Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette année encore, la commission des affaires sociales a la volonté de contribuer au débat sur l’orientation des finances publiques, en apportant un éclairage particulier sur la situation des finances sociales.
Je souligne que la couverture des risques sociaux constitue, à ce jour, le premier poste de dépenses des administrations publiques et que, en 2014 comme en 2013, les organismes de sécurité sociale participeront de manière substantielle à l’effort structurel annoncé par le Gouvernement.
Cet effort me paraît bienvenu.
Il correspond d’abord à l’application des lois de la République. Je vous rappelle à cet égard – nous avons une fâcheuse tendance à l’oublier – que le principe d’équilibre des différentes branches qui composent le régime général est inscrit dans le code de la sécurité sociale.
Cet effort répond ensuite à la mise en œuvre d’un principe de bonne gestion. Si le poids de la dette sociale ne représente aujourd’hui que 10 % du PIB, il nous expose en effet à des risques financiers importants et affaiblit considérablement la crédibilité de notre système de protection.
Cet effort répond enfin à un principe de justice. Financer les prestations sociales d’aujourd’hui par des déficits et de la dette revient – nous l’avons souvent souligné dans cet hémicycle – à reporter des charges sur les générations à venir, tout en hypothéquant le niveau de leur protection sociale. Une telle situation est économiquement, socialement et moralement inacceptable.
J’ai détaillé dans mon rapport écrit la situation des comptes du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, au vu de la clôture de l’exercice 2012 et des prévisions présentées, au début du mois de juin, par la commission des comptes de la sécurité sociale. J’y rappelle que les prévisions fixées en loi de financement ont été atteintes en 2012. Le déficit d’ensemble des différentes branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est ainsi repassé, pour la première fois depuis 2008, sous le seuil symbolique des 20 milliards d’euros, pour s’établir à 17, 5 milliards d’euros. À lui seul, le solde des différentes branches du régime général s’est amélioré de plus de 4 milliards d’euros par rapport à 2011.
Ce déficit reste sans doute trop élevé. Toutefois, dans un contexte économique pourtant moins favorable, il marque une amélioration de plus de 10 milliards d’euros par rapport au point bas historique atteint en 2010. Cette amélioration de la situation financière du régime général est pour partie liée à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. L’ONDAM, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, a ainsi été établi à 170 milliards d’euros en 2012, soit 870 millions d’euros de moins que l’objectif fixé par la loi de financement.
Reste que cette amélioration des comptes sociaux est surtout le fruit des nouvelles recettes votées dans le cadre du collectif budgétaire du 16 août dernier. Les mesures de suppression des niches sociales et le relèvement des taxes sur le capital, que la majorité sénatoriale avait déjà proposé en vain dans le cadre du PLFSS pour 2012, ont largement contribué à la croissance des produits du régime général.
Le découvert de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, s’est quant à lui établi à plus de 16 milliards d’euros au 31 décembre 2012.
En ce domaine, nous devons garder à l’esprit que si la reprise annuelle des déficits de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et du FSV est programmée jusqu’en 2018, rien à ce jour n’est prévu pour celle des déficits des branches maladie et famille. Ces déficits, financés en trésorerie par l’Agence, contribuent donc à peser sur les résultats de l’ACOSS et à dégrader les comptes du régime général. Certes, au regard des taux courts particulièrement attractifs dont bénéficient les organismes publics, la question du transfert des déficits résiduels à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, est sans doute moins stratégique qu’il y a quelques années. Toutefois, dette et trésorerie ne doivent pas être confondues, et nous devons nous interroger, comme nous y incite d’ailleurs la Cour des comptes, sur les conditions d’un éventuel transfert à la Caisse d’amortissement de l’ensemble des déficits constatés.
Si l’année 2012 a connu un recul considérable des déficits sociaux, l’année 2013 sera marquée par leur stabilisation.
Pénalisé par une croissance atone et une progression de la masse salariale moins dynamique que prévue, le déficit du régime général et du FSV devrait s’établir à 17, 3 milliards d’euros en fin d’année, soit une amélioration de 200 millions d’euros par rapport à 2012.
En dépit de 5 milliards d’euros de recettes nouvelles, le solde du régime général devrait quant à lui se dégrader de 1 milliard pour atteindre 14, 3 milliards d’euros.
Tous postes confondus, les dépenses de l’ONDAM seront pourtant à nouveau contenues. Cependant, le très faible dynamisme des ressources de la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, en particulier la faible progression des recettes de CSG, contribuera à aggraver le déficit de la branche.
