Ce n’est évidemment pas une solution. En effet, vouloir, à chaque baisse des prévisions de croissance, mettre un « tour de vis » supplémentaire, qu’il soit budgétaire ou fiscal, pour garder inchangé un objectif de déficit public par rapport au PIB serait absurde. Au-delà de l’absence de visibilité et de consistance, disons clairement qu’une telle politique serait totalement procyclique et nous entraînerait dans une inquiétante spirale de décroissance.
De plus, une telle politique n’est ni réclamée par nos partenaires ni recommandée par les institutions internationales. Au contraire, une prise de conscience a eu lieu, notamment grâce à la position constante de la France portée par le Président de la République dès le lendemain de son élection, qui vise à concilier sérieux budgétaire et soutien à la croissance en Europe. Chacun peut aujourd'hui reconnaître que ce discours de la France, dès le mois de juin 2012, a été progressivement partagé par nombre de nos partenaires européens, ce dont on peut se réjouir.
Ainsi, une mission récente du FMI estime que « la stabilité des finances publiques exige que l’effort de consolidation soit poursuivi à moyen terme. Après trois années d’ajustement budgétaire substantiel, il existe une marge pour modérer à l’avenir le rythme de la consolidation, à condition que l’effort soit concentré sur les dépenses et soutenu par la poursuite des réformes structurelles ». Pour sa part, l’Union européenne devrait nous accorder, comme à quelques autres États, deux années supplémentaires pour revenir sous la barre des 3 % de déficit public.
Ce délai ne doit pas nous conduire à dévier de notre politique, qui est résolument engagée vers le retour à l’équilibre structurel, car nous prendrions immédiatement le risque d’en payer le prix, vis-à-vis de nos partenaires européens comme de nos créanciers. Au contraire, il confirme le bien-fondé de notre trajectoire, que l’on pourrait résumer dans deux phrases figurant dans les lettres plafonds que le Premier ministre a envoyées aux ministres il y a quelques jours : « Le ralentissement économique qui touche l’ensemble de l’Europe depuis l’été 2011 pèse sur la réduction de notre déficit nominal et justifie que le rythme de sa réduction soit adapté afin de ne pas fragiliser la reprise économique. Dans ce contexte, nous devons confirmer notre engagement de maîtrise de la dépense publique comme levier principal de la réduction de notre déficit structurel et du redressement de nos finances publiques. »
Nous pouvons tous partager un constat, celui de la difficulté de procéder au redressement de nos comptes publics dans une conjoncture économique très déprimée, en Europe et dans le reste du monde. Dans ce contexte, nous devons éviter deux excès inverses : le laxisme et l’austérité. Le premier mettrait en cause notre crédibilité et nos engagements européens, sans compter qu’il reporterait une fois de plus la charge de l’ajustement sur les générations futures ; le second favoriserait une récession qui nuirait en retour à notre capacité à redresser nos comptes publics et à la reprise attendue en 2014.
Par conséquent, la seule option nous permettant de concilier sérieux budgétaire et croissance économique consiste à respecter notre trajectoire d’ajustement structurel, qui permet de sécuriser notre retour vers l’équilibre tout en laissant jouer les stabilisateurs automatiques, donc en limitant l’impact récessif.
Cet ajustement, on le sait, portera désormais principalement sur les dépenses, à hauteur de 70 % dès 2014. Le choix de faire principalement porter l’effort sur les recettes en 2012 et en 2013 était pleinement justifié : d’abord, parce qu’une baisse des dépenses publiques aurait eu un impact négatif plus important sur la croissance ; ensuite, parce que les réductions de dépenses publiques ne se décrètent pas. Pour être acceptées, durables et intelligentes, elles supposent une réflexion et une concertation, que le Gouvernement a engagées dans le cadre de la modernisation de l’action publique. Nous voyons d’ailleurs les résultats très concrets des premiers travaux menés dans ce cadre, s’agissant par exemple des aides aux entreprises. La suite de ces travaux, dont le champ est très large, permettra d’éclairer les choix que nous devrons faire au cours des prochaines années pour amplifier et consolider notre effort sur les dépenses publiques.
Le niveau d’ajustement prévu pour 2014 a vocation à satisfaire à l’objectif, ambitieux, des 3 % en fin d’année. Il est possible que nous n’atteignions pas cet objectif, tant les recettes dépendent de la croissance et, de surcroît, d’une élasticité qu’il est impossible de prévoir. Toutefois, en retenant les hypothèses de croissance les plus dégradées disponibles actuellement – nous avons débattu de cette question hier en commission des finances –, nous respecterions les conditions fixées par l’Union européenne, sous réserve toutefois que nous respections bien l’effort prévu, en particulier concernant les dépenses de l’État et de sécurité sociale, sur lesquelles le Gouvernement a le plus de maîtrise.
S’agissant de la capacité à maîtriser l’évolution des dépenses publiques et, dès demain, à réduire les dépenses de l’État, il me semble que la démonstration n’est plus à faire : comme nous l’avons vu, pour la première fois, l’État a dépensé moins en 2012 que les années précédentes, y compris en tenant compte de la charge de la dette et des pensions. En 2014, les dépenses, hors charge de la dette et pensions, devraient diminuer de 1, 5 milliard d’euros, effort qui mettra à contribution non seulement l’État, mais aussi les collectivités territoriales et les opérateurs.
Les plafonds de crédits des missions qui nous ont été communiqués montrent que cette réduction n’empêche pas le Gouvernement de financer ses priorités et de respecter ses engagements, comme les créations d’emplois dans l’enseignement, la justice et la sécurité. Mais ce choix exigeant devra, pour être approfondi, s’appuyer dès 2015 – permettez-moi d’insister sur ce point – sur des réformes structurelles revisitant le périmètre et les modalités d’intervention de l’ensemble des acteurs publics.
S’agissant des recettes, il faudra trouver des recettes nouvelles en 2014. Je considère pour ma part qu’il est nécessaire, dès le prochain projet de loi de finances, d’engager la transition vers la fiscalité écologique, en fixant une trajectoire sur plusieurs années. Je précise bien qu’il ne s’agit pas d’augmenter les impôts au-delà de ce qui doit être fait pour assurer notre trajectoire, d’autant que la fiscalité écologique constitue une partie de la compensation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui a permis de réduire le coût du travail pour les entreprises.
D’aucuns considèrent qu’il serait beaucoup plus facile et acceptable de le faire dans une période de forte croissance et de faible pression fiscale ; j’en conviens volontiers, mais il ne me semble pas qu’il faille renoncer pour autant à l’idée que la fiscalité peut contribuer à transformer nos comportements. Notre détermination à tenir le cap vers l’équilibre structurel ne doit pas nous empêcher de transformer notre pays et de le préparer aux défis de demain. C’est ce que le Gouvernement entend faire à travers l’investissement en faveur de l’école, la modernisation de l’action publique, l’amélioration de la compétitivité des entreprises ou encore l’annonce prochaine d’un plan d’investissement pour les dix ans à venir, qui concernera le numérique, la transition énergétique, la santé, les grandes infrastructures et, d’une manière générale, les nouvelles technologies.
Mes chers collègues, j’ai le sentiment, conforté par les propos tenus aujourd’hui par Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, que la France prépare l’avenir dans de bonnes conditions. Les réformes structurelles sont engagées, la situation budgétaire du pays s’améliore déjà et s’améliorera encore plus en 2014.