustes que vous lui adressez, a votée ! Sans l’opposition, cette loi organique n’aurait pas pu être adoptée par les deux chambres du Parlement.

Cette loi organique nous conduit, comme l’a expliqué notre collègue Vincent Delahaye, à raisonner en termes d’effort structurel, de solde structurel et de solde conjoncturel. Lorsque Jean Arthuis et moi-même avons été associés aux réflexions qui ont abouti à la définition de ces méthodes, dans le cadre du groupe de travail que présidait le gouverneur honoraire de la Banque de France Michel Camdessus, nous avons cru devoir donner l’alerte sur la technicité et la complexité de ces méthodes. En effet, il nous semblait que dire qu’une économie ne consiste plus en une réduction nominale de la dépense publique, mais en une inflexion par rapport à une tendance créerait des difficultés de compréhension pour nos concitoyens et rendrait plus délicate la mobilisation des énergies, tant ces concepts sont intellectuellement complexes.

Mais telle est bien la réalité dans laquelle nous sommes. Cette réalité est nécessaire, puisqu’elle permet de comparer les décisions prises dans le cadre de l’Union économique et monétaire par les différents États qui ont l’euro en partage. Dans un souci pédagogique d’organisation du dialogue démocratique et pour que l’opinion assume les efforts, ne serait-il pas préférable de s’exprimer à la fois dans le cadre des notions techniques que je viens d’évoquer et, plus directement, en termes de solde nominal, de dépenses nominales ? En effet, il serait souhaitable de rendre accessible au raisonnement de bon sens des efforts qui sont sans doute nécessaires dans leur principe, mais qui, pour réussir, ont besoin de la compréhension et de la mobilisation de toutes et de tous.

Considérant que la transparence, malgré vos propos, monsieur le ministre, a encore beaucoup de progrès à faire, je me prononcerai donc, comme mes collègues de l’opposition, contre l’adoption de ce projet de loi de règlement, sans nier les difficultés réelles des temps que nous vivons. Ce n’est pas en biaisant avec les réalités, en contournant le fait que les déficits s’approfondissent que l’on simplifiera la situation pour demain ! Ce n’est pas en laissant filer en 2013 que l’on sera en mesure de mieux maîtriser les choses en 2014 ! Les écarts seront encore plus importants à résorber, les efforts plus importants. Comme le disait une sénatrice auvergnate, il n’est certainement pas d’économie qui soit indolore…

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