Le même paradoxe est perceptible concernant les comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF. En dépit du ralentissement des dépenses, les comptes de la branche famille seront pénalisés par la décélération de ses recettes.
Les comptes du régime général sont, en temps de crise, une illustration du mythe de Sisyphe !
Malgré les recettes supplémentaires, malgré la maîtrise des dépenses, le déficit diminue à peine, traduisant l’importance de l’évolution de la masse salariale et l’existence de déficits structurels non corrigés en période de conjoncture favorable.
Au total, près de 13 milliards d’euros de recettes nouvelles auront été votées entre septembre 2011 et septembre 2012, pour une réduction effective des déficits de 3 milliards d’euros. Nous n’avons certes pas à regretter ce choix. En l’absence de mesures correctrices, le déficit avoisinerait les 26 milliards d’euros et les perspectives financières seraient de nouveau catastrophiques. Néanmoins, l’écart entre les efforts réalisés et les résultats obtenus met en évidence le chemin restant à parcourir pour atteindre l’équilibre des comptes sociaux.
Cet équilibre comptable n’est certes pas une fin en soi. En période de crise, notre système de protection doit bien évidemment jouer son rôle « d’amortisseur » social. C’est l’un des piliers de notre « pacte républicain » ! Mais comment pourrait-il continuer à garder son efficacité lorsque le niveau des déficits est tel qu’il remet en cause la soutenabilité des politiques qu’il porte ?
Dans ces conditions, il convient de saluer les réformes engagées par le Gouvernement et le respect, par celui-ci, de la feuille de route déterminée à l’issue de la conférence sociale de juillet 2012. Je pense en l’occurrence à la réforme de la politique familiale, largement inspirée par les travaux menés par Bertrand Fragonard, qui devrait en améliorer le caractère redistributif et procéder à des adaptations conformes aux besoins d’aujourd’hui. Les mesures proposées par le Gouvernement permettront ainsi de garantir des ressources supplémentaires aux familles les plus vulnérables, tout en améliorant les comptes d’une branche en déficit chronique depuis dix ans.
Je tiens à le préciser, en proposant la réduction du montant du plafond de l’avantage fiscal accordé au titre du quotient familial plutôt que la mise sous condition de ressources des allocations, la réforme envisagée me paraît opportune, et ce pour au moins trois raisons. D’abord, elle confirme le principe d’universalité des prestations familiales, auquel nous sommes toutes et tous attachés. Ensuite, elle conforte les acquis d’une politique familiale qui a donné d’excellents résultats. Enfin, elle évite de faire peser sur les CAF, les caisses d’allocations familiales, de nouvelles contraintes administratives susceptibles d’altérer leur fonctionnement.
La réforme des retraites sera l’autre grande réforme de l’automne, et les conclusions rendues par la commission Moreau ouvrent la voie à une dernière phase de concertation. Après l’accord conclu entre les partenaires sociaux le 13 mars dernier sur les régimes complémentaires, il s’agira d’une nouvelle étape vers la réduction des déficits d’une branche susceptibles de passer, tous régimes confondus, de 15 milliards d’euros en 2013 à plus de 20 milliards d’euros dès 2016.
Famille, retraites et, je me permets de l’ajouter, renégociation de la future convention d’assurance chômage, programmée en fin d’année, tels sont, mes chers collègues, les dossiers qui seront au menu de nos discussions de l’automne. Il s’agit de sujets sensibles sur lesquels chacun prendra ses responsabilités, d’enjeux essentiels sur lesquels nos concitoyens pourront nous juger et de thèmes structurants qui conditionneront l’avenir de notre pays.
Puisque nous sommes réunis aujourd’hui pour préparer les textes financiers de l’automne, je souhaiterais conclure mon propos en faisant état des récents travaux du Haut Conseil de financement de la protection sociale, qui, dans son rapport d’étape du 3 juin dernier, a dégagé quelques principes de bon sens susceptibles de guider l’évolution de la structure de financement des régimes sociaux.
Alors que nous dénonçons régulièrement la complexité des modalités de financement de notre protection sociale, de telles recommandations, si elles étaient suivies, permettraient sans doute de gagner en cohérence et intelligibilité. Le Haut Conseil préconise ainsi la définition de schémas de financement pérennes pour chacun des grands risques de la protection sociale. Il appelle également à la prise en compte de la dynamique des diverses sources de financement. Il nous est en effet arrivé – certains s’en souviennent certainement – de substituer des produits peu dynamiques à des ressources en forte progression. Je pense plus particulièrement au préciput assurance vie, attribué à la CNAF en lieu et place d’une part de CSG, …