Foin de l’austérité, de la rigueur et de la réduction des dépenses publiques, qui seraient, s’il fallait en croire les Barroso, Juncker, au demeurant spécialiste de l’évasion fiscale et défenseur du secret bancaire, et quelques autres, la seule solution, la panacée à tous les maux du temps !
Examinons ce qui se passe en Grèce, revenue en termes de richesse à l’année 2002, en Espagne, où plus d’un jeune sur deux est sans emploi et où il y a 27 % de chômeurs, ou au Portugal, avec la démission du ministre des finances et de celui des affaires étrangères après un mois de grève générale particulièrement suivie. Ces exemples montrent à l’envi que les politiques d’austérité des Barroso, Draghi, Monti, Merkel, Almunia et autres Juncker sont en train de tuer l’idéal européen et de créer une fracture irrémédiable avec les citoyens. Songeons simplement aux 8 milliards d’euros annoncés pour l’emploi des jeunes sur plusieurs années, et ce sans effet devant la profondeur du mal. Si l’Europe n’a que 8 milliards d’euros à mettre sur la table pour l’emploi des jeunes, autant ne même pas essayer !
La poursuite des politiques d’austérité, guidée par la rente des fonds de pension allemands et la rentabilité financière du capital, est l’outil de la division de la majorité politique et populaire qui a voulu le changement en mai 2012, après avoir subi pendant dix ans, et de manière accentuée pendant cinq ans, la vaine agitation de gouvernements de droite incapables de répondre aux attentes populaires.
Pour le gouvernement actuel, poursuivre l’austérité, c’est se couper de ceux-là mêmes qui l’ont élu, lesquels se partagent désormais entre attentistes, déçus, indifférents et révoltés.
Messieurs le ministre, vous pouvez suivre ainsi la pente fatale de la social-démocratie européenne, incapable un temps de reprendre le pouvoir aux Pays-Bas, en chute libre en Grèce ou en Espagne, au purgatoire au Portugal et qui s’apprête – je le crains sérieusement – à subir à l’automne en Allemagne une défaite majeure face aux unions chrétiennes, dont elle n’arrive pas à se distinguer en termes de propositions formulées.
Vous pouvez continuer de mener une politique qui, faute de combattre les injustices – je parle des vraies injustices, pas des « privilèges » dont jouiraient les fonctionnaires à la retraite avec 1 800 euros par mois en moyenne –, accroît les tensions, les divisions au sein même de la population et fait le lit de l’extrême droite aussi sûrement qu’un commissaire européen candidat au secrétariat général de l’OTAN. Mais vous pouvez aussi décider de changer de cap.
Les comptes sociaux et les comptes publics sont, nous dit-on, en déficit. Comment pourrait-il en être vraiment autrement ? Nous avons dans ce pays plus ou moins 3, 3 millions de chômeurs officiels, catégories A, B et C, comme l’on dit, et plus ou moins 5 millions de personnes sans emploi, à commencer par ceux et celles qui ne pointent même plus à Pôle emploi faute d’y trouver réponse à leur situation.
Je partage, dois-je le dire, l’opinion de Gérard Rivière, président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui disait voilà peu qu’aucune réforme d’ampleur de notre système de retraite n’avait de sens avec un tel niveau de chômage.
Si le schéma économique et social en vigueur consiste à intégrer la persistance d’un tel niveau de chômage, il est évident que nous ne nous en sortirons jamais qu’en imposant des reculs sans cesse plus vifs aux garanties collectives et à la qualité de notre sécurité sociale.
La modération salariale est à l’œuvre dans le secteur public, donnant des idées aux entreprises et aux patrons. De la même manière, nous ne pouvons que constater que la part du travail salarié est sans cesse plus faible dans la richesse créée. Et ce n’est pas la loi dite de « sécurisation de l’emploi », qui a donné de nouvelles armes au patronat pour licencier à sa guise – je vous rappelle les récents cas de Michelin à Joué-lès-Tours, de PSA à Aulnay-sous-Bois ou de la FNAC –, qui va améliorer la situation ! C’est pourtant au niveau des entreprises que nous disposons, avec les comités d’entreprise, les délégués du personnel, l’ensemble des instances représentatives du personnel, des premiers éléments d’inversion de la tendance.
Qu’on y songe, avec un exemple relativement simple : en 2013, 131, 2 milliards d’euros devraient être consacrés à la rémunération des fonctionnaires, comme au règlement des pensions des fonctionnaires de l’État aujourd’hui à la retraite. Et voilà qu’a été publié, le 18 juin dernier, un rapport de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, sur les aides de l’État aux entreprises, aides évaluées dans ce rapport à un total de 110 milliards d’euros ! Encore un effort, et l’État dépensera beaucoup plus à « aider » les entreprises au nom de l’emploi et de l’investissement qu’à rémunérer ses propres agents… Le plus intéressant est que le rapport Queyranne, censé définir quelques pistes d’économies budgétaires – entre 1 milliard et 2 milliards d’euros, si l’on en croit la lettre de mission d’Arnaud Montebourg –, a sanctuarisé les dépenses du type « taux réduits de TVA », « exonération des cotisations sociales » et « crédit d’impôt recherche ».
Mais quand va-t-on enfin écouter les salariés qui subissent, dans la trappe à bas salaires ouverte en grand par les exonérations, les effets pervers de la modération salariale ?
Quand va-t-on écouter les techniciens et cadres, qui savent que les dépenses de recherche n’ont de sens, dans trop d’entreprises, qu’à hauteur de la rentabilité immédiate qu’elles rapportent ?
Quand va-t-on entendre ceux qui savent fort bien que la baisse de la TVA dans la restauration n’a pas résolu les problèmes d’emplois et d’activité du secteur ?